Tribune. Le recours aux cabinets de conseil est trop révélateur du fonctionnement de l’Etat et de son rapport aux intérêts privés pour être réduit aux seuls sujets du non-respect du code de la commande publique et du délit de favoritisme. Ni « affaire d’Etat » ni « débat complotiste », il souligne la nécessité de renforcer encore la transparence des passations de marchés de prestations intellectuelles, pour veiller à toujours mieux encadrer l’influence des intérêts privés sur la conduite des politiques publiques ainsi que sur l’organisation et le fonctionnement de l’Etat.
La commission d’enquête du Sénat a posé, dans un rapport fort bien documenté, le bon diagnostic sur ces enjeux, et Transparency France soutient les propositions que celle-ci a pu formuler :
Renforcer la transparence des marchés publics
L’intérêt médiatique pour les cabinets de conseil a contribué à mettre en lumière le sujet technique mais majeur de l’encadrement des marchés publics. En effet, les prestations de conseil répondent à des appels d’offres lancés par l’Etat, et se concentrent sur le régime particulier des accords-cadres à bons de commande. Or, ces contrats, très généraux, ne permettent pas de distinguer quelles sont les prestations demandées et exécutées. Comme souvent dans le domaine des marchés publics, des informations existent sur les prestations de conseil réalisées pour le compte de l’Etat, mais celles-ci ne sont ni consolidées ni centralisées, ce qui rend leur compréhension difficile. Le journal Le Monde a réalisé ce travail, qui devrait être fourni par l’Etat, mais le résultat reste incomplet. Il est donc essentiel de faire la publicité sur les bons de commande des accords-cadres de conseil, et de consolider les informations sur ces marchés publics pour les rendre le plus accessibles possible, comme le recommande la commission d’enquête.
Garantir la traçabilité des prestations de conseil
Il a été relevé que les livrables [le résultat concret d’un projet] fournis aux services de l’Etat par les prestataires dans le cadre de leurs activités de conseil ne présentaient souvent aucun logo explicitant leur origine. Une pratique risquée du point de vue pénal, puisque ces marchés pourraient être requalifiés en prêts de main-d’œuvre.
Le manque de traçabilité induit également un risque de confusion entre conseil technique légitime et lobbying opaque. Les cabinets de conseil en stratégie ne sont en effet pas des représentants d’intérêts. Ils ne sont d’ailleurs pas inscrits au répertoire des lobbyistes de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Pourtant, la commission d’enquête a relevé des cas de tentative d’influence avérée sur la décision publique, ce qui, dans ce cas, relèverait d’un délit d’omission de déclaration de représentation d’intérêt. Pour s’assurer que les recommandations des cabinets de conseil répondent seulement au besoin émis par l’acheteur public et ne visent pas une modification législative ou réglementaire, il faut assurer la traçabilité des prestations des cabinets de conseil et la communicabilité de leurs rapports via la Commission d’accès aux documents administratifs, comme le recommande la commission.
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