“Mais dans quel camp est [Recep Tayyip] Erdogan ?” Avec le diable Vladimir Poutine ou l’ange Volodymyr Zelensky ? Depuis le début de l’invasion russe, le président turc se trouve “en plein dilemme”, constate The Spectator en une de son édition du 26 mars. Membre de l’Otan et signataire récente d’un accord de libre-échange avec l’Ukraine d’un côté, dépendante de l’énergie et du tourisme russes de l’autre, “la Turquie a un pied à l’Est et un pied à l’Ouest”.

“Jusqu’à présent, Erdogan ménage la chèvre et le chou, analyse l’hebdomadaire britannique. Ankara ne s’est pas joint aux sanctions imposées à Poutine par Washington et par Bruxelles, et l’espace aérien turc reste ouvert aux avions russes.” Mais dans le même temps, le président turc tente de rassurer ses alliés occidentaux : d’abord en “invoquant la convention de Montreux de 1936, qui permet à la Turquie de fermer le détroit du Bosphore aux navires russes en temps de guerre”, puis “en qualifiant d’inacceptable” cette agression russe d’un État souverain.

Permettre à Poutine de sauver la face

Dans ce contexte, le pays tente de s’imposer comme un médiateur incontournable. En témoignent les discussions (infructueuses) organisées le 10 mars à Antalya entre ministres des Affaires étrangères ukrainien, russe et turc. “Depuis le début de la crise, Erdogan échange régulièrement aussi bien avec Poutine qu’avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, mais aussi avec le Biélorusse Alexandre Loukachenko”, ajoute le magazine conservateur.

Il faut dire qu’Erdogan a tout à gagner d’une résolution rapide du conflit, alors que les élections législatives de 2023 se profilent à l’horizon. “Pour les remporter, il doit à tout prix éviter un effondrement de l’économie”, avertit The Spectator.

“Or la chute du rouble de 40 % liée aux sanctions va avoir des répercussions importantes en Turquie, notamment dans le secteur touristique. Le pays va subir de plein fouet l’effondrement du secteur du bâtiment russe et sa capacité d’achat de produits agricoles va être amoindrie.”

Seulement, l’autocrate turc voudra aussi éviter la chute du régime de Poutine, garant des investissements turcs en Russie. “Erdogan va privilégier une solution qui permettra à Poutine de sauver la face. Ce qui le mettra en opposition frontale vis-à-vis de ses alliés de l’Otan.”

Pour l’heure, la Turquie semble donc condamnée à rester assise entre deux chaises, ou “à califourchon sur le grillage”, comme l’écrit The Spectator. Coincée entre ses deux principaux partenaires économiques et géopolitiques.