Sébastien Bougon, un aéronef dans l’air du temps
Le Trophée de l’Impact « visionnaire » a été remis par Google France
Si l’avenir est rempli de promesses, c’est grâce à des entrepreneurs comme Sébastien Bougon. A 52 ans, cet ingénieur civil est PDG de Flying Whales, la baleine volante. Un projet fou de ballon dirigeable géant, capable de transporter jusqu’à 60 tonnes de charge utile dans les endroits les plus inaccessibles. Pales d’éoliennes, pylônes haute tension, conteneurs et même hôpitaux mobiles pour les situations d’urgences, les applications sont multiples.
« L’idée est née il y a plus de dix ans en discutant avec le président de l’Office national des forêts, qui expliquait comment les exploitants rencontraient des problèmes d’accès pour produire davantage de bois alors que la filière était très déficitaire », raconte-t-il. Pas de routes pour extraire les troncs ? Pourquoi ne pas passer par les airs ? Le projet Flying Whales était né.
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Alors que les hélicoptères classiques ne disposent que d’une charge maximum de transport 5 tonnes en général, ce dirigeable nouvelle génération emportera plus de dix fois cette charge en étant neutre en carbone grâce à son ballon zéro émission. Innovation majeure par rapport aux Zeppelin qui soulevaient déjà jusqu’à 90 tonnes il y a un siècle, le ballon pourra embarquer et débarquer sa marchandise tout en restant en vol stationnaire. Une grue accrochée aux nuages.
Think big ! Sébastien Bougon a toujours vu grand. Dès le début de sa carrière, les ponts qu’il dessine – sa première passion – sont de grands ponts, à haubans de préférence : le pont de Normandie ou le pont Vasco de Gama à Lisbonne, à l’époque le plus long d’Europe (12 km). Des concessions qui le mènent ensuite vers la finance. C’est alors du plus grand stade de France qu’il s’occupe, le Stade de France, pour monter la concession avant la coupe du monde.
Durant ses huit années chez TF1, il a ensuite été gérant financier, puis PDG de plusieurs filiales avant d’être nommé adjoint au directeur général et conseiller spécial du président de l’époque, Patrick Le Lay.
Ce dernier l’embarque dans le courant des années 2000 pour gérer un fonds de placement commun aux familles Bouygues et Pinault, Serendipity. Il réalise alors un rachat d’entreprise, la restructure et la revend avec succès en 2012. C’est là qu’il rencontre le président de l’ONF, qui lui explique ses problèmes logistiques. « On avait les mêmes quand on construisait des ponts. A l’époque, on avait pensé à des dirigeables », se souvient Sébastien Bougon. Il va voir l’Onera, le centre français de recherche aérospatiale ; la collaboration prend forme. Puis démarche différents industriels : un consortium est rapidement monté.
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Aujourd’hui, ils sont une quarantaine d’acteurs embarqués dans ce projet, dont Safran, Thales, mais aussi de belles ETI comme ADF, Tecalmi ou Diatex. L’Etat aussi a rejoint le tour de table avec Bpifrance, tout comme la province de Québec qui a pris 25 % du capital. En juin, Sébastien Bougon a levé 122 millions d’euros.
Il développe en parallèle le dirigeable dont le premier exemplaire sortira d’usine en 2024 et fera ensuite l’objet de deux ans d’essais au sol avant d’être certifié ; mais aussi une compagnie aérienne et aéroportuaire, Flying Whales Services. « On va déployer 150 bases qui seront comme 150 petits aéroports », promet le fondateur.
Le secret de la réussite? « De la ténacité, car tout est toujours extrêmement long dans l’aéronautique. Une vision très forte et savoir brûler ses navires, sinon on abandonne. Un projet comme Flying Whales, c’est un demi-milliard d’euros d’investissements ».
Trophée de l'Impact « Visionnaire » : les autres nommés
Isabel Mayer-Semper, Senior advisor de Jolt Capital
Matthieu Heurtel, Grégoire Genest, Mathieu Schimpl, respectivement co-fondateur, CEO & co-fondateur, COO & co-fondateur de Albert School
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