Robots collaboratifs : nos alliés dans la réduction des risques ?

12 octobre 2023
Par Isabelle Pronovost

Les robots collaboratifs peuvent rendre de précieux services aux travailleurs. Encore faut-il les tester de manière approfondie pour s’assurer qu’ils ne présentent aucun danger.

Les robots font tantôt rêver, tantôt craindre le pire. Dans le domaine du travail, la peur est souvent liée à l’automatisation à grande échelle et au remplacement de l’être humain. Selon David St-Onge, professeur agrégé au Département de génie mécanique de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et directeur du Laboratoire INIT Robots, cette sombre vision ne risque pas de se matérialiser, du moins sur les chantiers de construction. « Les robots collaboratifs sont vraiment un outil, de mon point de vue, au même titre qu’un marteau. C’est juste un marteau très intelligent, mais ça reste un outil. On a toujours le travailleur qui est là et qui fait son travail, c’est juste un outil pour l’aider à le faire mieux. »

 

De multiples applications

Aussi appelés « cobots », les robots collaboratifs ont d’abord fait leur apparition dans l’industrie manufacturière. Il s’agit le plus souvent de bras robotiques utilisés sur des stations de travail pour aider les ouvriers à exécuter différentes tâches, notamment de l’assemblage. Pour David St-Onge, la définition se veut toutefois plus large : « C’est un robot qui est conçu pour partager un espace de travail et une tâche avec un opérateur humain. »

 

David St-Onge, professeur agrégé au département de génie mécanique de l’ÉTS et directeur du Laboratoire INIT Robots. Crédit : Gracieuseté

 

Les possibilités sont donc infinies. La professeure au Département de génie de la construction à l’ÉTS Ivanka Iordanova donne l’exemple d’un robot qui collaborerait avec un maçon pour ériger un mur de briques comportant un motif. Ce robot s’avérerait probablement plus performant que l’ouvrier pour poser les briques au bon endroit, ayant le modèle en tête, mais peut-être moins habile que ce dernier pour appliquer le mortier. Les drones pourraient aussi être considérés comme des systèmes collaboratifs, étant opérés par des humains. Ils ont d’ailleurs été employés pour inspecter le parement de la tour du Stade olympique à la suite des travaux d’aménagement de bureaux.

 

Même si les idées ne manquent pas, on est loin d’une utilisation répandue dans le domaine de la construction. Des entrepreneurs commenceraient à acquérir des robots, mais en seraient encore à l’étape de tests, surtout effectués dans des chantiers déserts afin de diminuer les risques. Ce retard dans l’implantation s’expliquerait de deux façons : une crainte à l’égard de la technologie jumelée à une absence normative. « C’est parce qu’on a peur. Puis, il n’y a pas une bonne législation qui englobe l’utilisation des robots sur les chantiers », résume Ivanka Iordanova.

 

Une aide en matière de santé et sécurité ?

Les deux professeurs en conviennent, davantage d’essais devront être effectués avant de pouvoir faire une utilisation généralisée des robots collaboratifs. C’est que ces engins comportent certains dangers, bien que ces derniers soient assez connus, estiment-ils. Il y a, par exemple, le risque de collision, qui existe déjà sur les chantiers où des véhicules en tout genre circulent et peuvent heurter les ouvriers. Comme ces véhicules sont opérés par des humains, les chances qu’une collision survienne sont minces, mais les conséquences restent graves. Avec des robots, dont la masse est moins importante, la gravité des blessures diminue. En revanche, la probabilité d’occurrence est plus élevée.

 

Ivanka Iordanova, professeure au département de génie de la construction à l’ÉTS. Crédit : ÉTS

 

Il est toutefois possible de programmer des mécanismes de sécurité, comme des lidars reliés au système de locomotion du robot. Ainsi, si l’engin détecte un travailleur qui s’approche de trop près, ou qu’il ne reconnaît pas, il coupe automatiquement les moteurs et cesse d’avancer. Pour les robots fixes qui travaillent en plus grande proximité avec les ouvriers — comme aide-briqueteur, pour reprendre l’exemple ci-dessus —, il existe des dispositifs de détection de présence tactile : le bras robotisé arrête de fonctionner lorsqu’il ressent une force d’appui trop importante, signe qu’il est peut-être en train d’écraser quelque chose ou quelqu’un.

 

David St-Onge se montre optimiste en matière de santé et sécurité, bien qu’il admette ne pas être issu du milieu de la construction et porter parfois des lunettes roses : « Ma vision, mon espoir, c’est qu’on arrive à renverser la vapeur et dire que ces systèmes robotiques ne sont pas seulement de nouveaux risques, ils sont aussi des aides pour gérer les risques actuels qu’on a toujours vus sur les chantiers. Et là, en plus d’un outil robotique à la construction, ça devient un outil en santé et sécurité. C’est ce qui m’intéresse beaucoup avec ce genre de déploiement-là : aider à rendre les chantiers plus sécuritaires », s’enthousiasme- t-il. Pour illustrer son propos, il donne l’exemple d’un engin qui se promènerait et cartographierait tout ce qu’il voit sur le chantier, de façon à pouvoir avertir les ouvriers d’un danger imminent.

 

Un lent déploiement

Le professeur et chercheur croit que le déploiement des robots en construction se fera d’une manière similaire à celle qui a eu cours dans l’industrie manufacturière. Tout commence par une entreprise qui pense que l’assemblage d’un produit spécifique pourrait bénéficier de l’utilisation d’un « cobot », teste l’idée dans une section séparée de son usine afin de faire une analyse de risque complète, puis intègre la technologie à son processus manufacturier. Ensuite, d’autres personnes dans l’industrie s’en inspirent pour effectuer des tâches similaires et, au fil du temps, les robots finissent par réaliser des tâches de plus en plus complexes.

 

Si, en outre, le cadre réglementaire en matière de santé et sécurité doit être adapté, ce n’est pas demain qu’on verra une armée de robots collaboratifs s’activer sur les chantiers. Pourtant, ils pourraient donner un sérieux coup de main dès maintenant, en cette ère de pénurie de main-d’oeuvre.

 

« Je pense qu’il ne faut pas avoir peur des robots; on va les voir de plus en plus sur les chantiers ou en usine. Et je pense qu’on va en profiter en tant que société parce que, encore hier, j’ai entendu dire qu’il faut construire cinq millions de logements au Canada dans les 10 prochaines années. C’est énorme ! Donc, il faut se faire aider », conclut Ivanka Iordanova.

 

PLUSIEURS RISQUES IDENTIFIÉS

Sabrina Jocelyn, ingénieure et chercheuse en sécurité des machines industrielles à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), a identifié différents risques liés à l’emploi de robots collaboratifs. Parmi ceux-ci, les risques d’impact seraient les plus importants, tels que les écrasements, les chocs et les pincements.

À ces risques s’ajoutent les blessures induites par le contact avec des pièces dangereuses manipulées par des robots, les dommages d’ordre musculosquelettique et les problèmes psychosociaux, comme le sentiment d’isolement.