Le propriétaire de Métro Média, qui vient de cesser la publication de plusieurs journaux, a encaissé un important dividende de 2,57M$ quelques mois avant le début de ses difficultés financières.
Vendredi dernier, l’entreprise propriétaire du journal Métro et de 16 journaux locaux annonçait la suspension immédiate de ses activités.
Le président, Andrew Mulé, a pointé du doigt le blocage des nouvelles par Meta, la chute des revenus publicitaires et la décision de Montréal d’avril 2022 d’interdire la distribution du Publisac, dans lequel plusieurs des journaux étaient insérés.
Or, quelques mois avant, à l’été 2021, le principal actionnaire de Métro Média, Michael Raffoul, s’est versé un dividende de 2,57M$, a appris notre Bureau d’enquête.
«Nous avions fait beaucoup de profits et j’ai pris un dividende, c’est tout, se défend M. Raffoul. Quand j’ai pris le dividende, il restait plus de 1,5M$ dans la compagnie. J’ai mis beaucoup d’argent dans cette entreprise. Je n’ai pas investi pour perdre de l’argent.»
Des profits durant la COVID
À ce moment, l’entreprise était en effet très profitable.
En 2020-2021, elle avait enregistré un bénéfice de près de 30%, soit environ 4M$, et s’enlignait vers des profits de près de 3M$ en 2021-2022, démontrent des documents financiers obtenus par notre Bureau d’enquête.
«Nous avons bien fait durant la COVID à cause des subventions salariales et des publicités gouvernementales», indique M. Raffoul, qui était à l'époque le président et seul actionnaire de l'entreprise.
Le montant de 2,57M$ est le seul dividende qu’il s’est versé, tempère-t-il.
Toutefois, MM. Raffoul et Mulé recevaient aussi un salaire combiné d’environ 26 000$ par mois, avant de le suspendre, début 2023.
Le président de Métro Média, Andrew Mulé, affirme qu’en 2021, il n’y avait aucune certitude que la Ville irait de l’avant avec l’interdiction du Publisac.
«Les revenus ont chuté après l’annonce de la mairesse [sur le Publisac]. La publicité gouvernementale a aussi arrêté en mars 2022. J’ai perdu 51,2% de mes revenus», affirme-t-il.
La subvention de 1,2M$ de la Ville de Montréal en soutien à la presse locale n’a pas suffi à compenser les pertes publicitaires, assure M. Mulé.
Avant même sa fermeture, Métro prévoyait déjà supprimer 16 de ses 68 postes pour éviter un trop grand déficit cette année.
Vers une faillite
Andrew Mulé plaide avoir cherché des solutions, en réduisant les coûts, en effectuant un virage numérique, mais il manquait de soutien financier.
«Je ne croyais pas que je pouvais financer une transition numérique sans aide gouvernementale», juge Michael Raffoul.
M. Mulé fustige le gouvernement du Québec qui aujourd’hui «reste muet» après s’être engagé à soutenir un modèle de coopérative.
Vendredi, le Parti libéral du Québec a d’ailleurs réclamé que le gouvernement Legault octroie une aide d’urgence d’un million de dollars à Métro Média.
Pour l’heure, l’entreprise de presse ne s’est pas mise à l’abri de ses créanciers et n’a pas déclaré faillite.
«Je n’en suis pas là encore, mais franchement je ne vois pas d’autres pistes en ce moment», laisse tomber Andrew Mulé.
Inquiétant selon l'administration Plante
Le responsable du développement économique dans l'administration Plante, Luc Rabouin, dit «sourciller» à la lecture de ces informations.
« Ce sont des informations qui me font sourciller à l'heure où les actionnaires multiplient les démarches pour obtenir du soutien financier par l'entremise de fonds publics », affirme-t-il.
Il soutient qu'il est «absolument essentiel d'avoir une discussion nationale» pour «préserver la mission des journalistes» qui traitent des enjeux locaux.