LFC #7 NOUVEAU
MARS 2018 DOUBLE COVER
100% INDĂPENDANT
180 PAGES DE CULTURE
LE MAG DIGITAL
Et aussi Ovidie Grégoire Delacourt Pauline Croze Karen Cleveland Sofi Tukker Diane Ducret et d'autres invités...
ARNAUD VALOIS LA RĂVĂLATION DU FILM CHOC 120 BPM
LAFRINGALECULTURELLE.FR
NOUVEAU // LFC MAGAZINE #1 #2 #3 #4 #5 #6
VOTRE RENDEZVOUS CULTUREL 100% gratuit, indépendant et généreux, Mensuel et uniquement digital, Des entretiens exclusifs dans une maquette fashion, Des photos exclusives avec LEEXTRA, Une double cover avec des artistes prestigieux, Des livres, de la musique, du spectacle, des séries TV.
DĂJĂ 100 000 LECTEURS
Merci !
ĂDITO
LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #7
RĂ©digĂ© par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Le deuxiĂšme numĂ©ro de l'annĂ©e 2018 propose Ă 80% des sujets FAIT MAISON, comme au restaurant, c'est-Ă -dire une rencontre authentique avec l'artiste + photographies exclusives grĂące Ă notre partenaire LEEXTRA. Nous remercions l'implication des photographes : Patrice Normand, Arnaud Meyer, Julien Faure, Julien Falsimagne, Franck Beloncle, et - honneur aux femmes - Ă CĂ©line Nieszawer qui signe nos deux covers. Merci aussi Ă Ursula sigon. Un grand MERCI Ă Ovidie et Arnaud Valois de nous avoir fait confiance. Ainsi qu'Ă GrĂ©goire Delacourt, Karen Cleveland, Lukas BĂ€rfuss, Alexander Maksik, Marie-Laure de Cazotte, SaĂŻdeh Pakravan, HĂ©loĂŻse Guay de Bellissen, Laurent Lamarca, Diane Ducret et Julien Dufresne Lamy. Vous ĂȘtes plus de 100 000 personnes Ă consulter le magazine depuis son lancement. MERCI pour votre fidĂ©litĂ© et vos partages sur les rĂ©seaux sociaux. TrĂšs bonne lecture les fringants, Rendez-vous fin mars, dĂ©but avril, pour le numĂ©ro #8 de LFC magazine.
ET SURTOUT... LA REPRODUCTION, MĂME PARTIELLE, DE TOUS LES ARTICLES, PHOTOS, ILLUSTRATIONS, PUBLIĂS DANS LFC MAGAZINE EST FORMELLEMENT INTERDITE. Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mĂšre, votre pĂšre, votre voisin, votre boulanger, votre femme de mĂ©nage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre prĂ©sident, votre grand-mĂšre, votre belle-mĂšre, votre libraire, votre collĂšgue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :
ARNAUD VALOIS OVIDIE
08
Marseille
10
CĂ©cilia Dutter
18
La Forme de l'Eau
22
Colombe Schneck
24
Le lauréat
26
Henri Demarquette
29
Carole Serrat
33
Nathalie Migeot / Sofiane
37
Zanna Sloniowska
41
Lukas BĂ€rfuss
46
Alexander Maksik
51
Marie-Laure de Cazotte
57
HĂ©loĂŻse G.de Bellissen
62
SaĂŻdeh Pakravan
67
Diane Ducret
72
Julien Dufresne Lamy
78
Sara Lövestam
82
CĂ©dric Lalaury
85
Karen Cleveland
90
Guillaume Richez
94
Dossier Marabout
106
Ovidie
113
Arnaud Valois
123
Grégoire Delacourt
130
Nemo Schiffman / Nilusi
135
Lou
140
Schérazade
146
Pauline Croze
152
Laurent Lamarca
157
Sofi Tukker
163
Les 5 piĂšces du mois
178
La sélection séries TV
L'ĂQUIPE
Fondateur et rédacteur en chef Christophe Mangelle
Journalistes Quentin Haessig Christophe Mangelle Laurent Bettoni
Coordinatrice Photographes Ursula Sigon LEEXTRA
Photographes CĂ©line Nieszawer Patrice Normand Arnaud Meyer Julien Faure Julien Falsimagne Franck Beloncle LEEXTRA
Traducteur Quentin Haessig
Ovidie, Arnaud Valois, Grégoire Delacourt, Karen Cleveland, Lukas BÀrfuss, Alexander Maksik, Marie-Laure de Cazotte, Saïdeh Pakravan, Héloïse Guay de Bellissen, Laurent Lamarca, Diane Ducret et Julien Dufresne Lamy sont exclusivement photographiés par les photographes de l'agence LEEXTRA, notre partenaire. Des sujets tous 100% "fait maison".
Chroniqueurs Nathalie Gendreau (Théùtre) de Prestaplume David Smadja (Cinéma) de C'est contagieux Quentin Haessig (Série TV) de La Fringale Culturelle Muriel Leroy Alexandra de Broca Clarisse Sabard
LFC MAGAZINE
MARS 2018 | #7
5
La sélection
de la rédaction
Livres, série TV, film, piÚce de théùtre...
par Christophe Mangelle, Laurent Bettoni, David Smadja, Alexandra de Broca...
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MARSEILLE SAISON 2 LA SĂRIE S'OFFRE UNE SECONDE CHANCE SĂRIE LFC MAGAZINE
01
UN CASTING QUATRE ĂTOILES
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX MARS 2018
DES ACTEURS EN GRANDE FORME. UNE SĂRIE TRĂS BIEN FILMĂE AVEC UNE INTRIGUE FAITES DE HAUTS ET DE BAS. C'EST ASSEZ INĂGAL, ON REGARDE EN PENSANT Ă HOUSE OF CARDS. CE SERAIT UNE TRĂS BONNE SĂRIE POUR LE PUBLIC TF1. MOYEN POUR CELUI DE NETFLIX.
L'AVIS EXPRESS DE LA RĂDACTION
PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS NETFLIX MARS 2018
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX
CĂCILIA DUTTER
LIVRE LFC MAGAZINE
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PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © ĂRIC GARAULT ET NATACHA SIBELLAS
CĂCILIA DUTTER VIVRE
LIBRE
AVEC
ET T Y
HILLESUM
Ă lâoccasion de la sortie de son nouveau livre, Vivre libre avec Etty Hillesum (Ă©ditions Tallandier), CĂ©cilia Dutter nous ouvre les portes de sa demeure parisienne et nous parle de la littĂ©rature, de la spiritualitĂ©, de la foi, des hommes et des femmes ainsi que de son inoxydable amour de la vie. Entretien.
02
LFC : Vous ĂȘtes Ă la fois romanciĂšre et essayiste, mais
travers le roman, lâauteur essaie de tendre des fils
câest bien par le roman que vous avez fait votre entrĂ©e
pour que dâautres sâen emparent et prolongent sa
en littĂ©rature. Quâest-ce qui vous a conduit alors Ă Ă©crire
réflexion.
des essais, et quel lien existe-t-il entre eux et vos Ćuvres de fiction ?
Dans un essai, on traite directement dâun thĂšme ou, sâil sâagit dâun essai biographique, on met en lumiĂšre
CD : Vous avez raison, jâai commencĂ© mon parcours
une personnalité. Dans tous les cas, on ne les choisit
littéraire par deux romans : Une présence incertaine (ThélÚs,
jamais par hasard mais parce quâĂ travers ce sujet ou
2005), puis La Dame de ses pensĂ©es (Ramsay, 2008). Mais Ă
cet ĂȘtre singulier on va pouvoir illustrer des valeurs
partir de 2010, oĂč jâai publiĂ© une biographie, Etty Hillesum,
qui nous tiennent Ă cĆur.
une voix dans la nuit (Robert Laffont), ma bibliographie comprend aussi bien des romans comme Zeina, bacha posh (Le Rocher, 2015) que des essais comme Et que le désir soit (Desclée de Brouwer, 2011).
LFC : Comment envisagez-vous la suite de votre cheminement littéraire, entre textes de fiction et textes de non-fiction ?
MĂȘme si romans et essais ne rĂ©pondent pas aux mĂȘmes
CD : Ă vrai dire, jâaime Ă©crire les deux et je compte
critĂšres structurels et formels, jâai lâimpression de suivre une
bien continuer Ă passer alternativement de lâun Ă
mĂȘme ligne littĂ©raire et de dĂ©fendre une mĂȘme vision du
lâautre. Je me sers souvent de mes essais pour nourrir
monde, au sein de lâensemble de mes ouvrages, quel quâen
mes romans. Dâailleurs, la frontiĂšre entre les deux
soit le genre.
genres nâest pas si marquĂ©e que lâon croit.
Dans une Ćuvre de fiction, lâimportant, câest, bien entendu,
à toi, ma fille (Le Cerf, 2017), par exemple, est un récit-
dâintĂ©resser le lecteur Ă lâhistoire quâon lui raconte, de la
essai Ă©crit sous forme Ă©pistolaire. Ă travers un recueil
construire de telle sorte quâil ait envie de tourner les pages.
de lettres au ton résolument intimiste et personnel,
Mais lâhistoire est toujours au service dâune rĂ©flexion, dâune
empreintes de tendresse et dâaffection, une mĂšre
idĂ©e quâon se fait de la vie et quâon aimerait partager. Ă
(celle que je suis) sâadresse Ă sa fille de 17 ans en vue
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de lui transmettre ses ultimes conseils et lui rappeler
Pourquoi sâenfermer dans un
les valeurs essentielles sur lesquelles sâappuyer pour
genre ? Et pourquoi sâinterdire de
construire et déployer pleinement sa vie de femme,
mĂ©langer les genres ? Ecrire, câest
son rapport aux autres, au monde et Ă Dieu, avant
ĂȘtre libre ! Un tĂ©moignage, un rĂ©cit
quâelle accĂšde Ă sa majoritĂ©. Jây aborde des thĂšmes
littéraire peuvent trÚs bien trouver
variés et universels comme la maternité, la religion, le
leur place au sein dâun essai. Il ne
bonheur, lâamour, la libertĂ© fĂ©minine, la sexualitĂ©, le
sâagira pas alors de raconter sa
couple, le désir, la famille, la mort, le mal, le pardon, le
propre histoire comme dans un
rĂȘve, lâart, etc.
roman autofictionnel mais dâessayer de comprendre les
Lâessai a une dimension philosophique et spirituelle,
enjeux et les enseignements
mais le fait de lâavoir Ă©crit sous forme de lettres mâa
universels quâelle recĂšle. En quoi
permis dâinstaurer une proximitĂ© avec le lecteur et de
cette petite histoire qui est la nĂŽtre
rendre, je pense, sa lecture plus fluide.
sâinscrit dans la grande histoire de lâĂȘtre humain.
MĂME SI ROMANS ET ESSAIS NE RĂPONDENT PAS AUX MĂMES CRITĂRES STRUCTURELS ET FORMELS, JâAI LâIMPRESSION DE SUIVRE UNE MĂME LIGNE LITTĂRAIRE ET DE DĂFENDRE UNE MĂME VISION DU MONDE, AU SEIN DE LâENSEMBLE DE MES OUVRAGES, QUEL QUâEN SOIT LE GENRE.
LFC : La spiritualitĂ© est prĂ©sente dans tous vos ouvrages, mĂȘme si dans vos romans elle est en filigrane pour qui souhaite la voir. Il se pourrait bien que cela soit dĂ» Ă votre histoire familiale et personnelle. Pouvez-vous nous Ă©clairer Ă ce sujet et nous expliquer oĂč vous en ĂȘtes aujourdâhui, dans votre foi et dans vos croyances ? CD : Ma mĂšre est juive, mais elle ne mâa pas Ă©levĂ©e dans le judaĂŻsme et ne sâest pas opposĂ©e Ă ce que je sois baptisĂ©e, comme le souhaitait mon pĂšre, qui Ă©tait catholique. Jâai du sang juif qui coule dans les veines et une foi chrĂ©tienne. Cela ne mâapparaĂźt nullement antinomique. Ma double
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LES LIVRES DE CĂCILIA DUTTER
appartenance est, au contraire, un enrichissement
Michel, 2012, prix Charles-Oulmont de la Fondation
personnel.
de France). Elle est sous-jacente Ă lâhistoire et on ne la dĂ©cĂšle que si lâon y est ouvert soi-mĂȘme. Il y a donc
Ma religion de rĂ©fĂ©rence, câest le catholicisme. Mais plus
plusieurs degrĂ©s de lecture, mais il nâest jamais
largement, je dirais que je suis chrétienne.
question de religion, je ne fais aucun prosĂ©lytisme, ce qui mâintĂ©resse, câest de parler, Ă travers mes hĂ©ros et
Je suis aussi trÚs inspirée par les sagesses orientales qui
mes hĂ©roĂŻnes, de la responsabilitĂ© de lâĂȘtre humain,
viennent Ă©galement nourrir mon croire. Bible et Tao trĂŽnent
des choix existentiels auxquels il ne peut se
sur ma table de chevet.
soustraire, de ceux qui le réduisent ou le
Au fond, je pense quâil y a de trĂšs nombreux chemins pour
grandissent⊠Et cela, en effet, appartient
grimper la montagne, la seule chose qui compte, câest de
Ă©minemment Ă la sphĂšre spirituelle.
tenter lâascension vers le sommet. LFC : PrĂ©fĂ©rez-vous que lâon vous considĂšre comme un auteur de la religion ou comme un auteur de la spiritualitĂ© ? Quelle est la diffĂ©rence ? CD : Ni lâun ni lâautre, Ă la vĂ©ritĂ©. Je suis un auteur tout court. Simplement, Ă©crire sâinscrit dans ma quĂȘte spirituelle. DĂšs lors, il est logique que la spiritualitĂ© affleure dans mes romans, comme par exemple dans Lame de fond (Albin
AU FOND, JE PENSE QUâIL Y A DE TRĂS NOMBREUX CHEMINS POUR GRIMPER LA MONTAGNE, LA SEULE CHOSE QUI COMPTE, CâEST DE TENTER LâASCENSION VERS LE SOMMET. LFC : Pour quelle raison vous intĂ©ressez-vous autant Ă Flannery OâConnor et particuliĂšrement Ă
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Ă Etty Hillesum ?
multiples conquĂȘtes masculines de combler son vide existentiel. Câest donc par le prisme de son
CD : Ce que jâaime, chez Flannery OâConnor, nouvelliste et
histoire personnelle chaotique quâelle nous
romanciĂšre du Vieux Sud des Ătats-Unis des annĂ©es 1950,
donne à lire la grande Histoire que sa destinée
Ă qui jâai rĂ©cemment consacrĂ© une biographie, Flannery
croise. Mais câest aussi Ă travers sa propre
OâConnor, Dieu et les gallinacĂ©s (Le Cerf, 2016), câest son
Ă©volution psychique, fruit dâune analyse, et de sa
parcours dâĂ©crivain et son univers littĂ©raire. Catholique
fulgurante Ă©volution spirituelle, quâelle nous
dâorigine irlandaise en pays protestant, dotĂ©e dâune foi
donne à méditer sur la vie.
inĂ©branlable, elle cherche Ă dĂ©voiler, Ă travers son Ćuvre,
Au-delĂ des frontiĂšres, des croyances et des
le sens du sacrĂ© que recĂšle lâexistence. Pour autant, ses
religions, le lumineux message quâelle dĂ©livre
textes nâont rien dâĂ©difiant et sâappuient sur une mise en
ouvre Ă une spiritualitĂ© universelle qui sâadresse Ă
scÚne souvent trÚs crue de la réalité. Elle nous fait part
chacun.
dâune vision ĂŽ combien exigeante de lâart dâĂ©crire et de la mission de lâĂ©crivain croyant. Pour lâauteur que je suis, elle est un guide. Quant Ă Etty Hillesum, je lui ai consacrĂ© trois ouvrages, dont
Un cĆur universel. Regards croisĂ©s sur Etty Hillesum (Savaltor, 2013). Je suis, par ailleurs, prĂ©sidente de lâAssociation des amis dâEtty Hillesum, qui sâest donnĂ©e pour mission de faire connaĂźtre ses Ă©crits et de diffuser sa
AU-DELĂ DES FRONTIĂRES, DES CROYANCES ET DES RELIGIONS, LE LUMINEUX MESSAGE QUâELLE DĂLIVRE OUVRE Ă UNE SPIRITUALITĂ UNIVERSELLE QUI SâADRESSE Ă CHACUN.
parole au plus grand nombre. LFC : Le choix de deux femmes comme modÚle Cette jeune femme juive néerlandaise de 27 ans, qui de
ou guide spirituel, pour vous, nâest sĂ»rement
1941 à 1943, tandis que les Pays-Bas étaient occupés par
pas un hasard, mais que faites-vous des
lâennemi nazi, a tenu un journal, Ă Amsterdam, puis une
hommes, dans tout cela ? Quel regard portez-
correspondance envoyée du camp de transit de
vous sur eux et, dâune maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale,
Westerbork, ne cesse de nous interroger. Face Ă la
sur lâĂ©volution des rapports entre les hommes
barbarie, elle oppose au mal une inaliĂ©nable foi en lâhomme
et les femmes ?
et en la beautĂ© de la vie. Elle tĂ©moigne en cela dâune rĂ©sistance spirituelle hors du commun.
CD : Les hommes sont aussi trÚs présents dans mes ouvrages. Etty Hillesum, par exemple, était
Morte Ă Auschwitz en novembre 1943, elle laisse au monde
une grande amoureuse. De nombreux hommes
ce journal, qui, bien aprÚs-guerre, a été publié et a fait,
ont gravitĂ© autour dâelle. Lâun dâeux, son
depuis, le tour du monde. Or, lorsquâelle en entame la
thérapeute, a joué un rÎle central dans son
rĂ©daction, câest une femme mal dans sa peau, souffrant de
parcours.
dĂ©pression, qui se cherche et tente vainement par ses Dans lâun de mes romans, Savannah Dream
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CÉCILIA DUTTER
LIVRE LFC MAGAZINE
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(Albin Michel, 2013), jâai choisi de mettre en scĂšne un
chacun à notre aune, démontrer par nos pensées,
personnage principal masculin et je dois avouer que je
nos paroles et nos actes quotidiens que cette
me suis glissĂ©e avec dĂ©lice dans la peau dâun homme.
perspective est réaliste.
Câest ce genre de petit miracle que lâĂ©criture permet : changer de sexe, adopter un langage, une psychologie, une fantasmatique tout autre, le temps dâun roman. Dans ma vie personnelle Ă©galement, les hommes sont importants. Je suis mariĂ©e depuis vingt-cinq avec le mĂȘme homme et jâai de nombreux amis masculins avec lesquels je mâentends merveilleusement. La revendication fĂ©minine actuelle pour lâĂ©galitĂ© et contre le harcĂšlement me paraĂźt tout Ă fait lĂ©gitime. La cause est juste et nĂ©cessaire. Mais, comme tout combat de ce type, il ne fait pas lâĂ©conomie de quelques excĂšs. Gare Ă ne pas tomber dans la guerre des sexes. Je crois que la plupart des hommes sont prĂȘts Ă accompagner ce mouvement salutaire dâĂ©mancipation. Veillons, nous, les femmes, Ă ce quâils restent nos alliĂ©s dans notre lutte. LFC : SpiritualitĂ©, religion, partage et gentillesse sont quelques-unes de vos valeurs. Pour emprunter aux Beatles, ces mots-lĂ vont-ils bien ensemble, de nos jours ? CD : Sur cette terre, nous sommes tous reliĂ©s. DĂšs lors, prendre soin de soi et prendre soin de lâautre sont une seule et mĂȘme notion. Notre Ă©poque est en pleine mutation. Face Ă lâindividualisme grandissant et Ă lâultralibĂ©ralisme, beaucoup de voix sâĂ©lĂšvent. Nous avons le droit de remettre en cause nos anciens schĂ©mas pour y introduire plus de douceur et surtout dâĂ©quitĂ© afin de changer de paradigme. Je veux croire Ă la construction dâun ordre nouveau fondĂ© sur le respect, la bienveillance, le don, le soutien, lâunion entre les communautĂ©s et les hommes. Ce sont, certes, des valeurs chrĂ©tiennes, mais aussi, tout simplement, des valeurs humanistes. Est-ce une utopie ? Nous pouvons,
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CONTEMPLER LA BEAUTĂ DE LA NATURE, VOIR LA POĂSIE DE LA VIE, GOĂTER LA JOIE PROFONDE DâĂTRE AU MONDE⊠AUTANT DE MOTS POUR DIRE DIEU SANS PRONONCER SON NOM. LFC : Quâinspirent Ă une croyante comme vous certaines horreurs commises au nom de la religion ? CD : Lâair du temps remet en cause les religions. Les vagues rĂ©centes dâattentats terroristes viennent dramatiquement nous rappeler les monstruositĂ©s que lâon peut commettre au nom de Dieu. Mais chacun sait que ces actes criminels et barbares dĂ©coulent dâune vision infiniment dĂ©voyĂ©e de la religion. LâintĂ©grisme religieux, câest lâhomme qui lâa inventĂ© en instrumentalisant une idĂ©e complĂštement dĂ©lirante et pervertie de Dieu. De nos jours, hĂ©las, on conçoit souvent le dogme comme un carcan sectaire. Je pense au contraire quâil est un prĂ©cieux outil permettant de structurer et dâasseoir le rapport de lâhomme Ă la transcendance. Mais jâadhĂšre Ă©galement Ă lâidĂ©e quâon peut croire en Dieu hors du cadre religieux, ce qui importe, câest de percevoir le sens du mystĂšre au sein de son existence terrestre. Accueillir lâidĂ©e de plus grand que soi Ă lâintĂ©rieur de soi. Contempler la beautĂ© de la nature, voir la poĂ©sie de la vie, goĂ»ter la joie profonde dâĂȘtre au monde⊠autant de mots pour dire Dieu sans prononcer son nom.
LFC : Vous venez de faire paraĂźtre, aux Ă©ditions Tallandier,
le vecteur central, se rĂ©vĂšle extrĂȘmement
votre troisiÚme essai sur Etty Hillesum, intitulé Vivre libre
moderne.
avec Etty Hillesum. Quâavez-vous encore Ă dire sur elle ?
Lâobjet de ce nouvel ouvrage est de mettre le
Pour vous, quâest-ce que vivre libre et en quoi cette femme
trĂ©sor des Ă©crits dâEtty Hillesum et les outils de
peut nous aider Ă y parvenir?
dĂ©veloppement personnel et spirituel quâils renferment Ă la portĂ©e de tous.
CD : Depuis des années, je donne de nombreuses conférences
Lâessai revient ainsi sur les trois Ă©tapes majeures
sur le parcours existentiel et spirituel dâEtty Hillesum, mais je me
quâemprunte le vĂ©ritable parcours de libĂ©ration
rends compte que je nâai peut-ĂȘtre pas assez dit jusquâĂ
dâEtty Hillesum : se connaĂźtre soi-mĂȘme, rencontrer
prĂ©sent quâEtty est aussi et surtout un maĂźtre de sagesse, un
lâautre et, enfin, sâouvrir Ă lâabsolu. Tel est, en effet,
véritable guide de vie qui nous offre de précieux outils pour
lâitinĂ©raire quâelle propose Ă chacun pour grandir
nous construire harmonieusement et garder lâĂ©quilibre tout au
en vérité et en liberté.
long de notre propre trajectoire.
Ă une Ă©poque oĂč lâon parle beaucoup de la libertĂ©,
Par ailleurs, jâai pris conscience de combien sa foi universelle
et tout particuliÚrement de la liberté féminine, Etty
faisait Ă©cho Ă la quĂȘte de sens contemporaine. Sâil existe
Hillesum, femme Ă©tonnamment moderne, donne
aujourdâhui une dĂ©sinstitutionnalisation du sentiment religieux,
les clés à chacun, hommes et femmes confondus,
pour autant, la plupart des gens demeurent en quĂȘte dâabsolu.
pour vivre une existence plus belle et plus libre en
Délesté du rite, non-prosélyte, véhiculant des valeurs
développant au centre de soi cette part
profondĂ©ment humanistes, le Dieu dâEtty, dont lâamour est
inaliĂ©nable et sacrĂ©e quâest la libertĂ© intĂ©rieure.
SE CONNAĂTRE SOIMĂME, RENCONTRER LâAUTRE ET, ENFIN, SâOUVRIR Ă LâABSOLU. TEL EST, EN EFFET, LâITINĂRAIRE QUâELLE PROPOSE Ă CHACUN POUR GRANDIR EN VĂRITĂ ET EN LIBERTĂ.
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CINĂMA LFC MAGAZINE
03 LA FORME DE L'EAU
PAR DAVID SMADJA DE C'EST CONTAGIEUX PHOTOS : COPYRIGHT TWENTIETH CENTURY FOX MARS 2018
UNE PETITE BOMBE ÉMOTIONNELLE
UNE ROM-COM ATYPIQUE AUX PARFUMS DE FEEL-GOOD MOVIE. Cette crĂ©ature qui fait penser Ă un mix de lâEtrange CrĂ©ature du Lagon Noir de Jack Arnold et de Abe Sapien dans Hellboy (NDC : qui est aussi un film de Guillermo Del Toro !) est visuellement et plastiquement trĂšs rĂ©ussie. Pas dâimages de synthĂšse comme nous en abreuvent trop les blockbusters mais un costume, du maquillage et du latex. Le rĂ©sultat est Ă couper le souffle. Doug Jones qui revĂȘt le costume donne une carnation et une Ăąme Ă la crĂ©ature la rendant crĂ©dible dĂšs sa premiĂšre apparition.
CâEST UNE PETITE BOMBE ĂMOTIONNELLE QUE NOUS A CONCOCTĂ GUILLERMO DEL TORO, UN ĂLIXIR DE JOUVENCE QUI VIENT POLIR LES CĆURS DE SON BAUME ENTHOUSIASMANT. IL EST RARE DE SORTIR DâUN FILM AVEC AUTANT DâĂMOTIONS QUI VIENNENT FRAPPER Ă LA PORTE DE NOTRE PETIT CĆUR. DEL TORO EST UN MAGICIEN DE LâIMAGE ET DES SENTIMENTS. SON FILM EST UNE LONGUE BALADE LYRIQUE FAITE DE GRĂCE ET DâENCHANTEMENT, UNE PETITE MERVEILLE, UN L'AVIS DE LA RĂDACTION BIJOU Ă LâĂCRIN DĂLICAT.
UN AMOUR INTERDIT DâUNE PURETĂ ABSOLUE AVEC UNE CRĂATURE AMPHIBIENNE ĂNIGMATIQUE.
DĂšs lors, on se laisse emporter par cette histoire au romantisme enivrant, une rom-com atypique aux parfums de feel-good movie.
DE LA POĂSIE, SIMPLE ET TOUCHANTE. Chaque plan ressemble Ă une peinture aux couleurs saturĂ©es, Ă la chromie Ă©tincelante ; chaque scĂšne semble ciselĂ©e par un orfĂšvre du cinĂ©ma, minutieux et compĂ©tent. Il y a toujours de la poĂ©sie dans le cinĂ©ma de Guillermo. Simple et touchante. AppuyĂ©e par la musique aĂ©rienne dâAlexandre Desplat qui tâemporte dans son tourbillon Ă©vanescent tandis que les standards musicaux dâĂ©poque te plongent dans une euphorie contemplative.
Pour La forme de lâeau, le rĂ©alisateur nous embarque dans les sixties, au beau milieu de la guerre froide et de lâaffrontement par mĂ©dias et technologies interposĂ©s que se livrent les amĂ©ricains et les soviĂ©tiques. Au centre de tout cela se trouve une femme de mĂ©nage muette, Elisa, qui va vivre la plus extraordinaire des histoires, un amour interdit dâune puretĂ© absolue avec une crĂ©ature amphibienne Ă©nigmatique.
ACTUELLEMENT AU CINĂMA
DES ACTEURS ĂBLOUISSANTS
Lâactrice principale Sally Hawkins est prodigieuse, jamais un visage nâa paru autant empreint de bontĂ©, de bĂ©atitude et de luminositĂ©. Del Toro vient peindre dessus par petites touches une palette dâĂ©motions de son pinceau de surdouĂ© : de la douceur, de la tendresse et de la sensualitĂ©, juste en lui faisant plisser une lĂšvre. Michael Shannon, sa NĂ©mĂ©sis, nâest jamais aussi bon et effrayant que lorsquâil joue un salopard. Et il sâen donne Ă cĆur joie. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les seconds rĂŽles (Richard Jenkins et Octavia Spencer en tĂȘte) magnifient lâhistoire tant la direction dâacteurs est juste.
GUILLERMO DEL TORO OSE TOUT
L'AVIS DE LA RĂDACTION
CE FILM EST UN LĂCHER DE PAPILLONS MULTICOLORES DANS TON VENTRE. Guillermo Del Toro est une sorte de fĂ©e clochette qui projette des paillettes, redonnant Ă tes yeux un lustre enfantin, un Ă©clat qui scintille, des pupilles qui sâĂ©largissent comme deux billes rondes et noires. La forme de lâeau est un lĂącher de papillons multicolores dans ton ventre. On assiste Ă une version adulte de E.T., du merveilleux naĂŻf Ă lâĂ©tat brut. Il faut remonter Ă son Labyrinthe de Pan pour retrouver de telles sensations. A chaque film, le rĂ©alisateur innove (pas toujours avec succĂšs - remember Crimson Peak) mais ne se rĂ©pĂšte jamais. Il sait user de diffĂ©rentes saveurs pour nous donner un plat Ă©picĂ©. Comme me disait la mĂšre de Forrest Gump : Un film de Guillermo Del Toro, câest comme une boĂźte de chocolats, on ne sait jamais ce quâon va y trouver dedans. Alors si ! Madame Gump ! A minima on y trouvera du chocolat fourrĂ© au pur talent. 4,5/5
ACTUELLEMENT AU CINĂMA
Le rĂ©alisateur ose tout, se lĂąche complĂštement en mĂ©langeant allĂšgrement les styles allant mĂȘme jusquâĂ nous proposer un numĂ©ro de claquettes old school. Il prend un tel plaisir que câen est communicatif. Del Toro explose les codes du fantastique pour nous dĂ©livrer une simple mais merveilleuse love story.
LA CHRONIQUE LITTĂRATURE D'ALEXANDRA DE BROCA
ROMAN LFC MAGAZINE
04 COLOMBE SCHNECK LES GUERRES DE MON PĂRE
ALEXANDRA DE BROCA EST ROMANCIĂRE ELLE A PUBLIĂ LA SĆUR DU ROI (ALBIN MICHEL) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE PHOTO : COUVERTURE DU LIVRE DE COLOMBE SCHNECK, LES GUERRES DE MON PĂRE (STOCK). MARS 2018
LE HASARD DE LA VIE, SI LâON VEUT Y CROIRE, MâA PERMIS DE NE JAMAIS LIRE LES PRĂCĂDENTS OUVRAGES DE COLOMBE SCHNECK, SOUVENT ENCENSĂS, MAIS AUSSI VIOLEMMENT DĂCRIĂS. JâAI ABORDĂ AVEC LA NAĂVETĂ DâUNE NOVICE CE TEXTE, NI ESSAI NI ROMAN, DĂDIĂ Ă LA MĂMOIRE DE GILBERT SCHNECK MĂDECIN FRANĂAIS. FRANĂAIS CERTES, CAR OBLIGĂ DâASSUMER SES OBLIGATIONS MILITAIRES EN ALGĂRIE. MAIS ENFANT FRANĂAIS POURTANT OBLIGĂ DE SE CACHER EN DORDOGNE POUR ĂCHAPPER AUX NAZIS, PUIS Ă VICHY CAR DâORIGINE JUIVE. RIEN QUE DâĂCRIRE CES MOTS ME RĂVOLTE⊠LES GUERRES DE MON PĂRE Lâauteur a adorĂ© son pĂšre dĂ©sireux Ă tout prix dâoffrir dans les annĂ©es glorieuses - les annĂ©es soixante-dix une vie aisĂ©e sans jamais parler de ce qui fĂąche. « Si vous lâaviez connu, vous nâauriez rien pu deviner, son regard Ă©tait toujours doux, souriantâŠÂ» Mais le silence est un prix que les enfants paient et Colombe le ressent. DerriĂšre la tendresse de cet homme, Lelle ' A Vpressent I S D E un L Amonde R Ă Ddâhorreur ACTION quâil va lui falloir connaĂźtre pour avancer dans la vie loin de lâombre protectrice de son pĂšre. Elle a vingtquatre ans, lorsque son pĂšre dĂ©cĂšde ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE la laissant dans une douleur indescriptible. Pour vivre, pour se reconstruire, elle va chercher, avancer, et de bibliothĂšques en archives et tĂ©moignages elle dĂ©couvre. Une partie de sa famille a terminĂ© son existence dans les camps nazis pour seule faute dâĂȘtre juive. Son pĂšre petit garçon est quant Ă lui cachĂ© autour de PĂ©rigueux et malgrĂ© lâinsistance des prĂ©fets de la rĂ©publique française Ă©chappe au voyage vers Drancy puis Auschwitz. Devant lâobĂ©issance de ces fonctionnaires, elle oppose le courage de ces familles anonymes quâil veut remercier au nom de son pĂšreâŠ
SON PĂRE, CE HĂROS. Son pĂšre ce hĂ©ros. Non seulement il survit Ă son enfance martyre,
mais grĂące Ă son statut de docteur, il part dĂ©fendre son pays la France, durant la guerre dâAlgĂ©rie. Mais enseigner la mĂ©decine nâa rien de glorieux. Comment retrouver une vie sociale et amoureuse de retour Ă Paris aprĂšs avoir soignĂ© les prisonniers torturĂ©s par lâarmĂ©e française avant de les remettre en Ă©tat pour une nouvelle interrogation ? Il suffit dâobĂ©ir quand enfant on a appris Ă se taire et Ă se cacher⊠Ce pĂšre dĂ©licieux prĂȘt Ă tout pour que sa fille ne subisse aucun de ses tourments. Ce pĂšre mĂ©decin que chacun recherche pour son humanitĂ© et son Ă©coute. Ce pĂšre aussi homme irrĂ©sistible dans sa quĂȘte de bonheur que les femmes attirent au dĂ©triment dâune mĂšre silencieuse et douloureuse, se dessine page aprĂšs page⊠Il a Ă©chappĂ© aux tourments de lâHistoire, mais sa propre histoire ne lui laisse aucun rĂ©pit. Son pĂšre, un pĂšre fantasque dĂ©licieux, mais toujours absent, est retrouvĂ© mort et dĂ©coupĂ© en morceaux.
DĂ©sormais, son nom devient un fait divers quâil masque par le silence pour avancer en bon mĂ©decin, français, bourgeois⊠Sa fille, des annĂ©es plus tard, consciente des silences de sa famille termine son enquĂȘte. Il lui faut pour son propre Ă©quilibre dĂ©couvrir les ombres de son pĂšre. Comprendre que naitre juif, mĂȘme sans suivre la religion, câest avoir toujours peur, mĂȘme en temps de paix ; la porte peut sâouvrir et un anonyme sera dĂ©signĂ© comme coupable. Et peut importe lâĂ©poque, le gouvernement, et le pays, cet anonyme sera juif. Ironie du destin, Gilbert Schneck, brillant mĂ©decin, merveilleux pĂšre, entourĂ© dâamis et de femmes a cru se reconstruire malgrĂ© les guerres de sa vie⊠Mais son cĆur nâa pu suivre et câest dâune insuffisance cardiaque quâil est parti Ă 58 ans laissant sa fille dans une souffrance intense quâelle tente dâapaiser par ce livre. Son Ă©criture concrĂšte et rapide nous permet de nous identifier et dâhonorer ses grands-parents, puis son pĂšre. Ils ont par leur volontĂ© de devenir français dans cette Ă©poque si trouble notre admiration. EspĂ©rons que ce magnifique hommage Ă un français issu de parents martyrisĂ©s par le nazisme saura apaiser la plaie de sa fille et que ce livre donnera sens Ă sa vie. Nous lecteur, il nous aura fait rĂ©flĂ©chir sur notre passĂ© commun et regrettĂ© de ne pas avoir rencontrĂ© lâirrĂ©sistible Gilbert Schneck.
COLOMBE SCHNECK LES GUERRES DE MON PĂRE ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
LE BILLET THĂĂTRE D'ALEXANDRA DE BROCA FĂ©vrier 2018. Se rendre au thĂ©Ăątre Ă Paris relĂšve parfois de lâexploit ! Lorsquâon a bravĂ© les intempĂ©ries (inondations, neige ou encombrements), on se retrouve Ă©puisĂ©e par ce marathon dans une salle surchauffĂ©e ou glacĂ©e⊠Et si la piĂšce se rĂ©vĂšle dĂ©cevante, alors on sâaperçoit que son voisin ne sent pas trĂšs bon, que nos genoux cognent dans le dossier du fauteuil de devant et quâune envie de sortir nous tenaille, alors quâil nây a pas dâentracte !
05 MAIS LORSQUE LA PIĂCE EST RĂUSSIE, ALORS NOTRE PLAISIR EST DĂCUPLĂ ET NOTRE SOIRĂE INOUBLIABLE. CâEST CE QUI MâEST ARRIVĂE EN ALLANT AU THĂĂTRE MONTPARNASSE VOIR LâADAPTATION DU FILM CULTE LE LAURĂAT AVEC ANNE BANCROFT, KATHERINE ROSS ET DUSTIN HOFFMAN. SANS OUBLIER LâENVOUTANTE MUSIQUE DE SIMON ET GARFUNKEL THE SOUND OF SILENCE ET MRS ROBINSON QUE LA SALLE FREDONNAIT AVEC PLAISIR ET MĂLANCOLIE. LE PITCH DE LA PIĂCE
Pour ceux qui auraient ratĂ© ce bijou de film, voici en quelques mots le sujet repris Ă lâidentique dans la piĂšce : Benjamin, jeune garçon amĂ©ricain revient chez lui, aurĂ©olĂ© du succĂšs de ses Ă©tudes universitaires. Ses parents font une fĂȘte pour leurs amis. La femme du patron de son pĂšre, la toujours sĂ©duisante Madame Robinson entreprend, whisky aidant, de sĂ©duire lâĂ©tudiant
maladroit. La liaison va se poursuivre dans un hĂŽtel pendant lâĂ©tĂ©. Dans cette relation, les mots nâont pas leur place. Seul le dĂ©sir sexuel les anime. Mais les parents du jeune homme, dĂ©cidĂ© Ă orienter la vie de leur fils, ne voient rien de lâidylle et des Ă©tats dâĂąme de Benjamin, peu enclin Ă suivre une vie bourgeoise toute tracĂ©e. Ils lâobligent Ă inviter Ă dĂźner la jeune et naĂŻve fille de Madame Robinson. Contre toute attente, les deux tombent
éperdument amoureux. Madame Robinson ne le supportant pas va dévoiler sa liaison. Ce faisant, elle provoque un tsunami dans le milieu bourgeois de la cote estaméricaine des années soixante !
UNE PIĂCE EXCEPTIONNELLE DerriĂšre lâhistoire qui peut paraĂźtre aujourdâhui dĂ©modĂ©e, se cache un dilemme qui rend le sujet actuel et la piĂšce exceptionnelle. Comment sortir dâun destin tracĂ© par ses parents ou son mari ? Anne Parillaud a dit dans une interview : Mrs Robinson peut sembler un monstre, mais câest une victime dont je vais tenter de montrer lâĂąme abĂźmĂ©e. Et bien vous avez rĂ©ussi ! Luc Besson a dit quâil avait avec Nikita donnĂ© un rĂŽle extraordinaire Ă une actrice ordinaire ! Et bien ce monsieur nâa rien compris. Vous ĂȘtes certes trĂšs belle, terriblement Ă lâaise avec ce corps mis en valeur par des costumes fĂ©minins en diable, mais votre jeu dâactrice est Ă©poustouflant ! Vous modulez votre voix, vous faites attendre votre rĂ©plique pour quâelle fasse mouche. Et elle fait mouche ! Vous devenez mĂ©chante, injuste, jalouse, mais vous restez fragile et touchante. Le public vous suit, les hommes et les femmes rient ou commentent Ă voix haute vos remarques. Votre rĂŽle vous le sublimez grĂące Ă des partenaires remarquables : Madame Robinson ne seriez-vous pas en train de me sĂ©duire ? sâinquiĂšte Benjamin Braddock alias Arthur Fenwick. Dâun adolescent ACTUELLEMENT Ă L'AFFICHE DEPUIS LE 8 FĂVRIER 2018 MARDI, MERCREDI, JEUDI, VENDREDI ET SAMEDI Ă 20H30 SAMEDI Ă 17H30 ET DIMANCHE Ă 15H30
LE LAURĂAT THĂĂTRE MONTPARNASSE AUCUN MOT INUTILE, DES RĂPLIQUES COURTES ET INCISIVES QUI NOUS FONT Ă LA FOIS RĂFLĂCHIR, RIRE ET NOUS ĂMEUVENT.
gauche et mutique, ce comĂ©dien se transforme tout en maitrisant une gestuelle spontanĂ©e, en un homme sĂ©duisant et dĂ©terminĂ©. Il faut dire quâil passe 1h40 Ă sâhabiller et se dĂ©shabiller, selon les dĂ©sirs de Madame Robinson, comme si le public nâexistait pas ! Il ne joue pas. Il est Benjamin Braddock. Mention spĂ©ciale Ă Françoise LĂ©pine qui joue deux rĂŽles : la mĂšre conventionnelle Ă souhait, bavarde et qui ne sait que passer les petits fours dans ses soirĂ©es. StĂ©phane Cottin, le talentueux metteur en scĂšne, lui offre une seconde apparition jubilatoire en entraineuse de boite de nuit pour notre plus grand plaisir. Lâadaptation française de Christopher Thomson me fait penser que le talent est hĂ©rĂ©ditaire et court sur deux gĂ©nĂ©rations. Est-il nĂ©cessaire de rappeler quâil est le fils de DaniĂšle Thompson et petit fils de GĂ©rard Oury ? Avec lui, tout va vite. Aucun mot inutile, des rĂ©pliques courtes et incisives qui nous font Ă la fois rĂ©flĂ©chir, rire et nous Ă©meuvent. Les dĂ©cors sobres et discrets sâeffacent rapidement nous laissant Ă peine le temps de fredonner les mĂ©lodies intemporelles de Simon et Garfunkel qui ponctuent lâhistoire. Aussi lorsque Benjamin avoue Ă Madame Robinson, quâelle est sĂ»rement la femme la plus jolie parmi les amies de sa mĂšre, la salle explose de joie. Cette phrase culte dans le film fonctionne aussi bien au thĂ©Ăątre, et cinquante ans plus tard, car servi par une multitude de talents. Un grand merci Ă tous pour cette soirĂ©e rare.
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Dans l'Ipod de...
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Les 5 disques incontournables de notre invité du mois.
Son nouveau disque
La musique, c'est la vie !
Henri
Demarquette
violoncelliste Par Quentin Haessig Photos : © Yannick Perrin.
Bach, variations Goldberg par Glenn Gould (version de 1953)
Glenn Gould apparait dans un des premiers disques de sa carriÚre comme une météorite. Il révolutionne Bach, le piano transforme notre vision de la musique et nous mÚne à la plus haute spiritualité.
Beethoven, intégrale des quatuors à cordes par le Quartetto Italiano.
Toute la vie de Beethoven, tout son art et sa modernitĂ© sont retracĂ©s dans la saga de ses quatuors Ă cordes. Le gĂ©nie de la composition est tel que lâon se sent meilleur Ă leur Ă©coute.
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Nusrat Fateh Ali Khan,
Pink Floyd, The Wall.
Greatest Hits.
La musique de Nusrat Fateh Ali Khan dans la pure tradition pakistanaise est une véritable ivresse et une porte vers des traditions mystérieuses.
De la grande musique Ă emmener sur lâĂźle dĂ©serte !
Berlioz, Les Nuits dâĂ©tĂ© par RĂ©gine Crespin et lâOrchestre de la Suisse Romande dirigĂ© par E. Ansermet
Le spectre de la rose, le bel inconnu, jâai traversĂ© les ponts de CĂ©, sont autant de chefs dâĆuvres de la grande mĂ©lodie française. RĂ©gine Crespin a une voix, un phrasĂ©, un style Ă mourir un petit peu chaque jour.
LFC MAGAZINE
Carole Serrat LA SOLUTION ANTISTRESS CLÉ EN MAIN ENTRETIEN EXCLUSIF
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INTERVIEW
CAROLE SERRAT PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : CAROLE SERRAT
Carole Serrat est la sophrologue qui vous veut du bien. Seulement du bien. Elle publie Ma sophrologie antistress (Leduc.s), la boĂźte Ă outils pour mieux vivre et surtout rĂ©pondre Ă toutes les angoisses de la vie quotidienne. Rencontre. LFC : Vous publiez Ma sophrologie antistress en janvier. Câest un trĂšs bon timing car avec lâhiver, la pluie, les jours sombres, on se sent au ralenti. Que peut-on faire pour se motiver ? CS : Pour se motiver, rien ne vaut la luminothĂ©rapie ! La luminothĂ©rapie est un moyen efficace pour lutter contre la dĂ©pression saisonniĂšre, les troubles du sommeil et les dĂ©calages horaires. Le but est de sâexposer de prĂ©fĂ©rence le matin, durant trente minutes, Ă une lampe spĂ©ciale de luminothĂ©rapie, afin que la rĂ©tine puisse envoyer un signal Ă la glande pinĂ©ale qui est responsable des cycles de veille et de
sommeil. En hiver, le manque de lumiĂšre affecte en effet notre horloge biologique. La glande pinĂ©ale, ne recevant pas de signal, continue Ă produire de la mĂ©latonine, lâhormone du sommeil. VoilĂ pourquoi on se sent fatiguĂ© : on dort mal, on est triste et sans Ă©nergie. Le principe de la luminothĂ©rapie consiste Ă rĂ©Ă©quilibrer tout cela, en bloquant la production de mĂ©latonine. On retrouve alors son Ă©nergie, sa joie de vivre et un meilleur sommeil.
Bon Ă savoir Les ampoules sont protĂ©gĂ©es contre les ultraviolets et les infrarouges. Il nây a aucun risque pour les yeux, ni pour la peau. Autre dĂ©clinaison de la luminothĂ©rapie, les simulateurs dâaube, pour un rĂ©veil naturel et en douceur. Leur intĂ©rĂȘt est de reproduire le lever
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INTERVIEW
Mon conseil Sortez tous les jours, mĂȘme en hiver, pour capter la lumiĂšre naturelle. Le dĂ©ficit de lumiĂšre en hiver aurait pour effet de faire chuter le taux de sĂ©rotonine et inciterait par rĂ©action Ă la consommation de sucres et de fĂ©culents. ` et le coucher du soleil. Cela vous permettra de vous rĂ©veiller tout en douceur. Le rĂ©veil dâaube est trĂšs utile, si vous avez du mal Ă sortir de votre lit le matin, si vous avez des baisses de rĂ©gime, quand les jours raccourcissent et si vous avez du mal Ă vous endormir. LFC : Ce manuel parle de tous les tracas du quotidien. Câest-Ă -dire ? JPB : En effet, le stress provoque de nombreux tracas : fatigue, irritabilitĂ©, colĂšre, problĂšmes de sommeil, de concentration, de mĂ©moire, de digestion, de circulation, une baisse du systĂšme immunitaire. Dans ce manuel, je donne des conseils pour vaincre tous ces tracas, mais aussi pour bien se rĂ©veiller, dĂ©stresser dans les
embouteillages, se dĂ©tendre au bureau, un lieu qui peut ĂȘtre pour certains une grande source de stress. Je mâadresse Ă©galement aux femmes enceintes, car jâai la chance de les accompagner durant leur grossesse Ă La Clinique de la Muette, Ă la MaternitĂ© des Lilas et Ă lâHĂŽpital Bichat. Je leur propose des exercices pour bien respirer au quotidien et pour le jour J vivre leur accouchement en confiance. Je nâoublie pas les Ă©tudiants qui ont besoin dâoutils pour apprendre Ă mieux se concentrer, augmenter leur Ă©nergie et leur confiance avant un examen. Je propose aux lecteurs de dĂ©velopper la pensĂ©e positive en apprenant Ă identifier et Ă©liminer les vieilles rengaines de leur juke-box intĂ©rieur. Je ne vais pas y arriver. Je suis nul. En valorisant vos aptitudes propres : je suis imaginatif, crĂ©atif, rigoureux, etc. LFC : Ce livre est gĂ©nĂ©reux en exercices. Comment avez-vous imaginĂ© cette boĂźte Ă outils ? CS: Tout simplement en rĂ©pertoriant les besoins essentiels que lâon a tous au quotidien : respirer, se dĂ©tendre, dĂ©nouer ses tensions, prendre du recul, lĂącher prise, gĂ©rer son stress, bien dormir. Se prĂ©parer aux Ă©preuves, aux examens, Ă la prise de parole en public. Lorsque lâon apprend Ă dĂ©stresser, on devient plus calme, plus serein et bien mieux dans sa peau malgrĂ© les difficultĂ©s et les Ă©preuves.
Je pense que c'est sain pour tout le monde d'ĂȘtre en contact avec son enfance. Ă moins, bien sĂ»r, que les adultes agissent comme des enfants.
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LFC : Dans votre sophrologie, la musique est trĂšs importante. Racontez-nous votre collaboration avec Laurent Stopnicki. CS : Laurent compose, adapte la musique puis la synchronise aux textes et Ă ma voix. Laurent Stopnicki : Nous avons effectuĂ© depuis plusieurs annĂ©es un travail de recherche trĂšs personnel sur les sons, les timbres, en Ă©tudiant l'influence des vibrations sonores sur les Ă©motions. La musique a un effet Ă©vident sur les ĂȘtres humains. CS : Platon puis Aristote la considĂ©raient dĂ©jĂ comme indispensable Ă la bonne santĂ© mentale. Des expĂ©riences ont par ailleurs prouvĂ© que les vibrations sonores agissent sur la croissance et la santĂ© des cellules vĂ©gĂ©tales. De rĂ©centes Ă©tudes montrent mĂȘme quâau moyen de sons dĂ©terminĂ©s, on peut provoquer des changements dans le mĂ©tabolisme et dans la biosynthĂšse de diffĂ©rents Ă©lĂ©ments fondamentaux de la vie. On sait enfin aujourdâhui que certaines frĂ©quences
INTERVIEW
musicales entrent en rĂ©sonance avec celles de notre systĂšme nerveux et procurent une sensation d'apaisement et de bien-ĂȘtre. C'est ainsi qu'il a Ă©tĂ© prouvĂ© scientifiquement que la musique influence la capacitĂ© de travail et retarde l'apparition de la fatigue, qu'elle facilite la digestion, la respiration, la circulation sanguine et amĂ©liore le rendement cardiaque. Elle induit un Ă©tat de dĂ©tente, de relaxation et de prĂ©-sommeil. On vit dans un monde technologique, Ă©lectromagnĂ©tique, chimique, un monde dâurgence qui nous dĂ©centre crĂ©e en nous des dissonances, des troubles, y compris au niveau cellulaires La musique nous dĂ©toxe, nous rĂ©harmonise avec nous-mĂȘmes.
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L'AMOUR SOLIDE #7
#Optimisme
Nathalie Migeot et Sofiane
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INTERVIEW
NATHALIE MIGEOT ET SOFIANE PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : ASTRID DI CROLLALANZA
Nous sommes heureux Ă la rĂ©daction de vous prĂ©senter Nathalie et Sofiane, deux hĂ©ros ordinaires, deux combattants et surtout deux personnes heureuses de vivre... MalgrĂ© les obstacles. Rencontre poignante. LFC : Nathalie et Sofiane, on se rencontre aujourdâhui pour parler du livre Sofiane, lâamour en grand disponible aux Ăditions Robert Laffont. Un titre qui porte votre prĂ©nom Sofiane, vous ĂȘtes le hĂ©ros ! Sofiane : Je crois que nous sommes tous les deux les hĂ©ros de ce livre. Câest lâhistoire de notre complicitĂ© et de tout ce que lâon partage au quotidien. Nathalie : Jâavais trĂšs envie de raconter notre histoire. Je lui avais posĂ© la question pour savoir sâil Ă©tait dâaccord. Au dĂ©but, il Ă©tait un peu rĂ©ticent, mais finalement, jâai rĂ©ussi Ă le convaincre. Sofiane mâa dit que ce livre pouvait ĂȘtre une bonne idĂ©e.
LFC : Sofiane, pourquoi penses-tu aujourdâhui que ce livre pourrait ĂȘtre une bonne idĂ©e ? Sofiane : CâĂ©tait important de faire passer un message dâoptimisme aux mamans qui sont dans le mĂȘme cas que la mienne. Je trouve cela extraordinaire de lâavoir fait. Il est important de rassurer les mamans. LFC : Comme lâa dit Nathalie, ta maman, cela nâa pas Ă©tĂ© un oui tout de suite. Avais-tu peur ?
Sofiane Câest important de faire passer un message dâoptimisme aux mamans qui sont dans le mĂȘme cas que la mienne. Je trouve cela extraordinaire de lâavoir fait. Il est important de rassurer les mamans. Sofiane : Ce nâest pas toujours facile de raconter sa vie privĂ©e devant tout le monde. Câest surtout cela que je craignais. Mais finalement, aprĂšs rĂ©flexion, je me suis dit que les gens nây prĂȘteraient pas forcĂ©ment attention.
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INTERVIEW
Nathalie Quand on connaĂźt la valeur de la vie et que lâon connaĂźt le courage et la façon de penser de Sofiane, on nâa pas le droit de se plaindre. Jâai toujours Ă©levĂ© Sofiane avec cet Ă©tat dâesprit, mĂȘme si je crois quâil a acquis lui-mĂȘme cette philosophie de vie trĂšs tĂŽt. LFC : Comment est nĂ©e lâidĂ©e dâĂ©crire ce livre Nathalie ? Nathalie : Un jour, nous avons rencontrĂ© Michel Drucker qui mâa demandĂ© pourquoi je ne raconterais pas notre histoire dans un livre. Jây avais dĂ©jĂ pensĂ©. Mais je nâĂ©tais jamais passĂ© Ă lâacte. Je ne pensais pas que des gens allaient sâintĂ©resser Ă notre vie. Ce nâest pas une vie comme les autres. Câest une histoire forte et puissante. Suite Ă cette idĂ©e, jâai Ă©tĂ© tentĂ© par le projet et Michel Drucker a pu nous mettre en relation avec lâĂ©ditrice qui est venue nous voir Ă Marseille avec Pascale Leroy, ma coauteure. LâĂ©criture de ce livre a Ă©tĂ© un vrai travail dâĂ©quipe. Ă travers ce livre, jâai voulu passer un message fort aux mamans qui sont dĂ©pressives, Ă cause de leurs enfants qui
sont dans la mĂȘme situation que Sofiane. Les enfants ont besoin de voir leur maman forte pour eux aussi lâĂȘtre. Il y a toujours de lâespoir. MĂȘme si Sofiane est en situation de handicap, cela ne nous empĂȘche pas de voyager, de rigoler. Nous vivons exactement de la mĂȘme maniĂšre que les autres sauf que Sofiane est assis. Sofiane : Tant quâil y a de la vie, il y a de lâespoir. LFC : Cette phrase rĂ©sonne souvent en toi Sofiane ? Sofiane : Oui, câest une phrase qui me permet de tenir. MĂȘme si ce nâest pas facile tous les jours, il nây a pas plus beau que dâĂȘtre en vie. Nathalie : Quand on connaĂźt la valeur de la vie et que lâon connaĂźt le courage et la façon de penser de Sofiane, on nâa pas le droit de se plaindre. Jâai toujours Ă©levĂ© Sofiane avec cet Ă©tat dâesprit, mĂȘme si je crois quâil a acquis lui-mĂȘme cette philosophie de vie trĂšs tĂŽt. LFC : Votre maladie sâappelle la myopathie de Duchenne. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Nathalie : Câest une maladie gĂ©nĂ©tique qui touche les muscles. Plus le temps passe et plus les muscles se dĂ©gradent. Sofiane a perdu lâusage de ses jambes Ă lâĂąge de sept ans. De sept ans Ă douze ans, il ne pouvait se servir que du haut de son corps avec peu de force. Aujourdâhui, il nây a plus que la tĂȘte et le pouce qui peuvent bouger. Sofiane ne sâest jamais senti prisonnier de son corps. Il va Ă lâuniversitĂ© tous les jours.
Sofiane Tant quâil y a de la vie, il y a de lâespoir.
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INTERVIEW On entend trĂšs souvent que les infirmiĂšres sont formidables, mais vous rappelez dans votre tĂ©moignage que ce nâest pas toujours le cas. Nathalie : Nous sommes parfois tombĂ©s sur des infirmiĂšres qui se sont trompĂ©es de mĂ©tier. Lorsque lâon est infirmiĂšre, il faut vraiment sâadapter Ă chaque cas. Chaque situation est diffĂ©rente, voire unique. Sofiane : Parfois, il mâarrivait de souffrir le martyre et je sentais que cela les dĂ©rangeait de venir. Tout nâa pas toujours Ă©tĂ© facile. LFC : Vous avez un parcours hallucinant et câest vraiment une chance pour nous de vous rencontrer. Que pensez-vous de cette remarque ?
Sofiane : Je suis en derniĂšre annĂ©e de licence. JâespĂšre avoir mon deuxiĂšme semestre pour passer en Master droit privĂ© et sciences criminelles. LFC : Ă qui adressez-vous ce livre ? Sofiane : Nous lâadressons aux mamans, aux personnes malades et Ă toutes les personnes en gĂ©nĂ©ral. Il faut profiter de chaque instant de vie, peu importe sa situation. Nathalie : Nous exprimons Ă©galement un petit message sournois Ă toutes les administrations qui vous font galĂ©rer pour des papiers. Je crois que les parents qui sont dans la mĂȘme situation que nous nâont pas besoin de cela. Sofiane a besoin dâun transport individuel et cela faisait deux ans que jâavais envoyĂ© un certificat mĂ©dical transport, ils viennent de nous en redemander un alors que la situation de Sofiane nâa pas changĂ©. Et ne changera malheureusement jamais. Quand vous voyez des personnes malades ou des enfants malades et que vous remarquez que certaines personnes leur mettent des bĂątons dans les roues, câest assez rageant ! Sofiane : Heureusement que lâon est fort dâesprit. Vraiment. LFC : Dans votre livre, vous dites quelque chose qu'on entend peu. Parfois, Sofiane nâest pas forcĂ©ment bien traitĂ© par les infirmiĂšres, il est mal gĂ©ré⊠Certaines personnes oublient que ce nâest pas parce que Sofiane a un problĂšme de santĂ© physique quâil a perdu la tĂȘte. Cela lâagace.
Nathalie : Jâallais dire le contraire. Nous avons de la chance que des gens sâintĂ©ressent Ă notre histoire, cela nous fait trĂšs plaisir. Câest aussi la rĂ©action que jâai eue quand Michel Drucker mâa dit que cette histoire ferait un super livre. Sofiane : Michel Drucker nous avait dit la mĂȘme chose. Lui et sa femme nous ont toujours soutenus. Câest une belle personne. Câest quelquâun qui aime beaucoup les gens et qui nâen parle pas. Nous avons eu la chance de rencontrer Jamel Debbouze et CĂ©line Dion grĂące Ă lui. LFC : Sofiane, aujourdâhui comment vastu ? Sofiane : Tout va bien, la maladie est stable. MĂȘme au niveau social ou Ă lâuniversitĂ©, tout se passe trĂšs bien. Mais il faut sâaccrocher, car câest fatigant, câest une vie rapide. Nathalie : Nous avons la chance de connaĂźtre la valeur de la vie, car Sofiane est passĂ© plusieurs fois prĂšs de la mort. Il ne faut pas oublier que la vie est belle.
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Ćœanna SĆoniowska LA FICTION D'UNE VIE ENTRETIEN EXCLUSIF
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INTERVIEW
ĆœANNA SÈœONIOWSKA PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : ADRIAN BLACHUT ET AGNIESZKA SKAWIANCZYK
Premier roman du nouveau dĂ©partement littĂ©rature du groupe Delcourt, Ćœanna SĆoniowska nous accorde 30 minutes d'entretien lors de son passage Ă Paris, pour nous prĂ©senter son roman Une ville Ă cĆur ouvert. Entretien. LFC : Bonjour Ćœanna SĆoniowska, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre Une ville Ă cĆur ouvert (Delcourt LittĂ©rature). Comment est nĂ©e lâidĂ©e dâĂ©crire ce livre ? ĆœS : Je suis nĂ©e Ă Lviv dans lâUkraine de lâEst. La ville est dĂ©sormais ukrainienne, mais elle fut polonaise par le passĂ©. Il y a eu Ă©normĂ©ment de changements au cours de lâhistoire. Que ce soit lâoccupation nazie, lâempire hongrois, lâUnion soviĂ©tique. Les gens ne changeaient pas dâendroit, mais la ville nâappartenait jamais aux mĂȘmes personnes. Cela a durĂ© pendant des siĂšcles et des siĂšcles, avant que le pays ne
devienne indĂ©pendant. Lorsque jâĂ©tais petite, jâavais lâimpression que mon pays Ă©tait un pays multiculturel. De nombreuses langues Ă©taient parlĂ©es. La situation me paraissait normale. Je suis ensuite partie vivre en Pologne, et câest une fois lĂ -bas que je me suis demandĂ© dâoĂč je venais, pour quelles raisons il sâĂ©tait passĂ© tout cela dans mon pays. Câest Ă partir de lĂ que jâai commencĂ© Ă vouloir raconter tout cela dans ce roman. LFC : Finalement, la ville dâoĂč lâon vient est plus importante que la nationalitĂ©âŠ ĆœS : Câest une question compliquĂ©e. Je viens dâune famille avec diffĂ©rentes origines. Pendant la pĂ©riode de lâUnion soviĂ©tique, la nationalitĂ© Ă©tait quelque chose que lâon ne montrait pas forcĂ©ment. AprĂšs cette pĂ©riode de lâhistoire, les gens parlaient plusieurs langues. Les Ukrainiens lâont assez mal vĂ©cu. Nous avons eu beaucoup de changements et de questionnements sur lâidentitĂ©. Ătant jeune, jâessayais pour ma part de trouver ma voie dans ce contexte. Il Ă©tait difficile de se faire des amis. Jâai grandi avec des enfants juifs qui ont ensuite dĂ» quitter lâUnion soviĂ©tique. Nous Ă©tions Ă©galement Ă©levĂ©s avec la culture et le langage russe, ce qui ne facilitait pas les choses. Vivre Ă Lviv a Ă©tĂ© trĂšs formateur.
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INTERVIEW
Comme la ville, ce livre a plusieurs facettes. Lorsque lâon marche dans cette ville et que lâon connait son histoire, je crois que tous ces thĂšmes jaillissent. LFC : Un des personnages principaux de votre livre est la ville de Lviv qui change de nom au cours de lâhistoire. ĆœS : Lviv a Ă©tĂ© une ville polonaise, son nom ne change pas dans cette langue. En revanche, lorsque le livre a Ă©tĂ© traduit dans plusieurs langues, les traducteurs ont eu du mal Ă trouver une traduction pour la ville. Ils ont donc dĂ©cidĂ© de choisir diffĂ©rents noms. LFC : De nombreux thĂšmes dans votre livre sont abordĂ©s : lâart, la politique, les femmesâŠ ĆœS : Comme la ville, ce livre a plusieurs facettes. Lorsque lâon marche dans cette ville et que lâon connait son histoire, je crois
que tous ces thĂšmes jaillissent. Chaque lieu, chaque monument, chaque route a une signification particuliĂšre pour chacun des habitants. Ma tĂȘte Ă©tait remplie de choses que jâai accumulĂ©es au cours des annĂ©es. Que ce soit des traditions, des histoires de mes amis, des inspirations littĂ©raires⊠Jâai simplement voulu rassembler tout cela. LFC : Cette fiction est-elle un roman fĂ©minin ? ĆœS : De nombreuses femmes sont dans ce livre. Mais je crois avoir retranscrit ce que jâai vu tout au long de ma jeunesse. Jâai crĂ©Ă© des personnages auxquels je mâintĂ©ressais. Je ne mâen suis pas rendu compte pendant lâĂ©criture. Câest seulement lorsque le livre est sorti que lâon mâa dit quâil y avait trĂšs peu dâhommes. Mais ce nâĂ©tait pas volontaire. JâĂ©tais dâailleurs assez surprise en me relisant. Cependant, il y a un homme et il est trĂšs important.
Câest seulement lorsque le livre est sorti que lâon mâa dit quâil y avait trĂšs peu dâhommes. Mais ce nâĂ©tait pas volontaire. JâĂ©tais dâailleurs assez surprise en me relisant.
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LFC : Ătes-vous fĂ©ministe ? ĆœS : Oui et non. Câest assez complexe. Je pense que les femmes ont eu un rĂŽle trĂšs important aprĂšs la guerre et pendant la pĂ©riode soviĂ©tique. Les hommes Ă©taient morts, emprisonnĂ©s, alcooliques ou mĂȘme dĂ©pressifs, et donc trĂšs peu prĂ©sents. Câest ce dont je me souviens. Les femmes Ă©taient seules et devaient Ă©lever les enfants tout en montrant une certaine force de caractĂšre.
INTERVIEW
LFC : On termine cet entretien avec une derniĂšre question. Les lecteurs français vont dĂ©couvrir votre livre. Quâaimeriez-vous quâils retiennent de votre livre ? ĆœS : Câest une bonne question, il est difficile dây rĂ©pondre. Je crois que si le lecteur devait retenir une couleur, un souvenir ou une idĂ©e, la meilleure mĂ©taphore serait de dire que ce livre ressemble Ă un monument en plusieurs parties. Certaines dĂ©truites, certaines jolies, certaines complexes⊠Mais tous ces Ă©lĂ©ments font partie du monument. Chacun pourra y voir un symbole diffĂ©rent.
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MARS 2018
LUKAS BĂRFUSS PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : CĂLINE NIESZAWER LEEXTRA
REGARD ACĂRĂ SUR LES TRAVERS DE NOTRE SOCIĂTĂ
De passage Ă Paris, Lukas BĂ€rfuss nous rejoint dans le studio photo de notre pour une jolie S E L I N Aphotographe RICHARDS prise de vue et ensuite nous parler de son nouveau roman "Hagard". Entretien.
LFC : Bonjour Lukas BĂ€rfuss, nous nous
LB : Comme tout narrateur, il ne parvient pas Ă
rencontrons pour parler de votre livre
entrer dans la psychologie de ce personnage.
Hagard (Ăditions ZOĂ). Nous avons lu en
Jâai toujours pensĂ© que câĂ©tait un peu tricher
préparant cette interview que certains
que de rentrer dans le cerveau de quelquâun.
définissent ce livre comme une grande
On ne peut jamais réellement savoir qui sont
nouvelle. Le définiriez-vous comme cela ou
les personnages. Tout ce quâil peut faire, câest
plutĂŽt comme un roman ?
Ă©crire ce quâil voit. Mais cela ne dĂ©voile jamais le secret de Philippe. La question est de savoir
LB : Je le définirais plutÎt comme un roman. Le
pourquoi il agit de cette façon.
roman contemporain est en pleine crise. Câest
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pour cela quâil faut absolument le mettre Ă la
LFC : Pourquoi avez-vous dĂ©cidĂ© dâexplorer
hauteur de notre temps, de notre siĂšcle. Câest
le personnage de Philippe Ă travers ce
ma proposition, ma démarche littéraire.
narrateur ?
LFC : Dans ce livre, vous faites intervenir un
LB : Je ne dirais pas pourquoi, mais je dirais
narrateur qui nous parle dâun personnage
plutĂŽt comment. Nous vivons dans une
nommĂ© Philippe. DâentrĂ©e de jeu, il place le
Ă©poque oĂč chacun essaye de nous raconter
contexte en nous expliquant quâil ne
une histoire. Que ce soit les entreprises, les
comprend pas pourquoi Philippe se trouve
hommes politiques⊠Les entreprises ont
dans cette situation. Le narrateur nous livre
compris quâelles ne vendent pas seulement un
son sentiment en sâexprimant de maniĂšre
produit, mais une histoire. Câest le concept du
trĂšs franche.
storytelling. Jâai reçu plusieurs demandes pour
faire des workshops, mais jâai toujours refusĂ©. Je crois que ce nâest pas bien dâexploiter lâart. Aujourdâhui, il y a trop de fiction. La ligne entre la rĂ©alitĂ© et le mensonge est devenue vraiment quelque chose de SELINA compliquĂ©. Je ne sais pas si mes livres sont fictionnels, car jâessaye dâĂ©crire ce qui se passe Ă lâintĂ©rieur de ma conscience, Ă travers lâimagination et la reprĂ©sentation.
Je ne sais pas si mes livres sont fictionnels, car jâessaye dâĂ©crire ce qui se passe Ă de ma R I C H lâintĂ©rieur ARDS conscience, Ă travers lâimagination et la reprĂ©sentation.
LFC : Le narrateur parle de Philippe, mais aussi de nombreux détails qui démontrent
LB : Je crois quâil faut toujours couper ce
que sa vie a basculé. Et cela tient à une
dont nous nâavons pas besoin dans un
silhouette, Ă une ballerine bleu pruneâŠ
livre. Nous avons autre chose Ă foutre que de lire des pages inutiles. Je crois
LB : Nous sommes tous captivés par les
que je suis dans la tradition dâEdgar
objets. Ils nous entourent. Ils font nos vies.
Allan Poe qui dit que le lecteur ne doit
Ce sont les objets qui vont nous quitter au
pas dĂ©crocher du livre avant dâarriver Ă
moment oĂč nous quittons dĂ©finitivement la
la fin du rĂ©cit. Le fait quâil puisse
vie. Parfois, il y a plus dâhistoire dans les
décrocher de mon livre peut me blesser.
objets que dans ses propriĂ©taires. Jâai trouvĂ©
Je veux que le livre soit le centre de
intĂ©ressant dâexploiter les ballerines, car les
lâunivers pendant un certain temps.
chaussures ont toujours eu un symbole particulier. Câest aussi le symbole du
LFC : Philippe est un personnage
fétichisme, qui remplace toujours quelque
stable selon le narrateur. Il va ĂȘtre
chose qui est absent. Et je me pose toujours
attirĂ© par cette silhouette jusquâĂ se
la question de ce qui est absent.
faire embarquer pendant trente-six heures jusquâĂ oublier ses contraintes
LFC : Le lecteur est happé par le
personnelles et professionnelles. Se
personnage de Philippe pendant trente-
perd-il ?
six heures, ce qui donne un roman trĂšs
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concis, peu bavard et trĂšs exaltant alors
LB : Philippe ne perd pas tout. Certes, il
que ce nâest pas un thrillerâŠ
perd sa vie bourgeoise, ses chaussures,
L U K A S
B Ă R F U S S
LE FAIT DE PERDRE DES CHOSES VOUS REND CLAIRVOYANT.
Nous avons autre chose Ă foutre que de lire des pages inutiles. Je crois que je suis dans la tradition dâEdgar Allan Poe qui dit que le lecteur ne doit pas dĂ©crocher du livre avant dâarriver Ă la fin du rĂ©cit. Le fait quâil puisse dĂ©crocher de mon livre peut me blesser. Je veux que le livre soit le centre de lâunivers pendant un certain temps.
son portefeuille⊠Mais je ne crois pas quâil perde beaucoup de choses, il en gagne aussi. Le fait de perdre des choses vous rend clairvoyant. Vous faites plus attention Ă ce quâil y a autour de vous.
SELINA LFC : Votre personnage se laisse petit Ă petit envahir par le dĂ©sir. Quâen pensez-vous ? LB : Le dĂ©sir, je ne sais pas. Câest le dĂ©sir pour
Ces machines créent un R I C H A R D isolement. S Tout cela fait partie de la culture du capitalisme.
quelque chose surtout. On ne peut pas dĂ©finir exactement ce quâil veut. Le dĂ©sir est un thĂšme trĂšs complexe qui a Ă©tĂ© utilisĂ© par les plus grands Ă©crivains, mais qui reste toujours assez
LFC : Hagard, câest le titre du livre et nous
mystérieux.
avons le sentiment quâil y a plusieurs significations. Quâen pensez-vous ?
LFC : Le portable du personnage, au fur et à mesure des trente-six heures, se décharge et
LB : Oui, câest vrai que câest dangereux. Cela
cela vous amĂšne Ă faire une critique sur le fait
peut créer des malentendus. Le mot existe
que nous sommes trĂšs addicts Ă nos
aussi en allemand. Câest un terme qui vient
technologies.
de la fauconnerie, de la chasse aux oiseaux.
Hagard est un spĂ©cimen dâoiseau qui porte LB : Je pense que lâon peut voir cela dâune autre
déjà des plumes et qui se fait ensuite
maniÚre. Notre dépendance à toutes ces
apprivoiser. Ce sont des oiseaux qui sont trĂšs
machines est devenue vraiment trĂšs importante.
bons pour la chasse. Ils savent comment se
DerniĂšrement, je me suis retrouvĂ© dans la mĂȘme
jeter sur la proie, mais ils sont trĂšs instables.
situation que Philippe. Comme tout le monde,
Câest pour cela que le terme en français
nous avons tous vĂ©cu cela. Jâavais rendez-vous
signifie partir dans tous les sens.
quelque part, mais je nâavais plus de batterie. Nous ne savons pas oĂč lâon se trouve, nous ne
LFC : Travaillez-vous actuellement sur un
savons plus oĂč nous devons nous rencontrer.
autre projet ?
Ces machines créent un isolement. Tout cela fait
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partie de la culture du capitalisme. Câest comme
LB : Tout Ă fait. En mars, deux nouveaux
lorsque vous prenez le train, câest le silence total
livres sont Ă paraĂźtre. Un nouveau recueil et
dans les wagons. Et parfois, ce silence me fait
un beau livre en collaboration avec un artiste
peur.
qui imprime des animaux.
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MARS 2018
ALEXANDER MAKSIK PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA
UN LIVRE SENSUEL QUI PARLE D'AMOUR
AprĂšs "La Mesure de la dĂ©rive", nous rencontrons de nouveau Alexander Maksik au cĆur de Paris pour nous parler en exclusivitĂ© de S E L son I N A roman R I C H A R "L'Oiseau, DS le goudron et l'extase" (Belfond). Entretien.
LFC : Bonjour Alexander Maksik, nous
un homme dans le parking dâune
nous étions rencontrés en 2014 pour
quincaillerie Ă lâaide dâun marteau. Dâautre
votre livre La mesure de la dérive paru
part, ce meurtre a eu lieu le mĂȘme Ă©tĂ© oĂč Joe
chez Belfond. Aujourdâhui, nous nous
a rencontrĂ© lâamour de sa vie, Tess.
voyons pour la sortie de votre livre
Lâoiseau, le goudron et lâextase (Belfond).
LFC : Comment est nĂ©e lâidĂ©e de raconter
DĂšs quâon lit ce livre, on sâaperçoit que le
cette histoire ?
titre est trĂšs important. AM : Jâai toujours voulu Ă©crire un livre sur le AM : Je lâespĂšre. Ce nâest pas du tout le
thĂšme de la bipolaritĂ© et de lâamour. Dans ce
mĂȘme titre quâaux Ătats-Unis. Il nâa pas la
livre, jâai choisi dâinverser les rĂŽles entre les
mĂȘme signification. Le titre français est une
hommes et les femmes. Les hommes
phrase extraite du roman. Je pense quâil est
endossent des rĂŽles classiques. Ils ne sont
trÚs efficace et trÚs mystérieux.
pas beaucoup mis en avant. Les femmes ont un rĂŽle de cow-boys, de policiers. Je
LFC : On va tĂącher de ne pas abĂźmer le
souhaitais mettre les femmes en avant.
suspense aux lecteurs et plutĂŽt se concentrer sur Joe, votre personnage
LFC : Quâavez-vous appris en faisant cela ?
principal qui va vivre deux événements importants avec deux femmes. Pouvez-
AM : Jâai beaucoup dâadmiration pour les
vous nous en dire plus ?
femmes. CâĂ©tait trĂšs intĂ©ressant de suivre leurs parcours en tant que femmes
AM : Oui en effet. Dâune part, sa mĂšre a tuĂ© 47
indĂ©pendantes. Jâaime le fait que ces
femmes aient la capacitĂ© dâĂȘtre violentes, agressives⊠CâĂ©tait une expĂ©rience trĂšs enrichissante. LFC : Pouvez-vous prĂ©senter Joe Ă nos lecteurs ?
SELINA AM : Joe est quelquâun de sensible, de vulnĂ©rable et dâerratique. Certains jours, il est trĂšs excitĂ©, trĂšs alerte et plein de vie et
LâexpĂ©rience de mon personnage principal nâest pas trĂšs Ă©loignĂ©e de la mienne. Je connais cette maladie RICHARDS qui est trĂšs prĂ©sente au sein de ma famille.
dâautres jours, il est complĂštement dĂ©pressif. Il souffre de bipolaritĂ©.
humeurs de mes personnages.
LFC : Ce qui est bien fait dans votre livre,
LFC : Vous avez construit votre livre en
câest que lâon suit les ups et les downs de
petits chapitres, ce qui rend le livre trĂšs
Joe. Comment avez-vous travaillé la
dynamique avec un rythme trĂšs soutenu.
psychologie de ce personnage ? AM : Câest exactement ce que je voulais. Jâai AM : LâexpĂ©rience de mon personnage
Ă©crit mon livre comme si jâavais composĂ© un
principal nâest pas trĂšs Ă©loignĂ©e de la
morceau de musique. Chaque chapitre, sans
mienne. Je connais cette maladie qui est
ĂȘtre trop prĂ©tentieux, ressemble Ă une
trÚs présente au sein de ma famille. Mon
chanson et incarne un jour de la vie de Joe. Il
grand-pĂšre et mon oncle se sont suicidĂ©s Ă
y a une musicalité avec les mots, avec les
cause de celle-ci. Jâai voulu partager mon
phrases. Jâai travaillĂ© ce livre comme un
histoire. Je me suis vraiment calqué sur les
tableau, en cherchant les différentes
humeurs de Joe. Lorsque jâallais bien,
couleurs, les différentes humeurs.
jâĂ©crivais des passages du livre oĂč Joseph Ă©tait enthousiaste, et inversement, quand je
LFC : Câest trĂšs malin dâavoir procĂ©dĂ© de
nâallais pas trĂšs bien, jâĂ©crivais des
cette façon. Vous vous intéressez
passages oĂč Joe Ă©tait plutĂŽt dĂ©pressif.
beaucoup Ă la psychologie de vos personnages, ce qui donne un livre
LFC : Vous proposez aux lecteurs une
attrayant et entraĂźnant. On a toujours
histoire quâils vont sâapproprier, mais qui
envie dâaller au chapitre suivant. Vous
pourtant vous ressemble beaucoup.
avez pensé ce livre en différents plans, en différents axes. Racontez-nous.
AM : Oui, câest vrai. MĂȘme si ce nâest pas totalement mon histoire, je comprends les 48
AM : HonnĂȘtement, je nâĂ©tais pas sĂ»r de moi
A L E X A N D E R
M A K S I K
UN ROMAN DE SOUFFRANCE
Câest une histoire dâamour, mais dâamour familial. Câest aussi une histoire dâamour romantique.
La nature est importante. Je suis quelquâun de trĂšs sensible et de trĂšs sensuel. Jâaime sentir la nature autour de moi. Pour Joe aussi, câest important. Câest quelquâun de trĂšs isolĂ© qui a besoin de trouver de la paix dans la nature. Comme vous lâavez dit, la nature SELINA RICHARDS est un personnage. en adoptant ce rythme. Jâai beaucoup
LFC : La nature a un rĂŽle
recommencé. La solution pour moi a été de
important dans votre livre.
suivre les humeurs de Joe. Je voulais ĂȘtre fidĂšle
Lorsque vos personnages
Ă sa maladie.
vont mal, ils se raccrochent Ă la nature. Elle est lĂ pour
LFC : Ce livre a-t-il été éprouvant à écrire ?
les aider, pour les soulager.
AM : Oui, cela a été difficile. La violence et la
AM : Personnellement, je crois
bipolaritĂ© sont des thĂšmes trĂšs pesants. Jâai
que la nature est importante.
voulu vivre Ă travers le livre, Ă travers les
Je suis quelquâun de trĂšs
personnages. Ce nâest pas une histoire qui est
sensible et de trĂšs sensuel.
tout le temps joyeuse. Mais câest important pour
Jâaime sentir la nature autour
moi de ressentir ce que jâĂ©cris. Je ne suis pas un
de moi. Pour Joe aussi, câest
Ă©crivain qui Ă©crit de maniĂšre abstraite. Certes,
important. Câest quelquâun de
câest difficile, mais câest Ă©galement excitant. Cela
trÚs isolé qui a besoin de
me donne envie de continuer dâĂ©crire.
trouver de la paix dans la nature. Comme vous lâavez
LFC : La violence, la bipolarité, mais
dit, la nature est un
Ă©galement lâamour. Que souhaitiez-vous faire
personnage.
passer comme message ? LFC : On vous laisse le mot AM : De nombreuses façons de vivre et de
de la finâŠ
maniĂšres dâaimer. Câest une histoire dâamour,
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mais dâamour familial. Câest aussi une histoire
AM : Câest un livre sensuel qui
dâamour romantique. Et ce qui mâintĂ©ressait le
parle dâamour. JâespĂšre que
plus, câĂ©tait de me plonger dans le cĆur de la
les lecteurs prendront du
famille.
plaisir Ă le lire !
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MARS 2018
MARIE-LAURE DE CAZOTTE PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
OTTO GROSS LE MÉCONNU
FĂ©vrier 2018. HĂŽtel Ădouard 7, nous avons rendez-vous avec Marie-Laure de Cazotte pour une sĂ©ance photo et Elle nous parle S E L IsĂ©ance N A R I C Hbavardage. ARDS d'Otto Gross, de Sigmund Freud, du film de David Cronenberg, du dĂ©sir, de sexualitĂ© et de notre modĂšle de sociĂ©tĂ© patriarcale avec ses consĂ©quences.
LFC : Bonjour Marie-Laure de Cazotte, nous
MLDC : Sigmund Freud admirait Otto Gross qui
nous rencontrons pour parler de votre
était médecin et brillant neurologue et le
nouveau livre Mon nom est Otto Gross
considĂ©rait indispensable Ă lâavenir de la
(Ăditions Albin Michel) depuis le 28 fĂ©vrier
psychanalyse. Ă lâĂ©poque â nous Ă©tions dans
2018. Comment est nĂ©e lâidĂ©e de consacrer
les années 1905-1910 -, Sigmund Freud était
ce livre Ă ce personnage ?
principalement entouré de disciples de confession mosaïque et craignait que la
MLDC : Par le biais dâune recherche sur Monte
psychanalyse ne soit classée comme un trait
Verità , la montagne de la vérité, une colonie
culturel juif. Il essayait dâattirer dans son cercle
internationale installée dans le Tessin Suisse,
des grandes figures dâorigine chrĂ©tienne. Ă part
au bord du lac Majeur Ă partir de 1902,
Otto Gross, il y avait bien sur Carl Gustav Jung
pratiquant le végétarisme, la méditation, le
qui était totalement hypnotisé par le Viennois et
communisme sexuel, la danse en pleine nature.
revendiquait un statut dâhĂ©ritier. Freud, de
Certains Ă©taient thĂ©osophes, dâautres
façon un peu perverse, lâavait mis en
bouddhistes, certains vivaient dans des chalets,
compétition avec Otto Gross qui, pourtant, avait
dâautres, comme Hermann Hesse, dans des
déjà affiché certains désaccords avec le maßtre.
grottes. Il y avait des anarchistes, des
Le film de David Cronenberg A Dangerous
adolescents en fuite, et Otto Gross Ă©tait le
Method consacré à la relation amoureuse entre
psychanalyste de la communauté.
Carl Gustav Jung et Sabina Spielrein Ă©voque la relation entre Otto Gross (qui apparaĂźt sous les
52
LFC : Pouvez-vous nous parler du lien entre
traits de Vincent Cassel) et Carl Gustav Jung
Otto Gross et Sigmund Freud ?
mais nâen montre pas l'ambiguĂŻtĂ©, la part de
haine, de passion, de dinguerie entre les deux hommes, lâinfluence colossale dâOtto sur Carl Gustav, la jalousie nĂ©vrotique de ce dernier, son caractĂšre dĂ©doublĂ©. Lorsque Carl Gustav Jung a eu dans son hĂŽpital S E LOtto INA Gross qui Ă©tait toxicomane, leur relation mĂ©decin- patient sâest inversĂ©e. Otto Gross a pris le pouvoir sur un Carl Gustav Jung au bord de lâexplosion, ne supportant plus
Otto Gross Ă©tait un toxicomane, un exaltĂ© profondĂ©ment engagĂ© dans la lutte RICHARDS pour la libertĂ© sexuelle, le fĂ©minisme et lâanarchisme.
lâhĂŽpital psychiatrique, plein de doutes sur sa relation conjugale, amoureux de Sabina Spielrein, cette patiente, devenue son
le fĂ©minisme et lâanarchisme. Il faut quand
étudiante. Tout à coup, le soigné devient le
mĂȘme dire quâĂ lâĂ©poque ĂȘtre fĂ©ministe et
soignant, lâanalysĂ© lâanalyste et il semble
anarchiste Ă©taient de stigmates de folie,
que Carl Gustav Jung Ă©tait tellement
mais de lĂ Ă taxer Otto Gross de
mĂ©dusĂ© par les thĂ©ories dâOtto Gross, quâil
schizophrĂšne⊠CâĂ©tait ridicule et surtout de
ne voulait plus le lĂącher. Pendant cet
la part dâun homme qui dĂšs le lendemain
internement qui durera un mois, Otto Gross
de la fuite de son patient a déclaré à sa
rĂ©alise que Carl Gustav Jung ne sâintĂ©resse
future maĂźtresse quâil Ă©tait bouleversĂ© par
pas Ă ses propres difficultĂ©s. Il nâen peut plus
lâenseignement dâOtto Gross.
dâĂȘtre enfermĂ©. Il va donc sâĂ©chapper de cet hĂŽpital dans des conditions rocambolesques
LFC : Vouliez-vous Ă©crire sur Otto Gross,
et cela va rendre fou Carl Gustav Jung qui le
car il Ă©tait moins connu ?
dĂ©clarera atteint de dĂ©mence prĂ©coce â la future schizophrĂ©nie- auprĂšs de Sigmund
MLDC : En effet, il nâest pas trĂšs connu en
Freud et de lâensemble de la profession
France mĂȘme si Michel Onfray lui a dĂ©diĂ©
médicale.
beaucoup de conférences et Jacques le Rider de nombreux textes. Otto Gross est
LFC : Ce qui est totalement injusteâŠ
beaucoup plus connu en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Il est Ă©galement
53
MLDC : Injuste et impossible. Otto Gross Ă©tait
connu du grand public justement grĂące au
un toxicomane, un exalté profondément
film de David Cronenberg. Il faut réaliser
engagé dans la lutte pour la liberté sexuelle,
que Otto Gross Ă©tait un dissident de la
M A R I E - L A U R E
D E
C A Z O T T E
Il faut rĂ©aliser que Otto Gross Ă©tait un dissident de la psychanalyse, qui, non seulement critiquait Freud, mais voulait engager la psychanalyse sur le terrain politique. Outre son engagement dans lâanarchisme, il Ă©tait proche des sulfureux cercles expressionnistes puis dadaĂŻstes. Il a Ă©tĂ© mis Ă lâindex par les Freudiens comme par les Jungiens.
psychanalyse, qui, non seulement critiquait Freud, mais voulait engager la psychanalyse sur le terrain politique. Outre son engagement dans lâanarchisme, il Ă©tait proche des sulfureux cercles expressionnistes puis dadaĂŻstes. Il a Ă©tĂ© mis Ă lâindex par les Freudiens commeSpar E Lles INA Jungiens. LFC : Quel a Ă©tĂ© son principal apport ? MLDC : Otto Gross Ă©tait un philosophe de la libertĂ©. Il pensait quâune sociĂ©tĂ© patriarcale qui
En tant que psychanalyste, il franchissait toutes les limites. Il avait des relations charnelles avec ses patients et patientes et a mĂȘme RICHARDS organisĂ© des orgies sexuelles. Il voulait que les hommes et les femmes connaissent le dĂ©sir pour le dĂ©sir.
ne donne pas sa place au dĂ©sir â Ă lâEros, qui enferme les femmes, impose une fonction aux
sexuelles. Il voulait que les hommes et les
hommes est une société qui engendre des
femmes connaissent le désir pour le désir.
névroses, des comportements destructeurs
Une fusion, sans liens amoureux et sans
collectifs et individuels. Ses théories sur la
engagement social. Il va sans dire quâĂ
liberté sexuelle ont posé des jalons essentiels. Il
lâĂ©poque, câĂ©tait totalement scandaleux et
était également parmi les premiers à considérer
criminel. Pourquoi le faisait-il ? Parce quâil
que la psychanalyse pouvait devenir un
considĂ©rait que lâEros Ă©tait une force, un Ă©lan
instrument dâanalyse sociale. Par ailleurs, sa
vital, unissant toutes les créatures, et le seul
vision sur la perte des liens entre lâHomme et la
moyen quâavait lâhomme de dĂ©velopper un
nature, préfigure les mouvements écologistes.
lien dâamour avec la nature. Pour rĂ©sumer de
Enfin, câĂ©tait un scientifique visionnaire qui, en
façon trop brÚve des théories trÚs
luttant pour que psychanalystes et
sophistiquĂ©es, il considĂ©rait la morale Ă
neurologues, associent leurs découvertes, était
lâorigine de la destruction de la terre.
un précurseur de certains aspects des neurosciences actuelles.
LFC : Selon vous, quel Ă©cho ce livre a-t-il aujourdâhui ?
LFC : Le désir était trÚs présent chez Otto Gross.
MLDC : On aimerait que les dĂ©bats quâil soulĂšve soient derriĂšre nous.
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MLDC : En tant que psychanalyste, il
Malheureusement, force est de constater
franchissait toutes les limites. Il avait des
que les sociétés patriarcales actuelles
relations charnelles avec ses patients et
rĂ©duisant la femme Ă trois fonctions â la
patientes et a mĂȘme organisĂ© des orgies
virginité, le mariage et la procréation -
positionnant les hommes comme ayant pouvoir sur tout provoquent nĂ©vroses, violences et destructions massives. Otto Gross nâavait pas raison sur tous les sujets, mais il savait parfaitement et dĂšs 1910 que lâEurope se dirigeait vers un cataclysme historique. Lorsquâil SE LINA clamait quâune sociĂ©tĂ© dirigĂ©e par des hommes atteints de nĂ©vrose de puissance nâavait pas pour but la protection de la terre ou le bonheur de lâhumanitĂ©, mais la reproduction de cette puissance, il avait parfaitement raison. Il a certainement Ă©tĂ© excessif en rĂ©clamant que les enfants soient retirĂ©s des mains des pĂšres et que tous les pouvoirs de contrĂŽle sociaux soient
On aimerait que les dĂ©bats quâil soulĂšve soient derriĂšre nous. Malheureusement, force est de constater que les sociĂ©tĂ©s patriarcales actuelles rĂ©duisant la R I C H Afemme RDS Ă trois fonctions â la virginitĂ©, le mariage et la procrĂ©ation - positionnant les hommes comme ayant pouvoir sur tout provoquent nĂ©vroses, violences et destructions massives.
donnĂ©s aux femmes, mais câĂ©tait dans sa
LFC : En Ă©crivant ce livre sur Otto
logique radicale.
Gross, avez-vous appris des éléments inédits ?
LFC : Pouvez-vous nous parler de la relation entre Otto Gross et son pĂšre ?
MLDC : Pas inédits, mais ignorés, oui. Beaucoup. à commencer par les liens
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MLDC : Ce sont deux génies. Le pÚre est un
entre lâanarchisme, le dadaĂŻsme et les
juge, le fondateur de ce qui deviendra la police
grands mystiques chrétiens. Hugo Ball,
scientifique. Il incarne au plus haut niveau la loi,
le fondateur du dadaĂŻsme avait Ă©crit
lâempire, lâautoritĂ© et sâentoure de tous les plus
dans son carnet intime quâil avait pensĂ©
grands scientifiques de son temps. Son fils est
Ă Denys lâArĂ©opagite â Dionysos
son reflet inversé. Il incarne les forces du chaos,
lâArĂ©opagitas en inventant ce vocable
la rĂ©volution, le refus de lâautoritĂ© et sâentoure
D.A.D.A. Câest devenu un tabou.
des plus grands révolutionnaires de son temps.
Ăgalement, les liens profonds entre
La lutte entre les deux est poignante, tragique.
politique et psychiatrie apparaissent, je
Ils sont dans une arĂšne comme un torero et un
crois, sous un jour nouveau, assez
taureau et changent de rĂŽle en permanence et
paradoxal, et souvent assez terrifiant
lorsque le pĂšre parviendra Ă faire interner le fils,
car on sâaperçoit quâavant 1914, ce qui
il subira les attaques frontales dâune grande
allait devenir lâidĂ©ologie nazie est
partie de lâintelligentsia europĂ©enne.
parfaitement en place.
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MARS 2018
HĂLOĂSE GUAY DE BELLISSEN
II
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA
Février 2018. Odéon à Paris au siÚge de Flammarion, Héloïse Guay de Bellissen nous reçoit pour une séance photo et un entretien au sujet de son nouveau roman intime, "Dans le SELINA RICHARDS ventre du loup". Fiction tirée d'un fait divers qui a touché de plein fouet sa famille et sa propre existence. Rencontre poignante avec une romanciÚre qui nous offre un roman magistral. Une lecture frappante. LFC : Bonjour Héloïse Guay de Bellissen,
autres livres, je parlais toujours dâune enfance
nous nous rencontrons pour la troisiĂšme fois
brisée, que ce soit Kurt Cobain ou celles des
pour la sortie de votre livre Dans le ventre du
enfants de chĆur, ils ne voulaient pas grandir.
loup (Flammarion). TrĂšs naĂŻvement, nous
Câest un thĂšme que jâaffectionne beaucoup.
assumons. Nous avons lu votre roman
Dans ce troisiĂšme roman, jâai eu envie de parler
comme une fiction, sans savoir que cette
de mes vraies obsessions, savoir dâoĂč elles
histoire était liée à la vÎtre. Ce qui nous
venaient. Jâai vu lâĂ©mission Faites entrer
donne envie de le relireâŠ
lâaccusĂ© en 2015 sur lâaffaire en question et je me suis dit que câĂ©tait le moment de se lancer,
HGDB : Cette lecture que vous avez eue, câest la
sans faire de voyeurisme.
lecture que je souhaite. Ce livre propose un million de lectures. Il y a des faits divers, des
LFC : Cette émission a-t-elle été le point de
choses plus personnelles, une enquĂȘte
départ du livre ?
policiĂšre⊠Ce livre se lit Ă©galement comme un roman. MĂȘme si je parle de faits rĂ©els, je pense
HGDB : Lorsque jâai vu cette Ă©mission, jâai Ă©tĂ©
que câest bien que lâon puisse le lire sans savoir
abasourdie. Des gens de ma famille nâavaient
que câest vrai. Cela veut dire que le cĂŽtĂ©
jamais évoqué le sujet. Ils avaient raison, car
romanesque fonctionne.
jâĂ©tais trĂšs jeune. Ce qui est intĂ©ressant, câest que jâessaye de mâaccrocher Ă lâimage de ma
LFC : Comment est nĂ©e lâidĂ©e de passer
cousine que je nâai pas et que je nâaurais
dâune histoire personnelle Ă une fiction ?
jamais. Je trouve cela assez beau, car je nâaurai aucun souvenir qui reviendra. Mais dĂ©sormais,
HGDB : Câest une sacrĂ©e dĂ©marche ! Dans les 58
jâai un livre.
LFC : Vous racontez un fait divers qui a dĂ©frayĂ© la chronique dans les annĂ©es quatre-vingt et qui vous a touchĂ© ainsi que votre famille. Seulement, vous nâavez connu la vĂ©ritĂ© quâĂ lâĂąge adulte, et S Ecâest LINA cela qui est passionnant pour le lecteur. Nous avons le mĂȘme point de vue que vous, on dĂ©couvre les faits au fur et Ă mesure.
Jâai voulu raconter la situation dans laquelle on se trouve lorsquâil y a un secret dans une famille. Câest la mĂȘme chose pour les gens qui ont Ă©tĂ© adoptĂ©s par et qui cherchent R I exemple CHARDS leur pĂšre ou leur mĂšre. Certes, câest une expĂ©rience personnelle, mais je crois quâelle est universelle.
HGDB : Jâai voulu raconter la situation dans laquelle on se trouve lorsquâil y a un secret
Câest le non-dit qui est devenu une
dans une famille. Câest la mĂȘme chose pour
espĂšce de monstre, le monstre du
les gens qui ont été adoptés par exemple et
silence.
qui cherchent leur pĂšre ou leur mĂšre. Certes, câest une expĂ©rience personnelle, mais je
LFC : Le roman Ă©tait-il le meilleur
crois quâelle est universelle.
genre pour raconter votre histoire ?
LFC : Vous dĂźtes que chacun dâentre nous
HGDB : Oui, complĂštement. Quand je
a des non-dits et que chacun en fait ce
rencontre des zones dâombres, je peux
quâil veut.
les arranger et mettre des zones lumineuses. Jâai voulu raconter ce qui
HGDB : Mon cas personnel nâarrive pas dans
sâĂ©tait passĂ© Ă cette Ă©poque. Et
toutes les familles, et heureusement. Je
Ă©galement raconter ce qui se passe
reçois beaucoup de courriers de lecteurs
quand une petite fille disparaĂźt. Je ne
qui, aprĂšs avoir lu mon livre, entament des
suis pas la seule à avoir été touchée. Ce
recherches sur des secrets de famille.
sont également des institutrices, des camarades de classe⊠Quand je suis
LFC : Comment avez-vous réagi aprÚs
allée au tribunal pour voir les
avoir connu ce secret ?
dépositions, je ne savais pas du tout comment cela allait se passer. Au final,
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HGDB : Jâai Ă©tĂ© un dommage collatĂ©ral de
on sâintĂ©resse uniquement au cas de
toute cette histoire. Jâen ai Ă©tĂ© traumatisĂ©e.
lâassassin, car câest lui qui est accusĂ©.
H Ă L O Ă S E
G U A Y
D E
B E L L I S S E N
LE NON-DIT: LE MONSTRE DU SILENCE
LFC : Vous citez son nom dâailleurs dans le livre. HGDB : Oui, jâai essayĂ© de retourner le non-dit. Jâai mis le vrai prĂ©nom de ma cousine, le vrai prĂ©nom de lâassassin et tous les autres sont des faux prĂ©noms. Je sais quâil essaye de sortir de
S E L Imais NA prison. Tout le monde a le droit au pardon,
Je crois quâil faut faire plus de bruit, mĂȘme si parfois la foudre frappe. Câest un livre qui remue beaucoup de choses. Reparler dâune affaire familiale trente ans plus tard, câest Ă©prouvant. Ce sont des blessures qui sont ineffaçables. Je nâavais pas envie de me taire.
RICHARDS
il est incurable.
LFC : Ăcrire ce livre vous a-t-il fait du bien ?
LFC : Avez-vous Ă©crit ce livre pour ne pas
HGDB : Il faut absolument Ă©clater un secret
vous taire ?
lorsquâil y en a un. Câest aprĂšs avoir Ă©clatĂ© ce secret que vous pouvez grandir. On se sent plus
HGDB : CarrĂ©ment. Je crois quâil faut faire plus
heureux aprĂšs, plus Ă©panoui.
de bruit, mĂȘme si parfois la foudre frappe. Câest un livre qui remue beaucoup de choses.
LFC : On a pu lire dans la presse que vous vous
Reparler dâune affaire familiale trente ans plus
ĂȘtes sentie plus lĂ©gitime en tant que
tard, câest Ă©prouvant. Ce sont des blessures qui
romanciĂšre avec ce livreâŠ
sont ineffaçables. Je nâavais pas envie de me taire.
HGDB : Sur ce livre, câĂ©tait lâĂ©criture et rien dâautre. Je ne sais pas comment lâexpliquer. Avec
LFC : Ce livre a été fait pour susciter des
celui-ci, jâai Ă©tĂ© capable dâĂ©crire une fiction avec
rĂ©actions, et câest ce qui se passe en ce
une tragĂ©die qui me dĂ©passe. Câest comme si
moment dans les médias, sur les réseaux
jâavais apprivoisĂ© un monstre. Cela a Ă©tĂ© un
sociauxâŠ
exutoire.
HGDB : Dans ce livre, il y a vraiment tout. On ne
LFC : Lorsquâon termine un livre comme celui-
sait pas si câest un polar, si câest rĂ©el ou si câest
ci. Quâaimeriez-vous Ă©crire ensuite ?
artificiel. HGDB : Je pense que le prochain livre sera plus LFC : Ce qui est trĂšs bien fait, câest Ă©galement
cool. Je vais arrĂȘter dâouvrir des boĂźtes de
le fil rouge avec le chaperon rougeâŠ
Pandore. Mais jây reviendrai sĂ»rement par la suite.
HGDB : Ce fait divers ressemble Ă©trangement Ă
LFC : Quâaimeriez-vous que le lecteur retienne
lâhistoire du petit chaperon rouge. Cela donne
Ă la fin de sa lecture ?
un cĂŽtĂ© encore plus universel. Câest un
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conte dâavertissement. Le fait dâĂ©voquer ce
HGDB : Jâaimerais que le lecteur se dise quâil faut
conte donne un souffle au livre, cela lui donne
aller au bout des choses. Lorsquâon a quelque
un cÎté moins macabre.
chose en soi qui ne va pas, il faut le guérir.
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
SAĂDEH PAKRAVAN PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
FĂ©vrier 2018, HĂŽtel Ădouard 7, SaĂŻdeh Pakravan a obtenu Le Prix de la Closerie des Lilas. S E L I N ARĂ©guliĂšrement RICHARDS invitĂ©e dans nos pages, la romanciĂšre accepte avec joie notre sĂ©ance photo et l'entretien pour parler de son nouveau roman "L'Ămir". Et bien plus...
LFC : Bonjour SaĂŻdeh, nous nous rencontrons
lâEurope du Nord et sur le christianisme. Son
pour la deuxiĂšme fois aprĂšs Le principe du
Ă©diteur lui demande si elle veut continuer
dĂ©sir en 2017. Aujourdâhui, votre actualitĂ©, câest la sortie de LâĂ©mir (Belfond). Comment
dâĂ©crire sur la religion, lâIslam en lâoccurrence.
est nĂ©e lâidĂ©e dâĂ©crire ce livre ?
de rendez-vous dans les pays arabes. Elle
Elle accepte. Ils lui prennent donc tout un tas arrive en Irak au moment oĂč Saddam Hussein
SP : Nous vivons dans une Ă©poque
commence Ă rouler des mĂ©caniques et Ă
extrĂȘmement troublĂ©e. Nous nous posons
attaquer le KoweĂŻt pour des raisons qui nâont ni
beaucoup de questions. Comment tout cela a-t-
queue ni tĂȘte. Lors de son voyage dans le golfe
il commencé ? Comment notre monde a-t-il
persique, elle rencontre un Ămir atypique, qui
basculé dans quelque chose de
nâexiste pas dans la rĂ©alitĂ©. Câest le coup de
mĂ©connaissable ? Jâai donc imaginĂ© ces
foudre.
personnages qui auraient Ă la fois de
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lâintelligence et de la bonne volontĂ©. VoilĂ le
LFC : Il y a toujours ce principe du désir qui
point de départ.
nâest pas si facile.
LFC : Votre héroïne Virginie Page prépare un
SP : Comme dit Virginie à un moment donné :
rĂ©cit de voyage durant lâĂ©tĂ© 1990 qui est
jâai rencontrĂ© mon double, celui que jâattends
consacrĂ© Ă lâIslam.
depuis toujours. Câest une histoire platonique.
SP : Elle vient dâĂ©crire un livre qui a eu
LFC : Comment avez-vous créé ces
beaucoup de succÚs sur les cathédrales de
personnages ?
SP : Je les ai regardĂ©s vivre. Je les ai observĂ©s. Je les ai Ă©coutĂ©s. Ils se sont vraiment dĂ©veloppĂ©s jour aprĂšs jour et jâai trouvĂ© leurs conversations trĂšs intĂ©ressantes. Sans vouloir se fondre lâun dans lâautre au point de vue des idĂ©es, ils ont toujours cherchĂ© le chemin lâun vers lâautre. Aucun des
SELINA
deux ne fait de concessions ou nâessaie de faire plaisir Ă lâautre. Ce sont deux personnes qui cherchent profondĂ©ment des rĂ©ponses, qui se les donnent mutuellement et qui trouvent
Je suis agnostique. Je ne comprends pas la foi ou la religion. Je ne suis mĂȘme pas athĂ©e. Pour ĂȘtre athĂ©e, il faut ĂȘtre activiste. LâidĂ©e de Dieu ne mâintĂ©resse pas R I C HparticuliĂšrement. ARDS Je ne comprends pas cette insistance de tout un chacun de dire jâai raison, câest moi qui dĂ©tiens la vĂ©ritĂ©.
constamment un terrain dâentente. Câest presque une mĂ©taphore pour deux cultures dissemblables.
Moi je nâen ai pas. Je suis agnostique. Je ne comprends pas la foi ou la religion.
LFC : Quâaimeriez-vous que les
Je ne suis mĂȘme pas athĂ©e. Pour ĂȘtre
lecteurs retiennent aprĂšs la lecture
athĂ©e, il faut ĂȘtre activiste. LâidĂ©e de
de ce livre ?
Dieu ne mâintĂ©resse pas particuliĂšrement. Je ne comprends pas
SP : Jâaimerais quâils retiennent quâil nây
cette insistance de tout un chacun de
a pas une seule façon de voir les
dire jâai raison, câest moi qui dĂ©tiens la
choses, quâil nây a pas de positions
vérité. Cela vaut aussi bien pour les
fermes sur lesquelles on peut se tenir,
musulmans que pour Marine Le Pen ou
en disant que câest comme cela et pas
les gens de la gauche. Personne ne va, Ă
autrement. Câest ce qui fait que nous
un seul instant, penser Ă lâautre. Il faut
vivons dans une période désagréable.
laisser vivre les gens.
LFC : Pour quelle(s) raison(s) pensez-
LFC : Avec ce livre, vous nous amenez
vous que câest un grand livre ?
Ă rĂ©flĂ©chir et Ă ne pas juger. Quâen pensez-vous ?
SP : Parce quâil nây a pas de parti pris.
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Les livres, les reportages, les
SP : Il ne sâagit pas de ne pas juger. Peut-
documentaires ou les romans qui
ĂȘtre que je ne suis pas en accord avec
parlent de ce thÚme démontrent
ce que certains font, mais ce nâest pas
toujours un parti pris trĂšs fort.
mon problĂšme. Je trouve inacceptable
S A Ă D E H
P A K R A V A N
que des gens comme les Ă©vangĂ©listes, les islamistes ou les catholiques dĂ©cident que quelque chose est mal. Torturer des gens, violer des enfants, oui câest mal et nous nâavons besoin de personne pour nous le dire. En revanche, pour tout le reste, ce nâest pas Ă nous de juger. S E L I N A LFC : Pourquoi Ă©crivez-vous ? SP : Je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas mâen empĂȘcher. JâĂ©cris depuis que je suis toute petite. Jâai Ă©crit mes premiĂšres rĂ©dactions lorsque jâavais sept, huit ans. Elles Ă©taient dĂ©jĂ publiĂ©es dans le journal local. Jâai Ă©crit mon premier roman lorsque jâavais dix-sept ans. Jâai toujours Ă©crit. En Ă©crivant, je ne cherche pas Ă me prouver quelque chose.
Je nâai pas peur du jugement. Jâai surtout peur des imbĂ©ciles.Il arrive bien sĂ»r que des R I C H A R Dgens S intelligents critiquent ce que jâai fait dans ma vie, car jâai fait beaucoup de choses. Mais si cela est bien dit et bien pensĂ©, je nây vois aucun problĂšme. Je ne suis pas susceptible.
LFC : Ăcrire, câest sâexposer. Le vivezvous bien ?
LFC : LâEmir est actuellement en librairie. Continuez-vous
SP : Je nâai pas peur du jugement. Jâai
dâĂ©crire ?
surtout peur des imbéciles. Il arrive bien sûr que des gens intelligents critiquent
SP : Je suis en train dâĂ©crire un
ce que jâai fait dans ma vie, car jâai fait
livre sur le Shah dâIran avec qui jâai
beaucoup de choses. Mais si cela est
souvent été en contact. Je crois
bien dit et bien pensĂ©, je nây vois aucun
que je vais faire quelque chose
problĂšme. Je ne suis pas susceptible.
dâassez spĂ©cial.
Je suis en train dâĂ©crire un livre sur le Shah dâIran avec qui jâai souvent Ă©tĂ© en contact. Je crois que je vais faire quelque chose dâassez spĂ©cial. 66
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
DIANE DUCRET PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
SUIS-JE UN FLAMANT ROSE ?
Février 2018, dans le quartier du Marais, une lumiÚre sublime, nous rencontrons Diane Ducret pour une séance de photos exclusives. Plus de 30 minutes aprÚs, on s'installe au SELINA RICHARDS chaud dans un café parisien pour discuter de son roman le plus personnel dans lequel elle se projette sans filtre. Une fiction contre les apparences et pour la vie, malgré les obstacles aux allures insurmontables.
LFC : Bonjour Diane Ducret, nous nous
DD : MĂȘme si ce que je raconte est inspirĂ© Ă
rencontrons pour parler de votre livre La
90% de ma propre vie, cela reste un roman. Si
meilleure façon de marcher est celle du flamant rose (Ăditions Flammarion). Cette
câĂ©tait un rĂ©cit, je raconterais uniquement des
fois-ci, vous proposez un livre personnelâŠ
concept de lâhĂ©roĂŻne romanesque.
DD : Plus personnel, je dirais que ce serait une
LFC : Aviez-vous peur du pathos dans le
radiographie de mon corps (rires). Ce roman, je
témoignage ou le récit ?
Ă©vĂ©nements qui se sont produits. Jâaimais le
ne pouvais pas lâimaginer plus personnel. Au dĂ©but, je nâavais pas lâintention dâĂ©crire un livre
DD : Dans un document, il nây a pas de mise Ă
comme celui-ci. Je me suis arrĂȘtĂ©e en cours de
distance. La différence entre un récit et un
route et cela mâa paru comme une Ă©vidence
roman, câest la diffĂ©rence entre ĂȘtre boiteux et
que je devais transmettre ce texte. CâĂ©tait le
ĂȘtre un flamant rose. C'est tout le sujet du livre.
roman de mon envol. Câest trĂšs personnel au
Câest de se dire : oui je suis handicapĂ©e, jâai
point que le nom de lâhĂ©roĂŻne est une synthĂšse de tous les personnages que jâai pu
boitĂ© pendant la moitiĂ© de ma vie. Mais finalement suis-je boiteuse ou suis-je un flamant rose ? Câest la question de la transposition que
utiliser dans mes romans. Câest une sorte de
je trouve trĂšs beau. Câest amusant, car lorsque
double mythologique, hors du temps.
je croise des lecteurs qui ont lu mon livre, ils
anagramme de Diane. Ce personnage est une
ont lâimpression de se reconnaĂźtre. LFC : Vous auriez pu Ă©crire ce livre sous
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forme de récit ou de document, mais il
LFC : Votre point de départ est votre
apparaĂźt bien comme un roman.
expérience personnelle avec comme point
dâarrivĂ©e une fiction universelle. DD : La dimension universelle est une dimension positive. Câest le rĂ©cit dâune femme qui se relĂšve toujours.
SELINA
LFC : Ă quel moment vous ĂȘtes-vous dit quâil fallait Ă©crire ce genre dâhistoire ? DD : Je ne lâavais pas fait avant, car je me
Je ne lâavais pas fait avant, car je me cachais toujours derriĂšre mes personnages historiques fĂ©minins. Je racontais toujours lâhistoire de femmes qui ont eu une vie, des histoires R Imauvaise CHARDS dâamour qui ont mal fini avec de mauvaises personnes et peut-ĂȘtre quâĂ travers ces femmes, je parlais de moi.
cachais toujours derriÚre mes personnages historiques féminins. Je racontais toujours
Nous ne pouvons pas nous plaindre. Sâil y
lâhistoire de femmes qui ont eu une
a des syndromes post-traumatiques, des
mauvaise vie, des histoires dâamour qui ont
douleurs, des handicaps, des crises
mal fini avec de mauvaises personnes et
dâangoisse suite Ă des violences, câest
peut-ĂȘtre quâĂ travers ces femmes, je parlais
notre propre vie que nous allons gĂącher.
de moi. Ă un moment donnĂ©, ce nâĂ©tait plus
Le temps passe trop vite. Jâai passĂ© dix
possible de le cacher. Je devais faire passer
ans sans pouvoir marcher et câest trĂšs
un message. Câest ce qui fait du bien aux
long. Quand on se réveille à plus de trente
gens. Ce qui leur donne de lâespoir.
ans et que lâon a lâimpression dâavoir dix ans de retard, personne ne va nous aider.
LFC : Câest Ă©galement un livre qui parle
Si je ne décide pas de me relever, je vais
dâamourâŠ
passer Ă cĂŽtĂ© de quelque chose. Dans mon livre, je parle dâĂ©ducation
DD : Absolument, sur comment sâaimer soi-
sentimentale au sens fort du terme.
mĂȘme, sur lâamour innĂ©, lâamour maternel, ce
Aujourdâhui, en voulant nous protĂ©ger de
dont jâai toujours Ă©tĂ© en quĂȘte.
la douleur Ă©motionnelle ou sentimentale, nous faisons des actes boiteux. Les gens
LFC : En quoi cette expérience est-elle
ne sont pas préparés aux coups que la vie
devenue une force pour vous ?
va leur donner. Jâai vĂ©cu les pires cauchemars. Et aujourdâhui, ĂȘtre capable
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DD : Nous sommes obligés de nous
de raconter cela de façon positive est une
responsabiliser. Nous nâavons pas le choix.
victoire. Rien nâest impossible.
D I A N E
D U C R E T
RIEN N'EST IMPOSSIBLE
LFC : Votre roman est Ă©galement un message contre le paraĂźtre. On se dit quâavec vos livres, vos autres projets artistiques, votre beautĂ©, tout marche pour vous. Pourtant, nous ignorons tout des blessures et des
S E Lnous INA histoires des gens. Avec ce roman, vous rappelez que vous ne dérogez pas à cette
Câest un livre contre le paraĂźtre et je crois que jâen RICHARDS ai Ă©tĂ© victime.
idĂ©e. Câest aussi le cas pour vous. DD : Vous avez raison. Certains vont dire quâil y
plus de livres en ce moment, qui mâa
a pire, mais câest une image trĂšs difficile. Cela
rĂ©pondu : nous nâavons pas vocation Ă
renferme terriblement. Je trouve que dans le milieu littĂ©raire, il existe des discriminations Ă
publier les Ă©lucubrations des rĂ©formĂ©es dâĂ©coles de mannequins. Cela Ă©tait
propos de ceux qui nâont pas lâair Ă©crivain. Je
extrĂȘmement dur, on le prend en pleine
souris, je suis fiĂšre, je vais bien, câest mon
poire.
attitude. Souvent, on imagine lâattitude dâun Ă©crivain ou dâune romanciĂšre qui ne se maquille
LFC : Avez-vous dâautres projets au-delĂ
pas, qui sâhabille large, comme un rat de
de ce roman ?
bibliothĂšque un peu agressif. Je suis assez en accord avec vous, câest un livre contre le
DD : Je suis en train dâĂ©crire lâadaptation
paraĂźtre et je crois que jâen ai Ă©tĂ© victime. Le
cinĂ© de Lâhomme idĂ©al existe, il est
milieu littĂ©raire sâintĂ©resse davantage Ă moi depuis quelques mois. Câest la premiĂšre fois
quĂ©bĂ©cois avec Ken Scott, qui avait rĂ©alisĂ© le film Starbuck. Câest un beau
que jâai un papier dans LIRE, jâai eu un papier
projet que lâon Ă©crit en ce moment. Jâai
dans La revue des deux mondes. Câest aussi la
crĂ©Ă© Ă©galement un scĂ©nario que jâai
premiĂšre fois que je fais la derniĂšre page de
vendu, une comédie romantique sur la
LibĂ©ration, le portrait. Je nâavais jamais eu tout
maladie dâAlzheimer. Ces deux projets me
cela auparavant.
tiennent vraiment Ă cĆur. Mais surtout ce que je veux en ce moment, câest
LFC : Vos dĂ©buts Ă©taient si difficilesâŠ
accompagner le livre. Que ce soit de la part des journalistes ou encore des
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DD : Quand jâai Ă©crit Femmes de dictateur, les
lecteurs, jâai des feed-back auxquels je
dix maisons dâĂ©dition Ă qui jâai envoyĂ© mon
nâavais pas du tout pensĂ©. Et câest trĂšs
manuscrit nâont pas voulu se lancer dans le
intéressant pour prendre du recul par
projet. Jâai mĂȘme reçu une rĂ©ponse dâune
rapport Ă ce roman, que jâaffectionne
maison dâĂ©dition, une de celles qui vendent le
particuliĂšrement.
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
JULIEN DUFRESNE LAMY
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
FĂ©vrier 2018, rencontre au centre de Paris avec Julien Dufresne Lamy pour nous parler de son nouveau roman dans lequel la S E L I N"Les A R IIndiffĂ©rents" CHARDS jeunesse dorĂ©e va ĂȘtre au cĆur d'un drame qui tiendra le lecteur en haleine de pages en pages. Haletant et subtil psychologiquement.
LFC : Bonjour Julien Dufresne Lamy, vous
propre responsabilitĂ©. Et câest pour cela que
publiez Les indiffĂ©rents (Belfond). Câest
lâon dit que les gens deviennent indiffĂ©rents.
différent par rapport à votre roman
Jâai voulu transposer ce thĂšme sur ce groupe
prĂ©cĂ©dent oĂč lâon suivait le parcours dâune
dâadolescents qui vivent entre eux et qui vont
danseuse. Cette fois-ci, il sâagit dâune fiction.
devenir indiffĂ©rents les uns envers les autres jusquâau drame.
JDL : Câest vrai que dans le premier livre, il y avait une part biographique qui Ă©tait la bĂ©quille
LFC : On voit que cette jeunesse vous a
de lâhĂ©roĂŻne. Dans Les indiffĂ©rents, câest une
inspiré, car le lecteur est complÚtement
pure fiction. Les personnages nâexistent pas.
emportĂ© dans cette histoire. Câest un roman mĂȘme si ce livre peut aussi se lire comme un
LFC : Câest un livre qui parle de la jeunesse,
thriller.
pourquoi avoir choisi ce thĂšme ? JDL : Effectivement, dans la construction du
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JDL : Jâavais envie dâĂ©crire un livre sur un
livre, il y a une partie polar, une partie
thĂšme de psychologie sociale qui mâintĂ©resse
psychologique. Le livre sâouvre sur une scĂšne
beaucoup qui sâappelle lâeffet du tĂ©moin. Câest
dâaccident oĂč lâon comprend que dans cette
un concept qui consiste Ă montrer quâen cas de
bande ils sont quatre, et que lâun dâeux va
situation dâurgence dans la vie de tous les jours,
mourir un matin sur la plage. Mais câest peut-
lorsque lâon assiste Ă un accident ou une
ĂȘtre plus quâun accident, on ne sait pas trop.
agression, on nâagit pas, car il y a dâautres gens
Finalement, le lecteur remonte le temps. Jâai
qui sont prĂšs de vous. Le groupe dissolve votre
utilisé la prolepse pour remonter quelques
annĂ©es en arriĂšre, de treize jusquâĂ dix-sept ans. Le lecteur comprend comment ils ont grandi, comment ils se sont aimĂ©s et comment ils vont passer lâĂ©tĂ© dans lâinsouciance. Tout cela va les mener S EauL I N A drame. LFC : Dans la forme narrative choisie, vous avez eu envie de jouer avec le lecteur.
Jâavais envie dâĂ©crire un livre sur un thĂšme de psychologie sociale qui mâintĂ©resse beaucoup qui sâappelle lâeffet du tĂ©moin. Câest un concept qui consiste Ă montrer quâen cas de situation dâurgence dans la vie de tous les jours, RICHARDS lorsque lâon assiste Ă un accident ou une agression, on nâagit pas, car il y a dâautres gens qui sont prĂšs de vous. Le groupe dissolve votre propre responsabilitĂ©.
JDL : Jâavais envie de troubler le lecteur, que lâon se demande qui allait mourir ce matin-lĂ
lâenfance. Et pour sâextraire de ce monde,
sur la plage. Dans la narration continue, de
on cherche forcément la notion de danger.
treize Ă dix-sept ans, effectivement, jâai jouĂ©
Câest le cas de ces adolescents qui sont
sur les responsabilités et les culpabilités de
nĂ©s Ă lâabri du monde dans un milieu aisĂ©.
chacun. Dans lâhistoire, tout le monde est un peu responsable. Je crois que jâai Ă©crit le
LFC : Quand on lit votre livre et que lâon
livre que jâavais envie de lire.
parle avec vous, on se dit que vous ĂȘtes quelquâun de trĂšs sympa. Pourtant, vous
LFC : Ce nâest pas un polar, mais il y a une
ĂȘtes une teigne dans ce livre ! (rires)
dimension psychologique importante, câest pour cela que le roman fonctionne.
JDL : On a tous une part de cruauté en
On sent toute la bestialitĂ© de lâĂȘtre humain
nous, qui se révÚle ou qui ne se révÚle pas.
Ă travers ce groupe dâadolescents.
Quand jâai Ă©crit les premiĂšres pages de ce livre, oĂč lâon comprend ce qui se passe, ce
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JDL : Lâadolescent est quelque chose de trĂšs
sont les pages les plus cruelles. MĂȘme moi,
intéressant du point de vue de la littérature
jâai Ă©tĂ© dĂ©rangĂ©, mais jâĂ©tais satisfait de ce
et mĂȘme dâun point de vue humain. Câest
que jâavais fait. Je me suis dit que jâĂ©tais
une pĂ©riode dâentre-deux, une zone dâombre
capable de le faire et dâaller jusquâau bout.
et en mĂȘme temps trĂšs lumineuse. Câest un
Dans les premiers textes que jâai Ă©crits,
passage obligatoire dans la vie de chacun
jâavais toujours besoin de rester implicite.
oĂč on se construit. On se modĂšle tout en
Mais lĂ , câest lâinverse, je mets tout sur la
cherchant Ă sâextraire un peu du monde de
table.
J U L I E N
D U F R E S N E
L A M Y
L'ADOLESCENCE : UNE PĂRIODE DâENTRE-DEUX, UNE ZONE DâOMBRE ET EN MĂME TEMPS TRĂS LUMINEUSE.
LFC : Connaissiez-vous dĂ©jĂ la fin de votre livre ? Avez-vous Ă©tĂ© surpris en lâĂ©crivant ? JDL : Je connaissais la fin dans la mesure oĂč je savais qui allait mourir et pour quelles raisons. Mais au fur et Ă mesure de
SELINA
lâĂ©criture, le roman sâest Ă©toffĂ©. Jâai apportĂ© plus de raisons, plus de fondements, plus de couleurs et plus de dĂ©cors. LFC : Le style de votre livre est trĂšs fluide, il se lit trĂšs trĂšs bien, avec dix chapitres,
Jâavais envie dâun livre qui soit Ă lâimage des adolescents dâaujourdâhui, prĂȘts Ă tout et qui sont trĂšs durs avec euxRICHARDS mĂȘmes et avec les autres. Ce qui est frappant, câest la mĂ©chancetĂ© qui grandit au fur et Ă mesure de lâhistoire.
câest incisif et parfois cynique. JDL : Jâavais envie dâun livre qui soit Ă lâimage des adolescents dâaujourdâhui,
contradictions. Je me suis inspiré de
prĂȘts Ă tout et qui sont trĂšs durs avec eux-
mon propre vécu et des relations que
mĂȘmes et avec les autres. Ce qui est
jâai eues.
frappant, câest la mĂ©chancetĂ© qui grandit au fur et Ă mesure de lâhistoire. Câest Ă
LFC : De nombreux livres sont en
travers les yeux dâune jeune fille qui vient
librairie. Bien Ă©videmment, nous
dâAlsace avec sa maman que lâon va voir la
invitons les internautes Ă lire Les
bestialité et la méchanceté de ces
indiffĂ©rents. Quâaimeriez-vous que
adolescents.
les lecteurs retiennent une fois quâils refermeront le livre ?
LFC : Comment avez-vous imaginé ces adolescents ?
JDL : Ce que jâaimerais quâon retienne est Ă lâimage de la
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JDL : Je les ai cĂŽtoyĂ©s, car jâĂ©tais professeur
couverture : un décor insouciant, la
pendant des annĂ©es. Et puis, nous lâavons
mer lâĂ©tĂ©, une atmosphĂšre assez
tous été un jour. Nous avons tous eu des
agréable qui devient de plus en plus
pĂ©riodes de trouble. Câest une pĂ©riode oĂč
inquiétante au fur et à mesure des
lâon devient lâadulte que lâon est
pages. Câest ce qui crĂ©e le drame, Ă
aujourdâhui, un moment qui dure quelques
savoir la mort dâun des adolescents.
annĂ©es oĂč lâon se cherche. On est face Ă
Je retiendrais peut-ĂȘtre ce paysage
nos propres
qui offre deux visions, deux visages.
Roman Noir #7 | Mars 2018
CĂDRIC LALAURY Des nouvelles de l'heureux laurĂ©at du concours Kobo Fnac et PrĂ©ludes.
SARA LĂVESTAM Attention talent, des polars avec des personnages inattendus
KAREN CLEVELAND Le best seller qui Ă tapĂ© dans l'Ćil de Charlize Theron
© Jessica Scharpf
Sara Lövestam Dans les locaux de la maison d'Ă©dition Robert Laffont, rencontre avec Sara Lövestam pour un entretien exclusif. LFC : Sara Lövestam, nous sommes ravis de vous rencontrer pour la toute premiĂšre fois, pour parler de la sortie de Ăa ne coĂ»te rien de demander disponible (Robert laffont/La BĂȘte Noire). Ce livre est la suite de Chacun sa vĂ©ritĂ©. Comment est nĂ©e lâidĂ©e de cette sĂ©rie ? SL : Je suis partie dâune idĂ©e bien prĂ©cise : la disparition dâune petite fille. Mais une disparition assez particuliĂšre. Jâavais lu beaucoup de livres auparavant qui parlait de ce thĂšme, mais je trouvais quâil manquait quelque chose. Aucun livre ne correspondait Ă mes attentes. Câest pour cela que je me suis dit, pourquoi ce ne serait pas moi qui lâĂ©crirais. Et câest comme cela que je projet est nĂ©. LFC : Vous ĂȘtes Ă©galement professeur, cette expĂ©rience
ROMAN NOIR
vous a-t-elle aidĂ© dans lâĂ©criture de votre livre ? SL : Oui, bien sĂ»r. Je crois que tous les Ă©crivains se servent de leur propre expĂ©rience quand il sâagit dâĂ©crire. Jâai eu beaucoup dâĂ©lĂšves dans ma carriĂšre, et parfois, je rencontrais de jeunes gens qui se trouvaient emprisonnĂ©s dans le systĂšme. Ils nâarrivaient pas Ă trouver leur voie. Certains nâavaient pas de papiers en rĂšgle. De plus, les demandes pour les visas sont trĂšs longues en SuĂšde. Bref, tout cela mâa fait rĂ©flĂ©chir, et tous ces Ă©lĂ©ments se sont entrechoquĂ©s lorsque je construisais le hĂ©ros de mon histoire.
Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Piratforlaget
Je crois que tous les Ă©crivains se servent de leur propre expĂ©rience quand il sâagit dâĂ©crire. SARA LĂVESTAM
LFC : En effet, vous vous en ĂȘtes servie car votre hĂ©ros est assez atypique puisque câest un dĂ©tective privĂ© sans papiersâŠ
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SL : Dans tous mes livres, jâessaie de trouver des perspectives qui nâexistent pas. Prenons lâexemple dâune scĂšne de crime oĂč il y aurait le personnage du dĂ©tective, celui de la victime, des tĂ©moins et un sans-abri au coin de la rue. Je vais directement chercher la perspective du sans-abri, câest cela qui mâintĂ©resse et câest trĂšs naturel dans ma façon de voir les choses. Je cherche Ă surprendre le lecteur. Les sans-papiers en SuĂšde sont perçus comme un groupe alors que chacun dâentre eux est au final trĂšs solitaire. Jâai aimĂ© leur donner de lâimportance dans mon livre grĂące notamment Ă Kouplan, mon hĂ©ros. LFC : Vous avez dĂ©jĂ publiĂ© quelques romans aux Ăditions Actes Sud et ce que lâon remarque, câest que vous choisissez toujours des personnages qui sont en marge de la sociĂ©tĂ©.
Je crois que chaque Ă©crivain raconte une histoire qui est commune Ă tous ses livres. SL : Je crois que chaque Ă©crivain raconte une histoire qui est commune Ă tous ses livres. Chacun la raconte diffĂ©remment, mais il y a toujours un message derriĂšre tout cela. Si je devais rĂ©sumer mes livres en un message, ce serait quâil faut se sentir vrai en tant que personne. Il faut se sentir important. Câest tout ce qui compte pour avancer dans la vie. Tous mes livres sont diffĂ©rents. Je crois que câest le message qui en ressort. Un Ă©crivain doit Ă©crire sur un sujet qui le touche. Sinon Ă quoi cela sert-il dâĂ©crire ?
SL : Le dĂ©tective Kouplan va entendre la conversation dâune femme, Jenny SvĂ€rd, qui est au tĂ©lĂ©phone et qui vient de se faire arnaquer de plusieurs milliers de couronnes par son amante. Elle est trĂšs Ă©nervĂ©e et ne sait pas quoi faire. Il dĂ©cide dâintervenir et de lui proposer ses services. Kouplan, Ă©tant trĂšs connu grĂące Ă ses enquĂȘtes prĂ©cĂ©dentes, il rĂ©ussit Ă la convaincre de travailler avec lui. Mais en commençant son enquĂȘte, Kouplan va se rendre compte quâil ne sâagit pas seulement dâune arnaqueâŠ
LFC : Dans votre livre Ăa ne coĂ»te rien de demander, le dĂ©tective Kouplan est ruinĂ©. Alors quâil ramasse des canettes pour se faire un peu dâargent, il va faire une rencontre assez inattendueâŠ
LFC : Une particularité concernant le détective Kouplan : il est transgenre. Comment construisez-vous vos personnages ?
ROMAN NOIR
Sara Lövestam, Chacun sa vérité, Pocket.
Ayant beaucoup dâamis transgenres, cela aurait Ă©tĂ© bizarre de ne pas les inclure dans mon histoire. SARA LĂVESTAM
SL : Ă chaque fois que jâĂ©cris un
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ROMAN NOIR
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livre, je ne veux pas en rester Ă ma premiĂšre pensĂ©e. Tout dâabord, je choisis si câest une fille ou un garçon, ensuite sa nationalitĂ©, puis ses origines. Je me demande aprĂšs sâil doit ĂȘtre hĂ©tĂ©rosexuel ou gay, blanc ou noir. Lorsque je construisais le personnage de Kouplan, je me suis rendu compte quâil y avait peu dâhistoires sur des enquĂȘteurs transgenres. Ayant beaucoup dâamis transgenres, cela aurait Ă©tĂ© bizarre de ne pas les inclure dans mon histoire. LFC : Vous avez raison, câest trĂšs rare, mais cela marche Ă merveille. Comment lâexpliquez-vous ? SL : Car je suis un gĂ©nie ! (rires) Je plaisante. Je ne sais pas si câest la bonne raison. Lorsque vous faites partie dâune minoritĂ©, cela vous
Nous sommes tous diffĂ©rents, mais nous sommes tous des ĂȘtres humains. Il doit y avoir un respect mutuel. rend malade de lire des histoires oĂč la minoritĂ© Ă laquelle vous appartenez nâest pas mise en avant. Si vous ĂȘtes lesbienne, vous ne voulez pas lire des histoires oĂč les lesbiennes connaissent un triste sort. Vous voulez lire des histoires heureuses oĂč elles sont mises en avant de la bonne façon. On ne marche pas dans la rue en Ă©tant transgenre ou en Ă©tant iranien⊠Nous sommes tous diffĂ©rents, mais nous sommes tous des ĂȘtres humains. Il doit y avoir un respect mutuel. LFC : Vous avez reçu le prix de l'AcadĂ©mie suĂ©doise des auteurs de polars en 2015. Quelles sont vos impressions ? SL : Jâai Ă©tĂ© trĂšs surprise au dĂ©but, car je nâĂ©cris pas pour les critiques. Quand jâĂ©cris, jâessaye d'Ă©crire sur
ROMAN NOIR
quelque chose qui me touche, qui reprĂ©sente au mieux ma pensĂ©e. Et ce nâest pas toujours Ă©vident. On ne sait jamais si lâon en sera capable. Je fabrique des personnages que jâaimerais rencontrer dans la vraie vie. Je ne pense pas du tout Ă combien de lecteurs je mâadresse. Lorsque je suis en salon, je suis toujours trĂšs heureuse de voir Ă quel point les lecteurs sont touchĂ©s par mes histoires, Ă quel point ils se reconnaissent Ă travers mes personnages. En tant quâĂ©crivain, vous ne pouvez pas rĂȘver mieux.
Sara Lövestam, Ăa ne coĂ»te rien de demander, Robert Laffiont / La BĂȘte Noire
Lorsque je suis en salon, je suis toujours trĂšs heureuse de voir Ă quel point les lecteurs sont touchĂ©s par mes histoires, Ă quel point ils se reconnaissent Ă travers mes personnages. En tant quâĂ©crivain, vous ne pouvez pas rĂȘver mieux. SARA LĂVESTAM
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CĂ©dric Lalaury Heureux laurĂ©at du concours Kobo Fnac et PrĂ©ludes, CĂ©dric Lalaury publie son premier thriller qu'il Ă©voque comme un anti-thriller. La rĂ©ponse est dans l'entretien. LFC : Bonjour CĂ©dric Lalaury, nous nous Ă©tions dĂ©jĂ entretenus il y a quelques mois et aujourdâhui on se rencontre de nouveau pour la sortie du livre Il est toujours minuit quelque part (PrĂ©ludes). Tout dâabord, comment vous dĂ©finiriez-vous ce livre ? Roman ? Thriller ? CL : Câest justement toute la discussion. Câest un thriller et un anti-thriller. Le hĂ©ros ne correspond pas aux profils des hĂ©ros habituels de thrillers. Il est un peu passif et apeurĂ© comme les hĂ©ros de Gillian Flynn (Gone Girl, Dark PlacesâŠ). Ce sont des gens qui sont contraints, malgrĂ© leurs histoires, dâaller au bout des choses alors quâils nâen ont aucune envie. Jâai eu beaucoup de mal Ă classer ce livre lorsque je lâai mis en ligne sur Kobo, car on est obligĂ© de cocher les diffĂ©rentes
ROMAN NOIR
catĂ©gories : aventure, suspense⊠Câest un thriller et un anti-thriller, jâai eu envie de jouer avec certains clichĂ©s et de les dĂ©passer. LFC : Vous vous amusez personnellement avant dâamuser le lecteur⊠CL : Je mâamuse toujours quand jâĂ©cris. MĂȘme quand jâĂ©cris des choses qui ne sont pas du tout amusantes. Si ce nâest pas ludique, je mâennuie. Et si je mâennuie, le lecteur sâennuiera. Ce livre est aussi un hommage Ă la littĂ©rature sous toutes ses formes. Bill a un rapport trĂšs ambigu Ă la littĂ©rature. Câest un professeur qui est fan de Shakespeare et Henry James et qui a un mĂ©pris monumental pour Stephen King et Harlan Coben. Ce qui est intĂ©ressant, câest que Bill a les mĂȘmes rĂ©flexes que les
Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos :
Le hĂ©ros ne correspond pas aux profils des hĂ©ros habituels de thrillers. Il est un peu passif et apeurĂ© comme les hĂ©ros de Gillian Flynn (Gone Girl, Dark PlacesâŠ). SARA LĂVESTAM
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personnages des livres de Stephen King. Il est toujours minuit quelque part est un mĂ©lange des livres de Stephen King et dâHenry James. Jâaime mĂȘler les genres. LFC : Vous avez fait vos dĂ©buts dâĂ©crivain en auto-Ă©dition, comment cela sâest-il passĂ© ? CL : Avant de publier un livre, je le fais tourner Ă un cercle de lecteurs personnels, ce sont les amis, la famille, des gens qui lisent beaucoup. Certains sont peau de vache, cela mâaide plutĂŽt bien, car ils ne me laisseraient pas sortir un livre sâil nâĂ©tait pas de qualitĂ©. Je suis trĂšs en attente de critiques, car si eux ne le sont pas, le lecteur lambda ne vous loupera pas Ă la sortie. JâĂ©cris pour ce type de lecteurs. Je compare cela Ă Tinder. La couverture est souvent belle,
Il est toujours minuit quelque part est un mĂ©lange des livres de Stephen King et dâHenry James. Jâaime mĂȘler les genres. mais parfois il ne se passe rien ensuite. Les bouquins, câest un peu comme les rencontres. Pour revenir Ă lâauto-Ă©dition, câest une voie Ă laquelle je nâavais pas pensĂ©. JâĂ©tais dans un cercle plutĂŽt traditionnel. Jâenvoyais mon manuscrit Ă quelques maisons dâĂ©dition en format papier et Ă©galement en format numĂ©rique, mĂȘme sâil y avait trĂšs peu de chance que cela fonctionne. Et un jour sur Twitter, jâai vu passĂ© un tweet sur le compte des Ăditions PrĂ©ludes Ă propos dâun concours Kobo. Jâai tentĂ© ma chance. Au dĂ©part, on participe Ă un concours en se disant que lâon aura peut-ĂȘtre de la chance et que lâon va gagner. Et Ă contrario, on se dit que lâon est plus de trois cents Ă participer, ce qui rĂ©duit les chances. LFC : Vous sentez-vous privilĂ©giĂ©
ROMAN NOIR
aujourdâhui ? CL : Je me sens trĂšs chanceux. Jâai su mâimmiscer lĂ -dedans au bon moment. Il faut toujours rĂȘver en grand. LFC : Revenons Ă votre livre, parlez-nous de ce mystĂ©rieux livre que Bill reçoit dans son casierâŠ
Cédric Lalaury, Il est toujours minuit quelque part, Préludes.
Je me sens trĂšs chanceux. Il faut toujours rĂȘver en grand. CĂDRIC LALAURY
CL : Ce livre est un thriller, le genre de bouquin quâil dĂ©teste. Cette Ćuvre lui est complĂštement inconnue, mais il va se laisser emporter par lâhistoire. Il va ensuite tomber dans les mains de son Ă©lĂšve Alan, qui va ĂȘtre le moteur de cette histoire. LFC : Nous nâavons pas encore terminĂ© le livre, mais ce qui est intĂ©ressant, câest que lâon ne sait
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pas oĂč vous allez amener le lecteur. CL : Ă vrai dire, moi non plus, je ne sais pas oĂč je vais (rires). On a toujours un objectif qui est dâaller Ă un endroit prĂ©cis. Cependant les dĂ©tails, je ne les connais pas. Je les dĂ©couvre au fil de lâĂ©criture. LFC : Le titre du livre Il est toujours minuit quelque part, câĂ©tait une Ă©vidence ? CL : Il mâest venu dĂšs le dĂ©part. Je ne peux pas Ă©crire si je nâai pas de titre. Cela mâaurait dâailleurs beaucoup dĂ©plu quâon le change Ă la fin de lâĂ©criture. Je suis quelquâun qui a un caractĂšre adorable pour beaucoup de choses, mais je crois que quand il sâagit des livres, je peux devenir une vraie teigne. Le titre est un jeu, il est tirĂ© dâune
Je nâai pas forcĂ©ment dâattente de la part des lecteurs, mais plutĂŽt une curiositĂ©. Je suis curieux de savoir ce quâils vont en penser. citation de Shakespeare dans Macbeth, scĂšne quatre, acte quatreâŠsilence⊠Pour tout vous avouer, cette scĂšne nâexiste pas et cela a trĂšs bien marchĂ© auprĂšs de mes Ă©diteurs. Mes titres sont sans doute des phrases qui mâobsĂšdent. LFC : Quâaimeriez-vous que les lecteurs retiennent de votre fiction ? CL : Je nâai pas forcĂ©ment dâattente de la part des lecteurs, mais plutĂŽt une curiositĂ©. Je suis curieux de savoir ce quâils vont en penser. Ce quâils vont penser de Bill, des personnages, de lâintrigue. Jâaimerais quâils se posent la question : quâest-ce que jâaurais fait Ă sa place ? Câest le genre de livre oĂč lâon peut se poser cette question. Bill est un type normal avec un crime qui est presque banal. Tragique, mais banal. Il y a des
ROMAN NOIR
gens qui sont trĂšs forts pour oublier ce quâils ont fait, mais lui, ce nâest pas le cas. Avant dâavoir le livre, il le sait. Câest comme dans la sĂ©rie Breaking Bad, Walter White dĂ©cide de faire de la drogue avant de savoir quâil est malade. Jâessaye de ne jamais trop mâĂ©loigner de lâintrigue, de ne pas faire trop dâhistoires annexes, car dans le genre du suspense, gĂ©nĂ©ralement, ce nâest pas bon. Ă chaque fois que je risque de mâĂ©carter, je me sens en danger. LFC : Quelle a Ă©tĂ© votre rĂ©action lorsque vous avez vu votre livre en librairie ? CL : CâĂ©tait assez bizarre. Je ne voulais absolument pas
Jâessaye de ne jamais trop mâĂ©loigner de lâintrigue, de ne pas faire trop dâhistoires annexes, car dans le genre du suspense, gĂ©nĂ©ralement, ce nâest pas bon. CĂDRIC LALAURY
aller en librairie le jour de la sortie, car je ne veux pas me prendre pour quelquâun dâautre. Mais quelques jours aprĂšs, je devais acheter quelque chose Ă Auchan et je me suis vu Ă cĂŽtĂ© de Lisa Gardner et Jean dâOrmesson. Cela mâa soufflĂ©.
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MARS 2018
KAREN CLEVELAND
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA
LE LIVRE QUI A TAPĂ DANS L'ĆIL DE CHARLIZE THERON
Karen Cleveland Ă©tait Ă Londres la veille. Ă Paris, en fĂ©vrier 2018, le lendemain, oĂč nous avons eu la chance de la rencontrer dans le prestigieux hĂŽtel Le pavillon de la SELINA RICHARDS Reine, Place des Vosges. AprĂšs une sĂ©ance photos pour LFC Magazine, rencontre avec une romanciĂšre comblĂ©e.
LFC : Bonjour Karen Cleveland, vous vivez
LFC : Votre livre nous a fait penser au film
aux USA et vous ĂȘtes en ce moment en
Mr and Mrs Smith avec Angelina Jolie et
tournée européenne. Comment se passe
Brad Pitt.
votre sĂ©jour Ă Paris ? KC : Oui, câest vrai. Câest une histoire assez KC : En effet, jâai passĂ© quelques jours Ă
similaire avec une atmosphĂšre dâagents
Londres. Je viens tout juste dâarriver Ă Paris.
secrets au sein dâun couple. Vous avez vu
Jâadore cette ville. Jâai vraiment hĂąte de
juste !
connaßtre les premiers avis des lecteurs français.
LFC : Cela a-t-il Ă©tĂ© dĂ©licat de vous arrĂȘter de travailler pour vous focaliser sur ce
LFC : Nous nous rencontrons pour parler de
livre ?
votre livre Toute la vĂ©ritĂ© (Robert Laffont / La bĂȘte noire). Comment est nĂ©e lâidĂ©e dâĂ©crire
KC : Câest quelque chose que jâai toujours eu
ce livre ?
dans un coin de ma tĂȘte. Une fois que jâai eu mes enfants, câest pendant mon congĂ©
86
KC : Jâai passĂ© huit ans en tant quâagent Ă la CIA
maternitĂ© que jâai commencĂ© Ă Ă©crire ce
et je suis Ă©galement maman. Je voulais que ce
livre. Jâai adorĂ© travaillĂ© Ă la CIA, mais jâavais
livre rĂ©unisse ces deux thĂšmes. LâidĂ©e est
besoin de changement. Voir la terreur tous
venue il y a assez longtemps lorsque je
les jours nâest pas quelque chose de facile Ă
travaillais encore Ă lâagence.
encaisser. De plus, je souhaitais faire une
activitĂ© oĂč jâĂ©tais flexible, oĂč je pouvais mâoccuper de mes enfants tout en Ă©crivant. LFC : Vous avez quittĂ© la rĂ©alitĂ© pour vous diriger vers la fiction. Ce sont vos S premiers ELINA pas dans lâĂ©criture et tout se passe pour le mieux : une sortie mondiale, un livre dĂ©jĂ dans les meilleures ventes aux ĂtatsUnisâŠ
Jâai adorĂ© travaillĂ© Ă la CIA, mais jâavais besoin de changement. Voir la terreur tous les jours nâest pas quelque chose de facile Ă encaisser. De plus, je RICHARDS souhaitais faire une activitĂ© oĂč jâĂ©tais flexible, oĂč je pouvais mâoccuper de mes enfants tout en Ă©crivant.
KC : Tout cela est incroyable. Câest vrai que tout marche trĂšs bien. Lorsque jâai
qui nâa pas confiance en soi et sur lequel
commencĂ© Ă Ă©crire ce livre, jâaurais Ă©tĂ© ravie
on peut facilement sâidentifier.
quâune seule personne le lise, cela mâaurait dĂ©jĂ fait plaisir. Mais quand je vois
LFC : Votre personnage féminin, Vivian
lâengouement autour du livre, cela me rend
Miller, est mariée depuis dix ans. Elle a
trĂšs heureuse, je crois que câest un sujet qui
quatre enfants et travaille Ă la CIA. Elle
plait aux lecteurs.
pense connaĂźtre son mari mieux que personne, mais elle a tort. Elle se
LFC : Votre livre est un mélange entre un
retrouve face Ă un choix crucial : choisir
roman dâespionnage et un thriller
entre son pays et sa familleâŠ
psychologique. Quâen pensez-vous ? KC : Câest une lutte entre sa carriĂšre et sa
87
KC : Exactement. Les romans dâespionnage
famille. En découvrant ce secret, elle ne
se passent souvent avec un homme, mais je
sait pas comment elle doit réagir. Elle veut
ne trouve pas que ce soit forcément
faire son travail dâagent, mais elle a
nécessaire. Il y a beaucoup de femmes à la
toujours été loyale envers sa famille. De
CIA, avec une famille, des enfants⊠Mon livre
plus, ils ont des problĂšmes familiaux,
est une description de ce qui se passe dans
comme tout le monde. Câest une famille
cette agence. Il nây a pas que des James
amĂ©ricaine ordinaire. Vivian et moi-mĂȘme
Bond et des Jason Bourne ! (rires) Je voulais
avons des similaritĂ©s, sauf que je nâaurais
plonger le lecteur dans lâunivers de lâagence
pas forcĂ©ment pris les mĂȘmes dĂ©cisions
Ă travers un personnage normal qui ne
quâelle dans certaines situations. Je tiens
prend pas toujours les bonnes décisions,
Ă©galement Ă rassurer les lecteurs, mon
K A R E N
C L E V E L A N D
EN ROUTE VERS LE SUCCĂˆS
Je voulais raconter ma propre expĂ©rience, mari dans le livre nâest pas le mien, tout se montrer ce que pouvait passe trĂšs bien entre nous ! (rires) ĂȘtre la vie Ă la CIA. Jâai construit un personnage LFC : Ce roman marche trĂšs bien, lâĂ©criture qui nâest pas si Ă©loignĂ© de est de qualitĂ© et vous nous offrez des et qui fait face Ă rebondissements inattendus⊠S E L I N A la R I CrĂ©alitĂ© HARDS des choix trĂšs importants. KC : Je suis contente que vous ayez aimĂ© lire Cela mâa permis de mon livre. Jâaime lire des livres page turner. prendre du recul sur un Jâaime ĂȘtre surprise lors de ma lecture. Je travail que jâai fait crois que jâai Ă©crit un livre que jâaimerais lire. pendant des annĂ©es. LFC : Comment sâest passĂ©e votre premiĂšre expĂ©rience en tant quâauteur ?
Quelle a été votre réaction ?
KC : Jâai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă Ă©crire ce
KC : Je suis trĂšs excitĂ©e. Tout sâest passĂ©
livre. Je voulais raconter ma propre
si vite. Câest une actrice vraiment
expĂ©rience, montrer ce que pouvait ĂȘtre la vie
talentueuse qui peut jouer beaucoup de
Ă la CIA. Jâai construit un personnage qui
rÎles différents. Le personnage de mon
nâest pas si Ă©loignĂ© de la rĂ©alitĂ© et qui fait face
livre devient une autre personne au fur et
Ă des choix trĂšs importants. Cela mâa permis
Ă mesure du livre et je crois que ce rĂŽle
de prendre du recul sur un travail que jâai fait
conviendra parfaitement Ă une actrice
pendant des années.
comme Charlize Theron. Câest une excellente nouvelle. De plus, je fais
LFC : Ce livre est en librairie depuis
confiance Ă cent pour cent au studio
quelques semaines. Travaillez-vous sur un
pour lâadaptation du livre.
autre projet ? LFC : Cerise sur le gĂąteau, John KC : Oui, je viens de finir mon deuxiĂšme livre.
Grisham a trouvé votre livre
Celui-ci se passera Ă Washington et parlera
extraordinaireâŠ
dâune personne qui travaille au sein du gouvernement⊠Je ne peux pas vous en dire
KC : Je ne pouvais pas rĂȘver mieux, câest
plus !
mon auteur prĂ©fĂ©rĂ©. Beaucoup dâautres auteurs mâont tĂ©moignĂ© leur sympathie.
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LFC : Toute la vérité va devenir un film avec
Jamais je nâaurais pensĂ© recevoir tout
dans le premier rĂŽle Charlize Theron.
cela. Je suis trĂšs heureuse.
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Guillaume Richez ENTRETIEN EXCLUSIF
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LFC MAGAZINE #7
INTERVIEW
GUILLAUME RICHEZ PAR MURIEL LEROY PHOTO : DR
Entretien avec Guillaume Richez qui publie Blackstone, entre roman d'espionnage et thriller avec une documentation pointue. Rencontre.
sâentrechoquent. Certaines sont bonnes, dâautres mauvaises. Jâalimente le feu avec le plus de documents possible - tĂ©moignages Ă©crits, reportages vidĂ©os, essais, biographies, articles de presse - autant de bĂ»ches jetĂ©es dans lâĂątre⊠Quand jâai terminĂ© lâĂ©criture de Blackstone, je dois vous avouer que jâai soudain pris peur. Jâavais passĂ© plus de trois ans Ă Ă©crire ce thriller sans prendre de recul par rapport Ă ce que jâĂ©tais en train de faire. Câest un roman tellement foisonnant, avec des sous-intrigues imbriquĂ©es les unes dans les autres⊠Jâai alors rĂ©alisĂ© que le lecteur risquait de se perdre dans ce labyrinthe narratif et quâaucun Ă©diteur ne voudrait dâun tel pavĂ© ! Heureusement, je me trompais !
LFC : Bonjour Guillaume Richez, nous sommes ravis de parler avec vous votre roman Blackstone, un trĂšs bon thriller atypique. Comment est nĂ©e lâidĂ©e de mĂ©langer le thriller et le livre dâespionnage ?
LFC : Vous avez dû effectuer beaucoup de recherches pour une telle précision. Combien de temps avez-vous consacré aux recherches ?
GR : Je savais avant dâen commencer lâĂ©criture que Blackstone serait un roman dâespionnage et quâil y aurait Ă©galement une histoire de tueur en sĂ©rie. Jâavais dĂ©jĂ cela en tĂȘte dĂšs les premiĂšres Ă©bauches du synopsis. Jâen ignore la raison. Certaines idĂ©es sâimposent Ă moi sans que je sache pourquoi. Au dĂ©part, tout est assez confus dans mon esprit. Les idĂ©es se mĂȘlent,
GR : Je consacre beaucoup de temps Ă mes recherches. Jâen effectue avant mĂȘme de commencer Ă Ă©crire, pour Ă©laborer mon synopsis et travailler mes personnages. Et je continue durant toute la phase dâĂ©criture, pour renforcer le caractĂšre rĂ©aliste des scĂšnes dĂ©crites, notamment les diffĂ©rents lieux dĂ©peints. Je dois pouvoir visualiser ce que je vais dĂ©crire. Ce travail de recherches
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INTERVIEW
Je consacre beaucoup de temps Ă mes recherches. Jâen effectue avant mĂȘme de commencer Ă Ă©crire, pour Ă©laborer mon synopsis et travailler mes personnages. commence par des renseignements gĂ©nĂ©raux pour finir par des dĂ©tails souvent infimes. Jâai notamment lu un ouvrage trĂšs complet sur les services de renseignements chinois, plusieurs livres sur la politique Ă©trangĂšre des Ătats-Unis dâAmĂ©rique, des essais sur les tueurs en sĂ©rie, ou encore des tĂ©moignages dâanciens Navy SEALs (les forces spĂ©ciales de la marine amĂ©ricaine). Pour vous donner un exemple, le personnage du major Chuck Bennett est en partie inspirĂ© dâun article du journal Spiegel consacrĂ© Ă un ancien pilote de drone de lâUS Air Force. Jâai Ă©galement compilĂ© des articles de presse sur les personnages historiques qui apparaissent dans le roman tels que Barack et Michelle Obama, le viceprĂ©sident Joe Biden, etc. Les anecdotes
que je rapporte Ă leur sujet sont vraies pour la plupart. Et les extraits de discours dâObama que je cite dans Blackstone sont tirĂ©s de discours que lâancien prĂ©sident amĂ©ricain a rĂ©ellement prononcĂ©s au cours de ses deux mandats successifs. LFC : Pourquoi avez-vous situĂ© lâaction en Chine et non aux Ătats-Unis comme il est courant ? GR : AprĂšs la parution de mon premier thriller OpĂ©ration KhĂ©ops, jâai dâabord envisagĂ© de donner une suite aux aventures de mon hĂ©roĂŻne Kate Moore. Lâaction de ce nouveau thriller devait se dĂ©rouler en Chine. Jâavais dĂ©jĂ commencĂ© Ă Ă©laborer la trame principale et Ă me documenter sur la RĂ©publique populaire, les services de renseignements chinois et amĂ©ricains, lâarmĂ©e, etc. Quand jâai compris quâil nây aurait finalement pas de suite Ă ce thriller, jâai utilisĂ© tous les matĂ©riaux dont je disposais alors
Le roman dâespionnage est par essence un roman politique puisque lâon aborde la question de la politique Ă©trangĂšre menĂ©e par un pays.
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LFC MAGAZINE #7
pour bĂątir un nouveau scĂ©nario, plus complexe que celui dâOpĂ©ration KhĂ©ops. Situer lâaction en Chine sâest imposĂ© Ă moi de la mĂȘme maniĂšre que lâhistoire du tueur en sĂ©rie 207 que nous venons dâĂ©voquer. Durant toute la phase de recherches, je me suis documentĂ© sur la diplomatie amĂ©ricaine. La presse relatait alors les relations trĂšs conflictuelles entre ces deux super puissances Ă©conomiques. Je tenais mon sujet ! LFC : Votre premier roman, en revanche, lui est plus lĂ©ger, on vous sent trĂšs imprĂ©gnĂ© des SAS de GĂ©rard de Villiers. GR : Les Ă©ditions Jâai Lu cherchaient de jeunes auteurs pour crĂ©er une sĂ©rie de romans inspirĂ©s des cĂ©lĂšbres romans de gare de GĂ©rard de Villiers, les fameux SAS. GĂ©rard de Villiers avait donnĂ© son accord. Jâai fourni un synopsis, un portrait de mon hĂ©roĂŻne et deux chapitres (une scĂšne dâaction et une scĂšne Ă©rotique) et jâai Ă©tĂ© retenu. Jâai ensuite Ă©crit OpĂ©ration KhĂ©ops en trois mois. Autant dire que le dĂ©lai Ă©tait court ! Câest un roman que jâai Ă©crit vite, mais je ne suis pas trop mĂ©content du rĂ©sultat. Plusieurs lecteurs attendent dâailleurs encore la suite des aventures de la belle Kate MooreâŠ
INTERVIEW
dĂ©roule en Ăgypte en 2011), jâai pris goĂ»t au genre. Le roman dâespionnage permet de parler de notre Ă©poque, de lâHistoire en train de sâĂ©crire, tout en respectant les rĂšgles (si rĂšgles il y a) du thriller classique. Au lieu de suivre une enquĂȘte conduite par des policiers, on suit les traces dâofficiers du renseignement traquant des terroristes. LFC : Actuellement, travaillez-vous sur un nouveau roman ? GR : Oui, je suis en pleine phase dâĂ©criture de mon troisiĂšme roman qui intervient aprĂšs plusieurs mois de nouvelles recherches. Il sâagit cette fois encore dâun roman dâespionnage. Lâaction est situĂ©e en France et au Mali et le lecteur y dĂ©couvrira des personnages qui pourraient devenir rĂ©currents⊠à dĂ©couvrir en 2019 ! Je participe Ă©galement Ă un trĂšs beau projet Ă©ditorial collectif portĂ© par une talentueuse photographe. Lâouvrage paraĂźtra en octobre 2018. LFC : On vous laisse le mot de la fin⊠GR : SOYEZ CURIEUX !
LFC : DâoĂč vous vient cette fascination de lâespionnage, thĂšme commun de vos deux livres? De lâactualitĂ© ou plutĂŽt de votre enfance, voire mĂȘme de vos lectures ? GR : Le roman dâespionnage est par essence un roman politique puisque lâon aborde la question de la politique Ă©trangĂšre menĂ©e par un pays. Il y a la version officielle des Ă©vĂ©nements, celle qui est relatĂ©e dans la presse et les livres dâHistoire, et il y a lâHistoire plus secrĂšte, les dessous des relations internationales, ce que les Ătats dissimulent pour protĂ©ger leurs intĂ©rĂȘts. Les services de renseignements sont alors en premiĂšre ligne. Jâavoue que je nâavais jamais lu de romans dâespionnage avant dâĂ©crire OpĂ©ration KhĂ©ops (je nâavais dâailleurs jamais lu de SAS non plus, - jâen ai lu quelques-uns depuis et jâai trouvĂ© cela trĂšs efficace). En Ă©crivant ce thriller qui a pour cadre le printemps arabe (lâaction dâOpĂ©ration KhĂ©ops se
Soyez curieux !
MARABOUT THRILLER Ă L'ORIGINE ĂTAIT LE SUSPENSE
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC
HĂLĂNE GĂDOUIN
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MARS 2018
HĂLĂNE GĂDOUIN PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS : DR ET ASTRID DI CROLLALANZA POUR NICOLAS LEBEL.
Savez-vous ce quâont en commun des auteurs tels que Conan Doyle (le crĂ©ateur de Sherlock Holmes), Edgar Poe (Histoires extraordinaires), LĂ©o Malet (le pĂšre de Nestor Burma), Pierre Mac Orlan (Le Quai des brumes) et Robert Bloch (Psychose), pour ne citer quâeux ? Du dĂ©but des annĂ©es 1950 Ă la fin des annĂ©es 1970, ils ont tous Ă©tĂ© publiĂ©s aux Ă©ditions Marabout. Et au dĂ©but des annĂ©es 1980, Olivier Cohen y a mĂȘme crĂ©Ă©, avant de fonder les Ăditions de lâOlivier, une sĂ©rie dans laquelle il a rĂ©Ă©ditĂ© David Goodis, William Irish, Ed Mc Bain, et Delacorta (Diva). Câest dire Ă quel point lâhistoire de Marabout est intimement liĂ©e Ă celle du polar, du noir, du thriller au sens large. Aujourdâhui, la relĂšve est assurĂ©e, grĂące Ă la collection Marabout Thriller, conduite depuis 2011 par HĂ©lĂšne Amalric, qui maĂźtrise on ne peut mieux son sujet. Longtemps directrice Ă©ditoriale au Masque, elle a publiĂ© les premiers romans de Patricia Cornwell, dâAndrea Japp, de Philip Kerr, de Val McDermid et de Fred Vargas. Elle a Ă©galement menĂ© la retraduction des ouvrages dâAgatha Christie ou de Ruth Rendell, par exemple. Pour Marabout Thriller, elle a ĆuvrĂ© Ă la publication de Clara Sanchez (Ce que cache ton nom), David Morrell (lâauteur de Rambo) avec sa sĂ©rie victorienne mettant en scĂšne Thomas de Quincey, et deux des meilleures reprĂ©sentantes anglaises actuelles du suspense psychologique, C.L. Taylor et Clare Mackintosh, en mĂȘme temps que dâauteurs français comme CĂ©line Denjean, Laurent Bettoni et Nicolas Lebel, dont nous dĂ©couvrirons les autoportraits dans cet article. Mais commençons par un entretien avec HĂ©lĂšne GĂ©douin, directrice Ă©ditoriale des Ă©ditions Marabout.
L'INTERVIEW
LFC : Quand on pense aux Ă©ditions Marabout, on ne pense pas dâemblĂ©e, voire pas du tout, Ă de la littĂ©rature. Câest parce que nous avons la mĂ©moire courte. Pouvez-vous nous la rafraĂźchir et retracer briĂšvement le passĂ© littĂ©raire de cette maison dâĂ©dition ? HG : Marabout, premiĂšre maison dâĂ©dition de poche francophone, fondĂ©e en 1949, a commencĂ© par publier de la littĂ©rature et a dĂ©veloppĂ© ainsi, dĂšs son origine, un grand nombre de collections : du roman policier, du fantastique, de la science-fiction, des collections de romans pour la jeunesse dont le fameux Bob Morane⊠En renouant avec la fiction en 2006, Marabout nâa fait quâexprimer son ADN.
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LFC : Comment est née la collection Marabout Thriller ?
dâauteurs britanniques. Nous nâavons pas dâa-priori sur lâĂ©volution en
HG : Notre désir de publier de la fiction est né du grand plaisir
faveur de lâune ou lâautre langue.
que nous avons chez Marabout Ă Ă©diter des textes et Ă partager
Nous choisissons les textes qui nous
nos joies de lecture ; je fournis réguliÚrement des listes de
semblent les meilleurs !
livres Ă mes amis qui mâen rĂ©clament sans cesse de nouvelles. Et puis, il y a eu des rencontres. De la rencontre avec Charlotte
LFC : Dans vos projets de
Ruffaut, ancienne directrice du département Jeunesse romans,
développement, envisagez-vous de
est nĂ©e en 2005 lâidĂ©e que nous pouvions peut-ĂȘtre Ă©diter des
vous intĂ©resser Ă dâautres genres
comĂ©dies pour adultes. Jâai beaucoup appris de Charlotte. Nous
littéraires que le thriller ?
sommes passĂ©s ensuite de la comĂ©die Ă la comĂ©die policiĂšre. Puis en 2010, dâune discussion avec HĂ©lĂšne Amalric, dont
HG : Pourquoi pas, nous ne nous
lâexpĂ©rience en matiĂšre de roman policier est indiscutable, est
interdisons pas dây penser â et de
venue lâidĂ©e de glisser vers le thriller.
craquer !
L'INTERVIEW HĂ©lĂšne GĂ©douin - Directrice Ă©ditoriale Marabout
EN RENOUANT AVEC LA FICTION EN 2006, MARABOUT NâA FAIT QUâEXPRIMER SON ADN
LFC : De quelle maniĂšre choisissez-vous vos auteurs, vos textes ?
ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
Quâest-ce quâun bon thriller, selon vous ? HG : Nous lisons beaucoup et nous publions assez peu. Bien entendu, nous lisons ce que nous envoient les agents, ce que nous recevons par courrier, et nous suivons et encourageons nos auteurs afin quâils continuent Ă travailler et Ă approfondir leur travail. Un bon thriller pour moi, câest un thriller quâon ne lĂąche pas, un thriller psychologique qui explore les mĂ©andres de lâĂąme humaine et stimule lâimagination du lecteur. Jâaime quand lâauteur arrive Ă me surprendre et Ă mâĂ©mouvoir. Si jâai le cĆur qui bat en lisant, câest en partie gagnĂ©. LFC : Actuellement, dans votre catalogue, quelle est la rĂ©partition entre auteurs français et internationaux ? Cela va-t-il Ă©voluer, et, si oui, dans quel sens ? HG : Notre catalogue comporte autant dâauteurs français que
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DE GAUCHE Ă DROITE : CĂLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.
AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER
CĂLINE DENJEAN DĂšs mon enfance, jâai baignĂ© dans la ronde des mots choisis de Georges Brassens, Ă qui mes parents vouaient un vĂ©ritable culte. Jâai dĂ©couvert sa poĂ©sie, ses subtiles scansions, ses improbables rimes et son immense libertĂ© de pensĂ©e. Dâune certaine maniĂšre, cet homme est lâun de mes enseignants, il a contribuĂ© Ă mâouvrir Ă la beautĂ© des mots et aux peintures sociales et humanistes. Mon grand-pĂšre, libraire, disposait dâune large bibliothĂšque, et jâai poussĂ© au milieu des livres qui tenaient une place considĂ©rable dans son petit appartement ; des livres qui ont pris peu Ă peu une indĂ©crottable place aussi dans ma vie. Aujourdâhui, dans ma bibliothĂšque, Maupassant cĂŽtoie Asimov, Jules Vernes flirte avec Barjavel, Despentes bouscule Kazuo Ishiguro, et MoliĂšre sâamuse avec San Antonio sous le regard de Stephen King. Minuscule illustration de mon Ă©clectisme littĂ©raire.
LâUNIVERS DU NOIR, INCONTOURNABLE Lorsque Simone GĂ©lin, romanciĂšre de talent, mâa demandĂ© « Pourquoi le noir ? Un choix ? Quelque chose qui sâest imposĂ© ? », jâai spontanĂ©ment rĂ©pondu « Oui, le polar sâest imposĂ© Ă moi, sans aucun doute ! Jâai grandi Ă cĂŽtĂ© dâune mĂšre amatrice du genre â livres, feuilletons⊠Le polar dominait, chez nous ». Je me rappelle, enfant, la jubilation Ă poursuivre lâassassin aux cĂŽtĂ©s de Maigret ou de Colombo. LâĂ©nigme policiĂšre, clef de voĂ»te dâune Ă©mulation intellectuelle⊠Souvent facĂ©tieuse avec Agatha Christie, plus sombre et plus humaine avec Simenon ou Chabrol, ou carrĂ©ment psychopathologique avec Thomas Harris et son cĂ©lĂšbre Hannibal Lecter.
AUSSITĂT QUâIL A MâA ĂTĂ POSSIBLE DE PENSER, JâAI QUESTIONNĂ LâĂME HUMAINE Plus tard, je me souviens de lâĂ©pouvante face aux crimes, de la fascination horrifiĂ©e face aux passages Ă lâacte et des interrogations sans fin sur la logique de lâassassin. Je suis de la gĂ©nĂ©ration dâenfants qui ont Ă©coutĂ© leurs parents dĂ©battre avec passion de la peine de mort. LâactualitĂ©, alors, faisait une large place aux braqueurs du type de Spaggiari et Mesrine â lâennemi public numĂ©ro 1 â ou aux violences dâAction directe.
LA CONSTRUCTION DU NOIR DANS MES LIVRES
Le tueur est au centre de mes romans. Câest Ă partir de ce personnage que jâimagine lâhistoire de fond. Qui est-il ? DâoĂč vient-il ? Quel est son profil psychologique ? Comment sâest-il construit et pourquoi ? Quelle est son histoire ? Son leitmotiv ? Son mode opĂ©ratoire ? De lĂ , lâintrigue prend peu Ă peu forme dans mon
La sociĂ©tĂ© des annĂ©es 1980 a vu la naissance dâune mĂ©diatisation des faits divers, des violences et du crime aux formes multiples. Alors voilĂ , aussitĂŽt quâil a mâa Ă©tĂ© possible de penser, jâai questionnĂ© lâĂąme humaine. Pourquoi la violence? Pourquoi le crime? Quels sont les ressorts psychologiques de tous ces autres si ressemblants et pourtant si Ă©trangers par la barriĂšre que le crime a posĂ©e entre eux et moi ?
esprit. Ensuite, je crĂ©e les personnages qui vont guider le lecteur dans les diffĂ©rentes ramifications de lâhistoire. Je cherche Ă placer le lecteur en position active, alors je construis la narration comme un puzzle. Le lecteur est le seul Ă avoir une vision omnisciente et, dans le jeu de chassĂ©-
Ăcrire du noir, câest ĂȘtre fonciĂšrement persĂ©cutĂ© par cette question de la transgression de lâinterdit. Ăcrire du noir, câest mettre en abyme une sociĂ©tĂ© et ses individus. Ăcrire du noir, câest interroger sans cesse le sens de lâacte insensĂ©, le lien entre la psychĂ© et son environnement, câest interroger les sources, les causes, les ressorts, les traumas, les subjectivitĂ©s et les dynamiques de groupes.
croisĂ© que je lui soumets dâun personnage Ă lâautre, il tisse peu Ă peu les liens existants, perçoit les intrications souterraines. Il nâest pas rare quâil connaisse le tueur bien avant que mes enquĂȘteurs ne remontent jusquâĂ lui ! On nâest donc pas le roman dâenquĂȘte pur. Ce nâest pas tant identifier le tueur qui compte que
Ăcrire du Noir, câest plonger dans lâĂąme humaine, sillonner ses mĂ©andres, se dĂ©placer de soi vers un autre soi-mĂȘme hypothĂ©tique, imaginaire, supposĂ©, potentiel. Le Polar, câest le « et si⊠» dynamique de lâhistoire dâune dĂ©viance, dâune souffrance, dâun Ă©chec personnel, Ă©ducatif, sociĂ©tal, familial. Le polar est en somme une porte dâentrĂ©e dans la condition humaine.
lâintrigue en elle-mĂȘme, la maniĂšre dont les petites histoires des personnages se tissent progressivement pour former un grand tout. Au final, mes enquĂȘteurs ne sont pas des surhommes, et sâils occupent une place importante, les autres personnages le font tout autant. Pour finir, je dirai que jâai Ă©voluĂ© dans lâĂ©laboration des intrigues telles que je viens de
LE POLAR, CâEST LE "ET SI⊠" DYNAMIQUE DE LâHISTOIRE DâUNE DĂVIANCE, DâUNE SOUFFRANCE, DâUN ĂCHEC PERSONNEL, ĂDUCATIF, SOCIĂTAL, FAMILIAL LFC MAGAZINE
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les dĂ©crire. Il est heureux de constater que lâĂ©criture sâapparente Ă un cheminement et que lâauteur se modifie lui-mĂȘme en Ă©crivant ! MARS 2018
CĂLINE DENJEAN LE CHEPTEL, MARABOUT THRILLER
Juillet 2015. Le corps dâune jeune femme inconnue est retrouvĂ© au bord dâune route des CĂ©vennes. Les premiĂšres conclusions de lâenquĂȘte tombent rapidement : la victime a fait lâobjet dâune chasse Ă lâhomme. Alors que la piste suivie par les gendarmes nĂźmois les conduit Ă Toulouse, oĂč ils devront collaborer avec lâĂ©quipe du capitaine ĂloĂŻse Bouquet, Interpol se manifeste. La victime appartient Ă une longue sĂ©rie de crimes irrĂ©solus sur le territoire europĂ©en. Pour les besoins de lâenquĂȘte, la cellule TEH â Trafic dâĂtres Humains â voit le jour. Commence alors pour les gendarmes et Interpol, une effroyable descente jusquâau cĆur dâun rĂ©seau mĂȘlant perversion et manipulation. Pris dans leur course effrĂ©nĂ©e, les enquĂȘteurs sont loin de se douter que de leur rĂ©ussite dĂ©pendent la vie de Louis Barthes, septuagĂ©naire en quĂȘte de ses origines, et celle de Bruno, adolescent surdouĂ© de treize ans piĂ©gĂ© en montagne.
LE LIVRE UNE EFFROYABLE DESCENTE JUSQUâAU CĆUR DâUN RĂSEAU MĂLANT PERVERSION ET MANIPULATION LFC MAGAZINE
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MARS 2018
DE GAUCHE Ă DROITE : CĂLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.
AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER
LAURENT BETTONI DĂšs ma plus tendre enfance, jâai senti confusĂ©ment que ma vie Ă©tait dans lâĂ©criture, dans la crĂ©ation dâhistoires. Question de karma. Natif de Vitry-surSeine, je suis allĂ© au lycĂ©e Romain-Rolland dâIvry et jâai marchĂ© sans le savoir dans les traces dâillustres prĂ©dĂ©cesseurs, passĂ©s par lĂ quelques annĂ©es avant moi : Tonino Benacquista, Maurice G. Dantec et Jean-Bernard Pouy. Jâemploie volontairement le mot « auteur » plutĂŽt quâĂ©crivain ou romancier, car câest ce premier terme qui me dĂ©finit. En effet, si je suis entrĂ© dans le monde littĂ©raire, câest grĂące Ă ma rencontre avec Laurent Bonelli, qui fut un grand libraire et qui mâa permis de faire publier mon premier roman. Mais en plus de la littĂ©rature, jâaime aussi Ă©normĂ©ment la musique, le cinĂ©ma et la tĂ©lĂ©vision. Si jâavais rencontrĂ© les bonnes personnes, je serais peut-ĂȘtre aujourdâhui, avec autant de bonheur, Ă©galement parolier et scĂ©nariste. Jâai dĂ©jĂ quelques expĂ©riences en la matiĂšre mais rien de trĂšs probant encore, hĂ©las. Je rĂȘve dâĂ©crire un jour des sĂ©ries pour la tĂ©lĂ©vision et des films pour le cinĂ©ma.
JE RĂVE DâĂCRIRE UN JOUR DES SĂRIES POUR LA TĂLĂVISION ET DES FILMS POUR LE CINĂMA
Quant au genre de mes romans, je prĂ©fĂšre laisser Ă dâautres le soin de
Dâautre part, encore trop
lâĂ©tiqueter. Moi je nâaime pas tellement les cases ni les Ă©tiquettes, câest trop
souvent, en France tout du
réducteur. Mes livres peuvent aussi bien se retrouver sur les rayonnages thriller
moins, quand on parle de
que littérature, et ça me va trÚs bien.
littĂ©rature de genre, câest
Et puis, tout nâest-il pas thriller ? Câest quoi, un thriller ? On parle de thriller
toujours avec un petit cÎté
quand il y a suspense. Et il y a suspense quand il y a une question en suspens
condescendant, comme sâil
dont on attend la réponse. Or la question inhérente à toute histoire est : le
fallait comprendre littérature
personnage principal va-t-il atteindre le but quâil sâest fixĂ© ? Donc toute Ćuvre
de « mauvais genre » ou
qui raconte une histoire est un thriller. RomĂ©o et Juliette est lâun des plus
littérature de « sous-genre »,
grands thrillers de tous les temps.
par rapport à une littérature
qui serait plus belle et plus noble, celle quâon appelle la littĂ©rature gĂ©nĂ©rale. Cela mâagace un peu. Je ne raisonne pas en ces termes de littĂ©rature de genre ou de littĂ©rature gĂ©nĂ©rale. Je distingue la fiction de la nonfiction, et câest tout. Je fais donc de la fiction. Et je mâĂ©vertue toujours Ă ne pas mâenfermer
DE LA LITTĂRATURE Ă LA FOIS BELLE ET POPULAIRE, VOILĂ CE QUE JâESSAIE DE PROPOSER AUX LECTEURS
dans des codes ni des stĂ©rĂ©otypes. Jâaime par-dessus tout transcender les genres, câest-Ă -dire, prĂ©cisĂ©ment, dĂ©tourner des codes narratifs et des stĂ©rĂ©otypes Ă dâautres fins que celles auxquelles ils sont originellement destinĂ©s, ou bien en mĂ©langer
Par exemple, dans Ma place au paradis, je parle de
certains, a priori incompatibles. Simplement
lâenfance maltraitĂ©e et du drame de la pĂ©dophilie ;
parce que la vie est ainsi et que la fiction,
dans Le Repentir, qui est le second volet de ce
mieux que nâimporte quoi dâautre, raconte la
diptyque, je parle en plus du couple et de lâarrivĂ©e
rĂ©alitĂ©, la vie, câest pour cela quâelle touche
des analystes comportementaux (les fameux
autant les gens.
profilers) dans la police française ; Mauvais garçon aborde la question du Darknet, des inégalités
Considérons le fait divers malheureusement
sociales et de lâembrigadement politique dâun jeune
trĂšs banal dâun homme ou dâune femme qui
homme, surdiplĂŽmĂ© mais chĂŽmeur, par lâun de ses
tue son conjoint. Que trouve-t-on dans cette
anciens professeurs.
histoire ? Du thriller ? De lâamour ? Un drame social ? Probablement les trois Ă la
VoilĂ pour le fond. Mais je ne me contente pas de
fois, et câest ce qui donne sa dimension Ă
construire mes histoires le plus solidement possible,
lâĂ©vĂ©nement.
je tĂąche aussi de les raconter avec lâart et la maniĂšre. Le geste littĂ©raire et le style comptent autant pour
Donc si lâon veut toucher Ă lâuniversel en
moi que la qualité du récit. Je travaille énormément
racontant une histoire, il faut tenir compte
le rythme et la musicalité de mes phrases. De la
de toutes ses dimensions. Mes romans
littérature à la fois belle et populaire, voilà ce que
possĂšdent tous, en plus de la composante
jâessaie de proposer aux lecteurs.
« thriller », plusieurs composantes sociales ou sociĂ©tales, et mes hĂ©ros ne sont jamais des super flics mais des gens de tous les jours, auxquels chacun peut sâidentifier et qui se retrouvent embarquĂ©s dans des histoires terribles. Ensuite, avec leurs moyens, souvent faibles, ces gens simples doivent puiser en eux des ressources dont ils ne soupçonnaient pas lâexistence pour tĂącher de sâen sortir.
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MARS 2018
LAURENT BETTONI LES REMORDS DE L'ASSASSIN, MARABOUT THRILLER
Karine et Olivier sont empĂȘtrĂ©s dans une crise conjugale qui les dĂ©vore lentement depuis des annĂ©es. Patricia et Franck, victimes dâun drame personnel, voient leur vie basculer du jour au lendemain. AurĂ©lie et Philippe, tous deux psychiatres, entretiennent une liaison adultĂšre et ont bien du mal Ă envisager leur avenir amoureux. Trois couples Ă bout de souffle tentent de surmonter leurs difficultĂ©s. Apparemment Ă©trangers les uns aux autres, tous se croisent pourtant, sâentrechoquent et jouent un rĂŽle crucial dans une affaire criminelle impliquant lâassassinat sauvage de quatre jeunes filles, en cinq semaines, dans le nord de Paris. Le Parquet en confie alors la rĂ©solution au commandant Vauquier, de la Brigade criminelle, qui se distingue par ses mĂ©thodes punitives et radicales. Dans ce thriller psychologique aux allures de tragĂ©die grecque, et face aux larmes de lâassassin, chacun devra rĂ©pondre Ă une question : la maladie mentale est-elle un crime ?
LE LIVRE LA MALADIE MENTALE EST-ELLE UN CRIME ? LFC MAGAZINE
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MARS 2018
DE GAUCHE Ă DROITE : CĂLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.
AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER
NICOLAS LEBEL AprĂšs avoir voyagĂ© sur les cinq continents et habitĂ© Ă lâĂ©tranger, jâai posĂ© mes valises Ă Paris, oĂč jâhabite aujourdâhui. Câest une ville que jâadore, ce nâest donc pas un hasard si jây ai installĂ© mes intrigues. Jâai commencĂ© trĂšs tĂŽt Ă Ă©crire de la fiction, des nouvelles, des poĂšmes⊠Mais Lâenvie dâĂ©crire du polar est venue par la suite. Je connaissais mes classiques : Agatha Christie, Conan Doyle, Wilkie Collins, Boileau-Narcejac⊠un genre que jâai assez vite lĂąchĂ©, pensant naĂŻvement quâil se bornait au whodunit, Ă la recherche du coupable. Quelques annĂ©es plus tard, jâai vraiment redĂ©couvert le genre avec Daenninckx, Pouy, Jonquet, Manchette puis Dantec, Lehane, Mankel, Vargas. Le polar nâĂ©tait plus Ă mes yeux cette enquĂȘte ringarde sur les traces dâun assassin. Le genre sâĂ©tait Ă©toffĂ© en style, en poĂ©sie, sâĂ©tait teintĂ© de tragĂ©die, de douleur, et de politique, ne se contentait plus de regarder le nombril de lâenquĂȘteur mais fouillait le quotidien, le social, l'histoire, et parlait de nous, aujourdâhui. Une rĂ©vĂ©lation ! Avec mes livres, câest ce que jâai voulu faire : parler de nous, aujourdâhui. Ainsi, mon premier roman, LâHeure des fous, traite de la misĂšre contemporaine et des bidonvilles parisiens, Le Jour des morts de lâhystĂ©risation mĂ©diatique autour dâun fait-divers, Sans pitiĂ© ni remords de la guerre qui sâinvite Ă Paris en pleine commĂ©moration de 1914, De cauchemar et de feu de la radicalisation dâun ado qui, sous la houlette dâun religieux, se met Ă poser des bombes en Irlande du Nord, en 1966.
AVEC MES LIVRES, CâEST CE QUE JâAI VOULU FAIRE : PARLER DE NOUS, AUJOURDâHUI Je crois que le succĂšs de ces livres est liĂ© au protagoniste principal, le capitaine Mehrlicht. Câest est un stĂ©rĂ©otype du flic français des annĂ©es 19501960, un enquĂȘteur Ă la papa. Il ressemble au
JâAI UNE PHILOSOPHIE PLUS HUMANISTE DU GENRE ; JE PRĂFĂRE RAPPROCHER LE LECTEUR DE SON VOISIN !
Maigret de Gabin, au Bourrel de Souplex, des types droits et rigides, qui aiment leur clope ou leur pipe et leur bouquin ou leur journal. Mais à la différence
Avec son physique à la Paul Préboist, aux
de ces deux parents massifs, inflexibles et
antipodes de lâenquĂȘteur bellĂątre et
raisonnables, Mehrlicht est chĂ©tif et dans lâexcĂšs :
testostéroné des séries américaines, il est
lâexcĂšs de bouffe, de Gitanes, parfois de vin, et
donc le porteur de lumiĂšre, celui qui
toujours de mots. Câest un personnage
apporte la clartĂ© dans lâombre, celui
fonciĂšrement dĂ©mesurĂ© dans tout ce quâil fait, ce
Ă©galement qui tisse le lien entre les
qui est un trait moderne.
vivants et les morts.
La force de ce personnage tient dans son décalage
Mais lâambiance serait vite plombĂ©e si ce
avec lâĂ©poque dans laquelle il vit, Ă©poque quâil
personnage et lâĂ©quipe quâil dirige
dénigre, moque et rejette violemment.
nâĂ©taient pas fonciĂšrement drĂŽles. Et dans les quatre enquĂȘtes de la sĂ©rie Mehrlicht,
Il est un fervent dĂ©fenseur du « câĂ©tait mieux
lâhumour naĂźt souvent de la confrontation
avant », farouche combattant de la technologie sous
des personnages principaux ou
toutes ses formes, à commencer par « la télé qui
secondaires, lorsquâils ne se comprennent
rend con », pourfendeur impénitent de la
pas. « L'angoisse n'est pas supportable
malbouffe, de la société de consommation et de la
sans l'humour. C'est le mélange qui fait le
connerie médiatisée.
plaisir », dit Hitchcock. Le polar est certes une plongée en apnée dans les failles
Ce contraste passé-présent se retrouve dans tous
sociales, une confrontation Ă la noirceur
mes romans. Jâessaie dây mener une rĂ©flexion sur le
individuelle ou collective. Certains
prĂ©sent en lâexpliquant par le passĂ©, nourrissant
écrivent des polars pour y dépeindre la
lâintrigue dâĂ©lĂ©ments littĂ©raires et historiques. Le
monstruositĂ© insoupçonnĂ©e de lâAutre,
prĂ©sent, lâenquĂȘte, ne sâĂ©claire quâĂ la lumiĂšre du
mon voisin, mon frĂšre. Jâai une
passé, ce qui nécessite cette confrontation ou ce
philosophie plus humaniste du genre ; je
rapprochement. Mehrlicht tient dâailleurs son nom
préfÚre rapprocher le lecteur de son
des derniers mots de Goethe sur son lit de mort,
voisin ! Le rire, mĂȘme grinçant, me
« Plus de lumiÚre » (« Mehr Licht », en allemand).
semble un bon médium.
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MARS 2018
NICOLAS LEBEL
Le cadavre dâun homme est dĂ©couvert dans les toilettes dâun pub parisien. La victime a Ă©tĂ© abattue : une balle dans chaque genou et une troisiĂšme dans le front. Si les enquĂȘteurs concluent rapidement Ă lâexĂ©cution, le lĂ©giste est bien plus prĂ©cis : il reconnaĂźt le kneecapping, cette mĂ©thode punitive utilisĂ©e par lâIRA dans les annĂ©es 1980 en Irlande du Nord. Ă lâautopsie, le corps dĂ©nudĂ© du mort rĂ©vĂšle des entrelacs celtiques Ă la gloire de lâIRA. Il nây a plus de doutes : ce brave quinquagĂ©naire britannique qui vient dâarriver Ă Paris a Ă©tĂ© la victime dâun rĂšglement de compte. Lorsquâon dĂ©couvre le deuxiĂšme cadavre, il semble dĂ©sormais clair que les vieux briscards du conflit nord-irlandais sont venus Ă Paris rĂ©gler leurs diffĂ©rends.
DE CAUCHEMAR ET DE FEU, MARABOUT THRILLER
Mille neuf cent soixante-six : on rejoint une bande de gamins dans les rues de Derry, Ă lâheure oĂč dĂ©ferlent les blindĂ©s britanniques, des gosses qui vont grandir dans la guerre civile, qui devront choisir un camp, quitte Ă se retrouver face Ă face. Au cĆur du brasier qui enflamme Derry, naĂźt un tueur pyromane qui terrifie bientĂŽt toute lâIrlande du Nord : Le Croquefeu. Il ne sâagit pas, dans ce roman de faire un cours dâhistoire, mais simplement dâorganiser la rencontre du lecteur avec des acteurs de ce conflit, personnages que lâon suit de 1966 Ă nos jours, des enfants qui grandissent dans les flammes des Troubles, pour reprendre lâinsupportable euphĂ©misme de la propagande britannique. Il y avait longtemps que je portais cette ballade irlandaise qui mĂȘle histoire et mythologie. La voici !
LE LIVRE UNE BALLADE IRLANDAISE QUI MĂLE HISTOIRE ET MYTHOLOGIE LFC MAGAZINE
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MARS 2018
L'ENTRETIEN DE LA COVER
MARS 2018
LE CLIC DE TROP ?
par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
OVIDIE PHOTOS EXCLUSIVES CĂ©line Nieszawer
Fin février 2018. Quartier saint-Paul Le Marais, Ovidie arrive avec un zeste de retard. Elle court partout... Le lancement de son nouveau livre trouve écho dans les médias. elle est trÚs sollicitée. Souriante, une boisson chaude pour se réconforter, et c'est parti pour une séance de photos pour LFC Magazine. Dans à un clic du pire, elle prévient sur le clic de trop que peuvent faire les jeunes de 9 ans voire plus...
LFC : Ovidie, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre Ă un clic du pire (Ăditions Anne-CarriĂšre). Ce nâest pas la premiĂšre fois que vous prenez la parole. Pourquoi avezvous voulu Ă©crire ce livre ? O : Je crois que peu dâindividus peuvent se retrouver dans ma position, celle oĂč nous nâavons pas forcĂ©ment une vision manichĂ©enne de la pornographie. Tout le monde a un avis sur la pornographie, mĂȘme si finalement chacun sâembourbe dans une sorte de dĂ©ni oĂč lâon encense le genre. En gĂ©nĂ©ral, la pornographie, soit on est pour, soit on est contre. Il nâexiste aucune rĂ©flexion sur les modes de diffusion ou sur lâĂ©volution de ce business. Dans ce domaine, trĂšs peu de spĂ©cialistes et de consultants sont prĂ©sents. Câest un domaine que lâon ne prend pas du tout au sĂ©rieux. De plus, au niveau des politiques, des rapports LFC MAGAZINE #6 | 107
paraissent frĂ©quemment sur la pornographie qui ne sont pas Ă©voquĂ©s. On se rend compte que les personnes qui sont spĂ©cialisĂ©es dans la pornographie et qui ont Ă©tudiĂ© ce domaine avec sĂ©rieux sont rarement consultĂ©es. Ce sont toujours les mĂȘmes psychologues et les mĂȘmes sociologues qui Ă©noncent leurs thĂ©ories avec des postulats qui sont souvent erronĂ©s. Et malheureusement, on se rend compte quâils ne comprennent rien. Jâexplique dans le livre, sans panique morale, quels sont les modes de diffusion du porno, comment fonctionne cette industrie, comment cette Ă©conomie a mutĂ© et quelles sont concrĂštement les consĂ©quences sur notre rapport au corps. LFC : Vous dressez un constat alarmant Ă propos des mineurs. Vous Ă©voquez les tubes, lâaccĂšs sans filtre Ă la pornographie des jeunes. Aujourdâhui, câest Ă partir de neuf ans que lâon commence Ă voir des films pornographiques⊠Câest Ă©difiant. O : Oui, câest Ă peu prĂšs lâĂąge. Entre neuf ans et onze ans. 70% de la consommation pornographique passe par les smartphones. Câest pour cela que cela ne sert Ă rien dâinstaller un filtre parental sur lâordinateur du salon. Ils utilisent le mĂȘme smartphone pour aller au collĂšge, pour sâisoler dans leur chambre. Nous rejetons trĂšs souvent la responsabilitĂ© sur les
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En gĂ©nĂ©ral, la pornographie, soit on est pour, soit on est contre. Il nâexiste aucune rĂ©flexion sur les modes de diffusion ou sur lâĂ©volution de ce business. Dans ce domaine, trĂšs peu de spĂ©cialistes et de consultants sont prĂ©sents. Câest un domaine que lâon ne prend pas du tout au sĂ©rieux.
parents en disant que câest Ă eux de surveiller leurs gamins. Mais souvent, ceux qui disent cela sont ceux qui nâont pas dâenfants. Nous ne pouvons pas ĂȘtre tout le temps derriĂšre eux. Il existe une Ă©volution des modes de diffusion de la pornographie et une Ă©volution des modes de consommation. Nous ne sommes plus dans la mĂȘme configuration quâĂ lâĂ©poque oĂč lâon regardait le porno Ă la tĂ©lĂ©vision le samedi soir sur Canal+ ou lorsquâon se prĂȘtait des VHS. LFC : Tout est devenu plus rapide aujourdâhui⊠O : Tout est devenu plus instantanĂ© depuis lâapparition des tubes en 2006, date de lancement du site YouPorn. Cela a beaucoup Ă©voluĂ© si lâon compare avec lâĂ©poque de MegaUpload par exemple. CâĂ©tait illĂ©gal et gratuit, mais il y avait un temps de tĂ©lĂ©chargement quâil fallait respecter. Donc mĂȘme si nous Ă©tions dans lâillĂ©galitĂ©, il y avait une forme de temporalitĂ© diffĂ©rente du streaming. Aujourdâhui, il suffit dâun clic pour avoir accĂšs Ă des millions de vidĂ©os. LFC : Ce livre est-il un cri dâalarme ? Que faut-il faire contre ses tubes ? O : Ce nâest pas une approche pour alerter les foules,
mais câest plus une approche pragmatique. Cela ne sert Ă rien de tomber dans une forme de panique morale. C'est une façon dâexpliquer que le porno se diffuse de telle maniĂšre, que les enfants ont accĂšs Ă ce type de contenu, informer sur les rĂ©glementations en de soumission, de violence⊠Sur le streaming, nous ne constatons aucune limite et les enfants peuvent avoir accĂšs au pire. Cela va du porno des annĂ©es 70 avec des mecs barbus qui vont faire le petit coĂŻt du samedi aux mises en scĂšne de viol. LFC : Dans ce livre, vous dites Ă©galement que câest un problĂšme Ă©conomique pour lâindustrie pornographique. O : Le streaming a tuĂ© lâindustrie pornographique, dans le sens oĂč ces dix derniĂšres annĂ©es, les trois quarts des entreprises ont mis la clĂ© sous la porte. Câest une industrie qui a complĂštement chutĂ©. Ce qui est assez inĂ©dit, câest quâil y a mĂȘme des producteurs qui rĂ©clament des censures alors quâĂ lâĂ©poque, câĂ©tait les premiers Ă voter contre la censure. Des producteurs comme Marc Dorcel ou dâautres, ce sont les premiers Ă dire quâils veulent fermer ces sites. De nombreux professionnels dans le milieu de la pornographie sâinsurgent contre ce mode de consommation et dĂ©noncent les dĂ©gĂąts quâils peuvent occasionner.
câest interdit. Hier, jâai vu un chiffre hallucinant, 600 000 jeunes de moins de treize ans sont sur snapchat. En tant que parents, adultes ou frĂšres, nous devons donner lâexemple. Aujourdâhui, nous postons des photos dâenfants, de nos enfants ou de nos amis sans demander dâautorisation. LFC : Aimeriez-vous participer Ă ces questions pour faire avancer les choses au sein du gouvernement ? O : Ils sont Ă cĂŽtĂ© de la plaque et ils nâont pas trĂšs envie de bouger. Ă quelques reprises, jâavais Ă©tĂ© approchĂ©e et jâĂ©tais intervenue Ă la direction des affaires sociales. Je devais rencontrer Laurence Rossignol. Quelques mois plus tard, les Ă©lections prĂ©sidentielles ont tout remis Ă zĂ©ro. MarlĂšne Schiappa me connaissait, nous avons dĂ©jĂ Ă©tĂ© en contact et elle a
LFC : Vous parlez dâun autre problĂšme qui est liĂ© Ă lâerĂ©putation. Sur les rĂ©seaux sociaux, la situation est tout aussi grave⊠O : Vous avez raison. Pire que de tomber sur une image pornographique, aujourdâhui se pose la question du harcĂšlement sur les rĂ©seaux sociaux et la circulation de son image contre son grĂ©. Une des discussions que jâencourage les parents Ă avoir avec leurs enfants, câest la question de la circulation de lâimage. Il faut bien leur faire comprendre que dĂšs le plus jeune Ăąge, mĂȘme audelĂ de la nuditĂ©, une image reste sur internet ad vitam ĂŠternam. Sur des petits rĂ©seaux, je pense notamment Ă musical.ly, câest la fĂȘte aux pĂ©dophiles. Je me dis que si je suis un mec et que je suis pĂ©dophile, je vais passer mes journĂ©es sur ce site. Câest trĂšs dangereux. On voit des petites filles de dix ans qui font du Lip sync sur du Rihanna, qui se dandinent et qui nâont pas forcĂ©ment conscience quâelles sont en danger, et quâil y a RenĂ© qui est Ă bloc derriĂšre son Ă©cran. Ce sont des choses qui sont beaucoup plus importantes que le fait mĂȘme de parler de la pornographie. Les rĂ©seaux sociaux avant treize ans,
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Les rĂ©seaux sociaux avant treize ans, câest interdit. Hier, jâai vu un chiffre hallucinant, 600 000 jeunes de moins de treize ans sont sur snapchat.
mon numĂ©ro. Ă lâĂ©poque oĂč jâai rĂ©alisĂ© Pornocratie, jâai pris contact avec elle en lui disant que ce film-lĂ Ă©tait une bombe et quâelle pouvait en faire quelque chose en rĂ©glementant la question sur la pornographie. Ils ne lâont pas saisi. Ils sâen battent les reins. Tant pis pour eux. Hier, jâĂ©tais sur le plateau de LCI et il y avait une dĂ©putĂ©e de la rĂ©publique En Marche qui mâa dit de façon trĂšs naturelle : MarlĂšne a vu que vous lâinterpelliez dans lâExpress. Si vous le souhaitez, vous pouvez lâappeler. Je pense quâĂ un moment donnĂ© ce nâest pas Ă moi de partir en guerre toute seule et de demander lâaide Ă lâĂtat pour faire interdire ses tubes. Je rapporte lâinformation. Sâils ne sont pas foutus dâen faire quelque chose. Dommage.
dans des considĂ©rations morales foireuses en disant que ce genre dĂ©gradait les femmes et les faisait passer pour consentantes. Alors que six mois auparavant, sur Konbini, il disait que le porno faisait partie de la vie⊠LFC : Ce livre est disponible en librairie. Avezvous des attentes particuliĂšres ? O : Jâaimerais que les personnes concernĂ©es puissent sâen emparer et quâils puissent rĂ©cupĂ©rer des informations. Ils peuvent pomper tout ce quâils veulent. Il nây a aucun problĂšme avec cela. La seule chose que lâon espĂšre toujours quand on publie un essai, câest dâinterpeller les gens et de les amener Ă rĂ©flĂ©chir. Amener les adultes qui ont des adolescents dans leur entourage Ă aborder la question de la pornographie avec bienveillance. Cela peut donner lieu Ă certaines conversations qui sont, pour moi, indispensables.
LFC : Vous avez raison. Il sâagit des enfants, de nos enfants. O : Ils ont trĂšs peur dâavoir leur nom Ă cĂŽtĂ© du mot pornographie. Quand jâai fait Pornocratie en 2017, il y avait des Ă©conomistes, des spĂ©cialistes du blanchiment dâargent, des gens qui nâavaient strictement rien Ă voir avec la pornographie, qui Ă©taient dâaccord pour intervenir et qui ont refusĂ© Ă cause de ce systĂšme de rĂ©fĂ©rencement sur Google. Ils ont peur de passer pour des Christine Boutin, trĂšs peur de sâemparer de cette question. Le discours dâEmmanuel Macron oĂč il a abordĂ© la question de la rĂ©glementation du porno, a Ă©tĂ© trĂšs maladroit puisquâil est parti
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La seule chose que lâon espĂšre toujours quand on publie un essai, câest dâinterpeller les gens et de les amener Ă rĂ©flĂ©chir. Amener les adultes qui ont des adolescents dans leur entourage Ă aborder la question de la pornographie avec bienveillance. Cela peut donner lieu Ă certaines conversations qui sont, pour moi, indispensables.
L'ENTRETIEN DE LA COVER
MARS 2018
PHOTOS EXCLUSIVES
ARNAUD VALOIS LA RĂVĂLATION DU FILM CHOC 120 BPM INTERVIEW
par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de CĂ©line Nieszawer
AoĂ»t 2017, sortie du film choc en salles de "120 battements par minute" de Robin Campillo. La gifle ! Les spectateurs rĂ©pondent prĂ©sents. Les prix affluent : Grand Prix du Festival de Cannes, la Queer Palm, le Prix du Public au Festival de Cabourg, sans oublier les CĂ©sars 2018, nommĂ© 13 fois. Arnaud Valois est NOTRE rĂ©vĂ©lation du film est lui aussi nommĂ© dans la catĂ©gorie "Meilleur espoir masculin". SĂ©ance photos pour LFC Magazine et entretien avec le comĂ©dien. Rencontre. LFC : Bonjour Arnaud Valois, nous nous rencontrons pour dresser un bilan sur tout ce qui sâest passĂ© pour vous ces derniers mois. Vous ĂȘtes revenu sur le devant de la scĂšne avec le film choc 120 battements par minute. Racontez-nous comment le projet est venu Ă vous. AV : Tout dâabord, câĂ©tait Ă un moment oĂč je ne croyais
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plus au cinĂ©ma. Jâai reçu un appel dâune directrice de casting. Jâavais travaillĂ© avec elle Ă lâĂ©poque oĂč jâĂ©tais encore comĂ©dien. Elle mâa demandĂ© si je passais toujours des castings, mais ce nâĂ©tait plus le cas. Jâavais arrĂȘtĂ© depuis un moment. JâĂ©tais parti en ThaĂŻlande pour faire une formation de masseur, et une fois rentrĂ© en France, je me suis inscrit Ă une Ă©cole de sophrologie. Au moment oĂč elle mâa appelĂ©, jâĂ©tais donc masseur et sophrologue. Elle poursuit et me demande si cela mâamuserait de passer des essais. Je lui rĂ©ponds que non. Pour moi, tout cela Ă©tait de lâhistoire ancienne. Jâavais fait un gros travail de renoncement Ă cette profession, qui en plus Ă©tait mon rĂȘve de gosse. Elle mâa quand mĂȘme parlĂ© du film. Je ne connaissais pas le travail de Robin Campillo, et quand elle mâa parlĂ© du thĂšme de la lutte contre le sida, cela mâa tout de suite intĂ©ressĂ©. Tout ce cĂŽtĂ© engagĂ© tant sur le plan politique que sur la communautĂ© homosexuelle me plaisait beaucoup. Pour un film comme celui-ci, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer. Jâai commencĂ© le
processus de casting qui a durĂ© plus de trois mois et au bout de cette pĂ©riode, jâai dĂ©cidĂ© dâarrĂȘter, car je revenais toutes les semaines. Les scĂšnes changeaient constamment, et je retombais au fur et Ă mesure dans tous les travers qui mâavaient fait arrĂȘter ce mĂ©tier. Au moment oĂč jâai dit que je souhaitais arrĂȘter, on mâa dit que jâavais le rĂŽle. LFC : Lâaventure a commencĂ©, il sâest passĂ© beaucoup de choses dont on va parler. Depuis le succĂšs du film, recevez-vous davantage de propositions ? Comment le vivez-vous ? AV : En effet, je reçois davantage de propositions, mais chaque stade a ses contraintes. Aujourdâhui, il faut apprendre Ă dire non. Construire une carriĂšre ne veut absolument rien dire, et encore moins pour quelquâun qui revient un peu par hasard dans le cinĂ©ma. Il sâagit plus dâune histoire de coups de cĆur. Je lis, jâaime, jâai un agent qui mâaccompagne, nous rĂ©flĂ©chissons et nous prenons une dĂ©cision ensemble. Concernant les propositions, je suis toujours accompagnĂ© par dâautres choix pour le rĂŽle, je ne suis jamais tout seul. Dâautres comĂ©diens sont aussi sollicitĂ©s.
Quand elle mâa parlĂ© du thĂšme de la lutte contre le sida, cela mâa tout de suite intĂ©ressĂ©. Tout ce cĂŽtĂ© engagĂ© tant sur le plan politique que sur la communautĂ© homosexuelle me plaisait beaucoup. Pour un film comme celui-ci, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer. faille mettre tout un tas de choses en route pour obtenir ce que lâon dĂ©sire. Alors quâen fait, câest quelque chose de beaucoup moins palpable. Câest vrai, la concurrence est prĂ©sente au niveau des rĂŽles, car nous sommes nombreux. Mais au final, nous ne sommes pas dĂ©cisionnaires. Je ne le vis pas comme une compĂ©tition. Jâai compris quâun film sera complĂštement diffĂ©rent en fonction de lâacteur qui joue dedans. Robin Campillo a beaucoup hĂ©sitĂ©, car il ne voyait pas le personnage comme je le proposais. Il voulait quelquâun dâun peu plus maladroit, un peu moins bien dans ses baskets. LFC : Le personnage incarnĂ© est quelquâun dâassez sĂ»r de luiâŠ
LFC : La concurrence rĂŽdeâŠ
AV : Oui, exactement. Il cherchait quelquâun de plus fĂ©brile et il a dĂ» abandonner cette idĂ©e. Peut-ĂȘtre que sâil avait choisi un comĂ©dien qui proposait ce jeu, le personnage de Nathan aurait Ă©tĂ© complĂštement diffĂ©rent. Quand on comprend cette chose, on se rend compte quâil nây a aucune compĂ©tition.
AV : Je crois que cela va au-delĂ . La concurrence, ce serait que tout soit hyper rationnel et quâil
LFC : Quand vous dßtes que vous avez proposé cette version-là du personnage, cela signifie que vous le ressentiez ainsi ?
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AV : Ce rĂŽle proposait quelque chose dâassez neutre. Le personnage de Sean, qui est interprĂ©tĂ© brillamment par Nahuel, a une palette trĂšs large. Pour ma part, je suis plutĂŽt sur des nuances de gris, de noir et de blanc. Nahuel joue le rĂŽle dâun militant trĂšs fort, et câest un rĂŽle que jâaurais Ă©tĂ© incapable de jouer. Le personnage de Nathan nâoffrait pas vĂ©ritablement la possibilitĂ© de composer. Lâacteur qui allait ĂȘtre choisi allait devoir imprimer ce quâil Ă©tait. Il y a des personnages qui proposent des palettes de couleurs beaucoup plus denses, dâautres un peu moins. Je crois que je prĂ©fĂšre ceux qui proposent des nuances plus que des volte-face. Cependant, jâadmire vraiment les comĂ©diens qui sont capables de fournir cela. Quand jâai commencĂ© les essais avec Nahuel, jâai Ă©tĂ© subjuguĂ© par son esprit haut en couleur avec une palette incroyable de rouge, de bleu et de vert. LFC : Jouer dans un film comme celui-ci, est-ce un acte militant ? AV : Je pense que oui. En tout cas, je lâai vĂ©cu de cette façon. LFC : On a beaucoup entendu parler de ce film depuis le Festival de Cannes (Le film a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 2017). 120 BPM est ensuite sorti en salles le 23 aoĂ»t 2017. Ă la fin du tournage, tous ensemble, aviez-vous le sentiment dâavoir fait une petite bombe ? AV : Pas Ă ce point-lĂ . Il y avait des moments hallucinants lorsque lâon tournait. Je me suis dit que ce film pouvait avoir une belle histoire, en observant le cĂŽtĂ© maestro de Robin. Il nous a coupĂ© le retour Ă©cran. Ce que jâai trouvĂ© gĂ©nial. Dâailleurs, câest ce que je souhaite faire dans mes prochains rĂŽles pour ne pas sortir de lâhistoire. Il faut travailler son jeu dâacteur avec son instinct, câest cela qui est intĂ©ressant. Quand on commence Ă rentrer dans le contrĂŽle de lâimage, cela parasite la spontanĂ©itĂ©. Câest ce que jâai retenu de cette expĂ©rience. Jâai Ă©galement senti que ce tournage Ă©tait accompagnĂ© de force, dâĂ©nergie et de lumiĂšre. CâĂ©tait trĂšs fort. Ensuite, sept mois de montage ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires et Robin nous a finalement montrĂ© le film dix jours avant Cannes. Il ne voulait pas que lâon dĂ©couvre le film dans sa version finale pendant le Festival. Lorsque je lâai vu, câĂ©tait assez bizarre de se voir Ă lâĂ©cran, mais ce film propose une transe tellement LFC MAGAZINE #7 | 117
forte quâau bout de dix minutes, nous Ă©tions complĂštement happĂ©s par lâhistoire. Nous avons ensuite Ă©tĂ© dĂ©jeuner tous ensemble, et nous Ă©tions tous hagards Ă cause de ce que nous venions de prendre dans la gueule. En arrivant Ă Cannes, nous ne nous sommes pas dit que nous allions tout rafler. Nous Ă©tions dans un esprit trĂšs tranquille. Robin nâavait pas voulu montrer le film Ă la presse la veille, chose qui arrive de temps en temps afin quâil y ait quelques papiers le jour mĂȘme. Il voulait que tout soit vĂ©cu en temps rĂ©el. Et il a bien fait puisque la toile sâest emparĂ©e du film. Il y a eu un buzz Ă©norme sur les rĂ©seaux sociaux et les trois jours qui ont suivi ont Ă©tĂ© surrĂ©alistes. Il y avait une distorsion du temps : trente minutes pouvaient en paraĂźtre cinq. Le rĂ©el se transformait. Les journalistes Ă©taient en pleurs. La montĂ©e des marches et la projection
Le rĂ©el se transformait. Les journalistes Ă©taient en pleurs. La montĂ©e des marches et la projection sont aujourdâhui des souvenirs magnifiques, gravĂ©s dans ma mĂ©moire⊠Bref, je nâoublierais jamais ces moments.
sont aujourdâhui des souvenirs magnifiques, gravĂ©s dans ma mĂ©moire⊠Bref, je nâoublierais jamais ces moments. LFC : Votre histoire est incroyable. Quitter le mĂ©tier dâacteur, vivre une reconversion dans des disciplines liĂ©es Ă lâhumain comme le massage et la sophrologie, puis revenir Ă lâacting grĂące Ă une graine du passĂ© qui a germĂ© et atteindre ces derniers mois les sphĂšres extrĂȘmes du succĂšs. Câest du bonheur, mais du bonheur quâil faut gĂ©rer⊠AV : Le Festival de Cannes a Ă©tĂ© Ă©norme. Tout ce que lâon a vĂ©cu tous ensemble Ă©tait extraordinaire. Jâai acceptĂ© de me laisser submerger par tout cela, car si je commençais Ă mettre des processus de protection, jâallais passer Ă cĂŽtĂ© de ces moments fabuleux. Je savais que cette aventure allait durer des jours, des semaines et que je devais en profiter au maximum. Il y a eu une charge Ă©motionnelle disproportionnĂ©e. Quand je suis rentrĂ© chez moi aprĂšs, jâai eu du mal Ă redescendre. Câest pour cela que jâai repris immĂ©diatement les massages et la sophrologie. LFC : Câest trĂšs intĂ©ressant, Ă croire que ce sont des choses que vous aviez mises en place pour faire face Ă ce qui allait arriver. Sans bien Ă©videmment le savoir⊠AV : Câest trĂšs juste. Je ne crois pas au hasard dans la vie. Jâavais eu un dĂ©part quasiment Ă©quivalent avec le film Selon Charlie de Nicole Garcia avec un casting cinq Ă©toiles. Tout devait se passer comme lâaventure de 120 battements par minute, mais cela ne sâest pas passĂ© de cette façon. Ă vingt et un ans, je nâĂ©tais pas prĂȘt. Jâai donc mis
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des choses en place pour que lâon vienne me rechercher. Le film 120 battements par minute est sorti le 23 aoĂ»t 2017. Selon Charlie Ă©tait sorti le 23 aoĂ»t 2006. Nous Ă©tions allĂ©s Ă Cannes le samedi soir du premier week-end en 2006, câĂ©tait la mĂȘme chose en 2017. Tout a onze ans dâĂ©cart, câest dingue. LFC : Dix ans, câest la fin dâun cycle. La onziĂšme annĂ©e, le dĂ©but dâun nouveau⊠AV : En plus, tout cela est arrivĂ© dans ma trentetroisiĂšme annĂ©e, je suis trĂšs fascinĂ© par le Christ qui est mort Ă trente-trois ans sur la croix et qui monte au ciel. Jây vois un symbole de renaissance, de rĂ©surrection. Ă Ă©chelle humaine bien Ă©videmment. LFC : Pouvez-vous nous raconter lâaprĂšs Cannes ? AV : Nous avons enchainĂ© directement avec les avantpremiĂšres en province qui ont Ă©tĂ© de grands moments. Nous avons rencontrĂ© des gens touchants, des associations pour la lutte contre le SIDA. Nous Ă©tions au cĆur des tĂ©moignages forts. CâĂ©tait un autre Cannes. Ensuite, la promotion Ă lâinternational Ă©tait une expĂ©rience enrichissante complĂštement hallucinante. Les rĂ©actions sur la façon dont ils luttaient contre le SIDA Ă©taient diffĂ©rentes et passionnantes selon chaque pays. Mes trois moments-clĂ©s seraient la projection Ă Cannes, toutes les avant-premiĂšres en province et lâavant-premiĂšre au New-York Film Festival oĂč il y avait des militants dâAct Up dans la salle. LFC : Pedro AlmodĂłvar vous a remis le Grand Prix du Festival de Cannes et a exprimĂ© des avis dithyrambiques sur le film. On imagine que câĂ©tait aussi un grand moment.
Dâavoir ou non le CĂ©sar, ce nâest pas tellement cela. Câest surtout une nouvelle tribune qui s'offre Ă nous et qui va nous permettre d'ĂȘtre de nouveau tous ensemble une derniĂšre fois.
AV : Oui, cela a aussi Ă©tĂ© un grand moment. Nous arrivons aujourdâhui Ă la fin de cette aventure et nous allons faire la promotion du film sur le marchĂ© anglais oĂč le film sortira dĂ©but avril. Cela fait partie des derniĂšres Ă©tapes avec les CĂ©sars (le 2 mars). Nous avons Ă©tĂ© extrĂȘmement gĂątĂ©s et chanceux de vivre Ă travers ces personnages qui se sont sacrifiĂ©s et qui ont tout donnĂ© pour la lutte contre le SIDA. On nous parle beaucoup de CĂ©sars en ce moment, mais je crois que câest tout simplement une nouvelle page pour le film. LFC : Câest une maniĂšre de remettre le film en avant, de continuer de faire passer le message et de toucher de nouveaux spectateurs. AV : Exactement. Dâavoir ou non le CĂ©sar, ce nâest pas tellement cela. Câest surtout une nouvelle tribune qui s'offre Ă nous et qui va nous permettre d'ĂȘtre de nouveau tous ensemble une derniĂšre fois. LFC : Vous ĂȘtes nommĂ© dans la catĂ©gorie Meilleur Espoir Masculin. Quelle est votre rĂ©action ? Vous ĂȘtes dâailleurs tous les deux dans cette catĂ©gorie avec Nahuel PĂ©rez Biscayart. AV : Nahuel aurait mĂ©ritĂ© dâĂȘtre dans la catĂ©gorie Meilleur Acteur, car il reprĂ©sente le film dâune certaine façon. Câest un vrai comĂ©dien, il a dix ans de carriĂšre et trente films Ă son actif. Câest dommage. Moi, je suis lĂ oĂč je dois ĂȘtre, car je reviens, je nâai pas
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Le film est une histoire collective, tout comme lâhistoire dâAct Up. Ce nâest pas seulement deux personnages, tous les acteurs sont extraordinaires.
Ă me plaindre. Le fait que lâon soit tous les deux dans cette catĂ©gorie, câest deux fois plus de chance pour le film. Jây vais vraiment les mains dans les poches, car Nahuel est ultra favori grĂące Ă son incroyable interprĂ©tation. Il le mĂ©rite vraiment. Le film est une histoire collective, tout comme lâhistoire dâAct Up. Ce nâest pas seulement deux personnages, tous les acteurs sont extraordinaires. LFC : Le film a suscitĂ© beaucoup de rĂ©actions. Comment at-il changĂ© le regard sur vous de la part des gens qui sont autour de vous ? AV : Câest particulier Ă vivre dâun point de vue personnel, mais cela lâest encore plus pour les autres. Jâai un cercle dâamis que je connais depuis dix, quinze ans, donc finalement cela nâa pas Ă©tĂ© difficile Ă gĂ©rer. Ces annĂ©es d'amitiĂ© sont une protection. LFC : Cela revient Ă dire ce que nous Ă©voquions tout Ă lâheure, ce film tombe au bon moment. AV : Tout Ă fait. Et ce qui est gĂ©nial, câest que la notoriĂ©tĂ© que le film apporte nâest pas creuse. Les gens qui mâarrĂȘtent dans la rue ne mâarrĂȘtent pas pour faire un selfie, mais pour discuter du film. Câest dâabord le message du film qui les
importe. Câest toujours des choses trĂšs belles. LFC : Nous avons beaucoup aimĂ© la façon dont le film parle de la mort, dâeuthanasie et de la sexualitĂ© Ă lâhĂŽpital. Ce sont des passages qui ne sont pas du tout bĂąclĂ©s. AV : Câest vrai, et câest quelque chose qui est trop peu souvent Ă©voquĂ© dans les interviews. Jâai fait plus de cent interviews et jâai Ă©voquĂ© lâeuthanasie peut-ĂȘtre trois fois. On mâen a beaucoup parlĂ© dans des territoires oĂč la situation est plus avancĂ©e, comme dans les pays du nord de lâEurope par exemple. En France, je crois que lâon nâest pas prĂȘt pour en parler, il y a encore une certaine pudeur. Le film soulĂšve beaucoup de questions dont on a beaucoup parlĂ©, mais cela aurait Ă©tĂ© bien que lâon parle un peu plus de lâeuthanasie. On y viendra, jâen suis sĂ»r. ATTENTION SPOILER LFC : Ătes-vous en accord Ă cent pour cent avec ce que fait votre personnage Ă la fin du film ? AV : Oui. Cent pour cent. Cela a Ă©tĂ© la scĂšne la plus difficile Ă jouer, mais pas pour le message quâelle porte, plutĂŽt pour les Ă©motions quâelle dĂ©gage. Quand je joue une scĂšne, jâessaye de relier des notes sur un piano intĂ©rieur en me remĂ©morant un souvenir Ă©quivalent, un moment vĂ©cu. Pour tomber amoureux, pas de problĂšmes. Ătre militant, je peux trouver. Mais donner la mort Ă quelquâun que lâon aime, il a fallu actionner des sentiments que jâai estimĂ© Ă©quivalents au niveau de la charge Ă©motionnelle. Je ne peux pas proposer un sentiment que je ne vis pas vĂ©ritablement. Au dĂ©but de ce projet, Robin mâavait dit quâil ne me demandait rien, sauf une chose, ne pas me protĂ©ger. Je lui ai dit
LFC MAGAZINE #7 | 121
que si je revenais au cinĂ©ma, ce nâĂ©tait pas pour me protĂ©ger, câĂ©tait pour y aller Ă fond surtout pour un film comme celui-ci. Ce deal a fonctionnĂ©, car en face, ce nâĂ©tait pas nâimporte quel rĂ©alisateur. Je pouvais tout donner, car lui aussi il donnait tout. LFC : Quels sont vos projets pour la suite ? AV : Je tourne bientĂŽt dans le nouveau film de Lisa Azuelos (LOL, DalidaâŠ) oĂč je vais jouer lâamant de Sandrine Kiberlain. Quand jâai lu le scĂ©nario, jâai tout de suite Ă©tĂ© intĂ©ressĂ©. LâidĂ©e de tourner avec une actrice comme Sandrine Kiberlain Ă©tait un argument trĂšs important. Jâai tout de suite eu un bon contact avec Lisa Azuelos avec qui jâai pris un thĂ© en dĂ©cembre, sans savoir quâelle prĂ©parait un nouveau film. Quelques mois plus tard, elle mâa proposĂ© ce rĂŽle. Jâai Ă©galement trois autres films français et un film amĂ©ricain qui vont probablement se faire. Pour moi, câest la cerise sur le gĂąteau. Si tout cela fonctionne, tant mieux. Sinon, ce nâest pas grave. Je ne perds pas de vue le massage et la sophrologie. Je garde deux dimanches aprĂšs-midi tous les mois pour mes clients de la premiĂšre heure, câest trĂšs important pour moi de garder ce lien et de garder les pieds sur terre. LFC : Dans vos choix de carriĂšre, souhaitez-vous que lâon vous propose des rĂŽles diffĂ©rents de celui de 120 BPM ? AV : Jâai eu beaucoup de propositions aprĂšs 120 battements par minute notamment des projets sur lâhomosexualitĂ©, mais je nâai pas acceptĂ©. Pas parce que je ne veux pas jouer de nouveau un rĂŽle sur ce thĂšme, mais simplement parce que je ne me voyais pas dedans. Il faut vraiment que ce soit un coup de cĆur. Je nâai pas de plan de carriĂšre en particulier. Comme je reviens aprĂšs tant dâannĂ©es de pause, je cherche plus Ă me faire plaisir. Jâai dĂ©veloppĂ© un instinct tellement fort que lorsque lâon me propose un rĂŽle, je sais si câest la bonne histoire, la bonne Ă©quipe. Jâai aussi passĂ© des castings pour lesquels je nâai pas Ă©tĂ© retenu. Il faut accepter ce processus. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, je nâai plus de stress par rapport Ă cette profession. Je sais que le jour oĂč je ne prendrais plus de plaisir, je ferai autre chose.
Le film soulĂšve beaucoup de questions dont on a beaucoup parlĂ©, mais cela aurait Ă©tĂ© bien que lâon parle un peu plus de lâeuthanasie. On y viendra, jâen suis sĂ»r.
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
GRĂGOIRE DELACOURT PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA
L'ĂCRIVAIN QUI AIME ĂTRE DANS LA PEAU DES FEMMES
Grégoire Delacourt nous rejoint fin janvier 2018 dans le studio pour sa séance photos pour LFC Magazine. Ils nous réserve la primeur de nous parler de son nouveau SELI N A R I Cen H A premier RDS roman "La femme qui ne vieillissait pas" et également du précédent "Danser au bord de l'abßme" tout récemment en libraire en version poche. Entretien.
LFC : Bonjour Grégoire Delacourt, on se
LFC : Le personnage est une femme mariée
voit pour une double actualité, la sortie
qui a trois enfants. Tout se passe pour le
dâun nouveau roman aux Ăditions Jean-
mieux dans sa vie. Un jour, alors quâelle se
Claude LattĂšs La femme qui ne vieillissait
rend dans un café, elle est séduite par
pas et pour la sortie en poche du livre Danser au bord de lâabĂźme. Ce dernier est
quelquâunâŠ
un roman qui parle de désir. Comment est
GD : Effectivement, mon personnage a tout
nĂ©e lâidĂ©e dâaborder ce thĂšme ?
pour ĂȘtre heureux et elle lâest. Un mari quâelle aime, trois beaux enfants. Elle nâattend rien
GD : Je crois que jâavais envie Ă nouveau
dâautre que de poursuivre ce bonheur. Un jour,
dâĂȘtre une femme. Jâavais pris beaucoup de
dans un cafĂ©, le dĂ©sir lui tombe dessus. Câest le
plaisir Ă ĂȘtre Jocelyne dans La liste de mes
drame immĂ©diat. Quelque chose dont elle nâa
envies. Jâai reçu Ă©normĂ©ment de courrier de
pas besoin. Câest quelque chose qui nâest pas
femmes. Dâune certaine maniĂšre, jâai Ă©tĂ©
commun. On a plus lâhabitude que ce soit un
acceptĂ© par leur communautĂ©, car on mâa pris
homme qui quitte tout pour une femme.
pour lâune dâentre elles. Jâai eu envie de
Comme câest une femme, câest assez inĂ©dit.
redevenir un personnage de femme forte,
Aujourdâhui, en 2018, je trouve cela choquant
confrontée à un désir qui est le moteur de
que lâon interdise Ă une femme de disposer
beaucoup de choses, et qui est contrainte Ă
dâelle-mĂȘme.
lâamour ou Ă la religion. Je souhaitais dire aux femmes : allez-y, Ă©coutez votre plaisir !
124
LFC : Vous avez dit que vous aimez faire
partie de la communautĂ© des femmes⊠Pouvez-vous nous en dire plus ? GD : Pour un Ă©crivain, il nây a rien de plus jubilatoire que dâaller dans lâinconnu. Prendre le risque dâĂȘtre quelquâun dâautre, et voir le
SELINA monde Ă travers les yeux dâun ou dâune inconnue. Câest quelque chose de fascinant. Jâai beaucoup rĂ©flĂ©chi pour savoir dâoĂč cela me venait. Je crois que câest lorsque ma mĂšre est dĂ©cĂ©dĂ©e pendant que jâĂ©crivais mon
Je crois que jâavais envie Ă nouveau dâĂȘtre une femme. Jâavais pris beaucoup de plaisir Ă ĂȘtre Jocelyne dans "La liste de mes envies". Jâai eu envie de redevenir un personnage de femme forte, confrontĂ©e Ă un dĂ©sir qui est le moteur de de choses, et qui est R Ibeaucoup CHARDS contrainte Ă lâamour ou Ă la religion. Je souhaitais dire aux femmes : allez-y, Ă©coutez votre plaisir !
premier roman. Câest Ă ce moment-lĂ que jâai
importante. Il y a un vrai discours de fond sur la
voulu voir le monde Ă travers les yeux dâune
représentation de soi. Tout cela est trÚs pesant.
femme. Jâai pris beaucoup de plaisir Ă voir le
Jâai trois filles, une femme, et jâai envie quâelles
monde avec les yeux dâune maman, de ma
vieillissent bien. Je trouve que cette notion
maman.
dâĂąge est une prison. Vieillir est magnifique, ce nâest pas une malĂ©diction. On a dĂ©jĂ vu des
LFC : Dans votre nouveau roman La femme
femmes ùgées absolument magnifiques. Je
qui ne vieillissait pas, vous parlez de lâĂąge.
suis raide dingue, fou dâadmiration devant la beautĂ© dâune comĂ©dienne comme Françoise
GD : Je suis trĂšs content que vous mâayez
Fabian que je trouve de plus en plus belle. Il
invitĂ©, car câest la premiĂšre fois que je parle
faut arrĂȘter de lier la beautĂ© et la jouissance
de ce livre. On est un peu en avance, de ce
que lâon en a, Ă la jeunesse. Beaucoup
fait, je nâai pas encore assez de recul pour en
dâhommes Ă cinquante ans quittent leur femme
parler précisément. Mais je suis trÚs content,
pour ĂȘtre avec quelquâun de plus jeune. Câest
car câest encore trĂšs chaud. LâĂąge est une
monstrueux.
prison vraiment importante. Je trouve que la société renvoie un message assez curieux
LFC : Vous vous ĂȘtes donc mis dans la peau
aux femmes, en leur disant quâil faut quâelles
dâune femme qui ne vieillit plus !
restent jeunes toute leur vie. Comme sâil y
125
avait une sorte de diktat absolu de rester une
GD : Câest la grĂące du roman. LâĂ©crivain a tous
femme jeune avec une peau de bébé. Peut-
les droits. Câest trĂšs amusant dâun point de vue
ĂȘtre que câest Ă cause de mon expĂ©rience
romanesque dâavoir ce postulat. Celui oĂč je
dans la publicitĂ© que ce sujet me tient Ă
dĂ©cide quâĂ un moment donnĂ© cette femme ne
cĆur. Il mâest arrivĂ© de vendre des antirides
vieillit plus. Ă trente-cinq ans, elle se rend
et câest quelque chose qui mâa marquĂ©, de
compte quâelle ne vieillit plus depuis quâelle a
voir Ă quel point lâĂ©coute des femmes Ă©tait
trente ans. On ne peut que rĂȘver de cette
G R Ă G O I R E
D E L A C O U R T
Ă TRENTE-CINQ ANS, ELLE SE REND COMPTE QUâELLE NE VIEILLIT PLUS DEPUIS QUâELLE A TRENTE ANS. ON NE PEUT QUE RĂVER DE CETTE SITUATION. MAIS VOUS SAVEZ, CE NâEST PAS SI SIMPLE.
situation. Mais vous savez, ce nâest pas si simple. Jâai choisi un parti pris ultra rĂ©aliste. Il nây a pas dâeffets spĂ©ciaux et je trouve que câest tout Ă fait acceptable. LâidĂ©e que quelquâun gardera extrĂȘmement longtemps sa jeunesse est possible et câest un postulat SELINA qui est trĂšs intĂ©ressant.
Quand les gens vous parlent de joie ou de souffrance, câest toujours en rapport avec R I C leurs HARDS petits riens.
LFC : En vous mettant dans la peau dâune
mais je nâai pas vu dâautres modĂšles qui
femme avec ce livre, avez-vous moins peur
marchent aussi bien. Quand les gens vous
de vieillir ?
parlent de joie ou de souffrance, câest toujours en rapport avec leurs petits riens.
GD : Je nâai pas peur dans le sens oĂč jâaccepte que câest une chose inĂ©luctable, et
LFC : Dans lâensemble de vos romans, tous
câest dâailleurs ce que dit Betty Ă un moment
vos personnages sont ordinaires. Est-ce
donnĂ© dans le livre : Câest lorsque lâon perd
les choses que lâon sait quâelles ont eu lieu.
une force ?
Câest comme lâamour, câest dangereux
GD : Ils sont ordinaires au sens noble oui.
lorsque lâon fait croire que cela rime avec
Mais vous savez les gens ordinaires, câest
toujours. Cela devrait rimer avec chaque jour
nous. Les gens extraordinaires, je ne vois pas
plutĂŽt. La vie ne dure pas toujours. La
oĂč ils sont. Bien sĂ»r, il y a des gens qui
jeunesse ne dure pas toujours. Il faut en
sortent du lot, des grands peintres, des
profiter lorsque lâon y est. Ce dont jâai peur,
grands artistes⊠Mais ĂȘtre ordinaire, câest
câest de la mĂ©chancetĂ© de la vieillesse, de
bien aussi. Notre destin nâest pas dâĂȘtre
lâinjustice, des mains qui tremblent⊠Le
extraordinaires. On ne peut pas ĂȘtre Gandhi
processus de vieillissement est quelque
ou Mozart et heureusement, sinon ce serait
chose dâassez beau finalement, il faut laisser
compliquĂ©. On peut avoir de lâextraordinaire
la place aux autres.
dans nos vies, des histoires dâamour, des souvenirs⊠Dans mon quotidien, jâaime mon
LFC : On remarque que dans tous vos
boulanger, mon dentiste, mon coiffeur. Les
livres, les petits riens sont trĂšs importants.
gens ne sont pas si ordinaires que cela dans la vie. Ils sont passionnants. Si vous vous
127
GD : La perfection déshumanise beaucoup.
intĂ©ressez Ă lâautre et que lâautre sâintĂ©resse
Jâai une certaine nostalgie des petits riens. Je
Ă vous, il y a de nombreuses choses
pense quâils sont une source de joie, de
extraordinaires Ă se raconter. Mon livre est
colĂšre, dâemportement, mais câest lĂ oĂč lâon
un miroir pour les lecteurs. Jâai envie quâils
peut Ă©changer. Tout cela peut sembler naĂŻf,
se disent que câest dâeux dont je parle.
Mon livre est un miroir pour les lecteurs. Jâai envie quâils se disent que câest dâeux dont je parle. LFC : Quand vous crĂ©ez vos personnages, cela repose sur lâobservation, lâimagination⊠GD : Ce sont des compilations de nombreux Ă©lĂ©ments. Je mâinspire de tout ce que je vois dans la vie quotidienne, mais aussi dans la fiction, les films, les sĂ©ries... Notre entretien, par exemple, me servira peut-ĂȘtre Ă crĂ©er un personnage qui aura vos traits de caractĂšre.
livre qui sort au Livre de Poche, beaucoup de femmes se sont identifiĂ©es aux personnages dâEmma. Lorsque lâon est auteur, il faut faire preuve de sincĂ©ritĂ©. LFC : La femme qui ne vieillissait pas va sortir dans quelques jours. Dans quel Ă©tat dâesprit ĂȘtes-vous ? GD : Pour ĂȘtre trĂšs honnĂȘte, câest comme si jâavais accouchĂ© dâun enfant et que le placenta nâĂ©tait pas sorti. Je suis content dâĂȘtre allĂ© au bout de ce projet qui Ă©tait extrĂȘmement casse-gueule. Câest une histoire assez abracadabrante, mais trĂšs rĂ©aliste. Les premiers rares lecteurs qui lâont lu pour le moment mâont donnĂ© des rĂ©actions trĂšs encourageantes. Une Ă©ditrice dont je tairais le nom a beaucoup aimĂ© le livre et cela mâa bouleversĂ©. Elle sâidentifie maintenant aux
LFC : Cela fait quelques années que les lecteurs sont fidÚles à vos romans. Comment vivez-vous cela ?
personnages de Betty et tous les matins dans le miroir, elle ne prend pas ses rides pour une malédiction. Rien que pour cela, je me sens vraiment bien.
GD : Je ne sais pas pourquoi mes livres marchent si bien. Si nous avions la recette, tous les livres fonctionneraient. Certains journalistes mâont toujours titillĂ© sur le fait que jâavais fait de la publicitĂ© avant et que jâavais peut-ĂȘtre la recette miracle, mais je ne lâai pas. Avec le recul, je remercie les lecteurs qui me suivent. Câest trĂšs agrĂ©able de constater la fidĂ©litĂ© des lecteurs de livre en livre. Je crois quâils reconnaissent la sincĂ©ritĂ© de mon travail. Je me mets beaucoup Ă nu dans mes livres et je crois que ce rapport muet que jâai avec mes lecteurs fait quâils sây retrouvent. Ils ont lâimpression que je parle dâeux. Dans le 128
"Grégoire Delacourt, l'homme qui comprenait les femmes ! Avec son nouveau roman, l'auteur nous entraßne dans un conte moderne et nous pousse à la réflexion. Avec l'humour et la finesse qui lui sont propres, Grégoire Delacourt dissÚque avec brio ce qui fait le quotidien de la vie d'une femme, on traverse les décennies avec Betty qui, elle, ne prend pas une ride. Car c'est là tout le sujet de ce formidable roman: la pression du jeunisme et des apparences. Rester jeune, une bénédiction ? Le lecteur se forgera sa propre opinion au fil des pages, qui se dévorent."
L'avis de Clarisse Sabard, romanciĂšre
LFC MAGAZINE #7 âą MARS 2018
Musique NOS INVITĂS
Nemo Schiffman et Nilusi Laurent Lamarca Lou Schérazade Sofi Tukker Pauline Croze
Nilusi et Nemo Schiffman Nemo Schiffman a joué le rÎle de Romain Gary adolescent dans l'excellent film La promesse de l'aube et chante aussi en duo avec Nilusi, membre du groupe Kids United. Ils nous ont dit oui pour une séance photos et entretien pour la sortie de leur nouveau single Stop the rain. Entretien. LFC : Bonjour Nilusi et Nemo Schiffman, nous sommes ravis de vous
qui nous tenait Ă cĆur. Le
rencontrer pour parler de votre single Stop the rain, votre premiĂšre
message de ce titre, câest quâil
collaboration. Pouvez-vous nous raconter cette aventure en quelques
ne faut pas suivre le chemin
mots ?
que lâon nous impose. Il faut sortir de sa zone de confort. Il
Nilusi : En 2016, nous avons fait une Ă©mission avec Nemo sur W9 qui
est important de vivre ses
sâappelait Les kids font leur show. Nous avions chantĂ© la chanson
rĂȘves. Câest un message que
Marvin Gaye de Charlie Puth. Nous nous sommes trĂšs bien entendus
nous voulons partager auprĂšs
artistiquement et humainement. Ainsi, nous avons décidé de travailler
des jeunes et des moins
ensemble.
jeunes qui nous Ă©coutent.
Nemo : Tout a dĂ©marrĂ© aprĂšs cette Ă©mission. Nous nous Ă©tions dĂ©jĂ
LFC : Câest exactement ce que
croisĂ©s auparavant, mais sans trop Ă©changer. Câest aprĂšs cette
vous vivez...
performance que nous nous sommes dit quâil fallait absolument que lâon fasse quelque chose en commun.
Nilusi : ComplĂštement. Cela fait maintenant quelques
LFC : Pouvez-vous nous parler de ce single Stop the rain ? Quel
annĂ©es que lâon poursuit nos
message avez-vous souhaité partager ?
rĂȘves. Un de mes plus grands rĂȘves Ă©tait de faire une
NĂ©mo : Avec ce single, nous avons voulu exprimer quelque chose
tournĂ©e et câest ce que lâon a
LFC MAGAZINE #7 130
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS ARNAUD MEYER LEEXTRA
Le message de ce titre, câest quâil ne faut pas suivre le chemin que lâon nous impose. Il faut sortir de sa zone de confort. Il est important de vivre ses rĂȘves. fait avec les Kids United. Je me mets donc Ă rĂȘver
plus les Kids United ont été un énorme succÚs, il
encore plus grand. DĂšs quâon commence Ă rĂ©aliser
y a donc de lâattente. Je prĂ©fĂšre me dire que je
un rĂȘve, il y a dâautres objectifs qui naissent. Câest
repars de zéro. Et que je dois reprendre mes
trĂšs motivant. Jâai quasiment rĂ©alisĂ© tous mes rĂȘves
repĂšres vocalement. Tout est nouveau mais câest
avec les Kids United, que ce soit des voyages, des
motivant !
tournĂ©es⊠Maintenant, jâai de nouveaux objectifs en solo. Je suis dâailleurs en train de prĂ©parer un
Nemo : Oui, il y a du trac. Mais comme vous le
album.
dĂźtes, jâai le sentiment dâĂȘtre trĂšs chanceux.
LFC : Et pour toi Nemo, câest un parcours diffĂ©rent ?
LFC : La musique, mais également le cinéma pour toi Némo. Nous avons vu hier La promesse
NĂ©mo : Oui. Jâai commencĂ© dans The Voice Kid qui a
de lâaube au cinĂ©ma oĂč tu apparais environ vingt-
été une trÚs belle expérience. Je ne regrette
cinq minutes du film. Tu interprĂštes Romain Gary
absolument rien. Jâai acquis un maximum
adolescent. Et cette année, un nouveau film
dâexpĂ©rience. Cela mâa ouvert de nombreuses portes
prĂ©vu en salle oĂč tu seras aux cotĂ©s de Vincent
et aujourdâhui je suis heureux de faire ce que jâaime.
Cassel. Heureux ?
Je travaille Ă©galement sur un album solo qui verra le jour au Printemps 2018. Il sera entiĂšrement en
NĂ©mo : Je ne peux pas me plaindre. Je vis
français, excepté la chanson Stop the rain avec
vraiment un rĂȘve. Jâai trouvĂ© le bon Ă©quilibre
Nilusi. Câest un album qui me ressemble beaucoup
entre le cinéma et la musique. Je me sens
et qui parlera de ma vie en tant quâadolescent. Jâai
vraiment Ă©panoui dans ces deux arts.
hĂąte de le partager pour montrer qui je suis
actuellement.
LFC : Et toi Nilusi, aimerais-tu vivre la mĂȘme expĂ©rience dans le cinĂ©ma que celle de Nemo ?
LFC : Vous ĂȘtes tous les deux sur le point de sortir un album solo mais vous avez acquis dĂ©jĂ pas mal
Nilusi : Je rĂȘve de faire du cinĂ©ma. Jây pense
dâexpĂ©rience. Comment vous sentez-vous ? Avez-
depuis déjà quelques années. En ce moment, je
vous le trac ? Vous sentez-vous chanceux ?
suis en train de passer des castings. Câest surtout pour mâentraĂźner. Je trouve trĂšs
Nilusi : Câest vrai quâil y a un cĂŽtĂ© stressant. De
131 LFC MAGAZINE #7
intĂ©ressant dâĂȘtre dans la peau dâun personnage,
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS ARNAUD MEYER LEEXTRA
Il est important de faire ce que lâon aime dans la vie. Il faut prendre des risques. de lâinterprĂ©ter, de lâincarner.
Nilusi : Mes parents sont Ă lâorigine de ce que je vis
LFC : Tout Ă lâheure, vous nous parliez de votre
aujourdâhui dans la musique. Les
chanson Stop the rain oĂč vous Ă©voquiez la
castings ont Ă©tĂ© un obstacle Ă
nĂ©cessitĂ© de poursuivre ses rĂȘves. Selon vous,
surmonter, car jâen ai passĂ©
les jeunes rĂȘvent-ils suffisamment ?
beaucoup. Câest grĂące Ă la persĂ©vĂ©rance que lâon arrive Ă
NĂ©mo : Je trouve que les jeunes dâaujourdâhui
ses fins.
sont parfois en manque de motivation. Ils baissent les bras assez facilement. Beaucoup
LFC : Vous avez lâair trĂšs
de gens pensent quâaujourdâhui, ĂȘtre artiste,
heureux tous les deuxâŠ
câest ĂȘtre marginal ou ĂȘtre un saltimbanque. Ce nâest plus le cas. Aujourdâhui, Ă force de
Nilusi : Câest vrai. Comment ne
persévérance, tout devient possible.
pas lâĂȘtre ? JâespĂšre que cette
chanson va plaire aux gens et que notre message va passer
LFC : Avez-vous été encouragé par vos
auprĂšs de notre public.
proches lorsque vous avez décidé de devenir artiste ?
NĂ©mo : Il est important de faire
ce que lâon aime dans la vie. Il
Némo : Que ce soit le cinéma ou la musique,
faut prendre des risques.
mes parents mâont toujours soutenu. Le seul frein quâils ont exprimĂ©, câest pour The Voice Kids. Quand ils ont su que lâĂ©mission allait passer sur TF1 et que câĂ©tait une grosse production, ils Ă©taient inquiets, car ce nâest pas du tout leur milieu. Jâai quand mĂȘme dĂ©cidĂ© de passer le casting. Plus tard, ils mâont dit que jâavais eu raison dâaller jusquâau bout. Ils ont Ă©tĂ© rassurĂ©s quand ils ont vu que jây allais seulement pour gagner en expĂ©rience.
133 LFC MAGAZINE #7
Lou Lou cartonne avec plus de 50 000 exemplaires vendus de son disque. Elle interprÚte avec Lenni-Kim "Miraculous" (25 millions de vues pour le clip) et également le générique de la série TV de TF1 "Demain nous appartient" dans laquelle elle joue. Elle propose aujourd'hui un nouveau single "à mon ùge". Lou vous donne rendez-vous aussi le 25 mars à l'Olympia aux cÎtés d'Evan et Marco. Rencontre dans les locaux de TF1 avec la jeune artiste pétillante.
LFC MAGAZINE #7 135
LFC MAGAZINE #7 136
LFC : Bonjour Lou, on parle beaucoup de vous en ce moment, car votre album sâest dĂ©jĂ
LFC : Pouvez-vous nous
vendu Ă 50 000 exemplaires. Pensiez-vous recevoir un tel accueil si enthousiaste de la
raconter vos débuts ?
part du public ?
L : Ma maman me
Lou : Non pas du tout. Surtout en trois mois, câest Ă©norme. Je remercie du fond du cĆur
chantait des chansons
les fans. Sans eux, je ne serais pas ici. Câest grĂące Ă eux que je suis disque dâor et que
lorsque jâĂ©tais petite et
jâarrive Ă rĂ©aliser mes projets musicaux.
cela mâa beaucoup
influencé. La premiÚre
LFC : Avec lâannonce dâune tournĂ©e notamment.
chanson que jâai chantĂ©e
Ă©tait Ma philosophie
L : Nous allons faire une grande tournĂ©e qui dĂ©butera le 24 mars Ă LiĂšge oĂč je serai seul
dâAmel Bent. Le soir, nous
sur scĂšne et le 25 mars Ă Paris Ă lâOlympia avec Evan et Marco. Ce sera une scĂšne
faisions de petits
partagĂ©e. Jâai vraiment hĂąte dây ĂȘtre.
spectacles avec ma sĆur
Pour en savoir plus sur les dates des concerts, lire p.139.
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS CAROLE MATHIEU CASTELLI MAKAM FILMS
Je nâaurais jamais imaginĂ© que tout cela se passe de cette façon. Je suis trĂšs heureuse du chemin parcouru jusquâici. oĂč nous chantions et dansions. Puis un soir, ma
L : TrĂšs nerveuse. Le soir des auditions Ă
mĂšre a eu un dĂ©clic. JâĂ©tais en train de chanter la
lâaveugle, un silence de plomb rĂ©gnait sur le
chanson Someone like you dâAdĂšle et elle mâa
plateau. Je nâentendais que le bruit de mes pas.
conseillĂ© de prendre des cours de chant. Jâavais
Personne ne disait rien. Lorsque la musique a
huit ans. Jâai commencĂ© Ă participer Ă des petits
démarré, je me suis lancée. Je me souviens que
concours. Je publiais mes vidéos sur une chaßne
câĂ©tait la chanson Carmen de Stromae. MĂȘme
YouTube, et un jour, une personne de The Voice
quand les coachs se sont retournĂ©s, je nâai pas
Kids mâa contactĂ©. Elle nous a proposĂ© de
rĂ©agi tout de suite. Ce nâest quâĂ la fin de ma
participer Ă la deuxiĂšme saison de lâĂ©mission.
performance que jâai rĂ©alisĂ©e ce qui se passait.
JâĂ©tais terrifiĂ©e, car la premiĂšre saison nâavait pas
encore Ă©tĂ© diffusĂ©e. Jâai donc renoncĂ© et jâai
LFC : Vous nous racontez votre aventure vue de
attendu la troisiĂšme saison pour me lancer.
lâintĂ©rieur, mais il y a eu un Ă©norme Ă©cho ensuite avec sa diffusion Ă la tĂ©lĂ©vision. LâĂ©mission The
LFC: Regardiez-vous lâĂ©mission The Voice ?
Voice Kids a-t-elle changé votre vie ?
L : Oui. Jâai regardĂ© toutes les saisons et je
L : Je nâai pas changĂ©, câest certain, mais je crois
continue de suivre cela de trĂšs prĂšs aujourdâhui.
que câest grĂące Ă cela que tout a dĂ©marrĂ©. Je nâaurais jamais imaginĂ© que tout cela se passe de
LFC : Que retenez-vous de lâaventure The Voice
cette façon. Je suis trÚs heureuse du chemin
Kids ?
parcouru jusquâici.
L : CâĂ©tait Ă©norme. Jâai fait de superbes
LFC : Pouvez-vous nous parler de votre duo avec
rencontres notamment avec les coachs. Jâai vĂ©cu
Lenni-Kim ?
une magnifique aventure avec les candidats.
Nous sommes dâailleurs tous restĂ©s en contact.
L : Avec Lenni-Kim, nous nous sommes
Jâai Ă©galement dĂ©couvert lâenvers du dĂ©cor de la
rencontrĂ©s sur le tournage du clip oĂč nous avons
tĂ©lĂ©vision. Câest un lieu qui me plaĂźt beaucoup.
passĂ© toute la journĂ©e ensemble. Je nâavais
Bref, je nâen garde que de bons souvenirs.
jamais eu lâoccasion de dĂ©couvrir Paris, car Ă chaque fois que je viens, câest pour rencontrer les
LFC : Dans quel Ă©tat dâesprit Ă©tiez-vous le soir de
journalistes. Nous avons passé une agréable
votre premiĂšre performance ?
journée. Lenni-Kim est une belle personne.
137 LFC MAGAZINE #7
LâamitiĂ©, lâamour ou les doutes sont des thĂšmes que nous avons en commun lorsque nous sommes adolescents. LFC : Votre nouveau single Ă mon Ăąge est disponible partout et il est notamment diffusĂ© sur YouTube. Pour quelles raisons les rĂ©seaux sociaux sont-ils si importants pour vous aujourdâhui ? L : Tous les mĂ©dias sociaux servent Ă communiquer sur mon actualitĂ© et Ă diffuser mes clips. Câest important pour moi de partager ces informations avec les fans et de communiquer avec eux. Je reçois beaucoup de messages de soutien. Je suis toujours surprise que tous ces gens prennent autant de temps pour moi. Cela me touche beaucoup. LFC : Quel message avez-vous souhaitĂ© partager avec ce morceau ? L : Je voulais que cette chanson touche les personnes de mon Ăąge. LâamitiĂ©, lâamour ou les doutes sont des thĂšmes que nous avons en commun lorsque nous sommes adolescents. Câest un instant musical mĂ©lancolique, mais avec un texte trĂšs profond.
LFC : Vous jouez Ă©galement dans la sĂ©rie Demain nous appartient. Que prĂ©fĂ©rez-vous entre jouer et chanter ? L : Câest difficile de choisir. Ce sont deux choses qui procurent des Ă©motions diffĂ©rentes. Je pense quâelles sont complĂ©mentaires. Si je pouvais, je ferais les deux. Jâadorerai jouer dans un film plus tard. LFC : Le 25 mars, vous ĂȘtes sur scĂšne Ă lâOlympia, un lieu mythique avec Evan et Marco. Vos impressions ? L : Je nâarrive pas Ă mâen rendre compte. Je pense que je rĂ©aliserais vraiment le jour J quand je serai sur scĂšne. LFC : RĂȘvez-vous dâun duo avec un artiste ? Qui ? L : Oui, bien sĂ»r. Jâadorerais faire un duo avec The Weeknd, Sia ou Ariana Grande. Et en chanteur francophone, jâaimerais faire un duo avec Stromae, Vianney ou AngĂšle.
Schérazade
Sublime artiste qui a eu l'honneur de travailler avec Stromae. Nous sommes trÚs heureux de partager avec vous cet entretien qui a eu lieu dans les locaux de Wagram. Schérazade nous parle de son Ep, de ses clips, de sa démarche artistique et de ses projets. Entretien avec une artiste qui ira loin. TrÚs loin.
LFC MAGAZINE #7 140
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS ĂLISA BAUDOIN
Jâai Ă©tĂ© beaucoup influencĂ© par le film de John Waters. Jâai dĂ©couvert lâunivers des annĂ©es soixante-dix quand jâĂ©tais plus jeune et cela mâa vraiment marquĂ©. LFC : Bonjour SchĂ©razade, on se rencontre
LFC : On va parler de votre premier titre Pink
aujourdâhui pour parler de votre EP sorti en
Flamingo. Câest en Ă©coutant ce titre que nous
novembre dernier. Trois titres figurent dans ce
avons pensé à cette artiste. Il y a beaucoup de
premier EP, câest bien cela ?
références dans votre clip. On aime beaucoup !
S : Oui, câest cela. Nous avons sorti le premier
S : Oui, jâai Ă©tĂ© beaucoup influencĂ© par le film de
titre Pink Flamingo en premier. Nous venons tout
John Waters. Jâai dĂ©couvert lâunivers des
juste de terminer le clip de MĂ©mento qui sortira
annĂ©es soixante-dix quand jâĂ©tais plus jeune et
probablement au mois de mars. Et nous
cela mâa vraiment marquĂ©. Jâai trouvĂ© le film
tournerons par la suite le clip du morceau Le
Pink Flamingo trÚs bien, trash, mais poétique. Je
monde.
voulais absolument faire un titre oĂč je ne me fixais pas de limites.
LFC : En plus de cet EP, il y a eu une reprise dâAnn Sorel. Comment est nĂ©e lâenvie de reprendre ce
LFC : Vos références datent des années
titre ?
soixante-dix. Aujourdâhui, nous sommes en 2018. Le passĂ© vous inspire-t-il plus ?
S : Câest ma maison de disque qui Ă lâĂ©poque mâa proposĂ© de reprendre un titre en français. Jâai eu
S : Cette Ă©poque-lĂ mâa beaucoup inspirĂ©, en
un gros blocage et grĂące Ă cette chanson tout
effet, que ce soit les films hollywoodiens ou
sâest ouvert. Jâai dĂ©couvert ce titre grĂące Ă un ami
ceux de la Nouvelle Vague. Tout ce qui sâest
et ce qui est intĂ©ressant, câest quâĂ lâĂ©poque, ce
créé à cette époque était vraiment somptueux.
titre nâavait pas du tout marchĂ©. DĂšs la premiĂšre
Les sonoritĂ©s que jâutilise sont actuelles, mais
seconde oĂč jâai entendu la voix dâAnn Sorel, jâai su
jâessaye aussi dâĂȘtre une femme de 2018. Jâai
que câĂ©tait ce titre que je voulais reprendre.
essayĂ© dâĂ©quilibrer entre les annĂ©es soixantedix et aujourdâhui. Je veux vivre dans lâair du
LFC : Nous avons tout de suite été fascinés par
temps, mĂȘme sâil y a beaucoup dâinfluence de
votre voix trÚs atypique, qui nous a rappelé celle
lâĂ©poque dans ma musique.
de Mademoiselle K. LFC : En prĂ©parant cette interview, nous avons S : Câest une artiste que jâadore. Merci pour ce
lu que vous aviez collaboré avec Stromae sur le
compliment.
titre Ave Cesaria.
142 LFC MAGAZINE #7
Stromae, câest quelquâun avec qui jâaimerais travailler de nouveau Ă lâavenir. SCHĂRAZADE S : Oui effectivement, je lâai aidĂ© sur la
S : De nombreux artistes. Je pourrais en
mélodie et on entend ma voix sur les refrains.
citer mille, mais je crois quâil y en a qui
Il mâa dâailleurs invitĂ© Ă tourner le clip en
mâont touchĂ© plus que dâautres. La
Belgique. CâĂ©tait une expĂ©rience gĂ©niale. Nous
premiĂšre fois que jâai Ă©coutĂ© Billie Holiday,
nous sommes rencontrés car nous avions le
jâai Ă©tĂ© particuliĂšrement touchĂ©e surtout
mĂȘme producteur et jâai tout de suite
lorsque lâon connaĂźt sa vie.
accrochĂ©. Câest un gĂ©nie. Et en plus de cela, il
Ămotionnellement et vocalement, je trouve
est trĂšs modeste. Ce qui le rend trĂšs
cela trĂšs fort. Il y a des influences
attachant.
orientales également, le cinéma égyptien par exemple, que je regardais étant jeune
LFC : Ce genre de rencontre vous donne-t-il
avec ma maman. Jâai ensuite dĂ©couvert le
envie de continuer le métier ?
rock au collĂšge avec les Doors, The Animals. Ma musique est une sorte de melting-pot,
S : Oui complĂštement. Câest quelquâun avec
jâessaye de me crĂ©er mon propre univers
qui jâaimerais travailler de nouveau Ă lâavenir.
avec toutes ces références.
LFC : Quelles sont vos inspirations ? Quâest-
LFC : Pouvez-vous justement décrire votre
ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
univers Ă nos lecteurs ?
Câest difficile de dĂ©finir son projet, mais je dirais que câest quelque chose de trĂšs cinĂ©matique. Un film, câest une histoire, et je trouve quâune chanson, câest Ă©galement une histoire. Il y a des thĂšmes diffĂ©rents. Câest trĂšs pop et trĂšs ambivalent. Entre le jour et la nuit. S : Câest difficile de dĂ©finir son projet, mais
LFC : Vous ĂȘtes compositeur, auteur et interprĂšte sur
je dirais que câest quelque chose de trĂšs
ce disque. Collaborez-vous Ă©galement avec dâautres
cinĂ©matique. Un film, câest une histoire, et
artistes ?
je trouve quâune chanson, câest Ă©galement une histoire. Il y a des thĂšmes diffĂ©rents.
S : Oui jâai collaborĂ© rĂ©cemment avec Thomas Azier,
Câest trĂšs pop et trĂšs ambivalent. Entre le
Joris Delacroix et Synapson. Jâaime sortir de mon
jour et la nuit.
univers de temps en temps. Cela mâouvre lâesprit.
LFC : Ă travers vos clips et votre EP,
LFC : Quel est votre avis sur les réseaux sociaux ?
lâauditeur peut noter une dĂ©marche artistique aboutie et exigeante. Cela vous
S : Ils jouent un rĂŽle majeur pour les artistes de nos
permet-il dâexprimer des pans de votre
jours. Câest une nouvelle Ă©poque et nous devons vivre
personnalité qui ne sont pas forcément
avec. Je me suis un peu forcĂ© Ă mây mettre car je suis
Ă©vidents Ă exprimer dans la vie de tous les
quelquâun de naturellement pudique. Il y a un cotĂ©
jours ?
positif. Par exemple jâai rencontrĂ© ma rĂ©alisatrice qui a tournĂ© le clip de Pink Flamingo, câest gĂ©nial. Le cotĂ©
S : Tout Ă fait. Je mâamuse beaucoup.
nĂ©gatif, câest que lâon perd un peu notre rĂ©alitĂ©. Il y a
Câest une sorte de jeu de rĂŽle. Câest comme
deux aspects. Il faut savoir trouver le bon Ă©quilibre.
si Ă chaque fois, je racontais quelque chose. Je peux tout me permettre, câest
LFC : On vous laisse le mot de la finâŠ
lâavantage de lâart. Câest une façon de me livrer. Dans chacun de mes projets, il y a
S : Un grand merci de mâavoir reçu, jâai passĂ© un
une part de moi.
moment trÚs agréable.
145 LFC MAGAZINE #7
Pauline Croze L ' I N T E R V I E W LFC MAGAZINE #7 âą MARS 2018
Pauline Croze
Pauline Croze publie mi-fĂ©vrier un nouveau disque d'une grande qualitĂ© musicale avec des textes forts. "Ne rien faire" a Ă©tĂ© travaillĂ© avec la collaboration prĂ©cieuse de Ours et celle de Romain Preuss. Des chansons qui vous toucheront au cĆur. Rencontre avec Pauline Croze entre une sĂ©ance de rĂ©pĂ©tition et la pause dĂ©jeuner. Entretien. LFC MAGAZINE #7 147
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS JULIE TRANNOY
Oui, jâai tout Ă©crit. Il mâarrive parfois dâavoir quelques blocages, câest pour cela que jâaime solliciter des auteurs. MĂȘme si ça ne va pas au bout, jâaime le fait dâavoir essayĂ© quelque chose. LFC : Bonjour Pauline Croze, nous nous
PC : Tout a commencé avec un musicien qui
rencontrons pour la sortie de votre album : Ne
sâappelle Quito dont jâai fait la premiĂšre partie
rien faire. Câest tout un programme !
pendant des annĂ©es. Il connaissait bien Anne Claverie qui Ă©tait manager dâEtienne Daho Ă
PC : CâĂ©tait le titre le plus pertinent par rapport
lâĂ©poque. Nous lui avons envoyĂ© ma maquette
aux titres que jâavais choisi sur cet album. Au
et elle a réagi tout de suite. Elle a décidé de se
dĂ©part, jâhĂ©sitais entre FiĂšvre ou Tu es partout. Ce
tourner vers la production et lâĂ©dition, il y a eu
dernier Ă©tait peut-ĂȘtre un peu trop intime
une vraie connexion. Elle mâa permis de rentrer
et FiĂšvre un peu trop basique. Lorsque nous
dans le monde officiel de la musique, chose que
Ă©tions en studio avec Ours, Romain Preuss et M,
je nâavais pas forcĂ©ment faite avec Quito oĂč
câest Matthieu Chedid qui a suggĂ©rĂ© que lâalbum
jâĂ©tais dans un milieu plus underground. Le
sâappelle ainsi. Je trouve que cela sonne plutĂŽt
milieu de la musique est passionnant, câest un
bien.
combat de tous les jours pour pouvoir vivre de sa passion.
LFC : Sur la pochette du single, vous apparaissez de maniĂšre floue. Pourquoi avoir
LFC : Vous Ă©crivez habituellement vos
fait ce choix esthétique ?
chansons. Est-ce le cas aussi sur cet album ?
PC : Nous voulions induire une notion de
PC : Oui, jâai tout Ă©crit. Il mâarrive parfois dâavoir
mouvement. De plus, câest une sorte de pied de
quelques blocages, câest pour cela que jâaime
nez au fait de ne rien faire. Dans mon album, le
solliciter des auteurs. MĂȘme si ça ne va pas au
thÚme des relations est trÚs présent. Que ce soit
bout, jâaime le fait dâavoir essayĂ© quelque
les relations entre les gens, les relations
chose. Finalement, jâai persĂ©vĂ©rĂ© et jâai enfin
amoureuses, la relation Ă soi. Beaucoup de
réussi.
mouvements nous traversent mĂȘme si parfois on souhaiterait rester stable.
LFC : Vous proposez dix titres dans ce nouvel albumâŠ
LFC : Comme câest la premiĂšre fois que nous nous rencontrons, nous aimerions en savoir plus
PC : Je pense que câest le dosage parfait. Jâai
sur vos débuts dans la musique.
essayĂ© de me positionner en tant quâauditeur
148 LFC MAGAZINE #7
Le fait de me dire que ma maman existe quelque part, câest comme une berceuse quâon se fait Ă soi-mĂȘme. PAULINE CROZE lambda et je trouve quâil y avait un bon
LFC : Dans cet album, vous abordez des thĂšmes trĂšs
Ă©quilibre, le timing est bon et câest surtout
personnels notamment le deuil de votre maman.
digeste. Dix morceaux, câĂ©tait le nombre
Pourquoi avez-vous souhaité en parler ?
parfait. PC : Simplement pour essayer de transformer cette peine LFC : Nous avons écouté votre album
en quelque chose dâapaisant. Et peut-ĂȘtre aussi pour me
plusieurs fois. La premiĂšre Ă©coute que nous
rassurer. Le fait de me dire quâelle existe quelque part,
avons eue Ă©tait une Ă©coute non attentive. Et
câest comme une berceuse quâon se fait Ă soi-mĂȘme. Ce
mĂȘme avec cette Ă©coute, vous rĂ©ussissez Ă
nâest pas une chanson qui mâa permis de faire mon deuil.
nous emporter dans une atmosphĂšre vraiment
Seulement, jâavais besoin de lâĂ©crire. Je voulais que ce
agrĂ©able. Quâen pensez-vous ?
soit quelque chose de lumineux, que ce soit Ă lâimage de ce quâelle mâavait laissĂ©. Câest une sorte dâhommage oĂč je
PC : Câest apprĂ©ciable, merci. Si lâon sent que
lui montre que je mâen sors.
mĂȘme avec une Ă©coute assez lointaine il y a une cohĂ©rence, une fluiditĂ©, câest plutĂŽt bon
LFC : Tu es partie, tu es partout est un morceau universel.
signe. Jâaime beaucoup cette sensation et je
Ătes-vous dâaccord ?
crois que cela donne envie de se concentrer et de lâĂ©couter un peu plus attentivement.
PC : Jâai besoin de ressentir les choses pour les
Sur scĂšne, je serai accompagnĂ©e dâun bassiste et dâun batteur. exprimer. Jâai besoin que cela passe par moi, par mon corps, par mon esprit. Jâavais dĂ©jĂ essayĂ© dâĂ©crire des choses oĂč je prenais un point, une situation ou un personnage extĂ©rieur, mais ce nâĂ©tait pas probant. Je nâarrivais pas Ă trouver lâĂ©motion. Je ne savais pas comment faire. Maintenant, jâessaye de me baser vraiment sur ce que je ressens, pour ensuite le partager avec les autres. LFC : Dâautres chansons sont dans cet album, dâautres couleurs⊠Pouvez-vous nous les prĂ©senter ? PC : FiĂšvre est un titre plutĂŽt pop/reggae, câest une sorte de chaloupe qui sâest transformĂ©e et qui est devenue un morceau trĂšs colorĂ©. Tu mâballades ou LâĂ©lan sont des titres plus pop/rock. Tellement bien est une ballade douce Ă la guitare, trĂšs Ă©vanescente. Bref, il y a des climats diffĂ©rents avec une cohĂ©rence entre tous. LFC : Comment sâest passĂ©e votre rencontre avec Ours et vos autres collaborateurs ? PC : Tout est parti dâun concert que jâai vu en 2013. Jâaimais beaucoup sa façon de vivre
151 LFC MAGAZINE #7
les morceaux, son Ă©nergie, le cĂŽtĂ© black music. Tout cela me plaisait beaucoup. Je lui ai demandĂ© sâil voulait bien rĂ©aliser mon album. Il a acceptĂ©, Ă la condition de ne pas le faire seul. Il a donc demandĂ© de lâaide Ă Romain Preuss que jâavais rencontrĂ© dix ans auparavant. On a dĂ©marrĂ© le travail Ă trois et ensuite Marlon B est arrivĂ© lors de lâĂ©tape finale pour peaufiner le tout, pour traduire des sons en les modernisant. Lâenregistrement de cet album a vraiment Ă©tĂ© agrĂ©able. Nous nous sommes beaucoup amusĂ©s. Je trouve que nous avions une superbe Ă©quipe mĂȘme si câĂ©tait parfois compliquĂ© au niveau des agendas (rires). LFC : On imagine quâil y aura de la scĂšne par la suite, avez-vous hĂąte ? PC : Oui beaucoup. Je suis actuellement en studio avec mes musiciens oĂč nous essayons dâadapter les chansons pour la scĂšne. Nous serons trois sur scĂšne. Il faudra donc renoncer de temps en temps Ă certaines sonoritĂ©s. Mais ce sera compensĂ© par le fait que les morceaux sont jouĂ©s en live. Ce qui Ă©tait important pour cet album, ce sont les cĆurs. Il me fallait des musiciens qui chantent. Sur scĂšne, je serai accompagnĂ©e dâun bassiste et dâun batteur. LFC : On entend assez souvent que la musique urbaine est plus Ă©coutĂ©e que la variĂ©tĂ© française. Pouvez-vous nous donner votre avis sur la question ? PC : Je crois que la musique urbaine se vend plus car câest un mouvement qui sait plus se servir dâinternet et des rĂ©seaux sociaux. Ce sont des outils avec lesquels grandissent les jeunes donc forcĂ©ment les artistes hiphop arrivent Ă les cibler tout de suite. Il y a plus la notion de dĂ©fi dans le hip-hop. Câest une musique qui parle aux jeunes. Ce sont Ă©galement des artistes trĂšs productifs et crĂ©atifs. Câest pour cela quâils sortent plus de projets que les artistes de variĂ©tĂ©s.
LFC MAGAZINE #7 âą MARS 2018
Laurent Lamarca L ' I N T E R V I E W
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS © FRANCK BELONCLE LEEXTRA
Laurent Lamarca nous a donné rendez-vous à Paris, Le Pigalle pour une séance de photos et un entretien dans lequel on évoque son nouvel album. Rencontre. LFC : Bonjour Laurent Lamarca, on se rencontre
LFC : La structure de cet album est trÚs bien pensée.
pour la premiĂšre fois pour parler de votre album Comme un aimant qui sera dans les bacs le 23 mars
LL : Jâai grandi en Ă©coutant des albums des annĂ©es
2018. Le bĂ©bĂ© est prĂȘt ?
soixante et soixante-dix avec mon pĂšre. Nous
Ă©coutions beaucoup les Pink Floyd, les Rolling Stones
LL : Oui, cela fait un petit moment quâil est prĂȘt. Il nâa
et les Beatles. Je ne pense pas que le public ait
plus quâĂ sortir du ventre de sa maman. Rires.
absolument besoin de concepts, mais pour lâartiste, câest trĂšs motivant pour la crĂ©ation. Cela fait sortir des
LFC : Combien de temps avez-vous consacré à ce
choses de lâimaginaire et jâaime beaucoup cela.
disque ?
LFC : Vous proposez sur ce disque une chanson trĂšs
LL : Cela fait un moment que jâai lâidĂ©e et le concept
touchante sur la perte de votre oncle.
de cet album en tĂȘte. Les morceaux sont venus au
compte-gouttes au cours des deux derniĂšres
LL : JâĂ©cris des chansons, car jâen ai besoin. MĂȘme si je
années.
nâĂ©tais pas chanteur, jâen Ă©crirais quand mĂȘme. Câest
une sorte de psychothérapie. Je voulais aborder un
LFC : Votre concept repose sur les quatre saisons
grand sujet dans cet album. C'Ă©tait la joie. Câest une
de lâannĂ©eâŠ
émotion que je trouve parfois négligée. Le décÚs de
mon oncle, qui Ă©tait mon deuxiĂšme papa, Ă©tait un
LL : Exactement. Lâalbum sâouvre avec trois
Ă©vĂ©nement malheureux dont jâavais vraiment envie de
morceaux qui reprĂ©sentent lâĂ©tĂ©. Ils sont trĂšs joyeux
parler. Je crois que câĂ©tait Ă©galement un sujet
au sens juvénile. Ensuite, il y a trois morceaux qui
intĂ©ressant pour les gens. Dâun point de dĂ©part
sont plus automnaux, oĂč la vie est un peu plus dure,
personnel, je touche lâuniversel.
mais oĂč tout est possible. Les morceaux suivants sont beaucoup plus introspectifs et reprĂ©sentent
LFC : Vous avez finalement transformé cela en un acte
lâhiver. Lâalbum se termine par le printemps avec
crĂ©atif et positifâŠ
trois morceaux trÚs joyeux et beaucoup de sagesse. Le tout dernier morceau de cette période est le titre
LL : Câest un peu ma dĂ©finition de la vie. On prend
Comme un aimant.
quelque chose et on essaye dâen faire du positif.
153 LFC MAGAZINE #7
On prend quelque chose et on essaye dâen faire du positif. Jâessaye toujours de voir le bon cĂŽtĂ© des choses, le bon cĂŽtĂ© des gens. Jâessaye toujours de voir le bon cĂŽtĂ© des choses, le bon cĂŽtĂ© des gens. Il faut sâĂ©clater dans ce monde qui est quand mĂȘme merveilleux. LFC : Vous parliez tout Ă lâheure dâun cĂŽtĂ© juvĂ©nile pour la pĂ©riode de lâĂ©tĂ©. Cela vous at-il fait du bien de replonger dans cette pĂ©riode ? LL : Pour dire vrai, je ne lâai jamais vraiment quittĂ©. Je suis quelquâun de naĂŻf. Jâai dâailleurs dĂ©veloppĂ© des complexes Ă un moment donnĂ©. Mais en dĂ©finitif, je trouve que câest trĂšs bien de lâĂȘtre. On peut trĂšs bien avancer dans la vie avec sagesse tout en Ă©tant naĂŻf. Je crois que de cette façon, on est plus heureux. LFC : Lâalbum sortira le 23 mars et nous pouvons dĂšs Ă prĂ©sent Ă©couter le titre Le vol des cygnes. Pouvez-vous nous en parler ? LL : Câest une chanson que jâai Ă©crite il y a un petit moment avec HĂ©lĂšne Pince. Lâhistoire est assez drĂŽle. Quand jâĂ©cris des chansons avec HĂ©lĂšne, jâimprime ce quâelle mâenvoie. Ce sont des longs textes sur lesquels jâentoure, je barre, je rajoute⊠Un jour,
154 LFC MAGAZINE #7
HĂ©lĂšne en a eu marre. Elle pensait que je saccageais son travail. Elle mâa envoyĂ© un long mail pour me dire tout cela. TrĂšs bien rĂ©digĂ©. Jâai imprimĂ© ce mail. Je lâai modifiĂ© et je lui ai renvoyĂ©. Ătrangement, cela a Ă©tĂ© le dĂ©but dâune chanson qui est devenue Le vol des cygnes. Bien sĂ»r, nous travaillons toujours ensemble. LFC : Sur votre nouvel album figure un duo avec un des membres du groupe FrĂ©ro Delavega. Comment sâest passĂ©e la rencontre ? LL : Cela fait un moment que je les connais, car jâai eu lâhonneur de chanter lors la premiĂšre partie de leur concert. Je chantais la chanson Le pouvoir des gens et ils en Ă©taient trĂšs fans. Cette chanson sâadresse Ă un nouveau-nĂ©. RĂ©cemment, JĂ©rĂ©my a eu un enfant. Je me suis dit que cela pouvait ĂȘtre sympa de la partager avec lui. LFC : Adressez-vous cet album a un public particulier ? LL : Je lâadresse Ă tout le monde. Câest vraiment lâidĂ©e de la variĂ©tĂ©. Je propose quelque chose de simple. Je nâaime pas lâidĂ©e des codes. Il faut que cet album soit digĂ©rĂ© par tous. LFC : Pour prĂ©senter ce disque, câest le journaliste Didier Varrod qui a Ă©crit la biographie de deux pages proposĂ©es aux journalistes⊠LL : Câest le premier journaliste que jâai rencontrĂ©, le premier qui a cru en moi. Câest quelquâun qui a compris tout de suite ce que je voulais faire. Il comprenait peut-ĂȘtre mĂȘme mieux que moi lĂ oĂč je voulais en venir. Il a un cĂŽtĂ© papa, Didier Varrod. Câest quelquâun de trĂšs ouvert que jâestime beaucoup.
LFC MAGAZINE #7 âą MARS 2018
L ' I N T E R V I E W
Lâalbum Comme un aimant, câest vraiment ce que je pense. Câest la musique que jâaime. LAURENT LAMARCA
LL : Oui, chez Columbia. Câest un album que jâai coarrangĂ© avec un ami dâenfance. Il regroupe toutes mes influences. Ensuite, jâai sorti un EP oĂč je me suis vraiment inspirĂ© de la musique quâaimait mon pĂšre. Lâalbum Comme un aimant, câest vraiment ce que je pense. Câest la musique que jâaime. LFC : Pouvez-vous nous parler de la tournĂ©e qui va bientĂŽt avoir lieu ? LL : Absolument. Je serai au CafĂ© de la danse en avril prochain. LFC : Vous avez eu dâautres expĂ©riences musicales avant ce disque. Pouvez-vous nous en parler ? LL : Jâai grandi dans la musique, car mes parents sont musiciens. Ils ont touchĂ© un peu Ă tous les instruments. Jâai fondĂ© mon
Câest une tournĂ©e assez spĂ©ciale qui va avoir lieu ensuite, il y aura juste ma guitare et moi. Ce sera des salles assez petites, quatrevingts places environ. Jâavais vraiment envie de retrouver lâambiance de mon salon. Jâai dĂ©cidĂ© de raconter pourquoi et comment jâĂ©cris toutes mes chansons. Les gens viendront tirer des chansons au hasard. Il y aura une camĂ©ra, le public sera parfois Ă la place de lâartiste. Bref, ce sera trĂšs participatif. Un chanteur doit amener une Ă©nergie, porter les gens ailleurs, câest pour cela que jâadore la scĂšne.
premier groupe Ă douze ans avec mes cousines. Jâai fait quelques projets plus Ă©lectro puis punk. (Rires) Tout cela sâest passĂ© Ă Lyon, et ensuite, je suis montĂ© Ă Paris oĂč jâai dĂ©cidĂ© dâĂȘtre musicien et auteur pour les autres. Puis, jâai attrapĂ© le virus du chanteur. On mâa beaucoup poussĂ© Ă le faire en mâencourageant et je me suis lancĂ©. LFC : Il y a eu Ă©galement un premier album qui est sorti en 2013 ?
156 LFC MAGAZINE #7
Sofi Tukker
Sofi Tukker, c'est le hit Best Friend pour la derniÚre campagne Apple et l'iPhone X. Le duo new-yorkais s'est fait remarqué au Tonight Show de Jimmy Fallon sur NBC. Dans le cadre de leur tournée européenne, de passage à Paris à la maroquinerie, ils ont fait une pause avec nous pour un entretien exclusif. Rencontre.
LFC MAGAZINE #7 157
La seule diffĂ©rence entre les animaux et les humains, câest que les humains ont la facultĂ© dâanalyser les choses SOFI TUKKER LFC : Bonjour Sophie et Tukker, câest un vrai
LFC : Nous sommes trĂšs heureux de vous
plaisir de vous rencontrer pendant votre
rencontrer. Nous vous suivons depuis votre
tournée européenne qui vous a notamment
EP Soft Animals qui est sorti en 2016. DâoĂč
fait passer à La Maroquinerie de Paris début
vous vient cette passion pour les animaux ?
février 2018. Comment allez-vous ?
Vous avez jouĂ© la carte de lâesthĂ©tisme sur ce disque. Est-ce une maniĂšre de vous identifier
Sophie : Nous sommes trĂšs contents dâĂȘtre
?
ici. Paris a une signification particuliĂšre pour nous. Nous sommes venus il y a quelques
S : Je pense quâil y a une signification
mois pour des meetings professionnels et
littéraire et une signification métaphorique.
nous sommes Ă©galement venus lâannĂ©e
La mĂ©taphore câest que nous sommes tous
derniĂšre pour un show, qui reste lâun de nos
des animaux, y compris nous, surtout lorsque
favoris. Câest toujours un plaisir de revenir ici.
nous sommes plongés dans nos projets musicaux (rires). La seule différence entre les
Tukker : Nous attendons avec impatience le
animaux et les humains, câest que les
show à la Maroquinerie et nous espérons que
humains ont la facultĂ© dâanalyser les choses.
nos fans français aussi.
INTERVIEW QUENTIN HAESSIG
PHOTOS LUIS MORA SHERVIN LAINEZ ULTRA MUSIC
Câest vrai que notre vie a changĂ© et nous en sommes trĂšs heureux. Tucker : Lâimage de lâanimal est quelque chose qui
représentés le mieux possible pour partager
nous ressemble plutĂŽt bien. Nous nous sommes
notre passion.
beaucoup amusĂ©s sur cet EP car chaque chanson correspond Ă un animal. Il y avait une sorte dâĂ©tat
LFC : Qui fait quoi au sein du groupe ?
dâesprit dans chaque titre qui correspond au thĂšme des animaux. Chaque animal reprĂ©sente une
S : Nous aimons lâesprit de collaboration.
humeur différente, une vibe différente qui nous
Généralement, nous travaillons tous les deux ou
ressemble. Les animaux sont une maniĂšre vraiment
Ă plusieurs dans une mĂȘme piĂšce. Tukker
fun dâexprimer les couleurs, les sonsâŠ
travaille parfois davantage sur la partie instrumentale et moi plus sur les paroles. Nous
LFC : Lorsquâon voit votre look, vos pochettes, on a
nous consultons sur chaque choix artistique.
lâimpression que vous entretenez un rapport avec lâart. Lâart vous influence-t-il ?
T : Nous essayons de communiquer au maximum dans tout ce que nous faisons. Et
T : Je crois que nous sommes surtout influencés
mĂȘme si nous ne faisons pas tout seul, par
par tout ce qui nous entoure. Notre entourage,
exemple pour les artworks, il est important pour
lâarchitecture, la nature, les animaux, la façon dont
nous dâavoir une visibilitĂ© dessus, de donner
nous nous habillons. Câest une sorte de cercle
notre avis. Nous donnons les idées et nous les
crĂ©atif qui ne sâarrĂȘte jamais.
partageons.
LFC : Votre démarche esthétique permet de vous
LFC : LâEP Soft Animals est sorti en 2016. Nous
distinguer et dâĂȘtre plus facilement identifiĂ©e dans
sommes en 2018 et votre vie a un peu changé
cette jungle musicaleâŠ
depuis quelques mois grĂące Ă votre collaboration avec Apple. Parlez-nous de ce changement.
S : Oui, câĂ©tait trĂšs important. Tous les choix que nous faisons en tant que groupe, nous le faisons
T : Nous sommes plus Ă©coutĂ©s quâavant, câest
avec beaucoup de sĂ©rieux. Câest pour cela que nous
certain. Les gens connaissent nos chansons. Ils
Ă©tions en train dâenvoyer des mails avant de
sâintĂ©ressent plus Ă nous et Ă notre musique.
commencer lâinterview. La musique est un moyen
Câest vrai que notre vie a changĂ© et nous en
dâexpression trĂšs fort, et nous nous devons dâĂȘtre
sommes trĂšs heureux.
159 LFC MAGAZINE #7
Nous avons découvert que notre musique avait été utilisée quand nous avons vu les premiÚres publicités. S : En revanche, je ne dirais pas forcément
besoin de le décrire. Est-ce que cela correspond à votre
que cette collaboration a fait venir plus de
relation artistique ?
gens à nos concerts, car nous sommes en tournée tout le temps. Cela nous a juste
T : Câest une bonne question. Cela signifie beaucoup. Dâune
amené un autre public et nous a permis de
certaine façon oui, câest vrai. Nous nâavons pas Ă©crit cette
nous faire connaĂźtre. Toute cette aventure a
phrase en pensant Ă cela, mais nous devrions peut-ĂȘtre le dire
vraiment été trÚs cool.
lors des interviews (rires). Au fur et à mesure de notre travail, de nos différents concerts, des différents projets que nous
LFC : Comment sâest passĂ©e la rencontre
avons faits, câest un peu ce qui sâest passĂ©.
avec Apple ? S : Cette chanson parle de mon meilleur ami que jâavais au S : Câest eux qui nous ont dĂ©couvert avec la
collĂšge. Nous avions un langage bien commun. Câest un peu
chanson Drinkee qui faisait partie de lâEP
lâorigine de la chanson.
Soft animals. Ensuite, elle est devenue la musique de la publicitĂ© pour lâApple Watch
LFC : Nous avons regardé votre performance au Tonight Show
en 2016. Nous avons gardé contact avec le
de Jimmy Fallon. Cela a dĂ» ĂȘtre un moment spĂ©cial pour vous
directeur musical dâApple. Nous lui avons
Ă©tant New-Yorkais.
envoyĂ© de nombreuses chansons que nous avions faites afin quâil voit si dâautres
T : Oui, câĂ©tait un moment particulier. Nous Ă©tions trĂšs
morceaux pouvaient lui plaire. Ils sont
nerveux. Câest la premiĂšre fois que nous faisions une
revenus vers nous en nous disant quâil
performance comme celle-ci à la télévision.
voulait que lâon construise une relation dans la durĂ©e. Tout est assez secret avec Apple.
S : Le fait dâĂȘtre aux cĂŽtĂ©s de Jimmy Fallon ou mĂȘme de The
Nous ne savions pas quâil y avait un
Roots, mon groupe prĂ©fĂ©rĂ©, câĂ©tait une expĂ©rience magique.
nouveau téléphone qui allait sortir. Nous avons découvert que notre musique avait
LFC : Nous attendons avec impatience votre album. Quâen est-
été utilisée quand nous avons vu les
il ?
premiÚres publicités. S : On ne peut pas trop en parler pour le moment, mais nous LFC : La chanson Best friends tourne à peu
allons lâannoncer trĂšs prochainement. Je comprends que le
prĂšs partout dans le monde aujourdâhui et il
public soit impatient. Nous vous promettons quâil va y avoir
y a une phrase dans la chanson qui dit : On
bien plus quâun album. Nous aimerions tout proposer en
se crée notre propre langage, on n'a pas
mĂȘme temps, mais nous ne pouvons pas⊠Soyez patients !
161 LFC MAGAZINE #7
DANS LE PROCHAIN NUMĂRO
Ă NE PAS MANQUER
OK CORAL / SĂBASTIEN MEIER / ROMANE SERDA NICOLAS REY / JANINE BOISSARD / POMME ET DES SURPRISES...
AVRIL 2018 | #8 | BIENTĂT
Spectacle MARS 2018 âą LFC #7
LES
5
PIĂCES
DU
MOIS
Ă
VOIR
Diva sur divan
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU Assez ! CĂ©line Bognini en a eu assez ! Elle ne voulait
En pleine séance de musicothérapie, la patiente
plus se contenter dâĂȘtre la femme de, la fille de ou
raconte son mal-ĂȘtre, tiraillĂ©e entre son envie de
mĂȘme la mĂšre de. Avant de gagner le titre vĂ©nĂ©rable de
monter sur les planches et sa vie de femme au foyer
grand-mÚre de, elle se devait de réagir ! Le spectacle
aux petits soins pour son mari qui ne se préoccupe
quâelle Ă©crira, Diva sur Divan, sera sa voie du bonheur
que de son propre talent. Elle sâapostrophe de
retrouvĂ© et lâAktĂ©on le thĂ©Ăątre de sa rĂ©bellion. LĂ , sous
âchianteuseâ Ă force de se dĂ©battre dans une vie
les yeux Ă©bahis dâun public tour Ă tour Ă©mu et heureux,
dépouillée de ce qui la fait vibrer. Elle confie que son
se rejoue une séance de musicothérapie aussi originale
vide affectif est aussi abyssal que le trou de la
que bouleversante au cours de laquelle la diva en
sĂ©curitĂ© sociale. Câest dire ! Au fil de ses prises de
devenir sâĂ©tend sur le divan pour livrer ses nĂ©vroses,
conscience, la soliste en mal de reconnaissance se
ses aspirations enfouies, ses besoins niés. Le psy
donnera tous les moyens de sâaffranchir de la
pianiste, interprété par Patrick Laviosa, va guider les
célébrité de sa moitié dans le but de se confronter au
rĂ©flexions de sa patiente sur ses envies en lâincitant Ă
public et le conquĂ©rir. Nâest-ce pas le prix pour gagner
chanter de grands airs, de Mozart Ă Satie, de Michel
sa propre estime ? Alors, emportée par un air de
Legrand Ă Barbara. Peu Ă peu, sur le tempo dâune
Mozart, âVoy que sapeteâ (Les Noces de Figaro), la
comédie lyrique, le public assiste à la transfiguration
chianteuse ose projeter sa voix comme on se jette Ă
musicale dâune diva intimidĂ©e par son art qui trouve sa
lâeau, dans un sursaut hĂ©roĂŻque, avec lâespoir arrimĂ©
clé du bonheur et nous la chante, toute à sa joie de
au fond de la gorge quâune force insoupçonnĂ©e va la
renaĂźtre de ses rĂȘves intimidĂ©s.
rĂ©vĂ©ler Ă elle-mĂȘme. Chaque confidence sur le divan
LFC MAGAZINE #7 164
sera ponctuĂ©e dâun air qui lâaidera Ă avancer dans
bonheur (Rodgers). Sa voix Ă la fois cristalline et
sa thĂ©rapie. En prenant lâassurance dâune diva
suave est lâinstrument de ses Ă©motions quâelle
rĂ©vĂ©lĂ©e, elle entraĂźnera mĂȘme dans son sillage les
libĂšre avec lâintensitĂ© dâune premiĂšre fois. En
épanchements filiaux de son musicothérapeute
piochant Ă 99,99 % dans sa vie personnelle, elle ne
pianiste.
pouvait que restituer justesse et authenticité. Mais elle ne se contente pas de chanter avec une gaßté
Diva sur Divan est une bouffĂ©e dâairs purs qui infuse
propre Ă contaminer tout cĆur chagrin, elle joue la
le plaisir. On le doit aux blessures intimes de CĂ©line
gradation dâune renaissance que la dextĂ©ritĂ© du
Bognini quâelle transcende sur scĂšne Ă force de
pianiste comédien Patrick Laviosa magnifie. Les
talent, dâhumilitĂ© et de courage. Lâartiste lyrique, ici
deux artistes forment un duo harmonieux sur
attendrissante, lĂ hilarante, fait tourbillonner les
scĂšne avec ce spectacle sincĂšre et trĂšs distrayant.
notes, Ă©voquant la sensualitĂ© de La Diva de lâEmpire
Si pour CĂ©line Bognini le chant lyrique est une
(Satie), lâĂ©motion dâUne Petite cantate (Barbara),
seconde naissance, pour le public, il offre lâĂ©ternitĂ©
lâĂ©nergie rafraĂźchissante de La mĂ©lodie du
dâun instant magique.
Diva sur Divan est une bouffĂ©e dâairs purs qui infuse le plaisir. Distribution Avec : CĂ©line Bognini et Patrick Laviosa. CrĂ©ateurs Auteur et interprĂšte : CĂ©line Bognini
A
Mise en scĂšne : Jean-Philippe BĂȘche
p
Piano : Patrick Laviosa Infos pratiques Le mercredi et le jeudi Ă 20 heures, jusquâau 22 mars 2018. RelĂąche 7 mars. Ă lâAktĂ©on ThĂ©Ăątre, 11 rue GĂ©nĂ©ral Blaise, Paris 75011. DurĂ©e : 1h10. LFC MAGAZINE #7 165
MARS 2018 âą LFC #7
Moi, papa ? LES 5 PIĂCES DU MOIS Ă VOIR
Moi, papa ?
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU
Sâil nây a pas dâĂ©cole pour apprendre Ă ĂȘtre papa,
volcanique au grand cĆur fait de ce show
le one-man-show dâArthur Jugnot est un bel
une rĂ©ussite que magnifie lâingĂ©niositĂ© de la
avant-goût humoristique sur cette étape de la vie
mise en scĂšne de SĂ©bastien Azzopardi et de
de couple conjuguée à trois. « Moi, papa ? », au
la scénographie de Juliette Azzopardi.
thĂ©Ăątre du Splendid, raconte la transformation dâun jeune adulte libre et bien dans ses baskets
Devenir papa est un voyage au bout de
dâado boboĂŻfiĂ© en un pĂšre responsable et accro Ă
lâextrĂȘme, comme lâartiste le qualifie. Câest
son fils. Mais combien dâĂ©preuves et dâactes
surtout un voyage autour de soi-mĂȘme, Ă
dâamour faut-il pour y parvenir ? Arthur Jugnot
sonder ses capacitĂ©s dâamour et ses
porte lâenseigne du vĂ©cu, tous feux de dĂ©tresse
rĂ©sistances, pour mieux accueillir un ĂȘtre
allumĂ©s, derriĂšre chaque trait dâhumour et
aussi inoffensif que destructeur. Mais câest
mimique, qui nâest pas sans rappeler lâinspiration
une destruction dâun passĂ© rĂ©volu pour
du pĂšre. Ă la fin du spectacle, il remercie son fils
tricoter un présent au coin du feu, à chaque
de quatre ans et demi qui lui a permis dâĂȘtre un
jour suffisant sa peine. Quand sa femme
pÚre et un artiste comblé. Pour son premier seul-
Ă©voque lâidĂ©e de devenir parent, Arthur
en-scĂšne, Arthur Jugnot est vraiment Ă lâaise. Il
panique, regimbe, contre-argumente.
rayonne, Ă©ructe et sâattendrit avec autant
Lâartiste revisite les relations amoureuses
dâintensitĂ© et de charme. Sa personnalitĂ©
au seuil de franchir le pas fatidique,
LFC MAGAZINE #7 167
brocardant les manipulations des femmes et les
Moi, papa ? interroge cette belle aventure de
lùchetés des hommes. Pourtant, la nouvelle
devenir parent avec tellement de justesse
génération de pÚre est plus impliquée. La parité
quâelle raisonne en chacun de nous.
est le mot dâordre dans le couple pour fonder une
DâemblĂ©e, Arthur Jugnot instaure une
famille. Si la théorie fait consensus, la pratique
complicitĂ© avec le public par lâuniversalitĂ©
est moins Ă©vidente. Arthur Jugnot nous le
du sujet qui parle autant aux hommes
démontre.
quâaux femmes. Souvent, les femmes artistes ont transcendĂ©, par la crĂ©ation, ce
Comment se prĂ©parer Ă lâarrivĂ©e dâun enfant ? Les
passage dĂ©licat de lâidĂ©e dâavoir un enfant
futurs parents hésitent en tout, chaque décision
jusquâĂ son arrivĂ©e dans la famille. Une
semble une nouvelle montagne Ă gravir. Comment
nouvelle gĂ©nĂ©ration dâhommes sây essaye,
gérer les pressions familiales et les lubies
transformant leur ignorance ou
gustatives de sa dulcinée ? Quel prénom choisir ?
méconnaissance en bonne volonté qui
Quelle poussette acheter ? Quel obstétricien
suscite admiration et tendresse. Le propos
préférer ? Accouchement péridural ou naturel ?
détonant de vérité et le jeu des émotions
Comment accompagner les souffrances de la
servi avec énergie participent de la réussite
parturiente sans se prendre un revers ? Comment
du spectacle, qui est renforcée par
change-t-on les couches sans ĂȘtre arrosĂ© ?
lâoriginalitĂ© dâune scĂ©nographie dâune
Comment gérer les biberons de nuit et le manque
grande poĂ©sie et dâune inventivitĂ© magique.
de sommeil ? Peu Ă peu, le couple sâinstalle en
Ces effets scĂ©niques font quâArthur, bien
jachĂšre charnelle, obnubilĂ© par le bien-ĂȘtre du
que seul en scÚne, vit et vibre entouré de
bébé. Fatalement, le mari et la femme se
sa femme virtuelle et de ses proches, mais
disputent, se chicanent, se murent dans le
surtout de cet enfant dont il porte encore
silence. La fin du couple sâamorcerait-elle ? Mais
les bĂ©nĂ©fiques stigmates de lâamour
de quelle fin parle-t-on au juste ?
paternel.
Avec : Arthur Jugnot. Créateurs Auteur : Bjarni Haukur Thorsson Adaptation : Dominique Deschamps Mise en scÚne : Sébastien Azzopardi
A
Scénographie : Juliette Azzopardi, avec Pauline Gallot
p
LumiĂšres : Thomas Rouxel Musiques : Romain Trouillet VidĂ©os : Mathias Delfau Teal productions et Compagnie SĂ©bastien Azzopardi Du mercredi au samedi Ă 21h et une reprĂ©sentation supplĂ©mentaire le samedi Ă 16h30, jusquâau 31 mars 2018. Au thĂ©Ăątre du Splendid, 48 rue du Faubourg Saint-Martin, Paris 75010. DurĂ©e : 1h20. LFC MAGAZINE #7 168
MARS 2018 âą LFC #7
L'arnaQueuse LES 5 PIĂCES DU MOIS Ă VOIR
L'arnaQueuse
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : PRESTAPLUME L'humoriste Thom Trondel signe avec
atout serait un sens de l'humour décalé. Bref,
L'arnaqueuse sa troisiÚme comédie, au BO Saint-
un doux dingue marrant mais au revenu
Martin, Ă Paris. Le sujet de l'arnaque Ă la
confortable de 8 000 euros mensuels... ce qui
séduction est une corne d'abondance de
ne gĂąte rien !
situations cocasses. D'emblée la piÚce accroche toute l'attention par son écriture inspirée,
Clara et son amie complice Jessica, une
soignée et nerveuse. Les réparties résonnent
comédienne au chÎmage, ont monté une
joyeusement au cĆur entre Ă©clats de plaisir et
arnaque aux cĆurs errants dans le but de partir
franche hilarité. Les personnages dessinés avec
en vacances au soleil. Elles ont chacune un
l'outrance nécessaire au ton enlevé sont
rĂŽle bien distinct : Clara ferre le poisson et
cependant ourlés d'un rien de pudeur qui prépare
Jessica le fait mariner tout en le faisant
le lit du rire et de l'Ă©motion. Marina Gauthier,
casquer au maximum. Estimant la
dont on a découvert la palette de jeux dans
malhonnĂȘtetĂ© comme une compĂ©tence
"Mascarades", est pétillante et touchante dans le
indispensable à leur réussite, elles n'hésitent
rÎle de Clara, belle trentenaire séductrice qui
pas Ă saler l'addition. Alors, lorsque Luc se
gĂšre son agence matrimoniale Ă la tĂȘte du client.
présente, un peu trop gauche, un peu trop
L'auteur Thom Trondel campe un Luc en mal
hésitant, Clara sent la bonne affaire. Elle
d'amour, un cadre respectable aux accents naĂŻfs
propose Ă ce chef de vente dans les
et aux goûts trÚs originaux, et dont le plus grand
portemanteaux personnalisés, champion de
LFC MAGAZINE #7 170
bilboquet, de le coacher pour sĂ©duire son premier rendez-vous. Ce sera Jessica. Mais le trop gentil garçon a des rĂ©actions surprenantes, comme entraĂźner sa partenaire dans un igloo-Ă©glise pour un enterrement traditionnel esquimau. Soudain, le rapport de force s'inverse, et la victime au grand cĆur affirme sa diffĂ©rence qui dĂ©contenance la jolie et intĂ©ressĂ©e Clara. La maĂźtresse du jeu se laisse alors dĂ©passer par celui qu'elle estimait ĂȘtre un pigeon en or et qui l'initie aux sentiments vrais. Cette comĂ©die romantique de Thom Trondel est d'une drĂŽlerie renversante, avec des moments d'anthologie comme la danse d'un ventre velu ou les contorsions d'un corps enfiĂ©vrĂ©. La mise en scĂšne audacieuse et dense de
s'enlacent, dansent lascivement puis s'entrechoquent, mais souvent sur des niveaux de comprĂ©hension diffĂ©rents, d'oĂč avalanche de quiproquos et de dĂ©calage de sentiments. Si le rire impose sa marque avec constance, de temps Ă autre il se retire Ă petits
Vanessa Fery est trÚs efficace. Les situations déjantées s'enchaßnent avec l'ivresse du rire renouvelé. Les dialogues
pas derriĂšre le cĆur Ă©mu. LĂ devant un Luc comprenant la forfaiture de la gĂ©rante de l'agence matrimoniale. Ici devant une Clara rĂ©alisant son attachement, tardif et inconcevable, pour ce client Ă l'originalitĂ© attendrissante. De rebondissement en rebondissement, de dĂ©lire en dĂ©lire, d'aveu en aveu, les comĂ©diens Ă©voluent avec aisance et en nuances dans ce cadre propice Ă ce cĆur Ă cĆur tendre et explosif.
Distribution Avec : Marina Gauthier ou Elsa Pontonnier, Thom Trondel
A
Créateurs
p
Auteur : Thom Trondel Mise en scĂšne : Vanessa Fery Production : CĆur de ScĂšne Le mardi Ă 20h15 jusqu'au 17 mars 2018. Au ThĂ©Ăątre BO Saint-Martin, 19 Boulevard Saint-Martin, Paris 75003. DurĂ©e : 1h05.
LFC MAGAZINE #7 171
MARS 2018 âą LFC #7
Une sombre histoire de girafe LES
5
PIĂCES
DU
MOIS
Ă
VOIR
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : PRESTAPLUME ET FRED THIBAULT
Prenez deux couples dâamis en vacances dâĂ©tĂ© et une
parfois ? Il ne faut jamais partir en vacances avec un
maison isolée dans les Cévennes. Le Paradis, ce me
couple avec un enfant quand on est soi-mĂȘme un
semble. Oui, mais non ! Une sombre histoire de girafe de
jeune couple de six mois qui nâaspire quâĂ se
Magali Miniac, au Théùtre des Béliers parisiens, y plante
connaĂźtre mieux et profiter pleinement de la plage et
un huis clos étouffant, balançant entre confessionnal et
des coquillages. Forcément, la journée est suspendue
bagne en plein air, oĂč lâamitiĂ© de ces deux couples va
aux horaires dâun bĂ©bĂ© qui a besoin de couches et de
méchamment se craqueler sous le soleil implacable du
siestes, et qui est le centre de toutes les attentions et
Sud. Sâil y avait une piscine encore, pour se rafraĂźchir
des inquiétudes. Il a une mÚre omniprésente et au
les névroses ou se délasser de son passé trop bien
bout du rouleau, qui a tout abandonnĂ© pour sâoccuper
accroché aux basques des aigreurs ! Mais non, pas
de lui, jusquâĂ son intĂ©rĂȘt pour son mari. Lui, câest un
dâeau, pas dâombre, juste des discussions qui tournent
balourd attendrissant, obtus aux Ă©tats dâĂąme
au vinaigre et des vacances au fiasco. Et deux couples
fĂ©minins, qui nâa pas sa langue maladroite dans sa
qui implosent en plein vol de girafe, sous le regard
poche, ni ses yeux affamés de sexe. Et il y a de quoi,
abasourdi et ravi des spectateurs, devenus en lâespace
la petite amie de son pote â qui est psychologue â
dâune heure vingt, les plus attentifs et reconnaissants
lui apporte une bouffĂ©e dâinconnu fort dĂ©paysant et
des confidents !
distrayant, Ă dĂ©faut dâune oreille professionnelle. Quant au copain, il est animĂ© par son envie
Quand on pense que lâargument dĂ©clencheur est un
obsessionnelle dâaller faire trempette dans la mer,
petit bout de chou de deux ans ! Ă quoi tient lâamitiĂ©,
assez vite contrariée par un bébé encombrant qui fait
LFC MAGAZINE #7 173
la sieste jusquâĂ 17 heures⊠Mais si ce
rancĆurs muettes, et lĂąchant son chariot
nâĂ©tait que cela encore ! Câest que lâami a la
fou de frustrations, de venin et de colĂšre.
jalousie féroce qui obstrue la voie de sa
Les quatre comédiens (Magali Miniac,
raison. De fil en aiguille, de paranoĂŻa en
Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clérice,
vérités blessantes, le séjour qui ne
SĂ©bastien Pierre) jouent leur partition
demandait quâĂ se dĂ©rouler sous les
avec une grande justesse, tout en
auspices de la bonne humeur se met Ă
nuances et en gradation. Par ce jeu
sombrer corps et biens, entraĂźnant Ă sa
doublĂ© de vivacitĂ© et dâintensitĂ©, ils
suite la maison des CĂ©vennes et ses
rendent crĂ©dible lâinexorable issue. Cette
habitants, dans les eaux noires du
issue qui bannit toute frivolitĂ© est dâautant
rĂšglement de compte.
plus dĂ©tonante quâelle survient sous un ciel limpide qui rivalise de gaitĂ© avec la
Cette délicieuse comédie sociale qui
pelouse vert tendre du décor. La mise en
ausculte avec une cruelle efficacité les
scĂšne soignĂ©e de Nicolas Martinez, oĂč la
relations de couple sâenchaĂźne Ă©perdument
sérénité attendue se heurte à la
au drame avec des réparties jubilatoires et
surenchĂšre des rĂ©vĂ©lations, lâune aspirant
des situations confondantes de réalisme.
la suivante dans son piĂšge, permet de
Le texte de Magali Miniac est si percutant
rehausser ce sentiment de grand gĂąchis.
quâon se projette dans sa propre histoire.
Le drame frappe Ă la porte, il est lĂ , on ne
On a tous en regrets quelques disputes
veut pas y croire⊠et câest la girafe au
mémorables intervenues comme un cheveu
gros postérieur qui signe la chute de cette
sur la soupe, réveillant les non-dits et les
sombre histoire Ă mourir de rire.
Distribution Avec : Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clerice, Magali Miniac et Sébastien Pierre. Créateurs Auteur : Magali Miniac Mise en scÚne : Nicolas Martinez Assistante de mise en scÚne : louise Danel
A
Scénographie : Camille Duchemin
p
LumiÚres : Denis Koransky Musique : Raphaël Charpentier Costumes : BérangÚre Roland Du mardi au samedi à 21 heures et le dimanche à 15 heures, jusqu'au 29 avril 2018. Au théùtre des Béliers Parisiens, 14 bis rue Sainte-Isaure, Paris 75018. Durée : 1h20. LFC MAGAZINE #7 174
MARS 2018 âą LFC #7
Issue de secours LES
5
PIĂCES
DU
MOIS
Ă
VOIR
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME Crédits photos : Prestaplume
Issue de secours
Sur la scÚne du Théùtre du Marais, le spectacle "Issue
mis en scĂšne par Georges Beller, vous invitent Ă un
de secours" est une aventure planante, fusante,
baptĂȘme de l'air de haute voltige sans haut-le-cĆur
explosive, qui donne dans l'hilarité la plus sidérale, et
garanti. Vive la tĂȘte Ă l'envers du rationnel !
les gaz n'y sont pour rien ! Tout est prĂȘt pour le
Un commandant en fin de carriĂšre et son ami copilote
dernier vol du commandant... du moins, pour ce qui
sont bien trop Ă©mus et heureux de ce dernier voyage Ă
est du principal : le whisky pour fĂȘter ce voyage qui va
deux pour se concentrer sur leur vol. Alors que les
clore dix ans de collaboration entre le pilote et le
rĂ©parties piquantes fendent l'air, la tĂȘte divaguant dans
copilote. Pour le reste, advienne que pourra, car la
les cumulus, ils s'aperçoivent que l'avion a décollé sans
rigueur a déserté le cockpit au profit de l'insouciance
passagers, ni kérosÚne. Si New York recule, les ennuis
d'une prochaine retraite ! Bien entendu, les
se rapprochent dangereusement en mĂȘme temps que le
catastrophes déferlent en escadrille, provoquant des
sol brûlant africain. Le crash est inévitable. Sains et
situations loufoques qui dilatent les cĂŽtes flottantes.
saufs, échauffés par l'alcool et les ressentiments qui
Avant de s'abĂźmer dans les dunes, l'avion de ligne
gravissent les degrés, les pilotes se montrent infidÚles
BH80-90 largue dans le désert africain son fardeau
à l'amitié et à la raison. Ils se séparent, errant dans le
humain, deux corps toniques en manque de gin ou de
désert à la recherche d'une oasis. Les mirages sont leur
mojitos. Benjamin Isel et Hadrien Berthaut, les
nouveau compagnon de voyage et jouent avec leurs
coauteurs des sketches tricotés à quatre mains, puis
fantasmes, révélant les petitesses ordinaires. Les
LFC MAGAZINE #7 176
hallucinations aux trousses, les deux rescapĂ©s, quand ils se croisent, vivent les sĂ©quences d'un Tintin revisitĂ©, d'un match du PSG avec un joueur Ă papa Ă la cervelle dans les chaussettes, des vĆux d'un gĂ©nie capricieux, d'une discothĂšque qui bat son plein de dĂ©hanchements enfiĂ©vrĂ©s sous les spots du dĂ©sert, etc. Et, pour corser la relation conflictuelle entre les pilotes en sursis, chacun a le pouvoir de statufier l'autre. Pour le pire et le meilleur, unis dans le burlesque. Sur la scĂšne, rien. Sinon deux chaises, une bouteille de whisky, enfin sa petite sĆur pour Ă©pargner les Ăąmes sensibles Ă la biensĂ©ance, et deux prodigieux talents. Sous les feux de la rampe de lancement, le duo de comĂ©diens crĂšve l'Ă©cran de notre curiositĂ© bienveillante. Benjamin et Hadrien font dĂ©coller leur avion imaginaire Ă destination d'une aventure rocambolesque et riche en soubresauts comiques. Peu Ă peu, le duo dĂ©lirant franchit le mur du son et ouvre les vannes du rire fantasque et du grand n'importe quoi sous l'apparence furtive de blagues de potache. Car, bien entendu, c'est du camouflage.
entendu, c'est du camouflage. L'intelligence transparaĂźt, fait des saillies, Ă©clate comme des bulles de gomme Ă mĂącher, au dĂ©tour de scĂšnes incisives, d'Ă -propos musicaux et d'une mise en scĂšne qui trace un plan de vol cohĂ©rent. Point de respiration, tout est prĂ©texte Ă s'esclaffer. Les situations, les blagues, les Ă©changes, les chorĂ©graphies. Le public reste un peu plus d'une heure durant, en suspension, grisĂ© de rire et de douce nostalgie, les sketches des comĂ©diens le ramenant Ă une jeunesse rĂ©volue oĂč il croyait tout ce qu'on lui disait et en Ă©tait heureux. C'est la magie de ce show dĂ©jantĂ©. On approuve, on partage, on applaudit Ă rompre les entraves de la rĂ©alitĂ©. Et on salue jusqu'Ă terre la performance physique ! Attention, prolongations jusqu'au 29 avril 2018 !
A
Co-Ă©crit et avec Benjamin Isel et Hadrien Berthaut.
p
Mise en scÚne : Georges Beller. Au théùtre du Marais, 37 rue Volta, 75003 Paris. Prolongations Les dimanches à 19 h. Durée : 1h05.
LFC MAGAZINE #7 177
LA SĂLECTION SĂRIE/DOC DE LFC MAGAZINE
PAR QUENTIN HAESSIG
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ATLANTA
C ounterpart raconte lâhistoire dâHoward Silk, modeste employĂ© dans une agence de lâONU, qui dĂ©couvre que lâentreprise pour laquelle il travaille lui a
L 'aventure continue pour
cachĂ© lâexistence dâun portail menant Ă une dimension
Donald Glover et toute la bande
parallÚle. Une série à « double jeu » pleine de
dâAtlanta. La deuxiĂšme saison sera
rebondissements avec dans le premier rĂŽle un J.K.
diffusée dÚs le 1er mars 2018 sur
Simmons bluffant.
OCS City.
La saison 1 diffusée chaque dimanche sur OSC MAX.
AprĂšs une premiĂšre saison
LA SĂRIE ĂVĂNEMENT
récompensée par deux prix aux Emmys Awards, la série orchestrée par le génial Donald Glover (réalisateur, producteur, scénariste et acteur) est trÚs attendue. Au scénario, pas de grands changements, on retrouvera Donald Glover, Brian Tyree Henry, Zazie Beetz et Lakeith Stanfield. Paper Boi parviendra t-il enfin à se
grand retour il y a quelques semaines sur Canal+
faire une place dans le rap game dâAtlanta ? RĂ©ponse dans quelques jours.
La saison 2 disponible le 1er mars 2018 sur OCS City.
CANAL +
BARON NOIR
pour une deuxiÚme saison qui tient toutes ses promesses. Kad Merad est une nouvelle fois remarquable dans le rÎle du « baron noir » et nous épate à chaque épisode. Les autres
P hilippe Rickwaert (Kad Merad) et AmĂ©lie comĂ©diens ne sont pas en reste et remplissent Ă©galement leur mission de fort belle maniĂšre Dorendeu (Anna Mouglalis) reforment leur binĂŽme et sont prĂȘts Ă tout pour accĂ©der au
(Hugo Becker, François Morel, Astrid Whettnall,
pouvoir et sauver la RĂ©publique prise en Ă©tau
Pascal ElbĂ©âŠ).
entre l'extrĂȘme-droite et le fanatisme religieux.
Huit Ă©pisodes dâune efficacitĂ© redoutable pour
Amélie Dorendeu, candidate à l'élection
une série plus vraie que nature sur les coulisses
présidentielle, suit la stratégie trÚs risquée de
de la politique. Les ressemblances avec la réalité
Philippe Rickwaert, tout juste sorti de prison et
sont parfois troublantes, que ce soit Emmanuel
contraint Ă ĂȘtre un conseiller clandestin dans
Macron, Benoit Hamon ou Jean-Luc MĂ©lenchon,
l'attente de son procĂšs.
tous se reconnaitront probablement dans cette
La série créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste deuxiÚme saison. Bonne nouvelle pour les fans de la série, la fin du huitiÚme épisode laisse Delafon et réalisée par Ziad Doueiri faisait son LFC MAGAZINE | #7 | 178
La saison 2 de Baron Noir est disponible en intégralité sur MyCanal.
prĂ©sager le dĂ©but dâune troisiĂšme saison⊠On vous laisse dĂ©couvrir !
LA SĂLECTION SĂRIE/DOC DE LFC MAGAZINE
DU MOIS DE MARS 2018 NETFLIX
FOX / CANAL +
CHRIS ROCK ela faisait dix ans que lâon attendait C son retour sur scĂšne. Câest chose faite, Chris Rock est de retour dans un nouveau spectacle intitulĂ© « Tamborine » disponible sur Netflix. AprĂšs le retour de son ami Dave Chapelle (qui aurait signĂ© un contrat de plus de soixante millions de dollars avec Netflix pour trois shows), Chris Rock a, Ă son tour,
THE AMERICANS
S i vous avez vu les deux premiĂšres
ARTE
Netflix), vous vous souvenez
rĂ©pondu positivement aux sirĂšnes de la plateforme de Los Gatos. Pendant un peu plus dâune heure, le comĂ©dien connu notamment pour ses nombreuses apparitions dans le Saturday Night Live, parle sans filtres de la
JEAN-MICHEL BASQUIAT, LA RAGE CRĂATIVE
paternité, de son divorce, de la chanteuse
L âoeuvre du peintre Jean-Michel
Rihanna et bien entendu du sujet le plus
Basquiat, mort dâune overdose en 1988 Ă
controversé en ce moment aux U.S.A. :
seulement vingt-sept ans, bat aujourdâhui
Donald Trump. Un spectacle Ă ne pas
des records dans les salles de vente. Ce
manquer !
documentaire revient sur le parcours
Le spectacle Tamborine de Chris Rock est disponible sur Netflix.
saisons de Daredevil (disponibles sur certainement de The Punisher. Il a aujourdâhui droit Ă sa sĂ©rie rĂ©alisĂ©e par Steve Lightfoot (rĂ©alisateur notamment dâHannibal). AprĂšs Luke Cage et Iron Fist, deux sĂ©ries assez dĂ©cevantes, espĂ©rons que Marvel rĂ©ussisse son pari avec Frank Castle ! The Americans, la saison 6 diffusĂ©e aux USA sur la FOX puis en France sur CANAL+.
atypique dâun gosse de Brooklyn devenu superstar. Câest certainement lâun des artistes les plus douĂ©s de sa gĂ©nĂ©ration, Jean-Michel Basquiat, nĂ© Ă Brooklyn en 1960, est parvenu en quelque annĂ©es Ă devenir un artiste majeur de la pop culture. Artiste avant-gardiste, pionnier du mouvement underground et meilleur ami dâAndy Warhol, Jean-Michel Basquiat a Ă©tĂ© lâun des artistes amĂ©ricains les plus influents du XXĂšme siĂšcle.
LFC MAGAZINE | #7 | 179
Le documentaire, diffusĂ© sur ARTE il y a quelques jours, pose une question existentielle : Ă©tait-il un gĂ©nie torturĂ© et autodestructeur ou fut-il entraĂźnĂ© malgrĂ© lui dans la spirale mortifĂšre de la gloire et de ses excĂšs ? Lâexposition "Basquiat. Boom for real" sera prĂ©sentĂ©e Ă lâautomne Ă la Fondation Louis Vuitton.
Le documentaire Jean-Michel Basquiat, la rage crĂ©ative est disponible en replay sur ARTE jusquâau 26 mars 2018.
LFC LE MAG :
RENDEZ-VOUS ENTRE LE 29 MARS AU 2 AVRIL 2018 POUR LFC #8 Cela semble impossible jusqu'Ă ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA