LFC Magazine #7 - Arnaud Valois Mars 2018

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LFC #7 NOUVEAU

MARS 2018 DOUBLE COVER

100% INDÉPENDANT

180 PAGES DE CULTURE

LE MAG DIGITAL

Et aussi Ovidie Grégoire Delacourt Pauline Croze Karen Cleveland Sofi Tukker Diane Ducret et d'autres invités...

ARNAUD VALOIS LA RÉVÉLATION DU FILM CHOC 120 BPM

LAFRINGALECULTURELLE.FR


NOUVEAU // LFC MAGAZINE #1 #2 #3 #4 #5 #6

VOTRE RENDEZVOUS CULTUREL 100% gratuit, indépendant et généreux, Mensuel et uniquement digital, Des entretiens exclusifs dans une maquette fashion, Des photos exclusives avec LEEXTRA, Une double cover avec des artistes prestigieux, Des livres, de la musique, du spectacle, des séries TV.

DÉJÀ 100 000 LECTEURS

Merci !


ÉDITO

LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #7

RĂ©digĂ© par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Le deuxiĂšme numĂ©ro de l'annĂ©e 2018 propose Ă  80% des sujets FAIT MAISON, comme au restaurant, c'est-Ă -dire une rencontre authentique avec l'artiste + photographies exclusives grĂące Ă  notre partenaire LEEXTRA. Nous remercions l'implication des photographes : Patrice Normand, Arnaud Meyer, Julien Faure, Julien Falsimagne, Franck Beloncle, et - honneur aux femmes - Ă  CĂ©line Nieszawer qui signe nos deux covers. Merci aussi Ă  Ursula sigon. Un grand MERCI Ă  Ovidie et Arnaud Valois de nous avoir fait confiance. Ainsi qu'Ă  GrĂ©goire Delacourt, Karen Cleveland, Lukas BĂ€rfuss, Alexander Maksik, Marie-Laure de Cazotte, SaĂŻdeh Pakravan, HĂ©loĂŻse Guay de Bellissen, Laurent Lamarca, Diane Ducret et Julien Dufresne Lamy. Vous ĂȘtes plus de 100 000 personnes Ă  consulter le magazine depuis son lancement. MERCI pour votre fidĂ©litĂ© et vos partages sur les rĂ©seaux sociaux. TrĂšs bonne lecture les fringants, Rendez-vous fin mars, dĂ©but avril, pour le numĂ©ro #8 de LFC magazine.

ET SURTOUT... LA REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TOUS LES ARTICLES, PHOTOS, ILLUSTRATIONS, PUBLIÉS DANS LFC MAGAZINE EST FORMELLEMENT INTERDITE. Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mĂšre, votre pĂšre, votre voisin, votre boulanger, votre femme de mĂ©nage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre prĂ©sident, votre grand-mĂšre, votre belle-mĂšre, votre libraire, votre collĂšgue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :

ARNAUD VALOIS OVIDIE


08

Marseille

10

CĂ©cilia Dutter

18

La Forme de l'Eau

22

Colombe Schneck

24

Le lauréat

26

Henri Demarquette

29

Carole Serrat

33

Nathalie Migeot / Sofiane

37

Zanna Sloniowska

41

Lukas BĂ€rfuss

46

Alexander Maksik

51

Marie-Laure de Cazotte

57

HĂ©loĂŻse G.de Bellissen

62

SaĂŻdeh Pakravan

67

Diane Ducret

72

Julien Dufresne Lamy


78

Sara Lövestam

82

CĂ©dric Lalaury

85

Karen Cleveland

90

Guillaume Richez

94

Dossier Marabout

106

Ovidie

113

Arnaud Valois

123

Grégoire Delacourt

130

Nemo Schiffman / Nilusi

135

Lou

140

Schérazade

146

Pauline Croze

152

Laurent Lamarca

157

Sofi Tukker

163

Les 5 piĂšces du mois

178

La sélection séries TV


L'ÉQUIPE

Fondateur et rédacteur en chef Christophe Mangelle

Journalistes Quentin Haessig Christophe Mangelle Laurent Bettoni

Coordinatrice Photographes Ursula Sigon LEEXTRA

Photographes CĂ©line Nieszawer Patrice Normand Arnaud Meyer Julien Faure Julien Falsimagne Franck Beloncle LEEXTRA

Traducteur Quentin Haessig

Ovidie, Arnaud Valois, Grégoire Delacourt, Karen Cleveland, Lukas BÀrfuss, Alexander Maksik, Marie-Laure de Cazotte, Saïdeh Pakravan, Héloïse Guay de Bellissen, Laurent Lamarca, Diane Ducret et Julien Dufresne Lamy sont exclusivement photographiés par les photographes de l'agence LEEXTRA, notre partenaire. Des sujets tous 100% "fait maison".

Chroniqueurs Nathalie Gendreau (Théùtre) de Prestaplume David Smadja (Cinéma) de C'est contagieux Quentin Haessig (Série TV) de La Fringale Culturelle Muriel Leroy Alexandra de Broca Clarisse Sabard


LFC MAGAZINE

MARS 2018 | #7

5

La sélection

de la rédaction

Livres, série TV, film, piÚce de théùtre...

par Christophe Mangelle, Laurent Bettoni, David Smadja, Alexandra de Broca...

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MARSEILLE SAISON 2 LA SÉRIE S'OFFRE UNE SECONDE CHANCE SÉRIE LFC MAGAZINE

01

UN CASTING QUATRE ÉTOILES

ACTUELLEMENT SUR NETFLIX MARS 2018


DES ACTEURS EN GRANDE FORME. UNE SÉRIE TRÈS BIEN FILMÉE AVEC UNE INTRIGUE FAITES DE HAUTS ET DE BAS. C'EST ASSEZ INÉGAL, ON REGARDE EN PENSANT À HOUSE OF CARDS. CE SERAIT UNE TRÈS BONNE SÉRIE POUR LE PUBLIC TF1. MOYEN POUR CELUI DE NETFLIX.

L'AVIS EXPRESS DE LA RÉDACTION

PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS NETFLIX MARS 2018

ACTUELLEMENT SUR NETFLIX


CÉCILIA DUTTER

LIVRE LFC MAGAZINE

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PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © ÉRIC GARAULT ET NATACHA SIBELLAS


CÉCILIA DUTTER VIVRE

LIBRE

AVEC

ET T Y

HILLESUM

À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Vivre libre avec Etty Hillesum (Ă©ditions Tallandier), CĂ©cilia Dutter nous ouvre les portes de sa demeure parisienne et nous parle de la littĂ©rature, de la spiritualitĂ©, de la foi, des hommes et des femmes ainsi que de son inoxydable amour de la vie. Entretien.

02

LFC : Vous ĂȘtes Ă  la fois romanciĂšre et essayiste, mais

travers le roman, l’auteur essaie de tendre des fils

c’est bien par le roman que vous avez fait votre entrĂ©e

pour que d’autres s’en emparent et prolongent sa

en littĂ©rature. Qu’est-ce qui vous a conduit alors Ă  Ă©crire

réflexion.

des essais, et quel lien existe-t-il entre eux et vos Ɠuvres de fiction ?

Dans un essai, on traite directement d’un thùme ou, s’il s’agit d’un essai biographique, on met en lumiùre

CD : Vous avez raison, j’ai commencĂ© mon parcours

une personnalité. Dans tous les cas, on ne les choisit

littéraire par deux romans : Une présence incertaine (ThélÚs,

jamais par hasard mais parce qu’à travers ce sujet ou

2005), puis La Dame de ses pensées (Ramsay, 2008). Mais à

cet ĂȘtre singulier on va pouvoir illustrer des valeurs

partir de 2010, oĂč j’ai publiĂ© une biographie, Etty Hillesum,

qui nous tiennent à cƓur.

une voix dans la nuit (Robert Laffont), ma bibliographie comprend aussi bien des romans comme Zeina, bacha posh (Le Rocher, 2015) que des essais comme Et que le désir soit (Desclée de Brouwer, 2011).

LFC : Comment envisagez-vous la suite de votre cheminement littéraire, entre textes de fiction et textes de non-fiction ?

MĂȘme si romans et essais ne rĂ©pondent pas aux mĂȘmes

CD : À vrai dire, j’aime Ă©crire les deux et je compte

critùres structurels et formels, j’ai l’impression de suivre une

bien continuer à passer alternativement de l’un à

mĂȘme ligne littĂ©raire et de dĂ©fendre une mĂȘme vision du

l’autre. Je me sers souvent de mes essais pour nourrir

monde, au sein de l’ensemble de mes ouvrages, quel qu’en

mes romans. D’ailleurs, la frontiùre entre les deux

soit le genre.

genres n’est pas si marquĂ©e que l’on croit.

Dans une Ɠuvre de fiction, l’important, c’est, bien entendu,

À toi, ma fille (Le Cerf, 2017), par exemple, est un rĂ©cit-

d’intĂ©resser le lecteur Ă  l’histoire qu’on lui raconte, de la

essai Ă©crit sous forme Ă©pistolaire. À travers un recueil

construire de telle sorte qu’il ait envie de tourner les pages.

de lettres au ton résolument intimiste et personnel,

Mais l’histoire est toujours au service d’une rĂ©flexion, d’une

empreintes de tendresse et d’affection, une mùre

idĂ©e qu’on se fait de la vie et qu’on aimerait partager. À

(celle que je suis) s’adresse à sa fille de 17 ans en vue

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de lui transmettre ses ultimes conseils et lui rappeler

Pourquoi s’enfermer dans un

les valeurs essentielles sur lesquelles s’appuyer pour

genre ? Et pourquoi s’interdire de

construire et déployer pleinement sa vie de femme,

mĂ©langer les genres ? Ecrire, c’est

son rapport aux autres, au monde et Ă  Dieu, avant

ĂȘtre libre ! Un tĂ©moignage, un rĂ©cit

qu’elle accĂšde Ă  sa majoritĂ©. J’y aborde des thĂšmes

littéraire peuvent trÚs bien trouver

variés et universels comme la maternité, la religion, le

leur place au sein d’un essai. Il ne

bonheur, l’amour, la libertĂ© fĂ©minine, la sexualitĂ©, le

s’agira pas alors de raconter sa

couple, le désir, la famille, la mort, le mal, le pardon, le

propre histoire comme dans un

rĂȘve, l’art, etc.

roman autofictionnel mais d’essayer de comprendre les

L’essai a une dimension philosophique et spirituelle,

enjeux et les enseignements

mais le fait de l’avoir Ă©crit sous forme de lettres m’a

universels qu’elle recùle. En quoi

permis d’instaurer une proximitĂ© avec le lecteur et de

cette petite histoire qui est la nĂŽtre

rendre, je pense, sa lecture plus fluide.

s’inscrit dans la grande histoire de l’ĂȘtre humain.

MÊME SI ROMANS ET ESSAIS NE RÉPONDENT PAS AUX MÊMES CRITÈRES STRUCTURELS ET FORMELS, J’AI L’IMPRESSION DE SUIVRE UNE MÊME LIGNE LITTÉRAIRE ET DE DÉFENDRE UNE MÊME VISION DU MONDE, AU SEIN DE L’ENSEMBLE DE MES OUVRAGES, QUEL QU’EN SOIT LE GENRE.

LFC : La spiritualitĂ© est prĂ©sente dans tous vos ouvrages, mĂȘme si dans vos romans elle est en filigrane pour qui souhaite la voir. Il se pourrait bien que cela soit dĂ» Ă  votre histoire familiale et personnelle. Pouvez-vous nous Ă©clairer Ă  ce sujet et nous expliquer oĂč vous en ĂȘtes aujourd’hui, dans votre foi et dans vos croyances ? CD : Ma mĂšre est juive, mais elle ne m’a pas Ă©levĂ©e dans le judaĂŻsme et ne s’est pas opposĂ©e Ă  ce que je sois baptisĂ©e, comme le souhaitait mon pĂšre, qui Ă©tait catholique. J’ai du sang juif qui coule dans les veines et une foi chrĂ©tienne. Cela ne m’apparaĂźt nullement antinomique. Ma double

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LES LIVRES DE CÉCILIA DUTTER


appartenance est, au contraire, un enrichissement

Michel, 2012, prix Charles-Oulmont de la Fondation

personnel.

de France). Elle est sous-jacente Ă  l’histoire et on ne la dĂ©cĂšle que si l’on y est ouvert soi-mĂȘme. Il y a donc

Ma religion de rĂ©fĂ©rence, c’est le catholicisme. Mais plus

plusieurs degrĂ©s de lecture, mais il n’est jamais

largement, je dirais que je suis chrétienne.

question de religion, je ne fais aucun prosĂ©lytisme, ce qui m’intĂ©resse, c’est de parler, Ă  travers mes hĂ©ros et

Je suis aussi trÚs inspirée par les sagesses orientales qui

mes hĂ©roĂŻnes, de la responsabilitĂ© de l’ĂȘtre humain,

viennent Ă©galement nourrir mon croire. Bible et Tao trĂŽnent

des choix existentiels auxquels il ne peut se

sur ma table de chevet.

soustraire, de ceux qui le réduisent ou le

Au fond, je pense qu’il y a de trùs nombreux chemins pour

grandissent
 Et cela, en effet, appartient

grimper la montagne, la seule chose qui compte, c’est de

Ă©minemment Ă  la sphĂšre spirituelle.

tenter l’ascension vers le sommet. LFC : PrĂ©fĂ©rez-vous que l’on vous considĂšre comme un auteur de la religion ou comme un auteur de la spiritualitĂ© ? Quelle est la diffĂ©rence ? CD : Ni l’un ni l’autre, Ă  la vĂ©ritĂ©. Je suis un auteur tout court. Simplement, Ă©crire s’inscrit dans ma quĂȘte spirituelle. DĂšs lors, il est logique que la spiritualitĂ© affleure dans mes romans, comme par exemple dans Lame de fond (Albin

AU FOND, JE PENSE QU’IL Y A DE TRÈS NOMBREUX CHEMINS POUR GRIMPER LA MONTAGNE, LA SEULE CHOSE QUI COMPTE, C’EST DE TENTER L’ASCENSION VERS LE SOMMET. LFC : Pour quelle raison vous intĂ©ressez-vous autant Ă  Flannery O’Connor et particuliĂšrement Ă 

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Ă  Etty Hillesum ?

multiples conquĂȘtes masculines de combler son vide existentiel. C’est donc par le prisme de son

CD : Ce que j’aime, chez Flannery O’Connor, nouvelliste et

histoire personnelle chaotique qu’elle nous

romanciĂšre du Vieux Sud des États-Unis des annĂ©es 1950,

donne à lire la grande Histoire que sa destinée

Ă  qui j’ai rĂ©cemment consacrĂ© une biographie, Flannery

croise. Mais c’est aussi à travers sa propre

O’Connor, Dieu et les gallinacĂ©s (Le Cerf, 2016), c’est son

Ă©volution psychique, fruit d’une analyse, et de sa

parcours d’écrivain et son univers littĂ©raire. Catholique

fulgurante Ă©volution spirituelle, qu’elle nous

d’origine irlandaise en pays protestant, dotĂ©e d’une foi

donne à méditer sur la vie.

inĂ©branlable, elle cherche Ă  dĂ©voiler, Ă  travers son Ɠuvre,

Au-delĂ  des frontiĂšres, des croyances et des

le sens du sacrĂ© que recĂšle l’existence. Pour autant, ses

religions, le lumineux message qu’elle dĂ©livre

textes n’ont rien d’édifiant et s’appuient sur une mise en

ouvre Ă  une spiritualitĂ© universelle qui s’adresse Ă 

scÚne souvent trÚs crue de la réalité. Elle nous fait part

chacun.

d’une vision ĂŽ combien exigeante de l’art d’écrire et de la mission de l’écrivain croyant. Pour l’auteur que je suis, elle est un guide. Quant Ă  Etty Hillesum, je lui ai consacrĂ© trois ouvrages, dont

Un cƓur universel. Regards croisĂ©s sur Etty Hillesum (Savaltor, 2013). Je suis, par ailleurs, prĂ©sidente de l’Association des amis d’Etty Hillesum, qui s’est donnĂ©e pour mission de faire connaĂźtre ses Ă©crits et de diffuser sa

AU-DELÀ DES FRONTIÈRES, DES CROYANCES ET DES RELIGIONS, LE LUMINEUX MESSAGE QU’ELLE DÉLIVRE OUVRE À UNE SPIRITUALITÉ UNIVERSELLE QUI S’ADRESSE À CHACUN.

parole au plus grand nombre. LFC : Le choix de deux femmes comme modÚle Cette jeune femme juive néerlandaise de 27 ans, qui de

ou guide spirituel, pour vous, n’est sĂ»rement

1941 à 1943, tandis que les Pays-Bas étaient occupés par

pas un hasard, mais que faites-vous des

l’ennemi nazi, a tenu un journal, à Amsterdam, puis une

hommes, dans tout cela ? Quel regard portez-

correspondance envoyée du camp de transit de

vous sur eux et, d’une maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale,

Westerbork, ne cesse de nous interroger. Face Ă  la

sur l’évolution des rapports entre les hommes

barbarie, elle oppose au mal une inaliĂ©nable foi en l’homme

et les femmes ?

et en la beautĂ© de la vie. Elle tĂ©moigne en cela d’une rĂ©sistance spirituelle hors du commun.

CD : Les hommes sont aussi trÚs présents dans mes ouvrages. Etty Hillesum, par exemple, était

Morte Ă  Auschwitz en novembre 1943, elle laisse au monde

une grande amoureuse. De nombreux hommes

ce journal, qui, bien aprÚs-guerre, a été publié et a fait,

ont gravitĂ© autour d’elle. L’un d’eux, son

depuis, le tour du monde. Or, lorsqu’elle en entame la

thérapeute, a joué un rÎle central dans son

rĂ©daction, c’est une femme mal dans sa peau, souffrant de

parcours.

dĂ©pression, qui se cherche et tente vainement par ses Dans l’un de mes romans, Savannah Dream

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CÉCILIA DUTTER

LIVRE LFC MAGAZINE

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(Albin Michel, 2013), j’ai choisi de mettre en scùne un

chacun à notre aune, démontrer par nos pensées,

personnage principal masculin et je dois avouer que je

nos paroles et nos actes quotidiens que cette

me suis glissĂ©e avec dĂ©lice dans la peau d’un homme.

perspective est réaliste.

C’est ce genre de petit miracle que l’écriture permet : changer de sexe, adopter un langage, une psychologie, une fantasmatique tout autre, le temps d’un roman. Dans ma vie personnelle Ă©galement, les hommes sont importants. Je suis mariĂ©e depuis vingt-cinq avec le mĂȘme homme et j’ai de nombreux amis masculins avec lesquels je m’entends merveilleusement. La revendication fĂ©minine actuelle pour l’égalitĂ© et contre le harcĂšlement me paraĂźt tout Ă  fait lĂ©gitime. La cause est juste et nĂ©cessaire. Mais, comme tout combat de ce type, il ne fait pas l’économie de quelques excĂšs. Gare Ă  ne pas tomber dans la guerre des sexes. Je crois que la plupart des hommes sont prĂȘts Ă  accompagner ce mouvement salutaire d’émancipation. Veillons, nous, les femmes, Ă  ce qu’ils restent nos alliĂ©s dans notre lutte. LFC : SpiritualitĂ©, religion, partage et gentillesse sont quelques-unes de vos valeurs. Pour emprunter aux Beatles, ces mots-lĂ  vont-ils bien ensemble, de nos jours ? CD : Sur cette terre, nous sommes tous reliĂ©s. DĂšs lors, prendre soin de soi et prendre soin de l’autre sont une seule et mĂȘme notion. Notre Ă©poque est en pleine mutation. Face Ă  l’individualisme grandissant et Ă  l’ultralibĂ©ralisme, beaucoup de voix s’élĂšvent. Nous avons le droit de remettre en cause nos anciens schĂ©mas pour y introduire plus de douceur et surtout d’équitĂ© afin de changer de paradigme. Je veux croire Ă  la construction d’un ordre nouveau fondĂ© sur le respect, la bienveillance, le don, le soutien, l’union entre les communautĂ©s et les hommes. Ce sont, certes, des valeurs chrĂ©tiennes, mais aussi, tout simplement, des valeurs humanistes. Est-ce une utopie ? Nous pouvons,

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CONTEMPLER LA BEAUTÉ DE LA NATURE, VOIR LA POÉSIE DE LA VIE, GOÛTER LA JOIE PROFONDE D’ÊTRE AU MONDE
 AUTANT DE MOTS POUR DIRE DIEU SANS PRONONCER SON NOM. LFC : Qu’inspirent Ă  une croyante comme vous certaines horreurs commises au nom de la religion ? CD : L’air du temps remet en cause les religions. Les vagues rĂ©centes d’attentats terroristes viennent dramatiquement nous rappeler les monstruositĂ©s que l’on peut commettre au nom de Dieu. Mais chacun sait que ces actes criminels et barbares dĂ©coulent d’une vision infiniment dĂ©voyĂ©e de la religion. L’intĂ©grisme religieux, c’est l’homme qui l’a inventĂ© en instrumentalisant une idĂ©e complĂštement dĂ©lirante et pervertie de Dieu. De nos jours, hĂ©las, on conçoit souvent le dogme comme un carcan sectaire. Je pense au contraire qu’il est un prĂ©cieux outil permettant de structurer et d’asseoir le rapport de l’homme Ă  la transcendance. Mais j’adhĂšre Ă©galement Ă  l’idĂ©e qu’on peut croire en Dieu hors du cadre religieux, ce qui importe, c’est de percevoir le sens du mystĂšre au sein de son existence terrestre. Accueillir l’idĂ©e de plus grand que soi Ă  l’intĂ©rieur de soi. Contempler la beautĂ© de la nature, voir la poĂ©sie de la vie, goĂ»ter la joie profonde d’ĂȘtre au monde
 autant de mots pour dire Dieu sans prononcer son nom.


LFC : Vous venez de faire paraĂźtre, aux Ă©ditions Tallandier,

le vecteur central, se rĂ©vĂšle extrĂȘmement

votre troisiÚme essai sur Etty Hillesum, intitulé Vivre libre

moderne.

avec Etty Hillesum. Qu’avez-vous encore à dire sur elle ?

L’objet de ce nouvel ouvrage est de mettre le

Pour vous, qu’est-ce que vivre libre et en quoi cette femme

trĂ©sor des Ă©crits d’Etty Hillesum et les outils de

peut nous aider Ă  y parvenir?

dĂ©veloppement personnel et spirituel qu’ils renferment Ă  la portĂ©e de tous.

CD : Depuis des années, je donne de nombreuses conférences

L’essai revient ainsi sur les trois Ă©tapes majeures

sur le parcours existentiel et spirituel d’Etty Hillesum, mais je me

qu’emprunte le vĂ©ritable parcours de libĂ©ration

rends compte que je n’ai peut-ĂȘtre pas assez dit jusqu’à

d’Etty Hillesum : se connaĂźtre soi-mĂȘme, rencontrer

prĂ©sent qu’Etty est aussi et surtout un maĂźtre de sagesse, un

l’autre et, enfin, s’ouvrir à l’absolu. Tel est, en effet,

véritable guide de vie qui nous offre de précieux outils pour

l’itinĂ©raire qu’elle propose Ă  chacun pour grandir

nous construire harmonieusement et garder l’équilibre tout au

en vérité et en liberté.

long de notre propre trajectoire.

À une Ă©poque oĂč l’on parle beaucoup de la libertĂ©,

Par ailleurs, j’ai pris conscience de combien sa foi universelle

et tout particuliÚrement de la liberté féminine, Etty

faisait Ă©cho Ă  la quĂȘte de sens contemporaine. S’il existe

Hillesum, femme Ă©tonnamment moderne, donne

aujourd’hui une dĂ©sinstitutionnalisation du sentiment religieux,

les clés à chacun, hommes et femmes confondus,

pour autant, la plupart des gens demeurent en quĂȘte d’absolu.

pour vivre une existence plus belle et plus libre en

Délesté du rite, non-prosélyte, véhiculant des valeurs

développant au centre de soi cette part

profondĂ©ment humanistes, le Dieu d’Etty, dont l’amour est

inaliĂ©nable et sacrĂ©e qu’est la libertĂ© intĂ©rieure.

SE CONNAÎTRE SOIMÊME, RENCONTRER L’AUTRE ET, ENFIN, S’OUVRIR À L’ABSOLU. TEL EST, EN EFFET, L’ITINÉRAIRE QU’ELLE PROPOSE À CHACUN POUR GRANDIR EN VÉRITÉ ET EN LIBERTÉ.

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CINÉMA LFC MAGAZINE

03 LA FORME DE L'EAU

PAR DAVID SMADJA DE C'EST CONTAGIEUX PHOTOS : COPYRIGHT TWENTIETH CENTURY FOX MARS 2018


UNE PETITE BOMBE ÉMOTIONNELLE


UNE ROM-COM ATYPIQUE AUX PARFUMS DE FEEL-GOOD MOVIE. Cette crĂ©ature qui fait penser Ă  un mix de l’Etrange CrĂ©ature du Lagon Noir de Jack Arnold et de Abe Sapien dans Hellboy (NDC : qui est aussi un film de Guillermo Del Toro !) est visuellement et plastiquement trĂšs rĂ©ussie. Pas d’images de synthĂšse comme nous en abreuvent trop les blockbusters mais un costume, du maquillage et du latex. Le rĂ©sultat est Ă  couper le souffle. Doug Jones qui revĂȘt le costume donne une carnation et une Ăąme Ă  la crĂ©ature la rendant crĂ©dible dĂšs sa premiĂšre apparition.

C’EST UNE PETITE BOMBE ÉMOTIONNELLE QUE NOUS A CONCOCTÉ GUILLERMO DEL TORO, UN ÉLIXIR DE JOUVENCE QUI VIENT POLIR LES CƒURS DE SON BAUME ENTHOUSIASMANT. IL EST RARE DE SORTIR D’UN FILM AVEC AUTANT D’ÉMOTIONS QUI VIENNENT FRAPPER À LA PORTE DE NOTRE PETIT CƒUR. DEL TORO EST UN MAGICIEN DE L’IMAGE ET DES SENTIMENTS. SON FILM EST UNE LONGUE BALADE LYRIQUE FAITE DE GRÂCE ET D’ENCHANTEMENT, UNE PETITE MERVEILLE, UN L'AVIS DE LA RÉDACTION BIJOU À L’ÉCRIN DÉLICAT.

UN AMOUR INTERDIT D’UNE PURETÉ ABSOLUE AVEC UNE CRÉATURE AMPHIBIENNE ÉNIGMATIQUE.

DĂšs lors, on se laisse emporter par cette histoire au romantisme enivrant, une rom-com atypique aux parfums de feel-good movie.

DE LA POÉSIE, SIMPLE ET TOUCHANTE. Chaque plan ressemble Ă  une peinture aux couleurs saturĂ©es, Ă  la chromie Ă©tincelante ; chaque scĂšne semble ciselĂ©e par un orfĂšvre du cinĂ©ma, minutieux et compĂ©tent. Il y a toujours de la poĂ©sie dans le cinĂ©ma de Guillermo. Simple et touchante. AppuyĂ©e par la musique aĂ©rienne d’Alexandre Desplat qui t’emporte dans son tourbillon Ă©vanescent tandis que les standards musicaux d’époque te plongent dans une euphorie contemplative.

Pour La forme de l’eau, le rĂ©alisateur nous embarque dans les sixties, au beau milieu de la guerre froide et de l’affrontement par mĂ©dias et technologies interposĂ©s que se livrent les amĂ©ricains et les soviĂ©tiques. Au centre de tout cela se trouve une femme de mĂ©nage muette, Elisa, qui va vivre la plus extraordinaire des histoires, un amour interdit d’une puretĂ© absolue avec une crĂ©ature amphibienne Ă©nigmatique.

ACTUELLEMENT AU CINÉMA


DES ACTEURS ÉBLOUISSANTS

L’actrice principale Sally Hawkins est prodigieuse, jamais un visage n’a paru autant empreint de bontĂ©, de bĂ©atitude et de luminositĂ©. Del Toro vient peindre dessus par petites touches une palette d’émotions de son pinceau de surdouĂ© : de la douceur, de la tendresse et de la sensualitĂ©, juste en lui faisant plisser une lĂšvre. Michael Shannon, sa NĂ©mĂ©sis, n’est jamais aussi bon et effrayant que lorsqu’il joue un salopard. Et il s’en donne Ă  cƓur joie. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les seconds rĂŽles (Richard Jenkins et Octavia Spencer en tĂȘte) magnifient l’histoire tant la direction d’acteurs est juste.

GUILLERMO DEL TORO OSE TOUT

L'AVIS DE LA RÉDACTION

CE FILM EST UN LÂCHER DE PAPILLONS MULTICOLORES DANS TON VENTRE. Guillermo Del Toro est une sorte de fĂ©e clochette qui projette des paillettes, redonnant Ă  tes yeux un lustre enfantin, un Ă©clat qui scintille, des pupilles qui s’élargissent comme deux billes rondes et noires. La forme de l’eau est un lĂącher de papillons multicolores dans ton ventre. On assiste Ă  une version adulte de E.T., du merveilleux naĂŻf Ă  l’état brut. Il faut remonter Ă  son Labyrinthe de Pan pour retrouver de telles sensations. A chaque film, le rĂ©alisateur innove (pas toujours avec succĂšs - remember Crimson Peak) mais ne se rĂ©pĂšte jamais. Il sait user de diffĂ©rentes saveurs pour nous donner un plat Ă©picĂ©. Comme me disait la mĂšre de Forrest Gump : Un film de Guillermo Del Toro, c’est comme une boĂźte de chocolats, on ne sait jamais ce qu’on va y trouver dedans. Alors si ! Madame Gump ! A minima on y trouvera du chocolat fourrĂ© au pur talent. 4,5/5

ACTUELLEMENT AU CINÉMA

Le rĂ©alisateur ose tout, se lĂąche complĂštement en mĂ©langeant allĂšgrement les styles allant mĂȘme jusqu’à nous proposer un numĂ©ro de claquettes old school. Il prend un tel plaisir que c’en est communicatif. Del Toro explose les codes du fantastique pour nous dĂ©livrer une simple mais merveilleuse love story.


LA CHRONIQUE LITTÉRATURE D'ALEXANDRA DE BROCA

ROMAN LFC MAGAZINE

04 COLOMBE SCHNECK LES GUERRES DE MON PÈRE

ALEXANDRA DE BROCA EST ROMANCIÈRE ELLE A PUBLIÉ LA SƒUR DU ROI (ALBIN MICHEL) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE PHOTO : COUVERTURE DU LIVRE DE COLOMBE SCHNECK, LES GUERRES DE MON PÈRE (STOCK). MARS 2018


LE HASARD DE LA VIE, SI L’ON VEUT Y CROIRE, M’A PERMIS DE NE JAMAIS LIRE LES PRÉCÉDENTS OUVRAGES DE COLOMBE SCHNECK, SOUVENT ENCENSÉS, MAIS AUSSI VIOLEMMENT DÉCRIÉS. J’AI ABORDÉ AVEC LA NAÏVETÉ D’UNE NOVICE CE TEXTE, NI ESSAI NI ROMAN, DÉDIÉ À LA MÉMOIRE DE GILBERT SCHNECK MÉDECIN FRANÇAIS. FRANÇAIS CERTES, CAR OBLIGÉ D’ASSUMER SES OBLIGATIONS MILITAIRES EN ALGÉRIE. MAIS ENFANT FRANÇAIS POURTANT OBLIGÉ DE SE CACHER EN DORDOGNE POUR ÉCHAPPER AUX NAZIS, PUIS À VICHY CAR D’ORIGINE JUIVE. RIEN QUE D’ÉCRIRE CES MOTS ME RÉVOLTE
 LES GUERRES DE MON PÈRE L’auteur a adorĂ© son pĂšre dĂ©sireux Ă  tout prix d’offrir dans les annĂ©es glorieuses - les annĂ©es soixante-dix une vie aisĂ©e sans jamais parler de ce qui fĂąche. « Si vous l’aviez connu, vous n’auriez rien pu deviner, son regard Ă©tait toujours doux, souriant » Mais le silence est un prix que les enfants paient et Colombe le ressent. DerriĂšre la tendresse de cet homme, Lelle ' A Vpressent I S D E un L Amonde R É Dd’horreur ACTION qu’il va lui falloir connaĂźtre pour avancer dans la vie loin de l’ombre protectrice de son pĂšre. Elle a vingtquatre ans, lorsque son pĂšre dĂ©cĂšde ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE la laissant dans une douleur indescriptible. Pour vivre, pour se reconstruire, elle va chercher, avancer, et de bibliothĂšques en archives et tĂ©moignages elle dĂ©couvre. Une partie de sa famille a terminĂ© son existence dans les camps nazis pour seule faute d’ĂȘtre juive. Son pĂšre petit garçon est quant Ă  lui cachĂ© autour de PĂ©rigueux et malgrĂ© l’insistance des prĂ©fets de la rĂ©publique française Ă©chappe au voyage vers Drancy puis Auschwitz. Devant l’obĂ©issance de ces fonctionnaires, elle oppose le courage de ces familles anonymes qu’il veut remercier au nom de son pĂšre


SON PÈRE, CE HÉROS. Son pĂšre ce hĂ©ros. Non seulement il survit Ă  son enfance martyre,

mais grĂące Ă  son statut de docteur, il part dĂ©fendre son pays la France, durant la guerre d’AlgĂ©rie. Mais enseigner la mĂ©decine n’a rien de glorieux. Comment retrouver une vie sociale et amoureuse de retour Ă  Paris aprĂšs avoir soignĂ© les prisonniers torturĂ©s par l’armĂ©e française avant de les remettre en Ă©tat pour une nouvelle interrogation ? Il suffit d’obĂ©ir quand enfant on a appris Ă  se taire et Ă  se cacher
 Ce pĂšre dĂ©licieux prĂȘt Ă  tout pour que sa fille ne subisse aucun de ses tourments. Ce pĂšre mĂ©decin que chacun recherche pour son humanitĂ© et son Ă©coute. Ce pĂšre aussi homme irrĂ©sistible dans sa quĂȘte de bonheur que les femmes attirent au dĂ©triment d’une mĂšre silencieuse et douloureuse, se dessine page aprĂšs page
 Il a Ă©chappĂ© aux tourments de l’Histoire, mais sa propre histoire ne lui laisse aucun rĂ©pit. Son pĂšre, un pĂšre fantasque dĂ©licieux, mais toujours absent, est retrouvĂ© mort et dĂ©coupĂ© en morceaux.


DĂ©sormais, son nom devient un fait divers qu’il masque par le silence pour avancer en bon mĂ©decin, français, bourgeois
 Sa fille, des annĂ©es plus tard, consciente des silences de sa famille termine son enquĂȘte. Il lui faut pour son propre Ă©quilibre dĂ©couvrir les ombres de son pĂšre. Comprendre que naitre juif, mĂȘme sans suivre la religion, c’est avoir toujours peur, mĂȘme en temps de paix ; la porte peut s’ouvrir et un anonyme sera dĂ©signĂ© comme coupable. Et peut importe l’époque, le gouvernement, et le pays, cet anonyme sera juif. Ironie du destin, Gilbert Schneck, brillant mĂ©decin, merveilleux pĂšre, entourĂ© d’amis et de femmes a cru se reconstruire malgrĂ© les guerres de sa vie
 Mais son cƓur n’a pu suivre et c’est d’une insuffisance cardiaque qu’il est parti Ă  58 ans laissant sa fille dans une souffrance intense qu’elle tente d’apaiser par ce livre. Son Ă©criture concrĂšte et rapide nous permet de nous identifier et d’honorer ses grands-parents, puis son pĂšre. Ils ont par leur volontĂ© de devenir français dans cette Ă©poque si trouble notre admiration. EspĂ©rons que ce magnifique hommage Ă  un français issu de parents martyrisĂ©s par le nazisme saura apaiser la plaie de sa fille et que ce livre donnera sens Ă  sa vie. Nous lecteur, il nous aura fait rĂ©flĂ©chir sur notre passĂ© commun et regrettĂ© de ne pas avoir rencontrĂ© l’irrĂ©sistible Gilbert Schneck.

COLOMBE SCHNECK LES GUERRES DE MON PÈRE ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE

LE BILLET THÉÂTRE D'ALEXANDRA DE BROCA FĂ©vrier 2018. Se rendre au thĂ©Ăątre Ă  Paris relĂšve parfois de l’exploit ! Lorsqu’on a bravĂ© les intempĂ©ries (inondations, neige ou encombrements), on se retrouve Ă©puisĂ©e par ce marathon dans une salle surchauffĂ©e ou glacĂ©e
 Et si la piĂšce se rĂ©vĂšle dĂ©cevante, alors on s’aperçoit que son voisin ne sent pas trĂšs bon, que nos genoux cognent dans le dossier du fauteuil de devant et qu’une envie de sortir nous tenaille, alors qu’il n’y a pas d’entracte !

05 MAIS LORSQUE LA PIÈCE EST RÉUSSIE, ALORS NOTRE PLAISIR EST DÉCUPLÉ ET NOTRE SOIRÉE INOUBLIABLE. C’EST CE QUI M’EST ARRIVÉE EN ALLANT AU THÉÂTRE MONTPARNASSE VOIR L’ADAPTATION DU FILM CULTE LE LAURÉAT AVEC ANNE BANCROFT, KATHERINE ROSS ET DUSTIN HOFFMAN. SANS OUBLIER L’ENVOUTANTE MUSIQUE DE SIMON ET GARFUNKEL THE SOUND OF SILENCE ET MRS ROBINSON QUE LA SALLE FREDONNAIT AVEC PLAISIR ET MÉLANCOLIE. LE PITCH DE LA PIÈCE

Pour ceux qui auraient ratĂ© ce bijou de film, voici en quelques mots le sujet repris Ă  l’identique dans la piĂšce : Benjamin, jeune garçon amĂ©ricain revient chez lui, aurĂ©olĂ© du succĂšs de ses Ă©tudes universitaires. Ses parents font une fĂȘte pour leurs amis. La femme du patron de son pĂšre, la toujours sĂ©duisante Madame Robinson entreprend, whisky aidant, de sĂ©duire l’étudiant

maladroit. La liaison va se poursuivre dans un hĂŽtel pendant l’étĂ©. Dans cette relation, les mots n’ont pas leur place. Seul le dĂ©sir sexuel les anime. Mais les parents du jeune homme, dĂ©cidĂ© Ă  orienter la vie de leur fils, ne voient rien de l’idylle et des Ă©tats d’ñme de Benjamin, peu enclin Ă  suivre une vie bourgeoise toute tracĂ©e. Ils l’obligent Ă  inviter Ă  dĂźner la jeune et naĂŻve fille de Madame Robinson. Contre toute attente, les deux tombent


éperdument amoureux. Madame Robinson ne le supportant pas va dévoiler sa liaison. Ce faisant, elle provoque un tsunami dans le milieu bourgeois de la cote estaméricaine des années soixante !

UNE PIÈCE EXCEPTIONNELLE DerriĂšre l’histoire qui peut paraĂźtre aujourd’hui dĂ©modĂ©e, se cache un dilemme qui rend le sujet actuel et la piĂšce exceptionnelle. Comment sortir d’un destin tracĂ© par ses parents ou son mari ? Anne Parillaud a dit dans une interview : Mrs Robinson peut sembler un monstre, mais c’est une victime dont je vais tenter de montrer l’ñme abĂźmĂ©e. Et bien vous avez rĂ©ussi ! Luc Besson a dit qu’il avait avec Nikita donnĂ© un rĂŽle extraordinaire Ă  une actrice ordinaire ! Et bien ce monsieur n’a rien compris. Vous ĂȘtes certes trĂšs belle, terriblement Ă  l’aise avec ce corps mis en valeur par des costumes fĂ©minins en diable, mais votre jeu d’actrice est Ă©poustouflant ! Vous modulez votre voix, vous faites attendre votre rĂ©plique pour qu’elle fasse mouche. Et elle fait mouche ! Vous devenez mĂ©chante, injuste, jalouse, mais vous restez fragile et touchante. Le public vous suit, les hommes et les femmes rient ou commentent Ă  voix haute vos remarques. Votre rĂŽle vous le sublimez grĂące Ă  des partenaires remarquables : Madame Robinson ne seriez-vous pas en train de me sĂ©duire ? s’inquiĂšte Benjamin Braddock alias Arthur Fenwick. D’un adolescent ACTUELLEMENT À L'AFFICHE DEPUIS LE 8 FÉVRIER 2018 MARDI, MERCREDI, JEUDI, VENDREDI ET SAMEDI À 20H30 SAMEDI À 17H30 ET DIMANCHE À 15H30

LE LAURÉAT THÉÂTRE MONTPARNASSE AUCUN MOT INUTILE, DES RÉPLIQUES COURTES ET INCISIVES QUI NOUS FONT À LA FOIS RÉFLÉCHIR, RIRE ET NOUS ÉMEUVENT.

gauche et mutique, ce comĂ©dien se transforme tout en maitrisant une gestuelle spontanĂ©e, en un homme sĂ©duisant et dĂ©terminĂ©. Il faut dire qu’il passe 1h40 Ă  s’habiller et se dĂ©shabiller, selon les dĂ©sirs de Madame Robinson, comme si le public n’existait pas ! Il ne joue pas. Il est Benjamin Braddock. Mention spĂ©ciale Ă  Françoise LĂ©pine qui joue deux rĂŽles : la mĂšre conventionnelle Ă  souhait, bavarde et qui ne sait que passer les petits fours dans ses soirĂ©es. StĂ©phane Cottin, le talentueux metteur en scĂšne, lui offre une seconde apparition jubilatoire en entraineuse de boite de nuit pour notre plus grand plaisir. L’adaptation française de Christopher Thomson me fait penser que le talent est hĂ©rĂ©ditaire et court sur deux gĂ©nĂ©rations. Est-il nĂ©cessaire de rappeler qu’il est le fils de DaniĂšle Thompson et petit fils de GĂ©rard Oury ? Avec lui, tout va vite. Aucun mot inutile, des rĂ©pliques courtes et incisives qui nous font Ă  la fois rĂ©flĂ©chir, rire et nous Ă©meuvent. Les dĂ©cors sobres et discrets s’effacent rapidement nous laissant Ă  peine le temps de fredonner les mĂ©lodies intemporelles de Simon et Garfunkel qui ponctuent l’histoire. Aussi lorsque Benjamin avoue Ă  Madame Robinson, qu’elle est sĂ»rement la femme la plus jolie parmi les amies de sa mĂšre, la salle explose de joie. Cette phrase culte dans le film fonctionne aussi bien au thĂ©Ăątre, et cinquante ans plus tard, car servi par une multitude de talents. Un grand merci Ă  tous pour cette soirĂ©e rare.


mars 2018

Dans l'Ipod de...

#7

Les 5 disques incontournables de notre invité du mois.

Son nouveau disque

La musique, c'est la vie !

Henri

Demarquette

violoncelliste Par Quentin Haessig Photos : © Yannick Perrin.


Bach, variations Goldberg par Glenn Gould (version de 1953)

Glenn Gould apparait dans un des premiers disques de sa carriÚre comme une météorite. Il révolutionne Bach, le piano transforme notre vision de la musique et nous mÚne à la plus haute spiritualité.

Beethoven, intégrale des quatuors à cordes par le Quartetto Italiano.

Toute la vie de Beethoven, tout son art et sa modernitĂ© sont retracĂ©s dans la saga de ses quatuors Ă  cordes. Le gĂ©nie de la composition est tel que l’on se sent meilleur Ă  leur Ă©coute.


lfc magazine #7

mars 2018

Nusrat Fateh Ali Khan,

Pink Floyd, The Wall.

Greatest Hits.

La musique de Nusrat Fateh Ali Khan dans la pure tradition pakistanaise est une véritable ivresse et une porte vers des traditions mystérieuses.

De la grande musique Ă  emmener sur l’üle dĂ©serte !

Berlioz, Les Nuits d’étĂ© par RĂ©gine Crespin et l’Orchestre de la Suisse Romande dirigĂ© par E. Ansermet

Le spectre de la rose, le bel inconnu, j’ai traversĂ© les ponts de CĂ©, sont autant de chefs d’Ɠuvres de la grande mĂ©lodie française. RĂ©gine Crespin a une voix, un phrasĂ©, un style Ă  mourir un petit peu chaque jour.


LFC MAGAZINE

Carole Serrat LA SOLUTION ANTISTRESS CLÉ EN MAIN ENTRETIEN EXCLUSIF

#7


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INTERVIEW

CAROLE SERRAT PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : CAROLE SERRAT

Carole Serrat est la sophrologue qui vous veut du bien. Seulement du bien. Elle publie Ma sophrologie antistress (Leduc.s), la boĂźte Ă  outils pour mieux vivre et surtout rĂ©pondre Ă  toutes les angoisses de la vie quotidienne. Rencontre. LFC : Vous publiez Ma sophrologie antistress en janvier. C’est un trĂšs bon timing car avec l’hiver, la pluie, les jours sombres, on se sent au ralenti. Que peut-on faire pour se motiver ? CS : Pour se motiver, rien ne vaut la luminothĂ©rapie ! La luminothĂ©rapie est un moyen efficace pour lutter contre la dĂ©pression saisonniĂšre, les troubles du sommeil et les dĂ©calages horaires. Le but est de s’exposer de prĂ©fĂ©rence le matin, durant trente minutes, Ă  une lampe spĂ©ciale de luminothĂ©rapie, afin que la rĂ©tine puisse envoyer un signal Ă  la glande pinĂ©ale qui est responsable des cycles de veille et de

sommeil. En hiver, le manque de lumiĂšre affecte en effet notre horloge biologique. La glande pinĂ©ale, ne recevant pas de signal, continue Ă  produire de la mĂ©latonine, l’hormone du sommeil. VoilĂ  pourquoi on se sent fatiguĂ© : on dort mal, on est triste et sans Ă©nergie. Le principe de la luminothĂ©rapie consiste Ă  rĂ©Ă©quilibrer tout cela, en bloquant la production de mĂ©latonine. On retrouve alors son Ă©nergie, sa joie de vivre et un meilleur sommeil.

Bon Ă  savoir Les ampoules sont protĂ©gĂ©es contre les ultraviolets et les infrarouges. Il n’y a aucun risque pour les yeux, ni pour la peau. Autre dĂ©clinaison de la luminothĂ©rapie, les simulateurs d’aube, pour un rĂ©veil naturel et en douceur. Leur intĂ©rĂȘt est de reproduire le lever


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INTERVIEW

Mon conseil Sortez tous les jours, mĂȘme en hiver, pour capter la lumiĂšre naturelle. Le dĂ©ficit de lumiĂšre en hiver aurait pour effet de faire chuter le taux de sĂ©rotonine et inciterait par rĂ©action Ă  la consommation de sucres et de fĂ©culents. ` et le coucher du soleil. Cela vous permettra de vous rĂ©veiller tout en douceur. Le rĂ©veil d’aube est trĂšs utile, si vous avez du mal Ă  sortir de votre lit le matin, si vous avez des baisses de rĂ©gime, quand les jours raccourcissent et si vous avez du mal Ă  vous endormir. LFC : Ce manuel parle de tous les tracas du quotidien. C’est-Ă -dire ? JPB : En effet, le stress provoque de nombreux tracas : fatigue, irritabilitĂ©, colĂšre, problĂšmes de sommeil, de concentration, de mĂ©moire, de digestion, de circulation, une baisse du systĂšme immunitaire. Dans ce manuel, je donne des conseils pour vaincre tous ces tracas, mais aussi pour bien se rĂ©veiller, dĂ©stresser dans les

embouteillages, se dĂ©tendre au bureau, un lieu qui peut ĂȘtre pour certains une grande source de stress. Je m’adresse Ă©galement aux femmes enceintes, car j’ai la chance de les accompagner durant leur grossesse Ă  La Clinique de la Muette, Ă  la MaternitĂ© des Lilas et Ă  l’HĂŽpital Bichat. Je leur propose des exercices pour bien respirer au quotidien et pour le jour J vivre leur accouchement en confiance. Je n’oublie pas les Ă©tudiants qui ont besoin d’outils pour apprendre Ă  mieux se concentrer, augmenter leur Ă©nergie et leur confiance avant un examen. Je propose aux lecteurs de dĂ©velopper la pensĂ©e positive en apprenant Ă  identifier et Ă©liminer les vieilles rengaines de leur juke-box intĂ©rieur. Je ne vais pas y arriver. Je suis nul. En valorisant vos aptitudes propres : je suis imaginatif, crĂ©atif, rigoureux, etc. LFC : Ce livre est gĂ©nĂ©reux en exercices. Comment avez-vous imaginĂ© cette boĂźte Ă  outils ? CS: Tout simplement en rĂ©pertoriant les besoins essentiels que l’on a tous au quotidien : respirer, se dĂ©tendre, dĂ©nouer ses tensions, prendre du recul, lĂącher prise, gĂ©rer son stress, bien dormir. Se prĂ©parer aux Ă©preuves, aux examens, Ă  la prise de parole en public. Lorsque l’on apprend Ă  dĂ©stresser, on devient plus calme, plus serein et bien mieux dans sa peau malgrĂ© les difficultĂ©s et les Ă©preuves.

Je pense que c'est sain pour tout le monde d'ĂȘtre en contact avec son enfance. À moins, bien sĂ»r, que les adultes agissent comme des enfants.


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LFC : Dans votre sophrologie, la musique est trĂšs importante. Racontez-nous votre collaboration avec Laurent Stopnicki. CS : Laurent compose, adapte la musique puis la synchronise aux textes et Ă  ma voix. Laurent Stopnicki : Nous avons effectuĂ© depuis plusieurs annĂ©es un travail de recherche trĂšs personnel sur les sons, les timbres, en Ă©tudiant l'influence des vibrations sonores sur les Ă©motions. La musique a un effet Ă©vident sur les ĂȘtres humains. CS : Platon puis Aristote la considĂ©raient dĂ©jĂ  comme indispensable Ă  la bonne santĂ© mentale. Des expĂ©riences ont par ailleurs prouvĂ© que les vibrations sonores agissent sur la croissance et la santĂ© des cellules vĂ©gĂ©tales. De rĂ©centes Ă©tudes montrent mĂȘme qu’au moyen de sons dĂ©terminĂ©s, on peut provoquer des changements dans le mĂ©tabolisme et dans la biosynthĂšse de diffĂ©rents Ă©lĂ©ments fondamentaux de la vie. On sait enfin aujourd’hui que certaines frĂ©quences

INTERVIEW

musicales entrent en rĂ©sonance avec celles de notre systĂšme nerveux et procurent une sensation d'apaisement et de bien-ĂȘtre. C'est ainsi qu'il a Ă©tĂ© prouvĂ© scientifiquement que la musique influence la capacitĂ© de travail et retarde l'apparition de la fatigue, qu'elle facilite la digestion, la respiration, la circulation sanguine et amĂ©liore le rendement cardiaque. Elle induit un Ă©tat de dĂ©tente, de relaxation et de prĂ©-sommeil. On vit dans un monde technologique, Ă©lectromagnĂ©tique, chimique, un monde d’urgence qui nous dĂ©centre crĂ©e en nous des dissonances, des troubles, y compris au niveau cellulaires La musique nous dĂ©toxe, nous rĂ©harmonise avec nous-mĂȘmes.


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L'AMOUR SOLIDE #7

#Optimisme

Nathalie Migeot et Sofiane


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INTERVIEW

NATHALIE MIGEOT ET SOFIANE PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : ASTRID DI CROLLALANZA

Nous sommes heureux Ă  la rĂ©daction de vous prĂ©senter Nathalie et Sofiane, deux hĂ©ros ordinaires, deux combattants et surtout deux personnes heureuses de vivre... MalgrĂ© les obstacles. Rencontre poignante. LFC : Nathalie et Sofiane, on se rencontre aujourd’hui pour parler du livre Sofiane, l’amour en grand disponible aux Éditions Robert Laffont. Un titre qui porte votre prĂ©nom Sofiane, vous ĂȘtes le hĂ©ros ! Sofiane : Je crois que nous sommes tous les deux les hĂ©ros de ce livre. C’est l’histoire de notre complicitĂ© et de tout ce que l’on partage au quotidien. Nathalie : J’avais trĂšs envie de raconter notre histoire. Je lui avais posĂ© la question pour savoir s’il Ă©tait d’accord. Au dĂ©but, il Ă©tait un peu rĂ©ticent, mais finalement, j’ai rĂ©ussi Ă  le convaincre. Sofiane m’a dit que ce livre pouvait ĂȘtre une bonne idĂ©e.

LFC : Sofiane, pourquoi penses-tu aujourd’hui que ce livre pourrait ĂȘtre une bonne idĂ©e ? Sofiane : C’était important de faire passer un message d’optimisme aux mamans qui sont dans le mĂȘme cas que la mienne. Je trouve cela extraordinaire de l’avoir fait. Il est important de rassurer les mamans. LFC : Comme l’a dit Nathalie, ta maman, cela n’a pas Ă©tĂ© un oui tout de suite. Avais-tu peur ?

Sofiane C’est important de faire passer un message d’optimisme aux mamans qui sont dans le mĂȘme cas que la mienne. Je trouve cela extraordinaire de l’avoir fait. Il est important de rassurer les mamans. Sofiane : Ce n’est pas toujours facile de raconter sa vie privĂ©e devant tout le monde. C’est surtout cela que je craignais. Mais finalement, aprĂšs rĂ©flexion, je me suis dit que les gens n’y prĂȘteraient pas forcĂ©ment attention.


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INTERVIEW

Nathalie Quand on connaĂźt la valeur de la vie et que l’on connaĂźt le courage et la façon de penser de Sofiane, on n’a pas le droit de se plaindre. J’ai toujours Ă©levĂ© Sofiane avec cet Ă©tat d’esprit, mĂȘme si je crois qu’il a acquis lui-mĂȘme cette philosophie de vie trĂšs tĂŽt. LFC : Comment est nĂ©e l’idĂ©e d’écrire ce livre Nathalie ? Nathalie : Un jour, nous avons rencontrĂ© Michel Drucker qui m’a demandĂ© pourquoi je ne raconterais pas notre histoire dans un livre. J’y avais dĂ©jĂ  pensĂ©. Mais je n’étais jamais passĂ© Ă  l’acte. Je ne pensais pas que des gens allaient s’intĂ©resser Ă  notre vie. Ce n’est pas une vie comme les autres. C’est une histoire forte et puissante. Suite Ă  cette idĂ©e, j’ai Ă©tĂ© tentĂ© par le projet et Michel Drucker a pu nous mettre en relation avec l’éditrice qui est venue nous voir Ă  Marseille avec Pascale Leroy, ma coauteure. L’écriture de ce livre a Ă©tĂ© un vrai travail d’équipe. À travers ce livre, j’ai voulu passer un message fort aux mamans qui sont dĂ©pressives, Ă  cause de leurs enfants qui

sont dans la mĂȘme situation que Sofiane. Les enfants ont besoin de voir leur maman forte pour eux aussi l’ĂȘtre. Il y a toujours de l’espoir. MĂȘme si Sofiane est en situation de handicap, cela ne nous empĂȘche pas de voyager, de rigoler. Nous vivons exactement de la mĂȘme maniĂšre que les autres sauf que Sofiane est assis. Sofiane : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. LFC : Cette phrase rĂ©sonne souvent en toi Sofiane ? Sofiane : Oui, c’est une phrase qui me permet de tenir. MĂȘme si ce n’est pas facile tous les jours, il n’y a pas plus beau que d’ĂȘtre en vie. Nathalie : Quand on connaĂźt la valeur de la vie et que l’on connaĂźt le courage et la façon de penser de Sofiane, on n’a pas le droit de se plaindre. J’ai toujours Ă©levĂ© Sofiane avec cet Ă©tat d’esprit, mĂȘme si je crois qu’il a acquis lui-mĂȘme cette philosophie de vie trĂšs tĂŽt. LFC : Votre maladie s’appelle la myopathie de Duchenne. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Nathalie : C’est une maladie gĂ©nĂ©tique qui touche les muscles. Plus le temps passe et plus les muscles se dĂ©gradent. Sofiane a perdu l’usage de ses jambes Ă  l’ñge de sept ans. De sept ans Ă  douze ans, il ne pouvait se servir que du haut de son corps avec peu de force. Aujourd’hui, il n’y a plus que la tĂȘte et le pouce qui peuvent bouger. Sofiane ne s’est jamais senti prisonnier de son corps. Il va Ă  l’universitĂ© tous les jours.

Sofiane Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.


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INTERVIEW On entend trĂšs souvent que les infirmiĂšres sont formidables, mais vous rappelez dans votre tĂ©moignage que ce n’est pas toujours le cas. Nathalie : Nous sommes parfois tombĂ©s sur des infirmiĂšres qui se sont trompĂ©es de mĂ©tier. Lorsque l’on est infirmiĂšre, il faut vraiment s’adapter Ă  chaque cas. Chaque situation est diffĂ©rente, voire unique. Sofiane : Parfois, il m’arrivait de souffrir le martyre et je sentais que cela les dĂ©rangeait de venir. Tout n’a pas toujours Ă©tĂ© facile. LFC : Vous avez un parcours hallucinant et c’est vraiment une chance pour nous de vous rencontrer. Que pensez-vous de cette remarque ?

Sofiane : Je suis en derniĂšre annĂ©e de licence. J’espĂšre avoir mon deuxiĂšme semestre pour passer en Master droit privĂ© et sciences criminelles. LFC : À qui adressez-vous ce livre ? Sofiane : Nous l’adressons aux mamans, aux personnes malades et Ă  toutes les personnes en gĂ©nĂ©ral. Il faut profiter de chaque instant de vie, peu importe sa situation. Nathalie : Nous exprimons Ă©galement un petit message sournois Ă  toutes les administrations qui vous font galĂ©rer pour des papiers. Je crois que les parents qui sont dans la mĂȘme situation que nous n’ont pas besoin de cela. Sofiane a besoin d’un transport individuel et cela faisait deux ans que j’avais envoyĂ© un certificat mĂ©dical transport, ils viennent de nous en redemander un alors que la situation de Sofiane n’a pas changĂ©. Et ne changera malheureusement jamais. Quand vous voyez des personnes malades ou des enfants malades et que vous remarquez que certaines personnes leur mettent des bĂątons dans les roues, c’est assez rageant ! Sofiane : Heureusement que l’on est fort d’esprit. Vraiment. LFC : Dans votre livre, vous dites quelque chose qu'on entend peu. Parfois, Sofiane n’est pas forcĂ©ment bien traitĂ© par les infirmiĂšres, il est mal gĂ©ré  Certaines personnes oublient que ce n’est pas parce que Sofiane a un problĂšme de santĂ© physique qu’il a perdu la tĂȘte. Cela l’agace.

Nathalie : J’allais dire le contraire. Nous avons de la chance que des gens s’intĂ©ressent Ă  notre histoire, cela nous fait trĂšs plaisir. C’est aussi la rĂ©action que j’ai eue quand Michel Drucker m’a dit que cette histoire ferait un super livre. Sofiane : Michel Drucker nous avait dit la mĂȘme chose. Lui et sa femme nous ont toujours soutenus. C’est une belle personne. C’est quelqu’un qui aime beaucoup les gens et qui n’en parle pas. Nous avons eu la chance de rencontrer Jamel Debbouze et CĂ©line Dion grĂące Ă  lui. LFC : Sofiane, aujourd’hui comment vastu ? Sofiane : Tout va bien, la maladie est stable. MĂȘme au niveau social ou Ă  l’universitĂ©, tout se passe trĂšs bien. Mais il faut s’accrocher, car c’est fatigant, c’est une vie rapide. Nathalie : Nous avons la chance de connaĂźtre la valeur de la vie, car Sofiane est passĂ© plusieurs fois prĂšs de la mort. Il ne faut pas oublier que la vie est belle.


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Ćœanna SƂoniowska LA FICTION D'UNE VIE ENTRETIEN EXCLUSIF


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INTERVIEW

ĆœANNA SÈœONIOWSKA PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : ADRIAN BLACHUT ET AGNIESZKA SKAWIANCZYK

Premier roman du nouveau dĂ©partement littĂ©rature du groupe Delcourt, Ćœanna SƂoniowska nous accorde 30 minutes d'entretien lors de son passage Ă  Paris, pour nous prĂ©senter son roman Une ville Ă  cƓur ouvert. Entretien. LFC : Bonjour Ćœanna SƂoniowska, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre Une ville Ă  cƓur ouvert (Delcourt LittĂ©rature). Comment est nĂ©e l’idĂ©e d’écrire ce livre ? ĆœS : Je suis nĂ©e Ă  Lviv dans l’Ukraine de l’Est. La ville est dĂ©sormais ukrainienne, mais elle fut polonaise par le passĂ©. Il y a eu Ă©normĂ©ment de changements au cours de l’histoire. Que ce soit l’occupation nazie, l’empire hongrois, l’Union soviĂ©tique. Les gens ne changeaient pas d’endroit, mais la ville n’appartenait jamais aux mĂȘmes personnes. Cela a durĂ© pendant des siĂšcles et des siĂšcles, avant que le pays ne

devienne indĂ©pendant. Lorsque j’étais petite, j’avais l’impression que mon pays Ă©tait un pays multiculturel. De nombreuses langues Ă©taient parlĂ©es. La situation me paraissait normale. Je suis ensuite partie vivre en Pologne, et c’est une fois lĂ -bas que je me suis demandĂ© d’oĂč je venais, pour quelles raisons il s’était passĂ© tout cela dans mon pays. C’est Ă  partir de lĂ  que j’ai commencĂ© Ă  vouloir raconter tout cela dans ce roman. LFC : Finalement, la ville d’oĂč l’on vient est plus importante que la nationalité  ĆœS : C’est une question compliquĂ©e. Je viens d’une famille avec diffĂ©rentes origines. Pendant la pĂ©riode de l’Union soviĂ©tique, la nationalitĂ© Ă©tait quelque chose que l’on ne montrait pas forcĂ©ment. AprĂšs cette pĂ©riode de l’histoire, les gens parlaient plusieurs langues. Les Ukrainiens l’ont assez mal vĂ©cu. Nous avons eu beaucoup de changements et de questionnements sur l’identitĂ©. Étant jeune, j’essayais pour ma part de trouver ma voie dans ce contexte. Il Ă©tait difficile de se faire des amis. J’ai grandi avec des enfants juifs qui ont ensuite dĂ» quitter l’Union soviĂ©tique. Nous Ă©tions Ă©galement Ă©levĂ©s avec la culture et le langage russe, ce qui ne facilitait pas les choses. Vivre Ă  Lviv a Ă©tĂ© trĂšs formateur.


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INTERVIEW

Comme la ville, ce livre a plusieurs facettes. Lorsque l’on marche dans cette ville et que l’on connait son histoire, je crois que tous ces thĂšmes jaillissent. LFC : Un des personnages principaux de votre livre est la ville de Lviv qui change de nom au cours de l’histoire. ĆœS : Lviv a Ă©tĂ© une ville polonaise, son nom ne change pas dans cette langue. En revanche, lorsque le livre a Ă©tĂ© traduit dans plusieurs langues, les traducteurs ont eu du mal Ă  trouver une traduction pour la ville. Ils ont donc dĂ©cidĂ© de choisir diffĂ©rents noms. LFC : De nombreux thĂšmes dans votre livre sont abordĂ©s : l’art, la politique, les femmes
 ĆœS : Comme la ville, ce livre a plusieurs facettes. Lorsque l’on marche dans cette ville et que l’on connait son histoire, je crois

que tous ces thĂšmes jaillissent. Chaque lieu, chaque monument, chaque route a une signification particuliĂšre pour chacun des habitants. Ma tĂȘte Ă©tait remplie de choses que j’ai accumulĂ©es au cours des annĂ©es. Que ce soit des traditions, des histoires de mes amis, des inspirations littĂ©raires
 J’ai simplement voulu rassembler tout cela. LFC : Cette fiction est-elle un roman fĂ©minin ? ĆœS : De nombreuses femmes sont dans ce livre. Mais je crois avoir retranscrit ce que j’ai vu tout au long de ma jeunesse. J’ai crĂ©Ă© des personnages auxquels je m’intĂ©ressais. Je ne m’en suis pas rendu compte pendant l’écriture. C’est seulement lorsque le livre est sorti que l’on m’a dit qu’il y avait trĂšs peu d’hommes. Mais ce n’était pas volontaire. J’étais d’ailleurs assez surprise en me relisant. Cependant, il y a un homme et il est trĂšs important.

C’est seulement lorsque le livre est sorti que l’on m’a dit qu’il y avait trĂšs peu d’hommes. Mais ce n’était pas volontaire. J’étais d’ailleurs assez surprise en me relisant.


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LFC MAGAZINE #7

LFC : Êtes-vous fĂ©ministe ? ĆœS : Oui et non. C’est assez complexe. Je pense que les femmes ont eu un rĂŽle trĂšs important aprĂšs la guerre et pendant la pĂ©riode soviĂ©tique. Les hommes Ă©taient morts, emprisonnĂ©s, alcooliques ou mĂȘme dĂ©pressifs, et donc trĂšs peu prĂ©sents. C’est ce dont je me souviens. Les femmes Ă©taient seules et devaient Ă©lever les enfants tout en montrant une certaine force de caractĂšre.

INTERVIEW

LFC : On termine cet entretien avec une derniĂšre question. Les lecteurs français vont dĂ©couvrir votre livre. Qu’aimeriez-vous qu’ils retiennent de votre livre ? ĆœS : C’est une bonne question, il est difficile d’y rĂ©pondre. Je crois que si le lecteur devait retenir une couleur, un souvenir ou une idĂ©e, la meilleure mĂ©taphore serait de dire que ce livre ressemble Ă  un monument en plusieurs parties. Certaines dĂ©truites, certaines jolies, certaines complexes
 Mais tous ces Ă©lĂ©ments font partie du monument. Chacun pourra y voir un symbole diffĂ©rent.


LFC MAGAZINE

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MARS 2018

LUKAS BÄRFUSS PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA

REGARD ACÉRÉ SUR LES TRAVERS DE NOTRE SOCIÉTÉ


De passage Ă  Paris, Lukas BĂ€rfuss nous rejoint dans le studio photo de notre pour une jolie S E L I N Aphotographe RICHARDS prise de vue et ensuite nous parler de son nouveau roman "Hagard". Entretien.

LFC : Bonjour Lukas BĂ€rfuss, nous nous

LB : Comme tout narrateur, il ne parvient pas Ă 

rencontrons pour parler de votre livre

entrer dans la psychologie de ce personnage.

Hagard (Éditions ZOÉ). Nous avons lu en

J’ai toujours pensĂ© que c’était un peu tricher

préparant cette interview que certains

que de rentrer dans le cerveau de quelqu’un.

définissent ce livre comme une grande

On ne peut jamais réellement savoir qui sont

nouvelle. Le définiriez-vous comme cela ou

les personnages. Tout ce qu’il peut faire, c’est

plutĂŽt comme un roman ?

Ă©crire ce qu’il voit. Mais cela ne dĂ©voile jamais le secret de Philippe. La question est de savoir

LB : Je le définirais plutÎt comme un roman. Le

pourquoi il agit de cette façon.

roman contemporain est en pleine crise. C’est

42

pour cela qu’il faut absolument le mettre à la

LFC : Pourquoi avez-vous dĂ©cidĂ© d’explorer

hauteur de notre temps, de notre siùcle. C’est

le personnage de Philippe Ă  travers ce

ma proposition, ma démarche littéraire.

narrateur ?

LFC : Dans ce livre, vous faites intervenir un

LB : Je ne dirais pas pourquoi, mais je dirais

narrateur qui nous parle d’un personnage

plutĂŽt comment. Nous vivons dans une

nommĂ© Philippe. D’entrĂ©e de jeu, il place le

Ă©poque oĂč chacun essaye de nous raconter

contexte en nous expliquant qu’il ne

une histoire. Que ce soit les entreprises, les

comprend pas pourquoi Philippe se trouve

hommes politiques
 Les entreprises ont

dans cette situation. Le narrateur nous livre

compris qu’elles ne vendent pas seulement un

son sentiment en s’exprimant de maniùre

produit, mais une histoire. C’est le concept du

trĂšs franche.

storytelling. J’ai reçu plusieurs demandes pour


faire des workshops, mais j’ai toujours refusĂ©. Je crois que ce n’est pas bien d’exploiter l’art. Aujourd’hui, il y a trop de fiction. La ligne entre la rĂ©alitĂ© et le mensonge est devenue vraiment quelque chose de SELINA compliquĂ©. Je ne sais pas si mes livres sont fictionnels, car j’essaye d’écrire ce qui se passe Ă  l’intĂ©rieur de ma conscience, Ă  travers l’imagination et la reprĂ©sentation.

Je ne sais pas si mes livres sont fictionnels, car j’essaye d’écrire ce qui se passe Ă  de ma R I C H l’intĂ©rieur ARDS conscience, Ă  travers l’imagination et la reprĂ©sentation.

LFC : Le narrateur parle de Philippe, mais aussi de nombreux détails qui démontrent

LB : Je crois qu’il faut toujours couper ce

que sa vie a basculé. Et cela tient à une

dont nous n’avons pas besoin dans un

silhouette, à une ballerine bleu prune


livre. Nous avons autre chose Ă  foutre que de lire des pages inutiles. Je crois

LB : Nous sommes tous captivés par les

que je suis dans la tradition d’Edgar

objets. Ils nous entourent. Ils font nos vies.

Allan Poe qui dit que le lecteur ne doit

Ce sont les objets qui vont nous quitter au

pas dĂ©crocher du livre avant d’arriver Ă 

moment oĂč nous quittons dĂ©finitivement la

la fin du rĂ©cit. Le fait qu’il puisse

vie. Parfois, il y a plus d’histoire dans les

décrocher de mon livre peut me blesser.

objets que dans ses propriĂ©taires. J’ai trouvĂ©

Je veux que le livre soit le centre de

intĂ©ressant d’exploiter les ballerines, car les

l’univers pendant un certain temps.

chaussures ont toujours eu un symbole particulier. C’est aussi le symbole du

LFC : Philippe est un personnage

fétichisme, qui remplace toujours quelque

stable selon le narrateur. Il va ĂȘtre

chose qui est absent. Et je me pose toujours

attirĂ© par cette silhouette jusqu’à se

la question de ce qui est absent.

faire embarquer pendant trente-six heures jusqu’à oublier ses contraintes

LFC : Le lecteur est happé par le

personnelles et professionnelles. Se

personnage de Philippe pendant trente-

perd-il ?

six heures, ce qui donne un roman trĂšs

43

concis, peu bavard et trĂšs exaltant alors

LB : Philippe ne perd pas tout. Certes, il

que ce n’est pas un thriller


perd sa vie bourgeoise, ses chaussures,


L U K A S

B Ä R F U S S

LE FAIT DE PERDRE DES CHOSES VOUS REND CLAIRVOYANT.

Nous avons autre chose Ă  foutre que de lire des pages inutiles. Je crois que je suis dans la tradition d’Edgar Allan Poe qui dit que le lecteur ne doit pas dĂ©crocher du livre avant d’arriver Ă  la fin du rĂ©cit. Le fait qu’il puisse dĂ©crocher de mon livre peut me blesser. Je veux que le livre soit le centre de l’univers pendant un certain temps.


son portefeuille
 Mais je ne crois pas qu’il perde beaucoup de choses, il en gagne aussi. Le fait de perdre des choses vous rend clairvoyant. Vous faites plus attention à ce qu’il y a autour de vous.

SELINA LFC : Votre personnage se laisse petit Ă  petit envahir par le dĂ©sir. Qu’en pensez-vous ? LB : Le dĂ©sir, je ne sais pas. C’est le dĂ©sir pour

Ces machines créent un R I C H A R D isolement. S Tout cela fait partie de la culture du capitalisme.

quelque chose surtout. On ne peut pas dĂ©finir exactement ce qu’il veut. Le dĂ©sir est un thĂšme trĂšs complexe qui a Ă©tĂ© utilisĂ© par les plus grands Ă©crivains, mais qui reste toujours assez

LFC : Hagard, c’est le titre du livre et nous

mystérieux.

avons le sentiment qu’il y a plusieurs significations. Qu’en pensez-vous ?

LFC : Le portable du personnage, au fur et à mesure des trente-six heures, se décharge et

LB : Oui, c’est vrai que c’est dangereux. Cela

cela vous amĂšne Ă  faire une critique sur le fait

peut créer des malentendus. Le mot existe

que nous sommes trĂšs addicts Ă  nos

aussi en allemand. C’est un terme qui vient

technologies.

de la fauconnerie, de la chasse aux oiseaux.

Hagard est un spĂ©cimen d’oiseau qui porte LB : Je pense que l’on peut voir cela d’une autre

déjà des plumes et qui se fait ensuite

maniÚre. Notre dépendance à toutes ces

apprivoiser. Ce sont des oiseaux qui sont trĂšs

machines est devenue vraiment trĂšs importante.

bons pour la chasse. Ils savent comment se

DerniĂšrement, je me suis retrouvĂ© dans la mĂȘme

jeter sur la proie, mais ils sont trĂšs instables.

situation que Philippe. Comme tout le monde,

C’est pour cela que le terme en français

nous avons tous vĂ©cu cela. J’avais rendez-vous

signifie partir dans tous les sens.

quelque part, mais je n’avais plus de batterie. Nous ne savons pas oĂč l’on se trouve, nous ne

LFC : Travaillez-vous actuellement sur un

savons plus oĂč nous devons nous rencontrer.

autre projet ?

Ces machines créent un isolement. Tout cela fait

45

partie de la culture du capitalisme. C’est comme

LB : Tout Ă  fait. En mars, deux nouveaux

lorsque vous prenez le train, c’est le silence total

livres sont Ă  paraĂźtre. Un nouveau recueil et

dans les wagons. Et parfois, ce silence me fait

un beau livre en collaboration avec un artiste

peur.

qui imprime des animaux.


LFC MAGAZINE

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#7

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MARS 2018

ALEXANDER MAKSIK PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA

UN LIVRE SENSUEL QUI PARLE D'AMOUR


AprĂšs "La Mesure de la dĂ©rive", nous rencontrons de nouveau Alexander Maksik au cƓur de Paris pour nous parler en exclusivitĂ© de S E L son I N A roman R I C H A R "L'Oiseau, DS le goudron et l'extase" (Belfond). Entretien.

LFC : Bonjour Alexander Maksik, nous

un homme dans le parking d’une

nous étions rencontrés en 2014 pour

quincaillerie à l’aide d’un marteau. D’autre

votre livre La mesure de la dérive paru

part, ce meurtre a eu lieu le mĂȘme Ă©tĂ© oĂč Joe

chez Belfond. Aujourd’hui, nous nous

a rencontrĂ© l’amour de sa vie, Tess.

voyons pour la sortie de votre livre

L’oiseau, le goudron et l’extase (Belfond).

LFC : Comment est nĂ©e l’idĂ©e de raconter

Dùs qu’on lit ce livre, on s’aperçoit que le

cette histoire ?

titre est trĂšs important. AM : J’ai toujours voulu Ă©crire un livre sur le AM : Je l’espĂšre. Ce n’est pas du tout le

thĂšme de la bipolaritĂ© et de l’amour. Dans ce

mĂȘme titre qu’aux États-Unis. Il n’a pas la

livre, j’ai choisi d’inverser les rîles entre les

mĂȘme signification. Le titre français est une

hommes et les femmes. Les hommes

phrase extraite du roman. Je pense qu’il est

endossent des rĂŽles classiques. Ils ne sont

trÚs efficace et trÚs mystérieux.

pas beaucoup mis en avant. Les femmes ont un rĂŽle de cow-boys, de policiers. Je

LFC : On va tĂącher de ne pas abĂźmer le

souhaitais mettre les femmes en avant.

suspense aux lecteurs et plutĂŽt se concentrer sur Joe, votre personnage

LFC : Qu’avez-vous appris en faisant cela ?

principal qui va vivre deux événements importants avec deux femmes. Pouvez-

AM : J’ai beaucoup d’admiration pour les

vous nous en dire plus ?

femmes. C’était trĂšs intĂ©ressant de suivre leurs parcours en tant que femmes

AM : Oui en effet. D’une part, sa mĂšre a tuĂ© 47

indĂ©pendantes. J’aime le fait que ces


femmes aient la capacitĂ© d’ĂȘtre violentes, agressives
 C’était une expĂ©rience trĂšs enrichissante. LFC : Pouvez-vous prĂ©senter Joe Ă  nos lecteurs ?

SELINA AM : Joe est quelqu’un de sensible, de vulnĂ©rable et d’erratique. Certains jours, il est trĂšs excitĂ©, trĂšs alerte et plein de vie et

L’expĂ©rience de mon personnage principal n’est pas trĂšs Ă©loignĂ©e de la mienne. Je connais cette maladie RICHARDS qui est trĂšs prĂ©sente au sein de ma famille.

d’autres jours, il est complĂštement dĂ©pressif. Il souffre de bipolaritĂ©.

humeurs de mes personnages.

LFC : Ce qui est bien fait dans votre livre,

LFC : Vous avez construit votre livre en

c’est que l’on suit les ups et les downs de

petits chapitres, ce qui rend le livre trĂšs

Joe. Comment avez-vous travaillé la

dynamique avec un rythme trĂšs soutenu.

psychologie de ce personnage ? AM : C’est exactement ce que je voulais. J’ai AM : L’expĂ©rience de mon personnage

Ă©crit mon livre comme si j’avais composĂ© un

principal n’est pas trĂšs Ă©loignĂ©e de la

morceau de musique. Chaque chapitre, sans

mienne. Je connais cette maladie qui est

ĂȘtre trop prĂ©tentieux, ressemble Ă  une

trÚs présente au sein de ma famille. Mon

chanson et incarne un jour de la vie de Joe. Il

grand-pÚre et mon oncle se sont suicidés à

y a une musicalité avec les mots, avec les

cause de celle-ci. J’ai voulu partager mon

phrases. J’ai travaillĂ© ce livre comme un

histoire. Je me suis vraiment calqué sur les

tableau, en cherchant les différentes

humeurs de Joe. Lorsque j’allais bien,

couleurs, les différentes humeurs.

j’écrivais des passages du livre oĂč Joseph Ă©tait enthousiaste, et inversement, quand je

LFC : C’est trĂšs malin d’avoir procĂ©dĂ© de

n’allais pas trĂšs bien, j’écrivais des

cette façon. Vous vous intéressez

passages oĂč Joe Ă©tait plutĂŽt dĂ©pressif.

beaucoup Ă  la psychologie de vos personnages, ce qui donne un livre

LFC : Vous proposez aux lecteurs une

attrayant et entraĂźnant. On a toujours

histoire qu’ils vont s’approprier, mais qui

envie d’aller au chapitre suivant. Vous

pourtant vous ressemble beaucoup.

avez pensé ce livre en différents plans, en différents axes. Racontez-nous.

AM : Oui, c’est vrai. MĂȘme si ce n’est pas totalement mon histoire, je comprends les 48

AM : HonnĂȘtement, je n’étais pas sĂ»r de moi


A L E X A N D E R

M A K S I K

UN ROMAN DE SOUFFRANCE

C’est une histoire d’amour, mais d’amour familial. C’est aussi une histoire d’amour romantique.


La nature est importante. Je suis quelqu’un de trĂšs sensible et de trĂšs sensuel. J’aime sentir la nature autour de moi. Pour Joe aussi, c’est important. C’est quelqu’un de trĂšs isolĂ© qui a besoin de trouver de la paix dans la nature. Comme vous l’avez dit, la nature SELINA RICHARDS est un personnage. en adoptant ce rythme. J’ai beaucoup

LFC : La nature a un rĂŽle

recommencé. La solution pour moi a été de

important dans votre livre.

suivre les humeurs de Joe. Je voulais ĂȘtre fidĂšle

Lorsque vos personnages

Ă  sa maladie.

vont mal, ils se raccrochent Ă  la nature. Elle est lĂ  pour

LFC : Ce livre a-t-il été éprouvant à écrire ?

les aider, pour les soulager.

AM : Oui, cela a été difficile. La violence et la

AM : Personnellement, je crois

bipolaritĂ© sont des thĂšmes trĂšs pesants. J’ai

que la nature est importante.

voulu vivre Ă  travers le livre, Ă  travers les

Je suis quelqu’un de trùs

personnages. Ce n’est pas une histoire qui est

sensible et de trĂšs sensuel.

tout le temps joyeuse. Mais c’est important pour

J’aime sentir la nature autour

moi de ressentir ce que j’écris. Je ne suis pas un

de moi. Pour Joe aussi, c’est

Ă©crivain qui Ă©crit de maniĂšre abstraite. Certes,

important. C’est quelqu’un de

c’est difficile, mais c’est Ă©galement excitant. Cela

trÚs isolé qui a besoin de

me donne envie de continuer d’écrire.

trouver de la paix dans la nature. Comme vous l’avez

LFC : La violence, la bipolarité, mais

dit, la nature est un

Ă©galement l’amour. Que souhaitiez-vous faire

personnage.

passer comme message ? LFC : On vous laisse le mot AM : De nombreuses façons de vivre et de

de la fin


maniùres d’aimer. C’est une histoire d’amour,

50

mais d’amour familial. C’est aussi une histoire

AM : C’est un livre sensuel qui

d’amour romantique. Et ce qui m’intĂ©ressait le

parle d’amour. J’espùre que

plus, c’était de me plonger dans le cƓur de la

les lecteurs prendront du

famille.

plaisir Ă  le lire !


LFC MAGAZINE

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MARS 2018

MARIE-LAURE DE CAZOTTE PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA

OTTO GROSS LE MÉCONNU


FĂ©vrier 2018. HĂŽtel Édouard 7, nous avons rendez-vous avec Marie-Laure de Cazotte pour une sĂ©ance photo et Elle nous parle S E L IsĂ©ance N A R I C Hbavardage. ARDS d'Otto Gross, de Sigmund Freud, du film de David Cronenberg, du dĂ©sir, de sexualitĂ© et de notre modĂšle de sociĂ©tĂ© patriarcale avec ses consĂ©quences.

LFC : Bonjour Marie-Laure de Cazotte, nous

MLDC : Sigmund Freud admirait Otto Gross qui

nous rencontrons pour parler de votre

était médecin et brillant neurologue et le

nouveau livre Mon nom est Otto Gross

considĂ©rait indispensable Ă  l’avenir de la

(Éditions Albin Michel) depuis le 28 fĂ©vrier

psychanalyse. À l’époque – nous Ă©tions dans

2018. Comment est nĂ©e l’idĂ©e de consacrer

les années 1905-1910 -, Sigmund Freud était

ce livre Ă  ce personnage ?

principalement entouré de disciples de confession mosaïque et craignait que la

MLDC : Par le biais d’une recherche sur Monte

psychanalyse ne soit classée comme un trait

Verità, la montagne de la vérité, une colonie

culturel juif. Il essayait d’attirer dans son cercle

internationale installée dans le Tessin Suisse,

des grandes figures d’origine chrĂ©tienne. À part

au bord du lac Majeur Ă  partir de 1902,

Otto Gross, il y avait bien sur Carl Gustav Jung

pratiquant le végétarisme, la méditation, le

qui était totalement hypnotisé par le Viennois et

communisme sexuel, la danse en pleine nature.

revendiquait un statut d’hĂ©ritier. Freud, de

Certains Ă©taient thĂ©osophes, d’autres

façon un peu perverse, l’avait mis en

bouddhistes, certains vivaient dans des chalets,

compétition avec Otto Gross qui, pourtant, avait

d’autres, comme Hermann Hesse, dans des

déjà affiché certains désaccords avec le maßtre.

grottes. Il y avait des anarchistes, des

Le film de David Cronenberg A Dangerous

adolescents en fuite, et Otto Gross Ă©tait le

Method consacré à la relation amoureuse entre

psychanalyste de la communauté.

Carl Gustav Jung et Sabina Spielrein Ă©voque la relation entre Otto Gross (qui apparaĂźt sous les

52

LFC : Pouvez-vous nous parler du lien entre

traits de Vincent Cassel) et Carl Gustav Jung

Otto Gross et Sigmund Freud ?

mais n’en montre pas l'ambiguĂŻtĂ©, la part de


haine, de passion, de dinguerie entre les deux hommes, l’influence colossale d’Otto sur Carl Gustav, la jalousie nĂ©vrotique de ce dernier, son caractĂšre dĂ©doublĂ©. Lorsque Carl Gustav Jung a eu dans son hĂŽpital S E LOtto INA Gross qui Ă©tait toxicomane, leur relation mĂ©decin- patient s’est inversĂ©e. Otto Gross a pris le pouvoir sur un Carl Gustav Jung au bord de l’explosion, ne supportant plus

Otto Gross Ă©tait un toxicomane, un exaltĂ© profondĂ©ment engagĂ© dans la lutte RICHARDS pour la libertĂ© sexuelle, le fĂ©minisme et l’anarchisme.

l’hîpital psychiatrique, plein de doutes sur sa relation conjugale, amoureux de Sabina Spielrein, cette patiente, devenue son

le fĂ©minisme et l’anarchisme. Il faut quand

étudiante. Tout à coup, le soigné devient le

mĂȘme dire qu’à l’époque ĂȘtre fĂ©ministe et

soignant, l’analysĂ© l’analyste et il semble

anarchiste Ă©taient de stigmates de folie,

que Carl Gustav Jung Ă©tait tellement

mais de lĂ  Ă  taxer Otto Gross de

mĂ©dusĂ© par les thĂ©ories d’Otto Gross, qu’il

schizophrĂšne
 C’était ridicule et surtout de

ne voulait plus le lĂącher. Pendant cet

la part d’un homme qui dùs le lendemain

internement qui durera un mois, Otto Gross

de la fuite de son patient a déclaré à sa

rĂ©alise que Carl Gustav Jung ne s’intĂ©resse

future maĂźtresse qu’il Ă©tait bouleversĂ© par

pas Ă  ses propres difficultĂ©s. Il n’en peut plus

l’enseignement d’Otto Gross.

d’ĂȘtre enfermĂ©. Il va donc s’échapper de cet hĂŽpital dans des conditions rocambolesques

LFC : Vouliez-vous Ă©crire sur Otto Gross,

et cela va rendre fou Carl Gustav Jung qui le

car il Ă©tait moins connu ?

dĂ©clarera atteint de dĂ©mence prĂ©coce – la future schizophrĂ©nie- auprĂšs de Sigmund

MLDC : En effet, il n’est pas trùs connu en

Freud et de l’ensemble de la profession

France mĂȘme si Michel Onfray lui a dĂ©diĂ©

médicale.

beaucoup de conférences et Jacques le Rider de nombreux textes. Otto Gross est

LFC : Ce qui est totalement injuste


beaucoup plus connu en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Il est Ă©galement

53

MLDC : Injuste et impossible. Otto Gross Ă©tait

connu du grand public justement grĂące au

un toxicomane, un exalté profondément

film de David Cronenberg. Il faut réaliser

engagé dans la lutte pour la liberté sexuelle,

que Otto Gross Ă©tait un dissident de la


M A R I E - L A U R E

D E

C A Z O T T E

Il faut rĂ©aliser que Otto Gross Ă©tait un dissident de la psychanalyse, qui, non seulement critiquait Freud, mais voulait engager la psychanalyse sur le terrain politique. Outre son engagement dans l’anarchisme, il Ă©tait proche des sulfureux cercles expressionnistes puis dadaĂŻstes. Il a Ă©tĂ© mis Ă  l’index par les Freudiens comme par les Jungiens.


psychanalyse, qui, non seulement critiquait Freud, mais voulait engager la psychanalyse sur le terrain politique. Outre son engagement dans l’anarchisme, il Ă©tait proche des sulfureux cercles expressionnistes puis dadaĂŻstes. Il a Ă©tĂ© mis Ă  l’index par les Freudiens commeSpar E Lles INA Jungiens. LFC : Quel a Ă©tĂ© son principal apport ? MLDC : Otto Gross Ă©tait un philosophe de la libertĂ©. Il pensait qu’une sociĂ©tĂ© patriarcale qui

En tant que psychanalyste, il franchissait toutes les limites. Il avait des relations charnelles avec ses patients et patientes et a mĂȘme RICHARDS organisĂ© des orgies sexuelles. Il voulait que les hommes et les femmes connaissent le dĂ©sir pour le dĂ©sir.

ne donne pas sa place au dĂ©sir – Ă  l’Eros, qui enferme les femmes, impose une fonction aux

sexuelles. Il voulait que les hommes et les

hommes est une société qui engendre des

femmes connaissent le désir pour le désir.

névroses, des comportements destructeurs

Une fusion, sans liens amoureux et sans

collectifs et individuels. Ses théories sur la

engagement social. Il va sans dire qu’à

liberté sexuelle ont posé des jalons essentiels. Il

l’époque, c’était totalement scandaleux et

était également parmi les premiers à considérer

criminel. Pourquoi le faisait-il ? Parce qu’il

que la psychanalyse pouvait devenir un

considĂ©rait que l’Eros Ă©tait une force, un Ă©lan

instrument d’analyse sociale. Par ailleurs, sa

vital, unissant toutes les créatures, et le seul

vision sur la perte des liens entre l’Homme et la

moyen qu’avait l’homme de dĂ©velopper un

nature, préfigure les mouvements écologistes.

lien d’amour avec la nature. Pour rĂ©sumer de

Enfin, c’était un scientifique visionnaire qui, en

façon trop brÚve des théories trÚs

luttant pour que psychanalystes et

sophistiquées, il considérait la morale à

neurologues, associent leurs découvertes, était

l’origine de la destruction de la terre.

un précurseur de certains aspects des neurosciences actuelles.

LFC : Selon vous, quel Ă©cho ce livre a-t-il aujourd’hui ?

LFC : Le désir était trÚs présent chez Otto Gross.

MLDC : On aimerait que les dĂ©bats qu’il soulĂšve soient derriĂšre nous.

55

MLDC : En tant que psychanalyste, il

Malheureusement, force est de constater

franchissait toutes les limites. Il avait des

que les sociétés patriarcales actuelles

relations charnelles avec ses patients et

rĂ©duisant la femme Ă  trois fonctions – la

patientes et a mĂȘme organisĂ© des orgies

virginité, le mariage et la procréation -


positionnant les hommes comme ayant pouvoir sur tout provoquent nĂ©vroses, violences et destructions massives. Otto Gross n’avait pas raison sur tous les sujets, mais il savait parfaitement et dĂšs 1910 que l’Europe se dirigeait vers un cataclysme historique. Lorsqu’il SE LINA clamait qu’une sociĂ©tĂ© dirigĂ©e par des hommes atteints de nĂ©vrose de puissance n’avait pas pour but la protection de la terre ou le bonheur de l’humanitĂ©, mais la reproduction de cette puissance, il avait parfaitement raison. Il a certainement Ă©tĂ© excessif en rĂ©clamant que les enfants soient retirĂ©s des mains des pĂšres et que tous les pouvoirs de contrĂŽle sociaux soient

On aimerait que les dĂ©bats qu’il soulĂšve soient derriĂšre nous. Malheureusement, force est de constater que les sociĂ©tĂ©s patriarcales actuelles rĂ©duisant la R I C H Afemme RDS Ă  trois fonctions – la virginitĂ©, le mariage et la procrĂ©ation - positionnant les hommes comme ayant pouvoir sur tout provoquent nĂ©vroses, violences et destructions massives.

donnĂ©s aux femmes, mais c’était dans sa

LFC : En Ă©crivant ce livre sur Otto

logique radicale.

Gross, avez-vous appris des éléments inédits ?

LFC : Pouvez-vous nous parler de la relation entre Otto Gross et son pĂšre ?

MLDC : Pas inĂ©dits, mais ignorĂ©s, oui. Beaucoup. À commencer par les liens

56

MLDC : Ce sont deux génies. Le pÚre est un

entre l’anarchisme, le dadaïsme et les

juge, le fondateur de ce qui deviendra la police

grands mystiques chrétiens. Hugo Ball,

scientifique. Il incarne au plus haut niveau la loi,

le fondateur du dadaĂŻsme avait Ă©crit

l’empire, l’autoritĂ© et s’entoure de tous les plus

dans son carnet intime qu’il avait pensĂ©

grands scientifiques de son temps. Son fils est

Ă  Denys l’ArĂ©opagite – Dionysos

son reflet inversé. Il incarne les forces du chaos,

l’ArĂ©opagitas en inventant ce vocable

la rĂ©volution, le refus de l’autoritĂ© et s’entoure

D.A.D.A. C’est devenu un tabou.

des plus grands révolutionnaires de son temps.

Également, les liens profonds entre

La lutte entre les deux est poignante, tragique.

politique et psychiatrie apparaissent, je

Ils sont dans une arĂšne comme un torero et un

crois, sous un jour nouveau, assez

taureau et changent de rĂŽle en permanence et

paradoxal, et souvent assez terrifiant

lorsque le pĂšre parviendra Ă  faire interner le fils,

car on s’aperçoit qu’avant 1914, ce qui

il subira les attaques frontales d’une grande

allait devenir l’idĂ©ologie nazie est

partie de l’intelligentsia europĂ©enne.

parfaitement en place.


LFC MAGAZINE

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#7

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MARS 2018

HÉLOÏSE GUAY DE BELLISSEN

II

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA


Février 2018. Odéon à Paris au siÚge de Flammarion, Héloïse Guay de Bellissen nous reçoit pour une séance photo et un entretien au sujet de son nouveau roman intime, "Dans le SELINA RICHARDS ventre du loup". Fiction tirée d'un fait divers qui a touché de plein fouet sa famille et sa propre existence. Rencontre poignante avec une romanciÚre qui nous offre un roman magistral. Une lecture frappante. LFC : Bonjour Héloïse Guay de Bellissen,

autres livres, je parlais toujours d’une enfance

nous nous rencontrons pour la troisiĂšme fois

brisée, que ce soit Kurt Cobain ou celles des

pour la sortie de votre livre Dans le ventre du

enfants de chƓur, ils ne voulaient pas grandir.

loup (Flammarion). TrĂšs naĂŻvement, nous

C’est un thùme que j’affectionne beaucoup.

assumons. Nous avons lu votre roman

Dans ce troisiùme roman, j’ai eu envie de parler

comme une fiction, sans savoir que cette

de mes vraies obsessions, savoir d’oĂč elles

histoire était liée à la vÎtre. Ce qui nous

venaient. J’ai vu l’émission Faites entrer

donne envie de le relire


l’accusĂ© en 2015 sur l’affaire en question et je me suis dit que c’était le moment de se lancer,

HGDB : Cette lecture que vous avez eue, c’est la

sans faire de voyeurisme.

lecture que je souhaite. Ce livre propose un million de lectures. Il y a des faits divers, des

LFC : Cette émission a-t-elle été le point de

choses plus personnelles, une enquĂȘte

départ du livre ?

policiĂšre
 Ce livre se lit Ă©galement comme un roman. MĂȘme si je parle de faits rĂ©els, je pense

HGDB : Lorsque j’ai vu cette Ă©mission, j’ai Ă©tĂ©

que c’est bien que l’on puisse le lire sans savoir

abasourdie. Des gens de ma famille n’avaient

que c’est vrai. Cela veut dire que le cĂŽtĂ©

jamais évoqué le sujet. Ils avaient raison, car

romanesque fonctionne.

j’étais trĂšs jeune. Ce qui est intĂ©ressant, c’est que j’essaye de m’accrocher Ă  l’image de ma

LFC : Comment est nĂ©e l’idĂ©e de passer

cousine que je n’ai pas et que je n’aurais

d’une histoire personnelle à une fiction ?

jamais. Je trouve cela assez beau, car je n’aurai aucun souvenir qui reviendra. Mais dĂ©sormais,

HGDB : C’est une sacrĂ©e dĂ©marche ! Dans les 58

j’ai un livre.


LFC : Vous racontez un fait divers qui a dĂ©frayĂ© la chronique dans les annĂ©es quatre-vingt et qui vous a touchĂ© ainsi que votre famille. Seulement, vous n’avez connu la vĂ©ritĂ© qu’à l’ñge adulte, et S Ec’est LINA cela qui est passionnant pour le lecteur. Nous avons le mĂȘme point de vue que vous, on dĂ©couvre les faits au fur et Ă  mesure.

J’ai voulu raconter la situation dans laquelle on se trouve lorsqu’il y a un secret dans une famille. C’est la mĂȘme chose pour les gens qui ont Ă©tĂ© adoptĂ©s par et qui cherchent R I exemple CHARDS leur pĂšre ou leur mĂšre. Certes, c’est une expĂ©rience personnelle, mais je crois qu’elle est universelle.

HGDB : J’ai voulu raconter la situation dans laquelle on se trouve lorsqu’il y a un secret

C’est le non-dit qui est devenu une

dans une famille. C’est la mĂȘme chose pour

espĂšce de monstre, le monstre du

les gens qui ont été adoptés par exemple et

silence.

qui cherchent leur pĂšre ou leur mĂšre. Certes, c’est une expĂ©rience personnelle, mais je

LFC : Le roman Ă©tait-il le meilleur

crois qu’elle est universelle.

genre pour raconter votre histoire ?

LFC : Vous dütes que chacun d’entre nous

HGDB : Oui, complĂštement. Quand je

a des non-dits et que chacun en fait ce

rencontre des zones d’ombres, je peux

qu’il veut.

les arranger et mettre des zones lumineuses. J’ai voulu raconter ce qui

HGDB : Mon cas personnel n’arrive pas dans

s’était passĂ© Ă  cette Ă©poque. Et

toutes les familles, et heureusement. Je

Ă©galement raconter ce qui se passe

reçois beaucoup de courriers de lecteurs

quand une petite fille disparaĂźt. Je ne

qui, aprĂšs avoir lu mon livre, entament des

suis pas la seule à avoir été touchée. Ce

recherches sur des secrets de famille.

sont Ă©galement des institutrices, des camarades de classe
 Quand je suis

LFC : Comment avez-vous réagi aprÚs

allée au tribunal pour voir les

avoir connu ce secret ?

dépositions, je ne savais pas du tout comment cela allait se passer. Au final,

59

HGDB : J’ai Ă©tĂ© un dommage collatĂ©ral de

on s’intĂ©resse uniquement au cas de

toute cette histoire. J’en ai Ă©tĂ© traumatisĂ©e.

l’assassin, car c’est lui qui est accusĂ©.


H É L O Ï S E

G U A Y

D E

B E L L I S S E N

LE NON-DIT: LE MONSTRE DU SILENCE


LFC : Vous citez son nom d’ailleurs dans le livre. HGDB : Oui, j’ai essayĂ© de retourner le non-dit. J’ai mis le vrai prĂ©nom de ma cousine, le vrai prĂ©nom de l’assassin et tous les autres sont des faux prĂ©noms. Je sais qu’il essaye de sortir de

S E L Imais NA prison. Tout le monde a le droit au pardon,

Je crois qu’il faut faire plus de bruit, mĂȘme si parfois la foudre frappe. C’est un livre qui remue beaucoup de choses. Reparler d’une affaire familiale trente ans plus tard, c’est Ă©prouvant. Ce sont des blessures qui sont ineffaçables. Je n’avais pas envie de me taire.

RICHARDS

il est incurable.

LFC : Écrire ce livre vous a-t-il fait du bien ?

LFC : Avez-vous Ă©crit ce livre pour ne pas

HGDB : Il faut absolument Ă©clater un secret

vous taire ?

lorsqu’il y en a un. C’est aprĂšs avoir Ă©clatĂ© ce secret que vous pouvez grandir. On se sent plus

HGDB : CarrĂ©ment. Je crois qu’il faut faire plus

heureux aprĂšs, plus Ă©panoui.

de bruit, mĂȘme si parfois la foudre frappe. C’est un livre qui remue beaucoup de choses.

LFC : On a pu lire dans la presse que vous vous

Reparler d’une affaire familiale trente ans plus

ĂȘtes sentie plus lĂ©gitime en tant que

tard, c’est Ă©prouvant. Ce sont des blessures qui

romanciùre avec ce livre


sont ineffaçables. Je n’avais pas envie de me taire.

HGDB : Sur ce livre, c’était l’écriture et rien d’autre. Je ne sais pas comment l’expliquer. Avec

LFC : Ce livre a été fait pour susciter des

celui-ci, j’ai Ă©tĂ© capable d’écrire une fiction avec

rĂ©actions, et c’est ce qui se passe en ce

une tragĂ©die qui me dĂ©passe. C’est comme si

moment dans les médias, sur les réseaux

j’avais apprivoisĂ© un monstre. Cela a Ă©tĂ© un

sociaux


exutoire.

HGDB : Dans ce livre, il y a vraiment tout. On ne

LFC : Lorsqu’on termine un livre comme celui-

sait pas si c’est un polar, si c’est rĂ©el ou si c’est

ci. Qu’aimeriez-vous Ă©crire ensuite ?

artificiel. HGDB : Je pense que le prochain livre sera plus LFC : Ce qui est trĂšs bien fait, c’est Ă©galement

cool. Je vais arrĂȘter d’ouvrir des boĂźtes de

le fil rouge avec le chaperon rouge


Pandore. Mais j’y reviendrai sĂ»rement par la suite.

HGDB : Ce fait divers ressemble Ă©trangement Ă 

LFC : Qu’aimeriez-vous que le lecteur retienne

l’histoire du petit chaperon rouge. Cela donne

Ă  la fin de sa lecture ?

un cĂŽtĂ© encore plus universel. C’est un

61

conte d’avertissement. Le fait d’évoquer ce

HGDB : J’aimerais que le lecteur se dise qu’il faut

conte donne un souffle au livre, cela lui donne

aller au bout des choses. Lorsqu’on a quelque

un cÎté moins macabre.

chose en soi qui ne va pas, il faut le guérir.


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#7

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MARS 2018

SAÏDEH PAKRAVAN PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA


FĂ©vrier 2018, HĂŽtel Édouard 7, SaĂŻdeh Pakravan a obtenu Le Prix de la Closerie des Lilas. S E L I N ARĂ©guliĂšrement RICHARDS invitĂ©e dans nos pages, la romanciĂšre accepte avec joie notre sĂ©ance photo et l'entretien pour parler de son nouveau roman "L'Émir". Et bien plus...

LFC : Bonjour SaĂŻdeh, nous nous rencontrons

l’Europe du Nord et sur le christianisme. Son

pour la deuxiĂšme fois aprĂšs Le principe du

Ă©diteur lui demande si elle veut continuer

dĂ©sir en 2017. Aujourd’hui, votre actualitĂ©, c’est la sortie de L’émir (Belfond). Comment

d’écrire sur la religion, l’Islam en l’occurrence.

est nĂ©e l’idĂ©e d’écrire ce livre ?

de rendez-vous dans les pays arabes. Elle

Elle accepte. Ils lui prennent donc tout un tas arrive en Irak au moment oĂč Saddam Hussein

SP : Nous vivons dans une Ă©poque

commence à rouler des mécaniques et à

extrĂȘmement troublĂ©e. Nous nous posons

attaquer le Koweït pour des raisons qui n’ont ni

beaucoup de questions. Comment tout cela a-t-

queue ni tĂȘte. Lors de son voyage dans le golfe

il commencé ? Comment notre monde a-t-il

persique, elle rencontre un Émir atypique, qui

basculé dans quelque chose de

n’existe pas dans la rĂ©alitĂ©. C’est le coup de

mĂ©connaissable ? J’ai donc imaginĂ© ces

foudre.

personnages qui auraient Ă  la fois de

63

l’intelligence et de la bonne volontĂ©. VoilĂ  le

LFC : Il y a toujours ce principe du désir qui

point de départ.

n’est pas si facile.

LFC : Votre héroïne Virginie Page prépare un

SP : Comme dit Virginie à un moment donné :

rĂ©cit de voyage durant l’étĂ© 1990 qui est

j’ai rencontrĂ© mon double, celui que j’attends

consacrĂ© Ă  l’Islam.

depuis toujours. C’est une histoire platonique.

SP : Elle vient d’écrire un livre qui a eu

LFC : Comment avez-vous créé ces

beaucoup de succÚs sur les cathédrales de

personnages ?


SP : Je les ai regardĂ©s vivre. Je les ai observĂ©s. Je les ai Ă©coutĂ©s. Ils se sont vraiment dĂ©veloppĂ©s jour aprĂšs jour et j’ai trouvĂ© leurs conversations trĂšs intĂ©ressantes. Sans vouloir se fondre l’un dans l’autre au point de vue des idĂ©es, ils ont toujours cherchĂ© le chemin l’un vers l’autre. Aucun des

SELINA

deux ne fait de concessions ou n’essaie de faire plaisir Ă  l’autre. Ce sont deux personnes qui cherchent profondĂ©ment des rĂ©ponses, qui se les donnent mutuellement et qui trouvent

Je suis agnostique. Je ne comprends pas la foi ou la religion. Je ne suis mĂȘme pas athĂ©e. Pour ĂȘtre athĂ©e, il faut ĂȘtre activiste. L’idĂ©e de Dieu ne m’intĂ©resse pas R I C HparticuliĂšrement. ARDS Je ne comprends pas cette insistance de tout un chacun de dire j’ai raison, c’est moi qui dĂ©tiens la vĂ©ritĂ©.

constamment un terrain d’entente. C’est presque une mĂ©taphore pour deux cultures dissemblables.

Moi je n’en ai pas. Je suis agnostique. Je ne comprends pas la foi ou la religion.

LFC : Qu’aimeriez-vous que les

Je ne suis mĂȘme pas athĂ©e. Pour ĂȘtre

lecteurs retiennent aprĂšs la lecture

athĂ©e, il faut ĂȘtre activiste. L’idĂ©e de

de ce livre ?

Dieu ne m’intĂ©resse pas particuliĂšrement. Je ne comprends pas

SP : J’aimerais qu’ils retiennent qu’il n’y

cette insistance de tout un chacun de

a pas une seule façon de voir les

dire j’ai raison, c’est moi qui dĂ©tiens la

choses, qu’il n’y a pas de positions

vérité. Cela vaut aussi bien pour les

fermes sur lesquelles on peut se tenir,

musulmans que pour Marine Le Pen ou

en disant que c’est comme cela et pas

les gens de la gauche. Personne ne va, Ă 

autrement. C’est ce qui fait que nous

un seul instant, penser à l’autre. Il faut

vivons dans une période désagréable.

laisser vivre les gens.

LFC : Pour quelle(s) raison(s) pensez-

LFC : Avec ce livre, vous nous amenez

vous que c’est un grand livre ?

Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă  ne pas juger. Qu’en pensez-vous ?

SP : Parce qu’il n’y a pas de parti pris.

64

Les livres, les reportages, les

SP : Il ne s’agit pas de ne pas juger. Peut-

documentaires ou les romans qui

ĂȘtre que je ne suis pas en accord avec

parlent de ce thÚme démontrent

ce que certains font, mais ce n’est pas

toujours un parti pris trĂšs fort.

mon problĂšme. Je trouve inacceptable


S A Ï D E H

P A K R A V A N


que des gens comme les Ă©vangĂ©listes, les islamistes ou les catholiques dĂ©cident que quelque chose est mal. Torturer des gens, violer des enfants, oui c’est mal et nous n’avons besoin de personne pour nous le dire. En revanche, pour tout le reste, ce n’est pas Ă  nous de juger. S E L I N A LFC : Pourquoi Ă©crivez-vous ? SP : Je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas m’en empĂȘcher. J’écris depuis que je suis toute petite. J’ai Ă©crit mes premiĂšres rĂ©dactions lorsque j’avais sept, huit ans. Elles Ă©taient dĂ©jĂ  publiĂ©es dans le journal local. J’ai Ă©crit mon premier roman lorsque j’avais dix-sept ans. J’ai toujours Ă©crit. En Ă©crivant, je ne cherche pas Ă  me prouver quelque chose.

Je n’ai pas peur du jugement. J’ai surtout peur des imbĂ©ciles.Il arrive bien sĂ»r que des R I C H A R Dgens S intelligents critiquent ce que j’ai fait dans ma vie, car j’ai fait beaucoup de choses. Mais si cela est bien dit et bien pensĂ©, je n’y vois aucun problĂšme. Je ne suis pas susceptible.

LFC : Écrire, c’est s’exposer. Le vivezvous bien ?

LFC : L’Emir est actuellement en librairie. Continuez-vous

SP : Je n’ai pas peur du jugement. J’ai

d’écrire ?

surtout peur des imbéciles. Il arrive bien sûr que des gens intelligents critiquent

SP : Je suis en train d’écrire un

ce que j’ai fait dans ma vie, car j’ai fait

livre sur le Shah d’Iran avec qui j’ai

beaucoup de choses. Mais si cela est

souvent été en contact. Je crois

bien dit et bien pensĂ©, je n’y vois aucun

que je vais faire quelque chose

problĂšme. Je ne suis pas susceptible.

d’assez spĂ©cial.

Je suis en train d’écrire un livre sur le Shah d’Iran avec qui j’ai souvent Ă©tĂ© en contact. Je crois que je vais faire quelque chose d’assez spĂ©cial. 66


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#7

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MARS 2018

DIANE DUCRET PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA

SUIS-JE UN FLAMANT ROSE ?


Février 2018, dans le quartier du Marais, une lumiÚre sublime, nous rencontrons Diane Ducret pour une séance de photos exclusives. Plus de 30 minutes aprÚs, on s'installe au SELINA RICHARDS chaud dans un café parisien pour discuter de son roman le plus personnel dans lequel elle se projette sans filtre. Une fiction contre les apparences et pour la vie, malgré les obstacles aux allures insurmontables.

LFC : Bonjour Diane Ducret, nous nous

DD : MĂȘme si ce que je raconte est inspirĂ© Ă 

rencontrons pour parler de votre livre La

90% de ma propre vie, cela reste un roman. Si

meilleure façon de marcher est celle du flamant rose (Éditions Flammarion). Cette

c’était un rĂ©cit, je raconterais uniquement des

fois-ci, vous proposez un livre personnel


concept de l’hĂ©roĂŻne romanesque.

DD : Plus personnel, je dirais que ce serait une

LFC : Aviez-vous peur du pathos dans le

radiographie de mon corps (rires). Ce roman, je

témoignage ou le récit ?

Ă©vĂ©nements qui se sont produits. J’aimais le

ne pouvais pas l’imaginer plus personnel. Au dĂ©but, je n’avais pas l’intention d’écrire un livre

DD : Dans un document, il n’y a pas de mise à

comme celui-ci. Je me suis arrĂȘtĂ©e en cours de

distance. La différence entre un récit et un

route et cela m’a paru comme une Ă©vidence

roman, c’est la diffĂ©rence entre ĂȘtre boiteux et

que je devais transmettre ce texte. C’était le

ĂȘtre un flamant rose. C'est tout le sujet du livre.

roman de mon envol. C’est trùs personnel au

C’est de se dire : oui je suis handicapĂ©e, j’ai

point que le nom de l’hĂ©roĂŻne est une synthĂšse de tous les personnages que j’ai pu

boitĂ© pendant la moitiĂ© de ma vie. Mais finalement suis-je boiteuse ou suis-je un flamant rose ? C’est la question de la transposition que

utiliser dans mes romans. C’est une sorte de

je trouve trùs beau. C’est amusant, car lorsque

double mythologique, hors du temps.

je croise des lecteurs qui ont lu mon livre, ils

anagramme de Diane. Ce personnage est une

ont l’impression de se reconnaĂźtre. LFC : Vous auriez pu Ă©crire ce livre sous

68

forme de récit ou de document, mais il

LFC : Votre point de départ est votre

apparaĂźt bien comme un roman.

expérience personnelle avec comme point


d’arrivĂ©e une fiction universelle. DD : La dimension universelle est une dimension positive. C’est le rĂ©cit d’une femme qui se relĂšve toujours.

SELINA

LFC : À quel moment vous ĂȘtes-vous dit qu’il fallait Ă©crire ce genre d’histoire ? DD : Je ne l’avais pas fait avant, car je me

Je ne l’avais pas fait avant, car je me cachais toujours derriĂšre mes personnages historiques fĂ©minins. Je racontais toujours l’histoire de femmes qui ont eu une vie, des histoires R Imauvaise CHARDS d’amour qui ont mal fini avec de mauvaises personnes et peut-ĂȘtre qu’à travers ces femmes, je parlais de moi.

cachais toujours derriÚre mes personnages historiques féminins. Je racontais toujours

Nous ne pouvons pas nous plaindre. S’il y

l’histoire de femmes qui ont eu une

a des syndromes post-traumatiques, des

mauvaise vie, des histoires d’amour qui ont

douleurs, des handicaps, des crises

mal fini avec de mauvaises personnes et

d’angoisse suite à des violences, c’est

peut-ĂȘtre qu’à travers ces femmes, je parlais

notre propre vie que nous allons gĂącher.

de moi. À un moment donnĂ©, ce n’était plus

Le temps passe trop vite. J’ai passĂ© dix

possible de le cacher. Je devais faire passer

ans sans pouvoir marcher et c’est trùs

un message. C’est ce qui fait du bien aux

long. Quand on se réveille à plus de trente

gens. Ce qui leur donne de l’espoir.

ans et que l’on a l’impression d’avoir dix ans de retard, personne ne va nous aider.

LFC : C’est Ă©galement un livre qui parle

Si je ne décide pas de me relever, je vais

d’amour


passer Ă  cĂŽtĂ© de quelque chose. Dans mon livre, je parle d’éducation

DD : Absolument, sur comment s’aimer soi-

sentimentale au sens fort du terme.

mĂȘme, sur l’amour innĂ©, l’amour maternel, ce

Aujourd’hui, en voulant nous protĂ©ger de

dont j’ai toujours Ă©tĂ© en quĂȘte.

la douleur Ă©motionnelle ou sentimentale, nous faisons des actes boiteux. Les gens

LFC : En quoi cette expérience est-elle

ne sont pas préparés aux coups que la vie

devenue une force pour vous ?

va leur donner. J’ai vĂ©cu les pires cauchemars. Et aujourd’hui, ĂȘtre capable

69

DD : Nous sommes obligés de nous

de raconter cela de façon positive est une

responsabiliser. Nous n’avons pas le choix.

victoire. Rien n’est impossible.


D I A N E

D U C R E T

RIEN N'EST IMPOSSIBLE


LFC : Votre roman est Ă©galement un message contre le paraĂźtre. On se dit qu’avec vos livres, vos autres projets artistiques, votre beautĂ©, tout marche pour vous. Pourtant, nous ignorons tout des blessures et des

S E Lnous INA histoires des gens. Avec ce roman, vous rappelez que vous ne dérogez pas à cette

C’est un livre contre le paraĂźtre et je crois que j’en RICHARDS ai Ă©tĂ© victime.

idĂ©e. C’est aussi le cas pour vous. DD : Vous avez raison. Certains vont dire qu’il y

plus de livres en ce moment, qui m’a

a pire, mais c’est une image trùs difficile. Cela

rĂ©pondu : nous n’avons pas vocation Ă 

renferme terriblement. Je trouve que dans le milieu littéraire, il existe des discriminations à

publier les Ă©lucubrations des rĂ©formĂ©es d’écoles de mannequins. Cela Ă©tait

propos de ceux qui n’ont pas l’air Ă©crivain. Je

extrĂȘmement dur, on le prend en pleine

souris, je suis fiùre, je vais bien, c’est mon

poire.

attitude. Souvent, on imagine l’attitude d’un Ă©crivain ou d’une romanciĂšre qui ne se maquille

LFC : Avez-vous d’autres projets au-delà

pas, qui s’habille large, comme un rat de

de ce roman ?

bibliothùque un peu agressif. Je suis assez en accord avec vous, c’est un livre contre le

DD : Je suis en train d’écrire l’adaptation

paraĂźtre et je crois que j’en ai Ă©tĂ© victime. Le

cinĂ© de L’homme idĂ©al existe, il est

milieu littĂ©raire s’intĂ©resse davantage Ă  moi depuis quelques mois. C’est la premiĂšre fois

quĂ©bĂ©cois avec Ken Scott, qui avait rĂ©alisĂ© le film Starbuck. C’est un beau

que j’ai un papier dans LIRE, j’ai eu un papier

projet que l’on Ă©crit en ce moment. J’ai

dans La revue des deux mondes. C’est aussi la

crĂ©Ă© Ă©galement un scĂ©nario que j’ai

premiĂšre fois que je fais la derniĂšre page de

vendu, une comédie romantique sur la

LibĂ©ration, le portrait. Je n’avais jamais eu tout

maladie d’Alzheimer. Ces deux projets me

cela auparavant.

tiennent vraiment à cƓur. Mais surtout ce que je veux en ce moment, c’est

LFC : Vos débuts étaient si difficiles


accompagner le livre. Que ce soit de la part des journalistes ou encore des

71

DD : Quand j’ai Ă©crit Femmes de dictateur, les

lecteurs, j’ai des feed-back auxquels je

dix maisons d’édition Ă  qui j’ai envoyĂ© mon

n’avais pas du tout pensĂ©. Et c’est trĂšs

manuscrit n’ont pas voulu se lancer dans le

intéressant pour prendre du recul par

projet. J’ai mĂȘme reçu une rĂ©ponse d’une

rapport à ce roman, que j’affectionne

maison d’édition, une de celles qui vendent le

particuliĂšrement.


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#7

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MARS 2018

JULIEN DUFRESNE LAMY

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA


FĂ©vrier 2018, rencontre au centre de Paris avec Julien Dufresne Lamy pour nous parler de son nouveau roman dans lequel la S E L I N"Les A R IIndiffĂ©rents" CHARDS jeunesse dorĂ©e va ĂȘtre au cƓur d'un drame qui tiendra le lecteur en haleine de pages en pages. Haletant et subtil psychologiquement.

LFC : Bonjour Julien Dufresne Lamy, vous

propre responsabilitĂ©. Et c’est pour cela que

publiez Les indiffĂ©rents (Belfond). C’est

l’on dit que les gens deviennent indiffĂ©rents.

différent par rapport à votre roman

J’ai voulu transposer ce thùme sur ce groupe

prĂ©cĂ©dent oĂč l’on suivait le parcours d’une

d’adolescents qui vivent entre eux et qui vont

danseuse. Cette fois-ci, il s’agit d’une fiction.

devenir indiffĂ©rents les uns envers les autres jusqu’au drame.

JDL : C’est vrai que dans le premier livre, il y avait une part biographique qui Ă©tait la bĂ©quille

LFC : On voit que cette jeunesse vous a

de l’hĂ©roĂŻne. Dans Les indiffĂ©rents, c’est une

inspiré, car le lecteur est complÚtement

pure fiction. Les personnages n’existent pas.

emportĂ© dans cette histoire. C’est un roman mĂȘme si ce livre peut aussi se lire comme un

LFC : C’est un livre qui parle de la jeunesse,

thriller.

pourquoi avoir choisi ce thĂšme ? JDL : Effectivement, dans la construction du

73

JDL : J’avais envie d’écrire un livre sur un

livre, il y a une partie polar, une partie

thĂšme de psychologie sociale qui m’intĂ©resse

psychologique. Le livre s’ouvre sur une scùne

beaucoup qui s’appelle l’effet du tĂ©moin. C’est

d’accident oĂč l’on comprend que dans cette

un concept qui consiste à montrer qu’en cas de

bande ils sont quatre, et que l’un d’eux va

situation d’urgence dans la vie de tous les jours,

mourir un matin sur la plage. Mais c’est peut-

lorsque l’on assiste à un accident ou une

ĂȘtre plus qu’un accident, on ne sait pas trop.

agression, on n’agit pas, car il y a d’autres gens

Finalement, le lecteur remonte le temps. J’ai

qui sont prĂšs de vous. Le groupe dissolve votre

utilisé la prolepse pour remonter quelques


annĂ©es en arriĂšre, de treize jusqu’à dix-sept ans. Le lecteur comprend comment ils ont grandi, comment ils se sont aimĂ©s et comment ils vont passer l’étĂ© dans l’insouciance. Tout cela va les mener S EauL I N A drame. LFC : Dans la forme narrative choisie, vous avez eu envie de jouer avec le lecteur.

J’avais envie d’écrire un livre sur un thĂšme de psychologie sociale qui m’intĂ©resse beaucoup qui s’appelle l’effet du tĂ©moin. C’est un concept qui consiste Ă  montrer qu’en cas de situation d’urgence dans la vie de tous les jours, RICHARDS lorsque l’on assiste Ă  un accident ou une agression, on n’agit pas, car il y a d’autres gens qui sont prĂšs de vous. Le groupe dissolve votre propre responsabilitĂ©.

JDL : J’avais envie de troubler le lecteur, que l’on se demande qui allait mourir ce matin-là

l’enfance. Et pour s’extraire de ce monde,

sur la plage. Dans la narration continue, de

on cherche forcément la notion de danger.

treize Ă  dix-sept ans, effectivement, j’ai jouĂ©

C’est le cas de ces adolescents qui sont

sur les responsabilités et les culpabilités de

nĂ©s Ă  l’abri du monde dans un milieu aisĂ©.

chacun. Dans l’histoire, tout le monde est un peu responsable. Je crois que j’ai Ă©crit le

LFC : Quand on lit votre livre et que l’on

livre que j’avais envie de lire.

parle avec vous, on se dit que vous ĂȘtes quelqu’un de trĂšs sympa. Pourtant, vous

LFC : Ce n’est pas un polar, mais il y a une

ĂȘtes une teigne dans ce livre ! (rires)

dimension psychologique importante, c’est pour cela que le roman fonctionne.

JDL : On a tous une part de cruauté en

On sent toute la bestialitĂ© de l’ĂȘtre humain

nous, qui se révÚle ou qui ne se révÚle pas.

à travers ce groupe d’adolescents.

Quand j’ai Ă©crit les premiĂšres pages de ce livre, oĂč l’on comprend ce qui se passe, ce

74

JDL : L’adolescent est quelque chose de trùs

sont les pages les plus cruelles. MĂȘme moi,

intéressant du point de vue de la littérature

j’ai Ă©tĂ© dĂ©rangĂ©, mais j’étais satisfait de ce

et mĂȘme d’un point de vue humain. C’est

que j’avais fait. Je me suis dit que j’étais

une pĂ©riode d’entre-deux, une zone d’ombre

capable de le faire et d’aller jusqu’au bout.

et en mĂȘme temps trĂšs lumineuse. C’est un

Dans les premiers textes que j’ai Ă©crits,

passage obligatoire dans la vie de chacun

j’avais toujours besoin de rester implicite.

oĂč on se construit. On se modĂšle tout en

Mais là, c’est l’inverse, je mets tout sur la

cherchant à s’extraire un peu du monde de

table.


J U L I E N

D U F R E S N E

L A M Y

L'ADOLESCENCE : UNE PÉRIODE D’ENTRE-DEUX, UNE ZONE D’OMBRE ET EN MÊME TEMPS TRÈS LUMINEUSE.


LFC : Connaissiez-vous dĂ©jĂ  la fin de votre livre ? Avez-vous Ă©tĂ© surpris en l’écrivant ? JDL : Je connaissais la fin dans la mesure oĂč je savais qui allait mourir et pour quelles raisons. Mais au fur et Ă  mesure de

SELINA

l’écriture, le roman s’est Ă©toffĂ©. J’ai apportĂ© plus de raisons, plus de fondements, plus de couleurs et plus de dĂ©cors. LFC : Le style de votre livre est trĂšs fluide, il se lit trĂšs trĂšs bien, avec dix chapitres,

J’avais envie d’un livre qui soit Ă  l’image des adolescents d’aujourd’hui, prĂȘts Ă  tout et qui sont trĂšs durs avec euxRICHARDS mĂȘmes et avec les autres. Ce qui est frappant, c’est la mĂ©chancetĂ© qui grandit au fur et Ă  mesure de l’histoire.

c’est incisif et parfois cynique. JDL : J’avais envie d’un livre qui soit à l’image des adolescents d’aujourd’hui,

contradictions. Je me suis inspiré de

prĂȘts Ă  tout et qui sont trĂšs durs avec eux-

mon propre vécu et des relations que

mĂȘmes et avec les autres. Ce qui est

j’ai eues.

frappant, c’est la mĂ©chancetĂ© qui grandit au fur et Ă  mesure de l’histoire. C’est Ă 

LFC : De nombreux livres sont en

travers les yeux d’une jeune fille qui vient

librairie. Bien Ă©videmment, nous

d’Alsace avec sa maman que l’on va voir la

invitons les internautes Ă  lire Les

bestialité et la méchanceté de ces

indiffĂ©rents. Qu’aimeriez-vous que

adolescents.

les lecteurs retiennent une fois qu’ils refermeront le livre ?

LFC : Comment avez-vous imaginé ces adolescents ?

JDL : Ce que j’aimerais qu’on retienne est à l’image de la

76

JDL : Je les ai cĂŽtoyĂ©s, car j’étais professeur

couverture : un décor insouciant, la

pendant des annĂ©es. Et puis, nous l’avons

mer l’étĂ©, une atmosphĂšre assez

tous été un jour. Nous avons tous eu des

agréable qui devient de plus en plus

pĂ©riodes de trouble. C’est une pĂ©riode oĂč

inquiétante au fur et à mesure des

l’on devient l’adulte que l’on est

pages. C’est ce qui crĂ©e le drame, Ă 

aujourd’hui, un moment qui dure quelques

savoir la mort d’un des adolescents.

annĂ©es oĂč l’on se cherche. On est face Ă 

Je retiendrais peut-ĂȘtre ce paysage

nos propres

qui offre deux visions, deux visages.


Roman Noir #7 | Mars 2018

CÉDRIC LALAURY Des nouvelles de l'heureux laurĂ©at du concours Kobo Fnac et PrĂ©ludes.

SARA LÖVESTAM Attention talent, des polars avec des personnages inattendus

KAREN CLEVELAND Le best seller qui Ă  tapĂ© dans l'Ɠil de Charlize Theron

© Jessica Scharpf


Sara Lövestam Dans les locaux de la maison d'Ă©dition Robert Laffont, rencontre avec Sara Lövestam pour un entretien exclusif. LFC : Sara Lövestam, nous sommes ravis de vous rencontrer pour la toute premiĂšre fois, pour parler de la sortie de Ça ne coĂ»te rien de demander disponible (Robert laffont/La BĂȘte Noire). Ce livre est la suite de Chacun sa vĂ©ritĂ©. Comment est nĂ©e l’idĂ©e de cette sĂ©rie ? SL : Je suis partie d’une idĂ©e bien prĂ©cise : la disparition d’une petite fille. Mais une disparition assez particuliĂšre. J’avais lu beaucoup de livres auparavant qui parlait de ce thĂšme, mais je trouvais qu’il manquait quelque chose. Aucun livre ne correspondait Ă  mes attentes. C’est pour cela que je me suis dit, pourquoi ce ne serait pas moi qui l’écrirais. Et c’est comme cela que je projet est nĂ©. LFC : Vous ĂȘtes Ă©galement professeur, cette expĂ©rience

ROMAN NOIR

vous a-t-elle aidĂ© dans l’écriture de votre livre ? SL : Oui, bien sĂ»r. Je crois que tous les Ă©crivains se servent de leur propre expĂ©rience quand il s’agit d’écrire. J’ai eu beaucoup d’élĂšves dans ma carriĂšre, et parfois, je rencontrais de jeunes gens qui se trouvaient emprisonnĂ©s dans le systĂšme. Ils n’arrivaient pas Ă  trouver leur voie. Certains n’avaient pas de papiers en rĂšgle. De plus, les demandes pour les visas sont trĂšs longues en SuĂšde. Bref, tout cela m’a fait rĂ©flĂ©chir, et tous ces Ă©lĂ©ments se sont entrechoquĂ©s lorsque je construisais le hĂ©ros de mon histoire.

Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Piratforlaget

Je crois que tous les Ă©crivains se servent de leur propre expĂ©rience quand il s’agit d’écrire. SARA LÖVESTAM

LFC : En effet, vous vous en ĂȘtes servie car votre hĂ©ros est assez atypique puisque c’est un dĂ©tective privĂ© sans papiers


LFC MAGAZINE #7 | 78


SL : Dans tous mes livres, j’essaie de trouver des perspectives qui n’existent pas. Prenons l’exemple d’une scĂšne de crime oĂč il y aurait le personnage du dĂ©tective, celui de la victime, des tĂ©moins et un sans-abri au coin de la rue. Je vais directement chercher la perspective du sans-abri, c’est cela qui m’intĂ©resse et c’est trĂšs naturel dans ma façon de voir les choses. Je cherche Ă  surprendre le lecteur. Les sans-papiers en SuĂšde sont perçus comme un groupe alors que chacun d’entre eux est au final trĂšs solitaire. J’ai aimĂ© leur donner de l’importance dans mon livre grĂące notamment Ă  Kouplan, mon hĂ©ros. LFC : Vous avez dĂ©jĂ  publiĂ© quelques romans aux Éditions Actes Sud et ce que l’on remarque, c’est que vous choisissez toujours des personnages qui sont en marge de la sociĂ©tĂ©.

Je crois que chaque Ă©crivain raconte une histoire qui est commune Ă  tous ses livres. SL : Je crois que chaque Ă©crivain raconte une histoire qui est commune Ă  tous ses livres. Chacun la raconte diffĂ©remment, mais il y a toujours un message derriĂšre tout cela. Si je devais rĂ©sumer mes livres en un message, ce serait qu’il faut se sentir vrai en tant que personne. Il faut se sentir important. C’est tout ce qui compte pour avancer dans la vie. Tous mes livres sont diffĂ©rents. Je crois que c’est le message qui en ressort. Un Ă©crivain doit Ă©crire sur un sujet qui le touche. Sinon Ă  quoi cela sert-il d’écrire ?

SL : Le dĂ©tective Kouplan va entendre la conversation d’une femme, Jenny SvĂ€rd, qui est au tĂ©lĂ©phone et qui vient de se faire arnaquer de plusieurs milliers de couronnes par son amante. Elle est trĂšs Ă©nervĂ©e et ne sait pas quoi faire. Il dĂ©cide d’intervenir et de lui proposer ses services. Kouplan, Ă©tant trĂšs connu grĂące Ă  ses enquĂȘtes prĂ©cĂ©dentes, il rĂ©ussit Ă  la convaincre de travailler avec lui. Mais en commençant son enquĂȘte, Kouplan va se rendre compte qu’il ne s’agit pas seulement d’une arnaque


LFC : Dans votre livre Ça ne coĂ»te rien de demander, le dĂ©tective Kouplan est ruinĂ©. Alors qu’il ramasse des canettes pour se faire un peu d’argent, il va faire une rencontre assez inattendue


LFC : Une particularité concernant le détective Kouplan : il est transgenre. Comment construisez-vous vos personnages ?

ROMAN NOIR

Sara Lövestam, Chacun sa vérité, Pocket.

Ayant beaucoup d’amis transgenres, cela aurait Ă©tĂ© bizarre de ne pas les inclure dans mon histoire. SARA LÖVESTAM

SL : À chaque fois que j’écris un

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ROMAN NOIR

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livre, je ne veux pas en rester Ă  ma premiĂšre pensĂ©e. Tout d’abord, je choisis si c’est une fille ou un garçon, ensuite sa nationalitĂ©, puis ses origines. Je me demande aprĂšs s’il doit ĂȘtre hĂ©tĂ©rosexuel ou gay, blanc ou noir. Lorsque je construisais le personnage de Kouplan, je me suis rendu compte qu’il y avait peu d’histoires sur des enquĂȘteurs transgenres. Ayant beaucoup d’amis transgenres, cela aurait Ă©tĂ© bizarre de ne pas les inclure dans mon histoire. LFC : Vous avez raison, c’est trĂšs rare, mais cela marche Ă  merveille. Comment l’expliquez-vous ? SL : Car je suis un gĂ©nie ! (rires) Je plaisante. Je ne sais pas si c’est la bonne raison. Lorsque vous faites partie d’une minoritĂ©, cela vous

Nous sommes tous diffĂ©rents, mais nous sommes tous des ĂȘtres humains. Il doit y avoir un respect mutuel. rend malade de lire des histoires oĂč la minoritĂ© Ă  laquelle vous appartenez n’est pas mise en avant. Si vous ĂȘtes lesbienne, vous ne voulez pas lire des histoires oĂč les lesbiennes connaissent un triste sort. Vous voulez lire des histoires heureuses oĂč elles sont mises en avant de la bonne façon. On ne marche pas dans la rue en Ă©tant transgenre ou en Ă©tant iranien
 Nous sommes tous diffĂ©rents, mais nous sommes tous des ĂȘtres humains. Il doit y avoir un respect mutuel. LFC : Vous avez reçu le prix de l'AcadĂ©mie suĂ©doise des auteurs de polars en 2015. Quelles sont vos impressions ? SL : J’ai Ă©tĂ© trĂšs surprise au dĂ©but, car je n’écris pas pour les critiques. Quand j’écris, j’essaye d'Ă©crire sur

ROMAN NOIR

quelque chose qui me touche, qui reprĂ©sente au mieux ma pensĂ©e. Et ce n’est pas toujours Ă©vident. On ne sait jamais si l’on en sera capable. Je fabrique des personnages que j’aimerais rencontrer dans la vraie vie. Je ne pense pas du tout Ă  combien de lecteurs je m’adresse. Lorsque je suis en salon, je suis toujours trĂšs heureuse de voir Ă  quel point les lecteurs sont touchĂ©s par mes histoires, Ă  quel point ils se reconnaissent Ă  travers mes personnages. En tant qu’écrivain, vous ne pouvez pas rĂȘver mieux.

Sara Lövestam, Ça ne coĂ»te rien de demander, Robert Laffiont / La BĂȘte Noire

Lorsque je suis en salon, je suis toujours trĂšs heureuse de voir Ă  quel point les lecteurs sont touchĂ©s par mes histoires, Ă  quel point ils se reconnaissent Ă  travers mes personnages. En tant qu’écrivain, vous ne pouvez pas rĂȘver mieux. SARA LÖVESTAM

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CĂ©dric Lalaury Heureux laurĂ©at du concours Kobo Fnac et PrĂ©ludes, CĂ©dric Lalaury publie son premier thriller qu'il Ă©voque comme un anti-thriller. La rĂ©ponse est dans l'entretien. LFC : Bonjour CĂ©dric Lalaury, nous nous Ă©tions dĂ©jĂ  entretenus il y a quelques mois et aujourd’hui on se rencontre de nouveau pour la sortie du livre Il est toujours minuit quelque part (PrĂ©ludes). Tout d’abord, comment vous dĂ©finiriez-vous ce livre ? Roman ? Thriller ? CL : C’est justement toute la discussion. C’est un thriller et un anti-thriller. Le hĂ©ros ne correspond pas aux profils des hĂ©ros habituels de thrillers. Il est un peu passif et apeurĂ© comme les hĂ©ros de Gillian Flynn (Gone Girl, Dark Places
). Ce sont des gens qui sont contraints, malgrĂ© leurs histoires, d’aller au bout des choses alors qu’ils n’en ont aucune envie. J’ai eu beaucoup de mal Ă  classer ce livre lorsque je l’ai mis en ligne sur Kobo, car on est obligĂ© de cocher les diffĂ©rentes

ROMAN NOIR

catĂ©gories : aventure, suspense
 C’est un thriller et un anti-thriller, j’ai eu envie de jouer avec certains clichĂ©s et de les dĂ©passer. LFC : Vous vous amusez personnellement avant d’amuser le lecteur
 CL : Je m’amuse toujours quand j’écris. MĂȘme quand j’écris des choses qui ne sont pas du tout amusantes. Si ce n’est pas ludique, je m’ennuie. Et si je m’ennuie, le lecteur s’ennuiera. Ce livre est aussi un hommage Ă  la littĂ©rature sous toutes ses formes. Bill a un rapport trĂšs ambigu Ă  la littĂ©rature. C’est un professeur qui est fan de Shakespeare et Henry James et qui a un mĂ©pris monumental pour Stephen King et Harlan Coben. Ce qui est intĂ©ressant, c’est que Bill a les mĂȘmes rĂ©flexes que les

Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos :

Le hĂ©ros ne correspond pas aux profils des hĂ©ros habituels de thrillers. Il est un peu passif et apeurĂ© comme les hĂ©ros de Gillian Flynn (Gone Girl, Dark Places
). SARA LÖVESTAM

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personnages des livres de Stephen King. Il est toujours minuit quelque part est un mĂ©lange des livres de Stephen King et d’Henry James. J’aime mĂȘler les genres. LFC : Vous avez fait vos dĂ©buts d’écrivain en auto-Ă©dition, comment cela s’est-il passĂ© ? CL : Avant de publier un livre, je le fais tourner Ă  un cercle de lecteurs personnels, ce sont les amis, la famille, des gens qui lisent beaucoup. Certains sont peau de vache, cela m’aide plutĂŽt bien, car ils ne me laisseraient pas sortir un livre s’il n’était pas de qualitĂ©. Je suis trĂšs en attente de critiques, car si eux ne le sont pas, le lecteur lambda ne vous loupera pas Ă  la sortie. J’écris pour ce type de lecteurs. Je compare cela Ă  Tinder. La couverture est souvent belle,

Il est toujours minuit quelque part est un mĂ©lange des livres de Stephen King et d’Henry James. J’aime mĂȘler les genres. mais parfois il ne se passe rien ensuite. Les bouquins, c’est un peu comme les rencontres. Pour revenir Ă  l’auto-Ă©dition, c’est une voie Ă  laquelle je n’avais pas pensĂ©. J’étais dans un cercle plutĂŽt traditionnel. J’envoyais mon manuscrit Ă  quelques maisons d’édition en format papier et Ă©galement en format numĂ©rique, mĂȘme s’il y avait trĂšs peu de chance que cela fonctionne. Et un jour sur Twitter, j’ai vu passĂ© un tweet sur le compte des Éditions PrĂ©ludes Ă  propos d’un concours Kobo. J’ai tentĂ© ma chance. Au dĂ©part, on participe Ă  un concours en se disant que l’on aura peut-ĂȘtre de la chance et que l’on va gagner. Et Ă  contrario, on se dit que l’on est plus de trois cents Ă  participer, ce qui rĂ©duit les chances. LFC : Vous sentez-vous privilĂ©giĂ©

ROMAN NOIR

aujourd’hui ? CL : Je me sens trĂšs chanceux. J’ai su m’immiscer lĂ -dedans au bon moment. Il faut toujours rĂȘver en grand. LFC : Revenons Ă  votre livre, parlez-nous de ce mystĂ©rieux livre que Bill reçoit dans son casier


Cédric Lalaury, Il est toujours minuit quelque part, Préludes.

Je me sens trĂšs chanceux. Il faut toujours rĂȘver en grand. CÉDRIC LALAURY

CL : Ce livre est un thriller, le genre de bouquin qu’il dĂ©teste. Cette Ɠuvre lui est complĂštement inconnue, mais il va se laisser emporter par l’histoire. Il va ensuite tomber dans les mains de son Ă©lĂšve Alan, qui va ĂȘtre le moteur de cette histoire. LFC : Nous n’avons pas encore terminĂ© le livre, mais ce qui est intĂ©ressant, c’est que l’on ne sait

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pas oĂč vous allez amener le lecteur. CL : À vrai dire, moi non plus, je ne sais pas oĂč je vais (rires). On a toujours un objectif qui est d’aller Ă  un endroit prĂ©cis. Cependant les dĂ©tails, je ne les connais pas. Je les dĂ©couvre au fil de l’écriture. LFC : Le titre du livre Il est toujours minuit quelque part, c’était une Ă©vidence ? CL : Il m’est venu dĂšs le dĂ©part. Je ne peux pas Ă©crire si je n’ai pas de titre. Cela m’aurait d’ailleurs beaucoup dĂ©plu qu’on le change Ă  la fin de l’écriture. Je suis quelqu’un qui a un caractĂšre adorable pour beaucoup de choses, mais je crois que quand il s’agit des livres, je peux devenir une vraie teigne. Le titre est un jeu, il est tirĂ© d’une

Je n’ai pas forcĂ©ment d’attente de la part des lecteurs, mais plutĂŽt une curiositĂ©. Je suis curieux de savoir ce qu’ils vont en penser. citation de Shakespeare dans Macbeth, scĂšne quatre, acte quatre
silence
 Pour tout vous avouer, cette scĂšne n’existe pas et cela a trĂšs bien marchĂ© auprĂšs de mes Ă©diteurs. Mes titres sont sans doute des phrases qui m’obsĂšdent. LFC : Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de votre fiction ? CL : Je n’ai pas forcĂ©ment d’attente de la part des lecteurs, mais plutĂŽt une curiositĂ©. Je suis curieux de savoir ce qu’ils vont en penser. Ce qu’ils vont penser de Bill, des personnages, de l’intrigue. J’aimerais qu’ils se posent la question : qu’est-ce que j’aurais fait Ă  sa place ? C’est le genre de livre oĂč l’on peut se poser cette question. Bill est un type normal avec un crime qui est presque banal. Tragique, mais banal. Il y a des

ROMAN NOIR

gens qui sont trĂšs forts pour oublier ce qu’ils ont fait, mais lui, ce n’est pas le cas. Avant d’avoir le livre, il le sait. C’est comme dans la sĂ©rie Breaking Bad, Walter White dĂ©cide de faire de la drogue avant de savoir qu’il est malade. J’essaye de ne jamais trop m’éloigner de l’intrigue, de ne pas faire trop d’histoires annexes, car dans le genre du suspense, gĂ©nĂ©ralement, ce n’est pas bon. À chaque fois que je risque de m’écarter, je me sens en danger. LFC : Quelle a Ă©tĂ© votre rĂ©action lorsque vous avez vu votre livre en librairie ? CL : C’était assez bizarre. Je ne voulais absolument pas

J’essaye de ne jamais trop m’éloigner de l’intrigue, de ne pas faire trop d’histoires annexes, car dans le genre du suspense, gĂ©nĂ©ralement, ce n’est pas bon. CÉDRIC LALAURY

aller en librairie le jour de la sortie, car je ne veux pas me prendre pour quelqu’un d’autre. Mais quelques jours aprĂšs, je devais acheter quelque chose Ă  Auchan et je me suis vu Ă  cĂŽtĂ© de Lisa Gardner et Jean d’Ormesson. Cela m’a soufflĂ©.

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LFC MAGAZINE

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#7

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MARS 2018

KAREN CLEVELAND

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA

LE LIVRE QUI A TAPÉ DANS L'ƒIL DE CHARLIZE THERON


Karen Cleveland Ă©tait Ă  Londres la veille. À Paris, en fĂ©vrier 2018, le lendemain, oĂč nous avons eu la chance de la rencontrer dans le prestigieux hĂŽtel Le pavillon de la SELINA RICHARDS Reine, Place des Vosges. AprĂšs une sĂ©ance photos pour LFC Magazine, rencontre avec une romanciĂšre comblĂ©e.

LFC : Bonjour Karen Cleveland, vous vivez

LFC : Votre livre nous a fait penser au film

aux USA et vous ĂȘtes en ce moment en

Mr and Mrs Smith avec Angelina Jolie et

tournée européenne. Comment se passe

Brad Pitt.

votre sĂ©jour Ă  Paris ? KC : Oui, c’est vrai. C’est une histoire assez KC : En effet, j’ai passĂ© quelques jours Ă 

similaire avec une atmosphùre d’agents

Londres. Je viens tout juste d’arriver à Paris.

secrets au sein d’un couple. Vous avez vu

J’adore cette ville. J’ai vraiment hñte de

juste !

connaßtre les premiers avis des lecteurs français.

LFC : Cela a-t-il Ă©tĂ© dĂ©licat de vous arrĂȘter de travailler pour vous focaliser sur ce

LFC : Nous nous rencontrons pour parler de

livre ?

votre livre Toute la vĂ©ritĂ© (Robert Laffont / La bĂȘte noire). Comment est nĂ©e l’idĂ©e d’écrire

KC : C’est quelque chose que j’ai toujours eu

ce livre ?

dans un coin de ma tĂȘte. Une fois que j’ai eu mes enfants, c’est pendant mon congĂ©

86

KC : J’ai passĂ© huit ans en tant qu’agent Ă  la CIA

maternitĂ© que j’ai commencĂ© Ă  Ă©crire ce

et je suis Ă©galement maman. Je voulais que ce

livre. J’ai adorĂ© travaillĂ© Ă  la CIA, mais j’avais

livre rĂ©unisse ces deux thĂšmes. L’idĂ©e est

besoin de changement. Voir la terreur tous

venue il y a assez longtemps lorsque je

les jours n’est pas quelque chose de facile à

travaillais encore à l’agence.

encaisser. De plus, je souhaitais faire une


activitĂ© oĂč j’étais flexible, oĂč je pouvais m’occuper de mes enfants tout en Ă©crivant. LFC : Vous avez quittĂ© la rĂ©alitĂ© pour vous diriger vers la fiction. Ce sont vos S premiers ELINA pas dans l’écriture et tout se passe pour le mieux : une sortie mondiale, un livre dĂ©jĂ  dans les meilleures ventes aux ÉtatsUnis


J’ai adorĂ© travaillĂ© Ă  la CIA, mais j’avais besoin de changement. Voir la terreur tous les jours n’est pas quelque chose de facile Ă  encaisser. De plus, je RICHARDS souhaitais faire une activitĂ© oĂč j’étais flexible, oĂč je pouvais m’occuper de mes enfants tout en Ă©crivant.

KC : Tout cela est incroyable. C’est vrai que tout marche trùs bien. Lorsque j’ai

qui n’a pas confiance en soi et sur lequel

commencĂ© Ă  Ă©crire ce livre, j’aurais Ă©tĂ© ravie

on peut facilement s’identifier.

qu’une seule personne le lise, cela m’aurait dĂ©jĂ  fait plaisir. Mais quand je vois

LFC : Votre personnage féminin, Vivian

l’engouement autour du livre, cela me rend

Miller, est mariée depuis dix ans. Elle a

trùs heureuse, je crois que c’est un sujet qui

quatre enfants et travaille Ă  la CIA. Elle

plait aux lecteurs.

pense connaĂźtre son mari mieux que personne, mais elle a tort. Elle se

LFC : Votre livre est un mélange entre un

retrouve face Ă  un choix crucial : choisir

roman d’espionnage et un thriller

entre son pays et sa famille


psychologique. Qu’en pensez-vous ? KC : C’est une lutte entre sa carriùre et sa

87

KC : Exactement. Les romans d’espionnage

famille. En découvrant ce secret, elle ne

se passent souvent avec un homme, mais je

sait pas comment elle doit réagir. Elle veut

ne trouve pas que ce soit forcément

faire son travail d’agent, mais elle a

nécessaire. Il y a beaucoup de femmes à la

toujours été loyale envers sa famille. De

CIA, avec une famille, des enfants
 Mon livre

plus, ils ont des problĂšmes familiaux,

est une description de ce qui se passe dans

comme tout le monde. C’est une famille

cette agence. Il n’y a pas que des James

amĂ©ricaine ordinaire. Vivian et moi-mĂȘme

Bond et des Jason Bourne ! (rires) Je voulais

avons des similaritĂ©s, sauf que je n’aurais

plonger le lecteur dans l’univers de l’agence

pas forcĂ©ment pris les mĂȘmes dĂ©cisions

Ă  travers un personnage normal qui ne

qu’elle dans certaines situations. Je tiens

prend pas toujours les bonnes décisions,

Ă©galement Ă  rassurer les lecteurs, mon


K A R E N

C L E V E L A N D

EN ROUTE VERS LE SUCCÈS


Je voulais raconter ma propre expĂ©rience, mari dans le livre n’est pas le mien, tout se montrer ce que pouvait passe trĂšs bien entre nous ! (rires) ĂȘtre la vie Ă  la CIA. J’ai construit un personnage LFC : Ce roman marche trĂšs bien, l’écriture qui n’est pas si Ă©loignĂ© de est de qualitĂ© et vous nous offrez des et qui fait face Ă  rebondissements inattendus
 S E L I N A la R I CrĂ©alitĂ© HARDS des choix trĂšs importants. KC : Je suis contente que vous ayez aimĂ© lire Cela m’a permis de mon livre. J’aime lire des livres page turner. prendre du recul sur un J’aime ĂȘtre surprise lors de ma lecture. Je travail que j’ai fait crois que j’ai Ă©crit un livre que j’aimerais lire. pendant des annĂ©es. LFC : Comment s’est passĂ©e votre premiĂšre expĂ©rience en tant qu’auteur ?

Quelle a été votre réaction ?

KC : J’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  Ă©crire ce

KC : Je suis trĂšs excitĂ©e. Tout s’est passĂ©

livre. Je voulais raconter ma propre

si vite. C’est une actrice vraiment

expĂ©rience, montrer ce que pouvait ĂȘtre la vie

talentueuse qui peut jouer beaucoup de

à la CIA. J’ai construit un personnage qui

rÎles différents. Le personnage de mon

n’est pas si Ă©loignĂ© de la rĂ©alitĂ© et qui fait face

livre devient une autre personne au fur et

à des choix trùs importants. Cela m’a permis

Ă  mesure du livre et je crois que ce rĂŽle

de prendre du recul sur un travail que j’ai fait

conviendra parfaitement Ă  une actrice

pendant des années.

comme Charlize Theron. C’est une excellente nouvelle. De plus, je fais

LFC : Ce livre est en librairie depuis

confiance Ă  cent pour cent au studio

quelques semaines. Travaillez-vous sur un

pour l’adaptation du livre.

autre projet ? LFC : Cerise sur le gĂąteau, John KC : Oui, je viens de finir mon deuxiĂšme livre.

Grisham a trouvé votre livre

Celui-ci se passera Ă  Washington et parlera

extraordinaire


d’une personne qui travaille au sein du gouvernement
 Je ne peux pas vous en dire

KC : Je ne pouvais pas rĂȘver mieux, c’est

plus !

mon auteur prĂ©fĂ©rĂ©. Beaucoup d’autres auteurs m’ont tĂ©moignĂ© leur sympathie.

89

LFC : Toute la vérité va devenir un film avec

Jamais je n’aurais pensĂ© recevoir tout

dans le premier rĂŽle Charlize Theron.

cela. Je suis trĂšs heureuse.


LFC MAGAZINE

#7

Guillaume Richez ENTRETIEN EXCLUSIF


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LFC MAGAZINE #7

INTERVIEW

GUILLAUME RICHEZ PAR MURIEL LEROY PHOTO : DR

Entretien avec Guillaume Richez qui publie Blackstone, entre roman d'espionnage et thriller avec une documentation pointue. Rencontre.

s’entrechoquent. Certaines sont bonnes, d’autres mauvaises. J’alimente le feu avec le plus de documents possible - tĂ©moignages Ă©crits, reportages vidĂ©os, essais, biographies, articles de presse - autant de bĂ»ches jetĂ©es dans l’ñtre
 Quand j’ai terminĂ© l’écriture de Blackstone, je dois vous avouer que j’ai soudain pris peur. J’avais passĂ© plus de trois ans Ă  Ă©crire ce thriller sans prendre de recul par rapport Ă  ce que j’étais en train de faire. C’est un roman tellement foisonnant, avec des sous-intrigues imbriquĂ©es les unes dans les autres
 J’ai alors rĂ©alisĂ© que le lecteur risquait de se perdre dans ce labyrinthe narratif et qu’aucun Ă©diteur ne voudrait d’un tel pavĂ© ! Heureusement, je me trompais !

LFC : Bonjour Guillaume Richez, nous sommes ravis de parler avec vous votre roman Blackstone, un trĂšs bon thriller atypique. Comment est nĂ©e l’idĂ©e de mĂ©langer le thriller et le livre d’espionnage ?

LFC : Vous avez dû effectuer beaucoup de recherches pour une telle précision. Combien de temps avez-vous consacré aux recherches ?

GR : Je savais avant d’en commencer l’écriture que Blackstone serait un roman d’espionnage et qu’il y aurait Ă©galement une histoire de tueur en sĂ©rie. J’avais dĂ©jĂ  cela en tĂȘte dĂšs les premiĂšres Ă©bauches du synopsis. J’en ignore la raison. Certaines idĂ©es s’imposent Ă  moi sans que je sache pourquoi. Au dĂ©part, tout est assez confus dans mon esprit. Les idĂ©es se mĂȘlent,

GR : Je consacre beaucoup de temps Ă  mes recherches. J’en effectue avant mĂȘme de commencer Ă  Ă©crire, pour Ă©laborer mon synopsis et travailler mes personnages. Et je continue durant toute la phase d’écriture, pour renforcer le caractĂšre rĂ©aliste des scĂšnes dĂ©crites, notamment les diffĂ©rents lieux dĂ©peints. Je dois pouvoir visualiser ce que je vais dĂ©crire. Ce travail de recherches


LFC MAGAZINE #7

PAGE 92

INTERVIEW

Je consacre beaucoup de temps Ă  mes recherches. J’en effectue avant mĂȘme de commencer Ă  Ă©crire, pour Ă©laborer mon synopsis et travailler mes personnages. commence par des renseignements gĂ©nĂ©raux pour finir par des dĂ©tails souvent infimes. J’ai notamment lu un ouvrage trĂšs complet sur les services de renseignements chinois, plusieurs livres sur la politique Ă©trangĂšre des États-Unis d’AmĂ©rique, des essais sur les tueurs en sĂ©rie, ou encore des tĂ©moignages d’anciens Navy SEALs (les forces spĂ©ciales de la marine amĂ©ricaine). Pour vous donner un exemple, le personnage du major Chuck Bennett est en partie inspirĂ© d’un article du journal Spiegel consacrĂ© Ă  un ancien pilote de drone de l’US Air Force. J’ai Ă©galement compilĂ© des articles de presse sur les personnages historiques qui apparaissent dans le roman tels que Barack et Michelle Obama, le viceprĂ©sident Joe Biden, etc. Les anecdotes

que je rapporte Ă  leur sujet sont vraies pour la plupart. Et les extraits de discours d’Obama que je cite dans Blackstone sont tirĂ©s de discours que l’ancien prĂ©sident amĂ©ricain a rĂ©ellement prononcĂ©s au cours de ses deux mandats successifs. LFC : Pourquoi avez-vous situĂ© l’action en Chine et non aux États-Unis comme il est courant ? GR : AprĂšs la parution de mon premier thriller OpĂ©ration KhĂ©ops, j’ai d’abord envisagĂ© de donner une suite aux aventures de mon hĂ©roĂŻne Kate Moore. L’action de ce nouveau thriller devait se dĂ©rouler en Chine. J’avais dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  Ă©laborer la trame principale et Ă  me documenter sur la RĂ©publique populaire, les services de renseignements chinois et amĂ©ricains, l’armĂ©e, etc. Quand j’ai compris qu’il n’y aurait finalement pas de suite Ă  ce thriller, j’ai utilisĂ© tous les matĂ©riaux dont je disposais alors

Le roman d’espionnage est par essence un roman politique puisque l’on aborde la question de la politique Ă©trangĂšre menĂ©e par un pays.


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LFC MAGAZINE #7

pour bĂątir un nouveau scĂ©nario, plus complexe que celui d’OpĂ©ration KhĂ©ops. Situer l’action en Chine s’est imposĂ© Ă  moi de la mĂȘme maniĂšre que l’histoire du tueur en sĂ©rie 207 que nous venons d’évoquer. Durant toute la phase de recherches, je me suis documentĂ© sur la diplomatie amĂ©ricaine. La presse relatait alors les relations trĂšs conflictuelles entre ces deux super puissances Ă©conomiques. Je tenais mon sujet ! LFC : Votre premier roman, en revanche, lui est plus lĂ©ger, on vous sent trĂšs imprĂ©gnĂ© des SAS de GĂ©rard de Villiers. GR : Les Ă©ditions J’ai Lu cherchaient de jeunes auteurs pour crĂ©er une sĂ©rie de romans inspirĂ©s des cĂ©lĂšbres romans de gare de GĂ©rard de Villiers, les fameux SAS. GĂ©rard de Villiers avait donnĂ© son accord. J’ai fourni un synopsis, un portrait de mon hĂ©roĂŻne et deux chapitres (une scĂšne d’action et une scĂšne Ă©rotique) et j’ai Ă©tĂ© retenu. J’ai ensuite Ă©crit OpĂ©ration KhĂ©ops en trois mois. Autant dire que le dĂ©lai Ă©tait court ! C’est un roman que j’ai Ă©crit vite, mais je ne suis pas trop mĂ©content du rĂ©sultat. Plusieurs lecteurs attendent d’ailleurs encore la suite des aventures de la belle Kate Moore


INTERVIEW

dĂ©roule en Égypte en 2011), j’ai pris goĂ»t au genre. Le roman d’espionnage permet de parler de notre Ă©poque, de l’Histoire en train de s’écrire, tout en respectant les rĂšgles (si rĂšgles il y a) du thriller classique. Au lieu de suivre une enquĂȘte conduite par des policiers, on suit les traces d’officiers du renseignement traquant des terroristes. LFC : Actuellement, travaillez-vous sur un nouveau roman ? GR : Oui, je suis en pleine phase d’écriture de mon troisiĂšme roman qui intervient aprĂšs plusieurs mois de nouvelles recherches. Il s’agit cette fois encore d’un roman d’espionnage. L’action est situĂ©e en France et au Mali et le lecteur y dĂ©couvrira des personnages qui pourraient devenir rĂ©currents
 À dĂ©couvrir en 2019 ! Je participe Ă©galement Ă  un trĂšs beau projet Ă©ditorial collectif portĂ© par une talentueuse photographe. L’ouvrage paraĂźtra en octobre 2018. LFC : On vous laisse le mot de la fin
 GR : SOYEZ CURIEUX !

LFC : D’oĂč vous vient cette fascination de l’espionnage, thĂšme commun de vos deux livres? De l’actualitĂ© ou plutĂŽt de votre enfance, voire mĂȘme de vos lectures ? GR : Le roman d’espionnage est par essence un roman politique puisque l’on aborde la question de la politique Ă©trangĂšre menĂ©e par un pays. Il y a la version officielle des Ă©vĂ©nements, celle qui est relatĂ©e dans la presse et les livres d’Histoire, et il y a l’Histoire plus secrĂšte, les dessous des relations internationales, ce que les États dissimulent pour protĂ©ger leurs intĂ©rĂȘts. Les services de renseignements sont alors en premiĂšre ligne. J’avoue que je n’avais jamais lu de romans d’espionnage avant d’écrire OpĂ©ration KhĂ©ops (je n’avais d’ailleurs jamais lu de SAS non plus, - j’en ai lu quelques-uns depuis et j’ai trouvĂ© cela trĂšs efficace). En Ă©crivant ce thriller qui a pour cadre le printemps arabe (l’action d’OpĂ©ration KhĂ©ops se

Soyez curieux !


MARABOUT THRILLER À L'ORIGINE ÉTAIT LE SUSPENSE

ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC

HÉLÈNE GÉDOUIN

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HÉLÈNE GÉDOUIN PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS : DR ET ASTRID DI CROLLALANZA POUR NICOLAS LEBEL.

Savez-vous ce qu’ont en commun des auteurs tels que Conan Doyle (le crĂ©ateur de Sherlock Holmes), Edgar Poe (Histoires extraordinaires), LĂ©o Malet (le pĂšre de Nestor Burma), Pierre Mac Orlan (Le Quai des brumes) et Robert Bloch (Psychose), pour ne citer qu’eux ? Du dĂ©but des annĂ©es 1950 Ă  la fin des annĂ©es 1970, ils ont tous Ă©tĂ© publiĂ©s aux Ă©ditions Marabout. Et au dĂ©but des annĂ©es 1980, Olivier Cohen y a mĂȘme crĂ©Ă©, avant de fonder les Éditions de l’Olivier, une sĂ©rie dans laquelle il a rĂ©Ă©ditĂ© David Goodis, William Irish, Ed Mc Bain, et Delacorta (Diva). C’est dire Ă  quel point l’histoire de Marabout est intimement liĂ©e Ă  celle du polar, du noir, du thriller au sens large. Aujourd’hui, la relĂšve est assurĂ©e, grĂące Ă  la collection Marabout Thriller, conduite depuis 2011 par HĂ©lĂšne Amalric, qui maĂźtrise on ne peut mieux son sujet. Longtemps directrice Ă©ditoriale au Masque, elle a publiĂ© les premiers romans de Patricia Cornwell, d’Andrea Japp, de Philip Kerr, de Val McDermid et de Fred Vargas. Elle a Ă©galement menĂ© la retraduction des ouvrages d’Agatha Christie ou de Ruth Rendell, par exemple. Pour Marabout Thriller, elle a ƓuvrĂ© Ă  la publication de Clara Sanchez (Ce que cache ton nom), David Morrell (l’auteur de Rambo) avec sa sĂ©rie victorienne mettant en scĂšne Thomas de Quincey, et deux des meilleures reprĂ©sentantes anglaises actuelles du suspense psychologique, C.L. Taylor et Clare Mackintosh, en mĂȘme temps que d’auteurs français comme CĂ©line Denjean, Laurent Bettoni et Nicolas Lebel, dont nous dĂ©couvrirons les autoportraits dans cet article. Mais commençons par un entretien avec HĂ©lĂšne GĂ©douin, directrice Ă©ditoriale des Ă©ditions Marabout.

L'INTERVIEW

LFC : Quand on pense aux Ă©ditions Marabout, on ne pense pas d’emblĂ©e, voire pas du tout, Ă  de la littĂ©rature. C’est parce que nous avons la mĂ©moire courte. Pouvez-vous nous la rafraĂźchir et retracer briĂšvement le passĂ© littĂ©raire de cette maison d’édition ? HG : Marabout, premiĂšre maison d’édition de poche francophone, fondĂ©e en 1949, a commencĂ© par publier de la littĂ©rature et a dĂ©veloppĂ© ainsi, dĂšs son origine, un grand nombre de collections : du roman policier, du fantastique, de la science-fiction, des collections de romans pour la jeunesse dont le fameux Bob Morane
 En renouant avec la fiction en 2006, Marabout n’a fait qu’exprimer son ADN.

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LFC : Comment est née la collection Marabout Thriller ?

d’auteurs britanniques. Nous n’avons pas d’a-priori sur l’évolution en

HG : Notre désir de publier de la fiction est né du grand plaisir

faveur de l’une ou l’autre langue.

que nous avons chez Marabout Ă  Ă©diter des textes et Ă  partager

Nous choisissons les textes qui nous

nos joies de lecture ; je fournis réguliÚrement des listes de

semblent les meilleurs !

livres Ă  mes amis qui m’en rĂ©clament sans cesse de nouvelles. Et puis, il y a eu des rencontres. De la rencontre avec Charlotte

LFC : Dans vos projets de

Ruffaut, ancienne directrice du département Jeunesse romans,

développement, envisagez-vous de

est nĂ©e en 2005 l’idĂ©e que nous pouvions peut-ĂȘtre Ă©diter des

vous intĂ©resser Ă  d’autres genres

comĂ©dies pour adultes. J’ai beaucoup appris de Charlotte. Nous

littéraires que le thriller ?

sommes passĂ©s ensuite de la comĂ©die Ă  la comĂ©die policiĂšre. Puis en 2010, d’une discussion avec HĂ©lĂšne Amalric, dont

HG : Pourquoi pas, nous ne nous

l’expĂ©rience en matiĂšre de roman policier est indiscutable, est

interdisons pas d’y penser – et de

venue l’idĂ©e de glisser vers le thriller.

craquer !

L'INTERVIEW HĂ©lĂšne GĂ©douin - Directrice Ă©ditoriale Marabout

EN RENOUANT AVEC LA FICTION EN 2006, MARABOUT N’A FAIT QU’EXPRIMER SON ADN

LFC : De quelle maniĂšre choisissez-vous vos auteurs, vos textes ?

ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE

Qu’est-ce qu’un bon thriller, selon vous ? HG : Nous lisons beaucoup et nous publions assez peu. Bien entendu, nous lisons ce que nous envoient les agents, ce que nous recevons par courrier, et nous suivons et encourageons nos auteurs afin qu’ils continuent Ă  travailler et Ă  approfondir leur travail. Un bon thriller pour moi, c’est un thriller qu’on ne lĂąche pas, un thriller psychologique qui explore les mĂ©andres de l’ñme humaine et stimule l’imagination du lecteur. J’aime quand l’auteur arrive Ă  me surprendre et Ă  m’émouvoir. Si j’ai le cƓur qui bat en lisant, c’est en partie gagnĂ©. LFC : Actuellement, dans votre catalogue, quelle est la rĂ©partition entre auteurs français et internationaux ? Cela va-t-il Ă©voluer, et, si oui, dans quel sens ? HG : Notre catalogue comporte autant d’auteurs français que

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DE GAUCHE À DROITE : CÉLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.

AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER

CÉLINE DENJEAN DĂšs mon enfance, j’ai baignĂ© dans la ronde des mots choisis de Georges Brassens, Ă  qui mes parents vouaient un vĂ©ritable culte. J’ai dĂ©couvert sa poĂ©sie, ses subtiles scansions, ses improbables rimes et son immense libertĂ© de pensĂ©e. D’une certaine maniĂšre, cet homme est l’un de mes enseignants, il a contribuĂ© Ă  m’ouvrir Ă  la beautĂ© des mots et aux peintures sociales et humanistes. Mon grand-pĂšre, libraire, disposait d’une large bibliothĂšque, et j’ai poussĂ© au milieu des livres qui tenaient une place considĂ©rable dans son petit appartement ; des livres qui ont pris peu Ă  peu une indĂ©crottable place aussi dans ma vie. Aujourd’hui, dans ma bibliothĂšque, Maupassant cĂŽtoie Asimov, Jules Vernes flirte avec Barjavel, Despentes bouscule Kazuo Ishiguro, et MoliĂšre s’amuse avec San Antonio sous le regard de Stephen King. Minuscule illustration de mon Ă©clectisme littĂ©raire.

L’UNIVERS DU NOIR, INCONTOURNABLE Lorsque Simone GĂ©lin, romanciĂšre de talent, m’a demandĂ© « Pourquoi le noir ? Un choix ? Quelque chose qui s’est imposĂ© ? », j’ai spontanĂ©ment rĂ©pondu « Oui, le polar s’est imposĂ© Ă  moi, sans aucun doute ! J’ai grandi Ă  cĂŽtĂ© d’une mĂšre amatrice du genre – livres, feuilletons
 Le polar dominait, chez nous ». Je me rappelle, enfant, la jubilation Ă  poursuivre l’assassin aux cĂŽtĂ©s de Maigret ou de Colombo. L’énigme policiĂšre, clef de voĂ»te d’une Ă©mulation intellectuelle
 Souvent facĂ©tieuse avec Agatha Christie, plus sombre et plus humaine avec Simenon ou Chabrol, ou carrĂ©ment psychopathologique avec Thomas Harris et son cĂ©lĂšbre Hannibal Lecter.


AUSSITÔT QU’IL A M’A ÉTÉ POSSIBLE DE PENSER, J’AI QUESTIONNÉ L’ÂME HUMAINE Plus tard, je me souviens de l’épouvante face aux crimes, de la fascination horrifiĂ©e face aux passages Ă  l’acte et des interrogations sans fin sur la logique de l’assassin. Je suis de la gĂ©nĂ©ration d’enfants qui ont Ă©coutĂ© leurs parents dĂ©battre avec passion de la peine de mort. L’actualitĂ©, alors, faisait une large place aux braqueurs du type de Spaggiari et Mesrine – l’ennemi public numĂ©ro 1 – ou aux violences d’Action directe.

LA CONSTRUCTION DU NOIR DANS MES LIVRES

Le tueur est au centre de mes romans. C’est Ă  partir de ce personnage que j’imagine l’histoire de fond. Qui est-il ? D’oĂč vient-il ? Quel est son profil psychologique ? Comment s’est-il construit et pourquoi ? Quelle est son histoire ? Son leitmotiv ? Son mode opĂ©ratoire ? De lĂ , l’intrigue prend peu Ă  peu forme dans mon

La sociĂ©tĂ© des annĂ©es 1980 a vu la naissance d’une mĂ©diatisation des faits divers, des violences et du crime aux formes multiples. Alors voilĂ , aussitĂŽt qu’il a m’a Ă©tĂ© possible de penser, j’ai questionnĂ© l’ñme humaine. Pourquoi la violence? Pourquoi le crime? Quels sont les ressorts psychologiques de tous ces autres si ressemblants et pourtant si Ă©trangers par la barriĂšre que le crime a posĂ©e entre eux et moi ?

esprit. Ensuite, je crĂ©e les personnages qui vont guider le lecteur dans les diffĂ©rentes ramifications de l’histoire. Je cherche Ă  placer le lecteur en position active, alors je construis la narration comme un puzzle. Le lecteur est le seul Ă  avoir une vision omnisciente et, dans le jeu de chassĂ©-

Écrire du noir, c’est ĂȘtre fonciĂšrement persĂ©cutĂ© par cette question de la transgression de l’interdit. Écrire du noir, c’est mettre en abyme une sociĂ©tĂ© et ses individus. Écrire du noir, c’est interroger sans cesse le sens de l’acte insensĂ©, le lien entre la psychĂ© et son environnement, c’est interroger les sources, les causes, les ressorts, les traumas, les subjectivitĂ©s et les dynamiques de groupes.

croisĂ© que je lui soumets d’un personnage Ă  l’autre, il tisse peu Ă  peu les liens existants, perçoit les intrications souterraines. Il n’est pas rare qu’il connaisse le tueur bien avant que mes enquĂȘteurs ne remontent jusqu’à lui ! On n’est donc pas le roman d’enquĂȘte pur. Ce n’est pas tant identifier le tueur qui compte que

Écrire du Noir, c’est plonger dans l’ñme humaine, sillonner ses mĂ©andres, se dĂ©placer de soi vers un autre soi-mĂȘme hypothĂ©tique, imaginaire, supposĂ©, potentiel. Le Polar, c’est le « et si
 » dynamique de l’histoire d’une dĂ©viance, d’une souffrance, d’un Ă©chec personnel, Ă©ducatif, sociĂ©tal, familial. Le polar est en somme une porte d’entrĂ©e dans la condition humaine.

l’intrigue en elle-mĂȘme, la maniĂšre dont les petites histoires des personnages se tissent progressivement pour former un grand tout. Au final, mes enquĂȘteurs ne sont pas des surhommes, et s’ils occupent une place importante, les autres personnages le font tout autant. Pour finir, je dirai que j’ai Ă©voluĂ© dans l’élaboration des intrigues telles que je viens de

LE POLAR, C’EST LE "ET SI
 " DYNAMIQUE DE L’HISTOIRE D’UNE DÉVIANCE, D’UNE SOUFFRANCE, D’UN ÉCHEC PERSONNEL, ÉDUCATIF, SOCIÉTAL, FAMILIAL LFC MAGAZINE

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les dĂ©crire. Il est heureux de constater que l’écriture s’apparente Ă  un cheminement et que l’auteur se modifie lui-mĂȘme en Ă©crivant ! MARS 2018


CÉLINE DENJEAN LE CHEPTEL, MARABOUT THRILLER

Juillet 2015. Le corps d’une jeune femme inconnue est retrouvĂ© au bord d’une route des CĂ©vennes. Les premiĂšres conclusions de l’enquĂȘte tombent rapidement : la victime a fait l’objet d’une chasse Ă  l’homme. Alors que la piste suivie par les gendarmes nĂźmois les conduit Ă  Toulouse, oĂč ils devront collaborer avec l’équipe du capitaine ÉloĂŻse Bouquet, Interpol se manifeste. La victime appartient Ă  une longue sĂ©rie de crimes irrĂ©solus sur le territoire europĂ©en. Pour les besoins de l’enquĂȘte, la cellule TEH – Trafic d’Êtres Humains – voit le jour. Commence alors pour les gendarmes et Interpol, une effroyable descente jusqu’au cƓur d’un rĂ©seau mĂȘlant perversion et manipulation. Pris dans leur course effrĂ©nĂ©e, les enquĂȘteurs sont loin de se douter que de leur rĂ©ussite dĂ©pendent la vie de Louis Barthes, septuagĂ©naire en quĂȘte de ses origines, et celle de Bruno, adolescent surdouĂ© de treize ans piĂ©gĂ© en montagne.

LE LIVRE UNE EFFROYABLE DESCENTE JUSQU’AU CƒUR D’UN RÉSEAU MÊLANT PERVERSION ET MANIPULATION LFC MAGAZINE

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DE GAUCHE À DROITE : CÉLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.

AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER

LAURENT BETTONI DĂšs ma plus tendre enfance, j’ai senti confusĂ©ment que ma vie Ă©tait dans l’écriture, dans la crĂ©ation d’histoires. Question de karma. Natif de Vitry-surSeine, je suis allĂ© au lycĂ©e Romain-Rolland d’Ivry et j’ai marchĂ© sans le savoir dans les traces d’illustres prĂ©dĂ©cesseurs, passĂ©s par lĂ  quelques annĂ©es avant moi : Tonino Benacquista, Maurice G. Dantec et Jean-Bernard Pouy. J’emploie volontairement le mot « auteur » plutĂŽt qu’écrivain ou romancier, car c’est ce premier terme qui me dĂ©finit. En effet, si je suis entrĂ© dans le monde littĂ©raire, c’est grĂące Ă  ma rencontre avec Laurent Bonelli, qui fut un grand libraire et qui m’a permis de faire publier mon premier roman. Mais en plus de la littĂ©rature, j’aime aussi Ă©normĂ©ment la musique, le cinĂ©ma et la tĂ©lĂ©vision. Si j’avais rencontrĂ© les bonnes personnes, je serais peut-ĂȘtre aujourd’hui, avec autant de bonheur, Ă©galement parolier et scĂ©nariste. J’ai dĂ©jĂ  quelques expĂ©riences en la matiĂšre mais rien de trĂšs probant encore, hĂ©las. Je rĂȘve d’écrire un jour des sĂ©ries pour la tĂ©lĂ©vision et des films pour le cinĂ©ma.

JE RÊVE D’ÉCRIRE UN JOUR DES SÉRIES POUR LA TÉLÉVISION ET DES FILMS POUR LE CINÉMA

Quant au genre de mes romans, je prĂ©fĂšre laisser Ă  d’autres le soin de

D’autre part, encore trop

l’étiqueter. Moi je n’aime pas tellement les cases ni les Ă©tiquettes, c’est trop

souvent, en France tout du

réducteur. Mes livres peuvent aussi bien se retrouver sur les rayonnages thriller

moins, quand on parle de

que littérature, et ça me va trÚs bien.

littĂ©rature de genre, c’est

Et puis, tout n’est-il pas thriller ? C’est quoi, un thriller ? On parle de thriller

toujours avec un petit cÎté

quand il y a suspense. Et il y a suspense quand il y a une question en suspens

condescendant, comme s’il

dont on attend la réponse. Or la question inhérente à toute histoire est : le

fallait comprendre littérature

personnage principal va-t-il atteindre le but qu’il s’est fixĂ© ? Donc toute Ɠuvre

de « mauvais genre » ou

qui raconte une histoire est un thriller. RomĂ©o et Juliette est l’un des plus

littérature de « sous-genre »,

grands thrillers de tous les temps.

par rapport à une littérature


qui serait plus belle et plus noble, celle qu’on appelle la littĂ©rature gĂ©nĂ©rale. Cela m’agace un peu. Je ne raisonne pas en ces termes de littĂ©rature de genre ou de littĂ©rature gĂ©nĂ©rale. Je distingue la fiction de la nonfiction, et c’est tout. Je fais donc de la fiction. Et je m’évertue toujours Ă  ne pas m’enfermer

DE LA LITTÉRATURE À LA FOIS BELLE ET POPULAIRE, VOILÀ CE QUE J’ESSAIE DE PROPOSER AUX LECTEURS

dans des codes ni des stĂ©rĂ©otypes. J’aime par-dessus tout transcender les genres, c’est-Ă -dire, prĂ©cisĂ©ment, dĂ©tourner des codes narratifs et des stĂ©rĂ©otypes Ă  d’autres fins que celles auxquelles ils sont originellement destinĂ©s, ou bien en mĂ©langer

Par exemple, dans Ma place au paradis, je parle de

certains, a priori incompatibles. Simplement

l’enfance maltraitĂ©e et du drame de la pĂ©dophilie ;

parce que la vie est ainsi et que la fiction,

dans Le Repentir, qui est le second volet de ce

mieux que n’importe quoi d’autre, raconte la

diptyque, je parle en plus du couple et de l’arrivĂ©e

rĂ©alitĂ©, la vie, c’est pour cela qu’elle touche

des analystes comportementaux (les fameux

autant les gens.

profilers) dans la police française ; Mauvais garçon aborde la question du Darknet, des inégalités

Considérons le fait divers malheureusement

sociales et de l’embrigadement politique d’un jeune

trùs banal d’un homme ou d’une femme qui

homme, surdiplĂŽmĂ© mais chĂŽmeur, par l’un de ses

tue son conjoint. Que trouve-t-on dans cette

anciens professeurs.

histoire ? Du thriller ? De l’amour ? Un drame social ? Probablement les trois à la

VoilĂ  pour le fond. Mais je ne me contente pas de

fois, et c’est ce qui donne sa dimension à

construire mes histoires le plus solidement possible,

l’évĂ©nement.

je tĂąche aussi de les raconter avec l’art et la maniĂšre. Le geste littĂ©raire et le style comptent autant pour

Donc si l’on veut toucher à l’universel en

moi que la qualité du récit. Je travaille énormément

racontant une histoire, il faut tenir compte

le rythme et la musicalité de mes phrases. De la

de toutes ses dimensions. Mes romans

littérature à la fois belle et populaire, voilà ce que

possĂšdent tous, en plus de la composante

j’essaie de proposer aux lecteurs.

« thriller », plusieurs composantes sociales ou sociĂ©tales, et mes hĂ©ros ne sont jamais des super flics mais des gens de tous les jours, auxquels chacun peut s’identifier et qui se retrouvent embarquĂ©s dans des histoires terribles. Ensuite, avec leurs moyens, souvent faibles, ces gens simples doivent puiser en eux des ressources dont ils ne soupçonnaient pas l’existence pour tĂącher de s’en sortir.

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LAURENT BETTONI LES REMORDS DE L'ASSASSIN, MARABOUT THRILLER

Karine et Olivier sont empĂȘtrĂ©s dans une crise conjugale qui les dĂ©vore lentement depuis des annĂ©es. Patricia et Franck, victimes d’un drame personnel, voient leur vie basculer du jour au lendemain. AurĂ©lie et Philippe, tous deux psychiatres, entretiennent une liaison adultĂšre et ont bien du mal Ă  envisager leur avenir amoureux. Trois couples Ă  bout de souffle tentent de surmonter leurs difficultĂ©s. Apparemment Ă©trangers les uns aux autres, tous se croisent pourtant, s’entrechoquent et jouent un rĂŽle crucial dans une affaire criminelle impliquant l’assassinat sauvage de quatre jeunes filles, en cinq semaines, dans le nord de Paris. Le Parquet en confie alors la rĂ©solution au commandant Vauquier, de la Brigade criminelle, qui se distingue par ses mĂ©thodes punitives et radicales. Dans ce thriller psychologique aux allures de tragĂ©die grecque, et face aux larmes de l’assassin, chacun devra rĂ©pondre Ă  une question : la maladie mentale est-elle un crime ?

LE LIVRE LA MALADIE MENTALE EST-ELLE UN CRIME ? LFC MAGAZINE

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MARS 2018


DE GAUCHE À DROITE : CÉLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.

AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER

NICOLAS LEBEL AprĂšs avoir voyagĂ© sur les cinq continents et habitĂ© Ă  l’étranger, j’ai posĂ© mes valises Ă  Paris, oĂč j’habite aujourd’hui. C’est une ville que j’adore, ce n’est donc pas un hasard si j’y ai installĂ© mes intrigues. J’ai commencĂ© trĂšs tĂŽt Ă  Ă©crire de la fiction, des nouvelles, des poĂšmes
 Mais L’envie d’écrire du polar est venue par la suite. Je connaissais mes classiques : Agatha Christie, Conan Doyle, Wilkie Collins, Boileau-Narcejac
 un genre que j’ai assez vite lĂąchĂ©, pensant naĂŻvement qu’il se bornait au whodunit, Ă  la recherche du coupable. Quelques annĂ©es plus tard, j’ai vraiment redĂ©couvert le genre avec Daenninckx, Pouy, Jonquet, Manchette puis Dantec, Lehane, Mankel, Vargas. Le polar n’était plus Ă  mes yeux cette enquĂȘte ringarde sur les traces d’un assassin. Le genre s’était Ă©toffĂ© en style, en poĂ©sie, s’était teintĂ© de tragĂ©die, de douleur, et de politique, ne se contentait plus de regarder le nombril de l’enquĂȘteur mais fouillait le quotidien, le social, l'histoire, et parlait de nous, aujourd’hui. Une rĂ©vĂ©lation ! Avec mes livres, c’est ce que j’ai voulu faire : parler de nous, aujourd’hui. Ainsi, mon premier roman, L’Heure des fous, traite de la misĂšre contemporaine et des bidonvilles parisiens, Le Jour des morts de l’hystĂ©risation mĂ©diatique autour d’un fait-divers, Sans pitiĂ© ni remords de la guerre qui s’invite Ă  Paris en pleine commĂ©moration de 1914, De cauchemar et de feu de la radicalisation d’un ado qui, sous la houlette d’un religieux, se met Ă  poser des bombes en Irlande du Nord, en 1966.


AVEC MES LIVRES, C’EST CE QUE J’AI VOULU FAIRE : PARLER DE NOUS, AUJOURD’HUI Je crois que le succĂšs de ces livres est liĂ© au protagoniste principal, le capitaine Mehrlicht. C’est est un stĂ©rĂ©otype du flic français des annĂ©es 19501960, un enquĂȘteur Ă  la papa. Il ressemble au

J’AI UNE PHILOSOPHIE PLUS HUMANISTE DU GENRE ; JE PRÉFÈRE RAPPROCHER LE LECTEUR DE SON VOISIN !

Maigret de Gabin, au Bourrel de Souplex, des types droits et rigides, qui aiment leur clope ou leur pipe et leur bouquin ou leur journal. Mais à la différence

Avec son physique à la Paul Préboist, aux

de ces deux parents massifs, inflexibles et

antipodes de l’enquĂȘteur bellĂątre et

raisonnables, Mehrlicht est chĂ©tif et dans l’excĂšs :

testostéroné des séries américaines, il est

l’excùs de bouffe, de Gitanes, parfois de vin, et

donc le porteur de lumiĂšre, celui qui

toujours de mots. C’est un personnage

apporte la clartĂ© dans l’ombre, celui

fonciĂšrement dĂ©mesurĂ© dans tout ce qu’il fait, ce

Ă©galement qui tisse le lien entre les

qui est un trait moderne.

vivants et les morts.

La force de ce personnage tient dans son décalage

Mais l’ambiance serait vite plombĂ©e si ce

avec l’époque dans laquelle il vit, Ă©poque qu’il

personnage et l’équipe qu’il dirige

dénigre, moque et rejette violemment.

n’étaient pas fonciĂšrement drĂŽles. Et dans les quatre enquĂȘtes de la sĂ©rie Mehrlicht,

Il est un fervent dĂ©fenseur du « c’était mieux

l’humour naüt souvent de la confrontation

avant », farouche combattant de la technologie sous

des personnages principaux ou

toutes ses formes, à commencer par « la télé qui

secondaires, lorsqu’ils ne se comprennent

rend con », pourfendeur impénitent de la

pas. « L'angoisse n'est pas supportable

malbouffe, de la société de consommation et de la

sans l'humour. C'est le mélange qui fait le

connerie médiatisée.

plaisir », dit Hitchcock. Le polar est certes une plongée en apnée dans les failles

Ce contraste passé-présent se retrouve dans tous

sociales, une confrontation Ă  la noirceur

mes romans. J’essaie d’y mener une rĂ©flexion sur le

individuelle ou collective. Certains

prĂ©sent en l’expliquant par le passĂ©, nourrissant

écrivent des polars pour y dépeindre la

l’intrigue d’élĂ©ments littĂ©raires et historiques. Le

monstruositĂ© insoupçonnĂ©e de l’Autre,

prĂ©sent, l’enquĂȘte, ne s’éclaire qu’à la lumiĂšre du

mon voisin, mon frùre. J’ai une

passé, ce qui nécessite cette confrontation ou ce

philosophie plus humaniste du genre ; je

rapprochement. Mehrlicht tient d’ailleurs son nom

préfÚre rapprocher le lecteur de son

des derniers mots de Goethe sur son lit de mort,

voisin ! Le rire, mĂȘme grinçant, me

« Plus de lumiÚre » (« Mehr Licht », en allemand).

semble un bon médium.

LFC MAGAZINE

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MARS 2018


NICOLAS LEBEL

Le cadavre d’un homme est dĂ©couvert dans les toilettes d’un pub parisien. La victime a Ă©tĂ© abattue : une balle dans chaque genou et une troisiĂšme dans le front. Si les enquĂȘteurs concluent rapidement Ă  l’exĂ©cution, le lĂ©giste est bien plus prĂ©cis : il reconnaĂźt le kneecapping, cette mĂ©thode punitive utilisĂ©e par l’IRA dans les annĂ©es 1980 en Irlande du Nord. À l’autopsie, le corps dĂ©nudĂ© du mort rĂ©vĂšle des entrelacs celtiques Ă  la gloire de l’IRA. Il n’y a plus de doutes : ce brave quinquagĂ©naire britannique qui vient d’arriver Ă  Paris a Ă©tĂ© la victime d’un rĂšglement de compte. Lorsqu’on dĂ©couvre le deuxiĂšme cadavre, il semble dĂ©sormais clair que les vieux briscards du conflit nord-irlandais sont venus Ă  Paris rĂ©gler leurs diffĂ©rends.

DE CAUCHEMAR ET DE FEU, MARABOUT THRILLER

Mille neuf cent soixante-six : on rejoint une bande de gamins dans les rues de Derry, Ă  l’heure oĂč dĂ©ferlent les blindĂ©s britanniques, des gosses qui vont grandir dans la guerre civile, qui devront choisir un camp, quitte Ă  se retrouver face Ă  face. Au cƓur du brasier qui enflamme Derry, naĂźt un tueur pyromane qui terrifie bientĂŽt toute l’Irlande du Nord : Le Croquefeu. Il ne s’agit pas, dans ce roman de faire un cours d’histoire, mais simplement d’organiser la rencontre du lecteur avec des acteurs de ce conflit, personnages que l’on suit de 1966 Ă  nos jours, des enfants qui grandissent dans les flammes des Troubles, pour reprendre l’insupportable euphĂ©misme de la propagande britannique. Il y avait longtemps que je portais cette ballade irlandaise qui mĂȘle histoire et mythologie. La voici !

LE LIVRE UNE BALLADE IRLANDAISE QUI MÊLE HISTOIRE ET MYTHOLOGIE LFC MAGAZINE

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L'ENTRETIEN DE LA COVER

MARS 2018

LE CLIC DE TROP ?

par Christophe Mangelle et Quentin Haessig

OVIDIE PHOTOS EXCLUSIVES CĂ©line Nieszawer


Fin fĂ©vrier 2018. Quartier saint-Paul Le Marais, Ovidie arrive avec un zeste de retard. Elle court partout... Le lancement de son nouveau livre trouve Ă©cho dans les mĂ©dias. elle est trĂšs sollicitĂ©e. Souriante, une boisson chaude pour se rĂ©conforter, et c'est parti pour une sĂ©ance de photos pour LFC Magazine. Dans À un clic du pire, elle prĂ©vient sur le clic de trop que peuvent faire les jeunes de 9 ans voire plus...

LFC : Ovidie, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre À un clic du pire (Éditions Anne-CarriĂšre). Ce n’est pas la premiĂšre fois que vous prenez la parole. Pourquoi avezvous voulu Ă©crire ce livre ? O : Je crois que peu d’individus peuvent se retrouver dans ma position, celle oĂč nous n’avons pas forcĂ©ment une vision manichĂ©enne de la pornographie. Tout le monde a un avis sur la pornographie, mĂȘme si finalement chacun s’embourbe dans une sorte de dĂ©ni oĂč l’on encense le genre. En gĂ©nĂ©ral, la pornographie, soit on est pour, soit on est contre. Il n’existe aucune rĂ©flexion sur les modes de diffusion ou sur l’évolution de ce business. Dans ce domaine, trĂšs peu de spĂ©cialistes et de consultants sont prĂ©sents. C’est un domaine que l’on ne prend pas du tout au sĂ©rieux. De plus, au niveau des politiques, des rapports LFC MAGAZINE #6 | 107


paraissent frĂ©quemment sur la pornographie qui ne sont pas Ă©voquĂ©s. On se rend compte que les personnes qui sont spĂ©cialisĂ©es dans la pornographie et qui ont Ă©tudiĂ© ce domaine avec sĂ©rieux sont rarement consultĂ©es. Ce sont toujours les mĂȘmes psychologues et les mĂȘmes sociologues qui Ă©noncent leurs thĂ©ories avec des postulats qui sont souvent erronĂ©s. Et malheureusement, on se rend compte qu’ils ne comprennent rien. J’explique dans le livre, sans panique morale, quels sont les modes de diffusion du porno, comment fonctionne cette industrie, comment cette Ă©conomie a mutĂ© et quelles sont concrĂštement les consĂ©quences sur notre rapport au corps. LFC : Vous dressez un constat alarmant Ă  propos des mineurs. Vous Ă©voquez les tubes, l’accĂšs sans filtre Ă  la pornographie des jeunes. Aujourd’hui, c’est Ă  partir de neuf ans que l’on commence Ă  voir des films pornographiques
 C’est Ă©difiant. O : Oui, c’est Ă  peu prĂšs l’ñge. Entre neuf ans et onze ans. 70% de la consommation pornographique passe par les smartphones. C’est pour cela que cela ne sert Ă  rien d’installer un filtre parental sur l’ordinateur du salon. Ils utilisent le mĂȘme smartphone pour aller au collĂšge, pour s’isoler dans leur chambre. Nous rejetons trĂšs souvent la responsabilitĂ© sur les

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En gĂ©nĂ©ral, la pornographie, soit on est pour, soit on est contre. Il n’existe aucune rĂ©flexion sur les modes de diffusion ou sur l’évolution de ce business. Dans ce domaine, trĂšs peu de spĂ©cialistes et de consultants sont prĂ©sents. C’est un domaine que l’on ne prend pas du tout au sĂ©rieux.

parents en disant que c’est Ă  eux de surveiller leurs gamins. Mais souvent, ceux qui disent cela sont ceux qui n’ont pas d’enfants. Nous ne pouvons pas ĂȘtre tout le temps derriĂšre eux. Il existe une Ă©volution des modes de diffusion de la pornographie et une Ă©volution des modes de consommation. Nous ne sommes plus dans la mĂȘme configuration qu’à l’époque oĂč l’on regardait le porno Ă  la tĂ©lĂ©vision le samedi soir sur Canal+ ou lorsqu’on se prĂȘtait des VHS. LFC : Tout est devenu plus rapide aujourd’hui
 O : Tout est devenu plus instantanĂ© depuis l’apparition des tubes en 2006, date de lancement du site YouPorn. Cela a beaucoup Ă©voluĂ© si l’on compare avec l’époque de MegaUpload par exemple. C’était illĂ©gal et gratuit, mais il y avait un temps de tĂ©lĂ©chargement qu’il fallait respecter. Donc mĂȘme si nous Ă©tions dans l’illĂ©galitĂ©, il y avait une forme de temporalitĂ© diffĂ©rente du streaming. Aujourd’hui, il suffit d’un clic pour avoir accĂšs Ă  des millions de vidĂ©os. LFC : Ce livre est-il un cri d’alarme ? Que faut-il faire contre ses tubes ? O : Ce n’est pas une approche pour alerter les foules,



mais c’est plus une approche pragmatique. Cela ne sert Ă  rien de tomber dans une forme de panique morale. C'est une façon d’expliquer que le porno se diffuse de telle maniĂšre, que les enfants ont accĂšs Ă  ce type de contenu, informer sur les rĂ©glementations en de soumission, de violence
 Sur le streaming, nous ne constatons aucune limite et les enfants peuvent avoir accĂšs au pire. Cela va du porno des annĂ©es 70 avec des mecs barbus qui vont faire le petit coĂŻt du samedi aux mises en scĂšne de viol. LFC : Dans ce livre, vous dites Ă©galement que c’est un problĂšme Ă©conomique pour l’industrie pornographique. O : Le streaming a tuĂ© l’industrie pornographique, dans le sens oĂč ces dix derniĂšres annĂ©es, les trois quarts des entreprises ont mis la clĂ© sous la porte. C’est une industrie qui a complĂštement chutĂ©. Ce qui est assez inĂ©dit, c’est qu’il y a mĂȘme des producteurs qui rĂ©clament des censures alors qu’à l’époque, c’était les premiers Ă  voter contre la censure. Des producteurs comme Marc Dorcel ou d’autres, ce sont les premiers Ă  dire qu’ils veulent fermer ces sites. De nombreux professionnels dans le milieu de la pornographie s’insurgent contre ce mode de consommation et dĂ©noncent les dĂ©gĂąts qu’ils peuvent occasionner.

c’est interdit. Hier, j’ai vu un chiffre hallucinant, 600 000 jeunes de moins de treize ans sont sur snapchat. En tant que parents, adultes ou frĂšres, nous devons donner l’exemple. Aujourd’hui, nous postons des photos d’enfants, de nos enfants ou de nos amis sans demander d’autorisation. LFC : Aimeriez-vous participer Ă  ces questions pour faire avancer les choses au sein du gouvernement ? O : Ils sont Ă  cĂŽtĂ© de la plaque et ils n’ont pas trĂšs envie de bouger. À quelques reprises, j’avais Ă©tĂ© approchĂ©e et j’étais intervenue Ă  la direction des affaires sociales. Je devais rencontrer Laurence Rossignol. Quelques mois plus tard, les Ă©lections prĂ©sidentielles ont tout remis Ă  zĂ©ro. MarlĂšne Schiappa me connaissait, nous avons dĂ©jĂ  Ă©tĂ© en contact et elle a

LFC : Vous parlez d’un autre problĂšme qui est liĂ© Ă  l’erĂ©putation. Sur les rĂ©seaux sociaux, la situation est tout aussi grave
 O : Vous avez raison. Pire que de tomber sur une image pornographique, aujourd’hui se pose la question du harcĂšlement sur les rĂ©seaux sociaux et la circulation de son image contre son grĂ©. Une des discussions que j’encourage les parents Ă  avoir avec leurs enfants, c’est la question de la circulation de l’image. Il faut bien leur faire comprendre que dĂšs le plus jeune Ăąge, mĂȘme audelĂ  de la nuditĂ©, une image reste sur internet ad vitam ĂŠternam. Sur des petits rĂ©seaux, je pense notamment Ă  musical.ly, c’est la fĂȘte aux pĂ©dophiles. Je me dis que si je suis un mec et que je suis pĂ©dophile, je vais passer mes journĂ©es sur ce site. C’est trĂšs dangereux. On voit des petites filles de dix ans qui font du Lip sync sur du Rihanna, qui se dandinent et qui n’ont pas forcĂ©ment conscience qu’elles sont en danger, et qu’il y a RenĂ© qui est Ă  bloc derriĂšre son Ă©cran. Ce sont des choses qui sont beaucoup plus importantes que le fait mĂȘme de parler de la pornographie. Les rĂ©seaux sociaux avant treize ans,

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Les rĂ©seaux sociaux avant treize ans, c’est interdit. Hier, j’ai vu un chiffre hallucinant, 600 000 jeunes de moins de treize ans sont sur snapchat.



mon numĂ©ro. À l’époque oĂč j’ai rĂ©alisĂ© Pornocratie, j’ai pris contact avec elle en lui disant que ce film-lĂ  Ă©tait une bombe et qu’elle pouvait en faire quelque chose en rĂ©glementant la question sur la pornographie. Ils ne l’ont pas saisi. Ils s’en battent les reins. Tant pis pour eux. Hier, j’étais sur le plateau de LCI et il y avait une dĂ©putĂ©e de la rĂ©publique En Marche qui m’a dit de façon trĂšs naturelle : MarlĂšne a vu que vous l’interpelliez dans l’Express. Si vous le souhaitez, vous pouvez l’appeler. Je pense qu’à un moment donnĂ© ce n’est pas Ă  moi de partir en guerre toute seule et de demander l’aide Ă  l’État pour faire interdire ses tubes. Je rapporte l’information. S’ils ne sont pas foutus d’en faire quelque chose. Dommage.

dans des considĂ©rations morales foireuses en disant que ce genre dĂ©gradait les femmes et les faisait passer pour consentantes. Alors que six mois auparavant, sur Konbini, il disait que le porno faisait partie de la vie
 LFC : Ce livre est disponible en librairie. Avezvous des attentes particuliĂšres ? O : J’aimerais que les personnes concernĂ©es puissent s’en emparer et qu’ils puissent rĂ©cupĂ©rer des informations. Ils peuvent pomper tout ce qu’ils veulent. Il n’y a aucun problĂšme avec cela. La seule chose que l’on espĂšre toujours quand on publie un essai, c’est d’interpeller les gens et de les amener Ă  rĂ©flĂ©chir. Amener les adultes qui ont des adolescents dans leur entourage Ă  aborder la question de la pornographie avec bienveillance. Cela peut donner lieu Ă  certaines conversations qui sont, pour moi, indispensables.

LFC : Vous avez raison. Il s’agit des enfants, de nos enfants. O : Ils ont trĂšs peur d’avoir leur nom Ă  cĂŽtĂ© du mot pornographie. Quand j’ai fait Pornocratie en 2017, il y avait des Ă©conomistes, des spĂ©cialistes du blanchiment d’argent, des gens qui n’avaient strictement rien Ă  voir avec la pornographie, qui Ă©taient d’accord pour intervenir et qui ont refusĂ© Ă  cause de ce systĂšme de rĂ©fĂ©rencement sur Google. Ils ont peur de passer pour des Christine Boutin, trĂšs peur de s’emparer de cette question. Le discours d’Emmanuel Macron oĂč il a abordĂ© la question de la rĂ©glementation du porno, a Ă©tĂ© trĂšs maladroit puisqu’il est parti

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La seule chose que l’on espĂšre toujours quand on publie un essai, c’est d’interpeller les gens et de les amener Ă  rĂ©flĂ©chir. Amener les adultes qui ont des adolescents dans leur entourage Ă  aborder la question de la pornographie avec bienveillance. Cela peut donner lieu Ă  certaines conversations qui sont, pour moi, indispensables.


L'ENTRETIEN DE LA COVER

MARS 2018

PHOTOS EXCLUSIVES

ARNAUD VALOIS LA RÉVÉLATION DU FILM CHOC 120 BPM INTERVIEW

par Christophe Mangelle et Quentin Haessig

pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de CĂ©line Nieszawer


AoĂ»t 2017, sortie du film choc en salles de "120 battements par minute" de Robin Campillo. La gifle ! Les spectateurs rĂ©pondent prĂ©sents. Les prix affluent : Grand Prix du Festival de Cannes, la Queer Palm, le Prix du Public au Festival de Cabourg, sans oublier les CĂ©sars 2018, nommĂ© 13 fois. Arnaud Valois est NOTRE rĂ©vĂ©lation du film est lui aussi nommĂ© dans la catĂ©gorie "Meilleur espoir masculin". SĂ©ance photos pour LFC Magazine et entretien avec le comĂ©dien. Rencontre. LFC : Bonjour Arnaud Valois, nous nous rencontrons pour dresser un bilan sur tout ce qui s’est passĂ© pour vous ces derniers mois. Vous ĂȘtes revenu sur le devant de la scĂšne avec le film choc 120 battements par minute. Racontez-nous comment le projet est venu Ă  vous. AV : Tout d’abord, c’était Ă  un moment oĂč je ne croyais

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plus au cinĂ©ma. J’ai reçu un appel d’une directrice de casting. J’avais travaillĂ© avec elle Ă  l’époque oĂč j’étais encore comĂ©dien. Elle m’a demandĂ© si je passais toujours des castings, mais ce n’était plus le cas. J’avais arrĂȘtĂ© depuis un moment. J’étais parti en ThaĂŻlande pour faire une formation de masseur, et une fois rentrĂ© en France, je me suis inscrit Ă  une Ă©cole de sophrologie. Au moment oĂč elle m’a appelĂ©, j’étais donc masseur et sophrologue. Elle poursuit et me demande si cela m’amuserait de passer des essais. Je lui rĂ©ponds que non. Pour moi, tout cela Ă©tait de l’histoire ancienne. J’avais fait un gros travail de renoncement Ă  cette profession, qui en plus Ă©tait mon rĂȘve de gosse. Elle m’a quand mĂȘme parlĂ© du film. Je ne connaissais pas le travail de Robin Campillo, et quand elle m’a parlĂ© du thĂšme de la lutte contre le sida, cela m’a tout de suite intĂ©ressĂ©. Tout ce cĂŽtĂ© engagĂ© tant sur le plan politique que sur la communautĂ© homosexuelle me plaisait beaucoup. Pour un film comme celui-ci, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer. J’ai commencĂ© le


processus de casting qui a durĂ© plus de trois mois et au bout de cette pĂ©riode, j’ai dĂ©cidĂ© d’arrĂȘter, car je revenais toutes les semaines. Les scĂšnes changeaient constamment, et je retombais au fur et Ă  mesure dans tous les travers qui m’avaient fait arrĂȘter ce mĂ©tier. Au moment oĂč j’ai dit que je souhaitais arrĂȘter, on m’a dit que j’avais le rĂŽle. LFC : L’aventure a commencĂ©, il s’est passĂ© beaucoup de choses dont on va parler. Depuis le succĂšs du film, recevez-vous davantage de propositions ? Comment le vivez-vous ? AV : En effet, je reçois davantage de propositions, mais chaque stade a ses contraintes. Aujourd’hui, il faut apprendre Ă  dire non. Construire une carriĂšre ne veut absolument rien dire, et encore moins pour quelqu’un qui revient un peu par hasard dans le cinĂ©ma. Il s’agit plus d’une histoire de coups de cƓur. Je lis, j’aime, j’ai un agent qui m’accompagne, nous rĂ©flĂ©chissons et nous prenons une dĂ©cision ensemble. Concernant les propositions, je suis toujours accompagnĂ© par d’autres choix pour le rĂŽle, je ne suis jamais tout seul. D’autres comĂ©diens sont aussi sollicitĂ©s.

Quand elle m’a parlĂ© du thĂšme de la lutte contre le sida, cela m’a tout de suite intĂ©ressĂ©. Tout ce cĂŽtĂ© engagĂ© tant sur le plan politique que sur la communautĂ© homosexuelle me plaisait beaucoup. Pour un film comme celui-ci, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer. faille mettre tout un tas de choses en route pour obtenir ce que l’on dĂ©sire. Alors qu’en fait, c’est quelque chose de beaucoup moins palpable. C’est vrai, la concurrence est prĂ©sente au niveau des rĂŽles, car nous sommes nombreux. Mais au final, nous ne sommes pas dĂ©cisionnaires. Je ne le vis pas comme une compĂ©tition. J’ai compris qu’un film sera complĂštement diffĂ©rent en fonction de l’acteur qui joue dedans. Robin Campillo a beaucoup hĂ©sitĂ©, car il ne voyait pas le personnage comme je le proposais. Il voulait quelqu’un d’un peu plus maladroit, un peu moins bien dans ses baskets. LFC : Le personnage incarnĂ© est quelqu’un d’assez sĂ»r de lui


LFC : La concurrence rîde


AV : Oui, exactement. Il cherchait quelqu’un de plus fĂ©brile et il a dĂ» abandonner cette idĂ©e. Peut-ĂȘtre que s’il avait choisi un comĂ©dien qui proposait ce jeu, le personnage de Nathan aurait Ă©tĂ© complĂštement diffĂ©rent. Quand on comprend cette chose, on se rend compte qu’il n’y a aucune compĂ©tition.

AV : Je crois que cela va au-delà. La concurrence, ce serait que tout soit hyper rationnel et qu’il

LFC : Quand vous dßtes que vous avez proposé cette version-là du personnage, cela signifie que vous le ressentiez ainsi ?

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AV : Ce rĂŽle proposait quelque chose d’assez neutre. Le personnage de Sean, qui est interprĂ©tĂ© brillamment par Nahuel, a une palette trĂšs large. Pour ma part, je suis plutĂŽt sur des nuances de gris, de noir et de blanc. Nahuel joue le rĂŽle d’un militant trĂšs fort, et c’est un rĂŽle que j’aurais Ă©tĂ© incapable de jouer. Le personnage de Nathan n’offrait pas vĂ©ritablement la possibilitĂ© de composer. L’acteur qui allait ĂȘtre choisi allait devoir imprimer ce qu’il Ă©tait. Il y a des personnages qui proposent des palettes de couleurs beaucoup plus denses, d’autres un peu moins. Je crois que je prĂ©fĂšre ceux qui proposent des nuances plus que des volte-face. Cependant, j’admire vraiment les comĂ©diens qui sont capables de fournir cela. Quand j’ai commencĂ© les essais avec Nahuel, j’ai Ă©tĂ© subjuguĂ© par son esprit haut en couleur avec une palette incroyable de rouge, de bleu et de vert. LFC : Jouer dans un film comme celui-ci, est-ce un acte militant ? AV : Je pense que oui. En tout cas, je l’ai vĂ©cu de cette façon. LFC : On a beaucoup entendu parler de ce film depuis le Festival de Cannes (Le film a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 2017). 120 BPM est ensuite sorti en salles le 23 aoĂ»t 2017. À la fin du tournage, tous ensemble, aviez-vous le sentiment d’avoir fait une petite bombe ? AV : Pas Ă  ce point-lĂ . Il y avait des moments hallucinants lorsque l’on tournait. Je me suis dit que ce film pouvait avoir une belle histoire, en observant le cĂŽtĂ© maestro de Robin. Il nous a coupĂ© le retour Ă©cran. Ce que j’ai trouvĂ© gĂ©nial. D’ailleurs, c’est ce que je souhaite faire dans mes prochains rĂŽles pour ne pas sortir de l’histoire. Il faut travailler son jeu d’acteur avec son instinct, c’est cela qui est intĂ©ressant. Quand on commence Ă  rentrer dans le contrĂŽle de l’image, cela parasite la spontanĂ©itĂ©. C’est ce que j’ai retenu de cette expĂ©rience. J’ai Ă©galement senti que ce tournage Ă©tait accompagnĂ© de force, d’énergie et de lumiĂšre. C’était trĂšs fort. Ensuite, sept mois de montage ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires et Robin nous a finalement montrĂ© le film dix jours avant Cannes. Il ne voulait pas que l’on dĂ©couvre le film dans sa version finale pendant le Festival. Lorsque je l’ai vu, c’était assez bizarre de se voir Ă  l’écran, mais ce film propose une transe tellement LFC MAGAZINE #7 | 117

forte qu’au bout de dix minutes, nous Ă©tions complĂštement happĂ©s par l’histoire. Nous avons ensuite Ă©tĂ© dĂ©jeuner tous ensemble, et nous Ă©tions tous hagards Ă  cause de ce que nous venions de prendre dans la gueule. En arrivant Ă  Cannes, nous ne nous sommes pas dit que nous allions tout rafler. Nous Ă©tions dans un esprit trĂšs tranquille. Robin n’avait pas voulu montrer le film Ă  la presse la veille, chose qui arrive de temps en temps afin qu’il y ait quelques papiers le jour mĂȘme. Il voulait que tout soit vĂ©cu en temps rĂ©el. Et il a bien fait puisque la toile s’est emparĂ©e du film. Il y a eu un buzz Ă©norme sur les rĂ©seaux sociaux et les trois jours qui ont suivi ont Ă©tĂ© surrĂ©alistes. Il y avait une distorsion du temps : trente minutes pouvaient en paraĂźtre cinq. Le rĂ©el se transformait. Les journalistes Ă©taient en pleurs. La montĂ©e des marches et la projection

Le rĂ©el se transformait. Les journalistes Ă©taient en pleurs. La montĂ©e des marches et la projection sont aujourd’hui des souvenirs magnifiques, gravĂ©s dans ma mĂ©moire
 Bref, je n’oublierais jamais ces moments.


sont aujourd’hui des souvenirs magnifiques, gravĂ©s dans ma mĂ©moire
 Bref, je n’oublierais jamais ces moments. LFC : Votre histoire est incroyable. Quitter le mĂ©tier d’acteur, vivre une reconversion dans des disciplines liĂ©es Ă  l’humain comme le massage et la sophrologie, puis revenir Ă  l’acting grĂące Ă  une graine du passĂ© qui a germĂ© et atteindre ces derniers mois les sphĂšres extrĂȘmes du succĂšs. C’est du bonheur, mais du bonheur qu’il faut gĂ©rer
 AV : Le Festival de Cannes a Ă©tĂ© Ă©norme. Tout ce que l’on a vĂ©cu tous ensemble Ă©tait extraordinaire. J’ai acceptĂ© de me laisser submerger par tout cela, car si je commençais Ă  mettre des processus de protection, j’allais passer Ă  cĂŽtĂ© de ces moments fabuleux. Je savais que cette aventure allait durer des jours, des semaines et que je devais en profiter au maximum. Il y a eu une charge Ă©motionnelle disproportionnĂ©e. Quand je suis rentrĂ© chez moi aprĂšs, j’ai eu du mal Ă  redescendre. C’est pour cela que j’ai repris immĂ©diatement les massages et la sophrologie. LFC : C’est trĂšs intĂ©ressant, Ă  croire que ce sont des choses que vous aviez mises en place pour faire face Ă  ce qui allait arriver. Sans bien Ă©videmment le savoir
 AV : C’est trĂšs juste. Je ne crois pas au hasard dans la vie. J’avais eu un dĂ©part quasiment Ă©quivalent avec le film Selon Charlie de Nicole Garcia avec un casting cinq Ă©toiles. Tout devait se passer comme l’aventure de 120 battements par minute, mais cela ne s’est pas passĂ© de cette façon. À vingt et un ans, je n’étais pas prĂȘt. J’ai donc mis

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des choses en place pour que l’on vienne me rechercher. Le film 120 battements par minute est sorti le 23 aoĂ»t 2017. Selon Charlie Ă©tait sorti le 23 aoĂ»t 2006. Nous Ă©tions allĂ©s Ă  Cannes le samedi soir du premier week-end en 2006, c’était la mĂȘme chose en 2017. Tout a onze ans d’écart, c’est dingue. LFC : Dix ans, c’est la fin d’un cycle. La onziĂšme annĂ©e, le dĂ©but d’un nouveau
 AV : En plus, tout cela est arrivĂ© dans ma trentetroisiĂšme annĂ©e, je suis trĂšs fascinĂ© par le Christ qui est mort Ă  trente-trois ans sur la croix et qui monte au ciel. J’y vois un symbole de renaissance, de rĂ©surrection. À Ă©chelle humaine bien Ă©videmment. LFC : Pouvez-vous nous raconter l’aprĂšs Cannes ? AV : Nous avons enchainĂ© directement avec les avantpremiĂšres en province qui ont Ă©tĂ© de grands moments. Nous avons rencontrĂ© des gens touchants, des associations pour la lutte contre le SIDA. Nous Ă©tions au cƓur des tĂ©moignages forts. C’était un autre Cannes. Ensuite, la promotion Ă  l’international Ă©tait une expĂ©rience enrichissante complĂštement hallucinante. Les rĂ©actions sur la façon dont ils luttaient contre le SIDA Ă©taient diffĂ©rentes et passionnantes selon chaque pays. Mes trois moments-clĂ©s seraient la projection Ă  Cannes, toutes les avant-premiĂšres en province et l’avant-premiĂšre au New-York Film Festival oĂč il y avait des militants d’Act Up dans la salle. LFC : Pedro AlmodĂłvar vous a remis le Grand Prix du Festival de Cannes et a exprimĂ© des avis dithyrambiques sur le film. On imagine que c’était aussi un grand moment.

D’avoir ou non le CĂ©sar, ce n’est pas tellement cela. C’est surtout une nouvelle tribune qui s'offre Ă  nous et qui va nous permettre d'ĂȘtre de nouveau tous ensemble une derniĂšre fois.



AV : Oui, cela a aussi Ă©tĂ© un grand moment. Nous arrivons aujourd’hui Ă  la fin de cette aventure et nous allons faire la promotion du film sur le marchĂ© anglais oĂč le film sortira dĂ©but avril. Cela fait partie des derniĂšres Ă©tapes avec les CĂ©sars (le 2 mars). Nous avons Ă©tĂ© extrĂȘmement gĂątĂ©s et chanceux de vivre Ă  travers ces personnages qui se sont sacrifiĂ©s et qui ont tout donnĂ© pour la lutte contre le SIDA. On nous parle beaucoup de CĂ©sars en ce moment, mais je crois que c’est tout simplement une nouvelle page pour le film. LFC : C’est une maniĂšre de remettre le film en avant, de continuer de faire passer le message et de toucher de nouveaux spectateurs. AV : Exactement. D’avoir ou non le CĂ©sar, ce n’est pas tellement cela. C’est surtout une nouvelle tribune qui s'offre Ă  nous et qui va nous permettre d'ĂȘtre de nouveau tous ensemble une derniĂšre fois. LFC : Vous ĂȘtes nommĂ© dans la catĂ©gorie Meilleur Espoir Masculin. Quelle est votre rĂ©action ? Vous ĂȘtes d’ailleurs tous les deux dans cette catĂ©gorie avec Nahuel PĂ©rez Biscayart. AV : Nahuel aurait mĂ©ritĂ© d’ĂȘtre dans la catĂ©gorie Meilleur Acteur, car il reprĂ©sente le film d’une certaine façon. C’est un vrai comĂ©dien, il a dix ans de carriĂšre et trente films Ă  son actif. C’est dommage. Moi, je suis lĂ  oĂč je dois ĂȘtre, car je reviens, je n’ai pas

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Le film est une histoire collective, tout comme l’histoire d’Act Up. Ce n’est pas seulement deux personnages, tous les acteurs sont extraordinaires.

Ă  me plaindre. Le fait que l’on soit tous les deux dans cette catĂ©gorie, c’est deux fois plus de chance pour le film. J’y vais vraiment les mains dans les poches, car Nahuel est ultra favori grĂące Ă  son incroyable interprĂ©tation. Il le mĂ©rite vraiment. Le film est une histoire collective, tout comme l’histoire d’Act Up. Ce n’est pas seulement deux personnages, tous les acteurs sont extraordinaires. LFC : Le film a suscitĂ© beaucoup de rĂ©actions. Comment at-il changĂ© le regard sur vous de la part des gens qui sont autour de vous ? AV : C’est particulier Ă  vivre d’un point de vue personnel, mais cela l’est encore plus pour les autres. J’ai un cercle d’amis que je connais depuis dix, quinze ans, donc finalement cela n’a pas Ă©tĂ© difficile Ă  gĂ©rer. Ces annĂ©es d'amitiĂ© sont une protection. LFC : Cela revient Ă  dire ce que nous Ă©voquions tout Ă  l’heure, ce film tombe au bon moment. AV : Tout Ă  fait. Et ce qui est gĂ©nial, c’est que la notoriĂ©tĂ© que le film apporte n’est pas creuse. Les gens qui m’arrĂȘtent dans la rue ne m’arrĂȘtent pas pour faire un selfie, mais pour discuter du film. C’est d’abord le message du film qui les


importe. C’est toujours des choses trĂšs belles. LFC : Nous avons beaucoup aimĂ© la façon dont le film parle de la mort, d’euthanasie et de la sexualitĂ© Ă  l’hĂŽpital. Ce sont des passages qui ne sont pas du tout bĂąclĂ©s. AV : C’est vrai, et c’est quelque chose qui est trop peu souvent Ă©voquĂ© dans les interviews. J’ai fait plus de cent interviews et j’ai Ă©voquĂ© l’euthanasie peut-ĂȘtre trois fois. On m’en a beaucoup parlĂ© dans des territoires oĂč la situation est plus avancĂ©e, comme dans les pays du nord de l’Europe par exemple. En France, je crois que l’on n’est pas prĂȘt pour en parler, il y a encore une certaine pudeur. Le film soulĂšve beaucoup de questions dont on a beaucoup parlĂ©, mais cela aurait Ă©tĂ© bien que l’on parle un peu plus de l’euthanasie. On y viendra, j’en suis sĂ»r. ATTENTION SPOILER LFC : Êtes-vous en accord Ă  cent pour cent avec ce que fait votre personnage Ă  la fin du film ? AV : Oui. Cent pour cent. Cela a Ă©tĂ© la scĂšne la plus difficile Ă  jouer, mais pas pour le message qu’elle porte, plutĂŽt pour les Ă©motions qu’elle dĂ©gage. Quand je joue une scĂšne, j’essaye de relier des notes sur un piano intĂ©rieur en me remĂ©morant un souvenir Ă©quivalent, un moment vĂ©cu. Pour tomber amoureux, pas de problĂšmes. Être militant, je peux trouver. Mais donner la mort Ă  quelqu’un que l’on aime, il a fallu actionner des sentiments que j’ai estimĂ© Ă©quivalents au niveau de la charge Ă©motionnelle. Je ne peux pas proposer un sentiment que je ne vis pas vĂ©ritablement. Au dĂ©but de ce projet, Robin m’avait dit qu’il ne me demandait rien, sauf une chose, ne pas me protĂ©ger. Je lui ai dit

LFC MAGAZINE #7 | 121

que si je revenais au cinĂ©ma, ce n’était pas pour me protĂ©ger, c’était pour y aller Ă  fond surtout pour un film comme celui-ci. Ce deal a fonctionnĂ©, car en face, ce n’était pas n’importe quel rĂ©alisateur. Je pouvais tout donner, car lui aussi il donnait tout. LFC : Quels sont vos projets pour la suite ? AV : Je tourne bientĂŽt dans le nouveau film de Lisa Azuelos (LOL, Dalida
) oĂč je vais jouer l’amant de Sandrine Kiberlain. Quand j’ai lu le scĂ©nario, j’ai tout de suite Ă©tĂ© intĂ©ressĂ©. L’idĂ©e de tourner avec une actrice comme Sandrine Kiberlain Ă©tait un argument trĂšs important. J’ai tout de suite eu un bon contact avec Lisa Azuelos avec qui j’ai pris un thĂ© en dĂ©cembre, sans savoir qu’elle prĂ©parait un nouveau film. Quelques mois plus tard, elle m’a proposĂ© ce rĂŽle. J’ai Ă©galement trois autres films français et un film amĂ©ricain qui vont probablement se faire. Pour moi, c’est la cerise sur le gĂąteau. Si tout cela fonctionne, tant mieux. Sinon, ce n’est pas grave. Je ne perds pas de vue le massage et la sophrologie. Je garde deux dimanches aprĂšs-midi tous les mois pour mes clients de la premiĂšre heure, c’est trĂšs important pour moi de garder ce lien et de garder les pieds sur terre. LFC : Dans vos choix de carriĂšre, souhaitez-vous que l’on vous propose des rĂŽles diffĂ©rents de celui de 120 BPM ? AV : J’ai eu beaucoup de propositions aprĂšs 120 battements par minute notamment des projets sur l’homosexualitĂ©, mais je n’ai pas acceptĂ©. Pas parce que je ne veux pas jouer de nouveau un rĂŽle sur ce thĂšme, mais simplement parce que je ne me voyais pas dedans. Il faut vraiment que ce soit un coup de cƓur. Je n’ai pas de plan de carriĂšre en particulier. Comme je reviens aprĂšs tant d’annĂ©es de pause, je cherche plus Ă  me faire plaisir. J’ai dĂ©veloppĂ© un instinct tellement fort que lorsque l’on me propose un rĂŽle, je sais si c’est la bonne histoire, la bonne Ă©quipe. J’ai aussi passĂ© des castings pour lesquels je n’ai pas Ă©tĂ© retenu. Il faut accepter ce processus. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, je n’ai plus de stress par rapport Ă  cette profession. Je sais que le jour oĂč je ne prendrais plus de plaisir, je ferai autre chose.

Le film soulĂšve beaucoup de questions dont on a beaucoup parlĂ©, mais cela aurait Ă©tĂ© bien que l’on parle un peu plus de l’euthanasie. On y viendra, j’en suis sĂ»r.



LFC MAGAZINE

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#7

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MARS 2018

GRÉGOIRE DELACOURT PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA

L'ÉCRIVAIN QUI AIME ÊTRE DANS LA PEAU DES FEMMES


Grégoire Delacourt nous rejoint fin janvier 2018 dans le studio pour sa séance photos pour LFC Magazine. Ils nous réserve la primeur de nous parler de son nouveau SELI N A R I Cen H A premier RDS roman "La femme qui ne vieillissait pas" et également du précédent "Danser au bord de l'abßme" tout récemment en libraire en version poche. Entretien.

LFC : Bonjour Grégoire Delacourt, on se

LFC : Le personnage est une femme mariée

voit pour une double actualité, la sortie

qui a trois enfants. Tout se passe pour le

d’un nouveau roman aux Éditions Jean-

mieux dans sa vie. Un jour, alors qu’elle se

Claude LattĂšs La femme qui ne vieillissait

rend dans un café, elle est séduite par

pas et pour la sortie en poche du livre Danser au bord de l’abüme. Ce dernier est

quelqu’un


un roman qui parle de désir. Comment est

GD : Effectivement, mon personnage a tout

nĂ©e l’idĂ©e d’aborder ce thĂšme ?

pour ĂȘtre heureux et elle l’est. Un mari qu’elle aime, trois beaux enfants. Elle n’attend rien

GD : Je crois que j’avais envie à nouveau

d’autre que de poursuivre ce bonheur. Un jour,

d’ĂȘtre une femme. J’avais pris beaucoup de

dans un cafĂ©, le dĂ©sir lui tombe dessus. C’est le

plaisir Ă  ĂȘtre Jocelyne dans La liste de mes

drame immĂ©diat. Quelque chose dont elle n’a

envies. J’ai reçu Ă©normĂ©ment de courrier de

pas besoin. C’est quelque chose qui n’est pas

femmes. D’une certaine maniĂšre, j’ai Ă©tĂ©

commun. On a plus l’habitude que ce soit un

acceptĂ© par leur communautĂ©, car on m’a pris

homme qui quitte tout pour une femme.

pour l’une d’entre elles. J’ai eu envie de

Comme c’est une femme, c’est assez inĂ©dit.

redevenir un personnage de femme forte,

Aujourd’hui, en 2018, je trouve cela choquant

confrontée à un désir qui est le moteur de

que l’on interdise à une femme de disposer

beaucoup de choses, et qui est contrainte Ă 

d’elle-mĂȘme.

l’amour ou Ă  la religion. Je souhaitais dire aux femmes : allez-y, Ă©coutez votre plaisir !

124

LFC : Vous avez dit que vous aimez faire


partie de la communautĂ© des femmes
 Pouvez-vous nous en dire plus ? GD : Pour un Ă©crivain, il n’y a rien de plus jubilatoire que d’aller dans l’inconnu. Prendre le risque d’ĂȘtre quelqu’un d’autre, et voir le

SELINA monde Ă  travers les yeux d’un ou d’une inconnue. C’est quelque chose de fascinant. J’ai beaucoup rĂ©flĂ©chi pour savoir d’oĂč cela me venait. Je crois que c’est lorsque ma mĂšre est dĂ©cĂ©dĂ©e pendant que j’écrivais mon

Je crois que j’avais envie Ă  nouveau d’ĂȘtre une femme. J’avais pris beaucoup de plaisir Ă  ĂȘtre Jocelyne dans "La liste de mes envies". J’ai eu envie de redevenir un personnage de femme forte, confrontĂ©e Ă  un dĂ©sir qui est le moteur de de choses, et qui est R Ibeaucoup CHARDS contrainte Ă  l’amour ou Ă  la religion. Je souhaitais dire aux femmes : allez-y, Ă©coutez votre plaisir !

premier roman. C’est à ce moment-là que j’ai

importante. Il y a un vrai discours de fond sur la

voulu voir le monde à travers les yeux d’une

représentation de soi. Tout cela est trÚs pesant.

femme. J’ai pris beaucoup de plaisir à voir le

J’ai trois filles, une femme, et j’ai envie qu’elles

monde avec les yeux d’une maman, de ma

vieillissent bien. Je trouve que cette notion

maman.

d’ñge est une prison. Vieillir est magnifique, ce n’est pas une malĂ©diction. On a dĂ©jĂ  vu des

LFC : Dans votre nouveau roman La femme

femmes ùgées absolument magnifiques. Je

qui ne vieillissait pas, vous parlez de l’ñge.

suis raide dingue, fou d’admiration devant la beautĂ© d’une comĂ©dienne comme Françoise

GD : Je suis trùs content que vous m’ayez

Fabian que je trouve de plus en plus belle. Il

invitĂ©, car c’est la premiĂšre fois que je parle

faut arrĂȘter de lier la beautĂ© et la jouissance

de ce livre. On est un peu en avance, de ce

que l’on en a, à la jeunesse. Beaucoup

fait, je n’ai pas encore assez de recul pour en

d’hommes à cinquante ans quittent leur femme

parler précisément. Mais je suis trÚs content,

pour ĂȘtre avec quelqu’un de plus jeune. C’est

car c’est encore trùs chaud. L’ñge est une

monstrueux.

prison vraiment importante. Je trouve que la société renvoie un message assez curieux

LFC : Vous vous ĂȘtes donc mis dans la peau

aux femmes, en leur disant qu’il faut qu’elles

d’une femme qui ne vieillit plus !

restent jeunes toute leur vie. Comme s’il y

125

avait une sorte de diktat absolu de rester une

GD : C’est la grĂące du roman. L’écrivain a tous

femme jeune avec une peau de bébé. Peut-

les droits. C’est trùs amusant d’un point de vue

ĂȘtre que c’est Ă  cause de mon expĂ©rience

romanesque d’avoir ce postulat. Celui oĂč je

dans la publicité que ce sujet me tient à

dĂ©cide qu’à un moment donnĂ© cette femme ne

cƓur. Il m’est arrivĂ© de vendre des antirides

vieillit plus. À trente-cinq ans, elle se rend

et c’est quelque chose qui m’a marquĂ©, de

compte qu’elle ne vieillit plus depuis qu’elle a

voir Ă  quel point l’écoute des femmes Ă©tait

trente ans. On ne peut que rĂȘver de cette


G R É G O I R E

D E L A C O U R T

À TRENTE-CINQ ANS, ELLE SE REND COMPTE QU’ELLE NE VIEILLIT PLUS DEPUIS QU’ELLE A TRENTE ANS. ON NE PEUT QUE RÊVER DE CETTE SITUATION. MAIS VOUS SAVEZ, CE N’EST PAS SI SIMPLE.


situation. Mais vous savez, ce n’est pas si simple. J’ai choisi un parti pris ultra rĂ©aliste. Il n’y a pas d’effets spĂ©ciaux et je trouve que c’est tout Ă  fait acceptable. L’idĂ©e que quelqu’un gardera extrĂȘmement longtemps sa jeunesse est possible et c’est un postulat SELINA qui est trĂšs intĂ©ressant.

Quand les gens vous parlent de joie ou de souffrance, c’est toujours en rapport avec R I C leurs HARDS petits riens.

LFC : En vous mettant dans la peau d’une

mais je n’ai pas vu d’autres modùles qui

femme avec ce livre, avez-vous moins peur

marchent aussi bien. Quand les gens vous

de vieillir ?

parlent de joie ou de souffrance, c’est toujours en rapport avec leurs petits riens.

GD : Je n’ai pas peur dans le sens oĂč j’accepte que c’est une chose inĂ©luctable, et

LFC : Dans l’ensemble de vos romans, tous

c’est d’ailleurs ce que dit Betty à un moment

vos personnages sont ordinaires. Est-ce

donnĂ© dans le livre : C’est lorsque l’on perd

les choses que l’on sait qu’elles ont eu lieu.

une force ?

C’est comme l’amour, c’est dangereux

GD : Ils sont ordinaires au sens noble oui.

lorsque l’on fait croire que cela rime avec

Mais vous savez les gens ordinaires, c’est

toujours. Cela devrait rimer avec chaque jour

nous. Les gens extraordinaires, je ne vois pas

plutĂŽt. La vie ne dure pas toujours. La

oĂč ils sont. Bien sĂ»r, il y a des gens qui

jeunesse ne dure pas toujours. Il faut en

sortent du lot, des grands peintres, des

profiter lorsque l’on y est. Ce dont j’ai peur,

grands artistes
 Mais ĂȘtre ordinaire, c’est

c’est de la mĂ©chancetĂ© de la vieillesse, de

bien aussi. Notre destin n’est pas d’ĂȘtre

l’injustice, des mains qui tremblent
 Le

extraordinaires. On ne peut pas ĂȘtre Gandhi

processus de vieillissement est quelque

ou Mozart et heureusement, sinon ce serait

chose d’assez beau finalement, il faut laisser

compliquĂ©. On peut avoir de l’extraordinaire

la place aux autres.

dans nos vies, des histoires d’amour, des souvenirs
 Dans mon quotidien, j’aime mon

LFC : On remarque que dans tous vos

boulanger, mon dentiste, mon coiffeur. Les

livres, les petits riens sont trĂšs importants.

gens ne sont pas si ordinaires que cela dans la vie. Ils sont passionnants. Si vous vous

127

GD : La perfection déshumanise beaucoup.

intĂ©ressez Ă  l’autre et que l’autre s’intĂ©resse

J’ai une certaine nostalgie des petits riens. Je

Ă  vous, il y a de nombreuses choses

pense qu’ils sont une source de joie, de

extraordinaires Ă  se raconter. Mon livre est

colĂšre, d’emportement, mais c’est lĂ  oĂč l’on

un miroir pour les lecteurs. J’ai envie qu’ils

peut Ă©changer. Tout cela peut sembler naĂŻf,

se disent que c’est d’eux dont je parle.


Mon livre est un miroir pour les lecteurs. J’ai envie qu’ils se disent que c’est d’eux dont je parle. LFC : Quand vous crĂ©ez vos personnages, cela repose sur l’observation, l’imagination
 GD : Ce sont des compilations de nombreux Ă©lĂ©ments. Je m’inspire de tout ce que je vois dans la vie quotidienne, mais aussi dans la fiction, les films, les sĂ©ries... Notre entretien, par exemple, me servira peut-ĂȘtre Ă  crĂ©er un personnage qui aura vos traits de caractĂšre.

livre qui sort au Livre de Poche, beaucoup de femmes se sont identifiĂ©es aux personnages d’Emma. Lorsque l’on est auteur, il faut faire preuve de sincĂ©ritĂ©. LFC : La femme qui ne vieillissait pas va sortir dans quelques jours. Dans quel Ă©tat d’esprit ĂȘtes-vous ? GD : Pour ĂȘtre trĂšs honnĂȘte, c’est comme si j’avais accouchĂ© d’un enfant et que le placenta n’était pas sorti. Je suis content d’ĂȘtre allĂ© au bout de ce projet qui Ă©tait extrĂȘmement casse-gueule. C’est une histoire assez abracadabrante, mais trĂšs rĂ©aliste. Les premiers rares lecteurs qui l’ont lu pour le moment m’ont donnĂ© des rĂ©actions trĂšs encourageantes. Une Ă©ditrice dont je tairais le nom a beaucoup aimĂ© le livre et cela m’a bouleversĂ©. Elle s’identifie maintenant aux

LFC : Cela fait quelques années que les lecteurs sont fidÚles à vos romans. Comment vivez-vous cela ?

personnages de Betty et tous les matins dans le miroir, elle ne prend pas ses rides pour une malédiction. Rien que pour cela, je me sens vraiment bien.

GD : Je ne sais pas pourquoi mes livres marchent si bien. Si nous avions la recette, tous les livres fonctionneraient. Certains journalistes m’ont toujours titillĂ© sur le fait que j’avais fait de la publicitĂ© avant et que j’avais peut-ĂȘtre la recette miracle, mais je ne l’ai pas. Avec le recul, je remercie les lecteurs qui me suivent. C’est trĂšs agrĂ©able de constater la fidĂ©litĂ© des lecteurs de livre en livre. Je crois qu’ils reconnaissent la sincĂ©ritĂ© de mon travail. Je me mets beaucoup Ă  nu dans mes livres et je crois que ce rapport muet que j’ai avec mes lecteurs fait qu’ils s’y retrouvent. Ils ont l’impression que je parle d’eux. Dans le 128

"Grégoire Delacourt, l'homme qui comprenait les femmes ! Avec son nouveau roman, l'auteur nous entraßne dans un conte moderne et nous pousse à la réflexion. Avec l'humour et la finesse qui lui sont propres, Grégoire Delacourt dissÚque avec brio ce qui fait le quotidien de la vie d'une femme, on traverse les décennies avec Betty qui, elle, ne prend pas une ride. Car c'est là tout le sujet de ce formidable roman: la pression du jeunisme et des apparences. Rester jeune, une bénédiction ? Le lecteur se forgera sa propre opinion au fil des pages, qui se dévorent."

L'avis de Clarisse Sabard, romanciĂšre


LFC MAGAZINE #7 ‱ MARS 2018

Musique NOS INVITÉS

Nemo Schiffman et Nilusi Laurent Lamarca Lou Schérazade Sofi Tukker Pauline Croze


Nilusi et Nemo Schiffman Nemo Schiffman a joué le rÎle de Romain Gary adolescent dans l'excellent film La promesse de l'aube et chante aussi en duo avec Nilusi, membre du groupe Kids United. Ils nous ont dit oui pour une séance photos et entretien pour la sortie de leur nouveau single Stop the rain. Entretien. LFC : Bonjour Nilusi et Nemo Schiffman, nous sommes ravis de vous

qui nous tenait à cƓur. Le

rencontrer pour parler de votre single Stop the rain, votre premiĂšre

message de ce titre, c’est qu’il

collaboration. Pouvez-vous nous raconter cette aventure en quelques

ne faut pas suivre le chemin

mots ?

que l’on nous impose. Il faut sortir de sa zone de confort. Il

Nilusi : En 2016, nous avons fait une Ă©mission avec Nemo sur W9 qui

est important de vivre ses

s’appelait Les kids font leur show. Nous avions chantĂ© la chanson

rĂȘves. C’est un message que

Marvin Gaye de Charlie Puth. Nous nous sommes trĂšs bien entendus

nous voulons partager auprĂšs

artistiquement et humainement. Ainsi, nous avons décidé de travailler

des jeunes et des moins

ensemble.

jeunes qui nous Ă©coutent.

Nemo : Tout a démarré aprÚs cette émission. Nous nous étions déjà

LFC : C’est exactement ce que

croisĂ©s auparavant, mais sans trop Ă©changer. C’est aprĂšs cette

vous vivez...

performance que nous nous sommes dit qu’il fallait absolument que l’on fasse quelque chose en commun.

Nilusi : ComplĂštement. Cela fait maintenant quelques

LFC : Pouvez-vous nous parler de ce single Stop the rain ? Quel

annĂ©es que l’on poursuit nos

message avez-vous souhaité partager ?

rĂȘves. Un de mes plus grands rĂȘves Ă©tait de faire une

NĂ©mo : Avec ce single, nous avons voulu exprimer quelque chose

tournĂ©e et c’est ce que l’on a

LFC MAGAZINE #7 130


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS ARNAUD MEYER LEEXTRA

Le message de ce titre, c’est qu’il ne faut pas suivre le chemin que l’on nous impose. Il faut sortir de sa zone de confort. Il est important de vivre ses rĂȘves. fait avec les Kids United. Je me mets donc Ă  rĂȘver

plus les Kids United ont été un énorme succÚs, il

encore plus grand. DĂšs qu’on commence Ă  rĂ©aliser

y a donc de l’attente. Je prĂ©fĂšre me dire que je

un rĂȘve, il y a d’autres objectifs qui naissent. C’est

repars de zéro. Et que je dois reprendre mes

trĂšs motivant. J’ai quasiment rĂ©alisĂ© tous mes rĂȘves

repùres vocalement. Tout est nouveau mais c’est

avec les Kids United, que ce soit des voyages, des

motivant !

tournĂ©es
 Maintenant, j’ai de nouveaux objectifs en solo. Je suis d’ailleurs en train de prĂ©parer un

Nemo : Oui, il y a du trac. Mais comme vous le

album.

dĂźtes, j’ai le sentiment d’ĂȘtre trĂšs chanceux.

LFC : Et pour toi Nemo, c’est un parcours diffĂ©rent ?

LFC : La musique, mais également le cinéma pour toi Némo. Nous avons vu hier La promesse

NĂ©mo : Oui. J’ai commencĂ© dans The Voice Kid qui a

de l’aube au cinĂ©ma oĂč tu apparais environ vingt-

été une trÚs belle expérience. Je ne regrette

cinq minutes du film. Tu interprĂštes Romain Gary

absolument rien. J’ai acquis un maximum

adolescent. Et cette année, un nouveau film

d’expĂ©rience. Cela m’a ouvert de nombreuses portes

prĂ©vu en salle oĂč tu seras aux cotĂ©s de Vincent

et aujourd’hui je suis heureux de faire ce que j’aime.

Cassel. Heureux ?

Je travaille Ă©galement sur un album solo qui verra le jour au Printemps 2018. Il sera entiĂšrement en

NĂ©mo : Je ne peux pas me plaindre. Je vis

français, excepté la chanson Stop the rain avec

vraiment un rĂȘve. J’ai trouvĂ© le bon Ă©quilibre

Nilusi. C’est un album qui me ressemble beaucoup

entre le cinéma et la musique. Je me sens

et qui parlera de ma vie en tant qu’adolescent. J’ai

vraiment Ă©panoui dans ces deux arts.

hĂąte de le partager pour montrer qui je suis

actuellement.

LFC : Et toi Nilusi, aimerais-tu vivre la mĂȘme expĂ©rience dans le cinĂ©ma que celle de Nemo ?

LFC : Vous ĂȘtes tous les deux sur le point de sortir un album solo mais vous avez acquis dĂ©jĂ  pas mal

Nilusi : Je rĂȘve de faire du cinĂ©ma. J’y pense

d’expĂ©rience. Comment vous sentez-vous ? Avez-

depuis déjà quelques années. En ce moment, je

vous le trac ? Vous sentez-vous chanceux ?

suis en train de passer des castings. C’est surtout pour m’entraüner. Je trouve trùs

Nilusi : C’est vrai qu’il y a un cĂŽtĂ© stressant. De

131 LFC MAGAZINE #7

intĂ©ressant d’ĂȘtre dans la peau d’un personnage,



INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS ARNAUD MEYER LEEXTRA

Il est important de faire ce que l’on aime dans la vie. Il faut prendre des risques. de l’interprĂ©ter, de l’incarner.

Nilusi : Mes parents sont à l’origine de ce que je vis

LFC : Tout à l’heure, vous nous parliez de votre

aujourd’hui dans la musique. Les

chanson Stop the rain oĂč vous Ă©voquiez la

castings ont été un obstacle à

nĂ©cessitĂ© de poursuivre ses rĂȘves. Selon vous,

surmonter, car j’en ai passĂ©

les jeunes rĂȘvent-ils suffisamment ?

beaucoup. C’est grĂące Ă  la persĂ©vĂ©rance que l’on arrive Ă 

NĂ©mo : Je trouve que les jeunes d’aujourd’hui

ses fins.

sont parfois en manque de motivation. Ils baissent les bras assez facilement. Beaucoup

LFC : Vous avez l’air trùs

de gens pensent qu’aujourd’hui, ĂȘtre artiste,

heureux tous les deux


c’est ĂȘtre marginal ou ĂȘtre un saltimbanque. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, Ă  force de

Nilusi : C’est vrai. Comment ne

persévérance, tout devient possible.

pas l’ĂȘtre ? J’espĂšre que cette

chanson va plaire aux gens et que notre message va passer

LFC : Avez-vous été encouragé par vos

auprĂšs de notre public.

proches lorsque vous avez décidé de devenir artiste ?

NĂ©mo : Il est important de faire

ce que l’on aime dans la vie. Il

Némo : Que ce soit le cinéma ou la musique,

faut prendre des risques.

mes parents m’ont toujours soutenu. Le seul frein qu’ils ont exprimĂ©, c’est pour The Voice Kids. Quand ils ont su que l’émission allait passer sur TF1 et que c’était une grosse production, ils Ă©taient inquiets, car ce n’est pas du tout leur milieu. J’ai quand mĂȘme dĂ©cidĂ© de passer le casting. Plus tard, ils m’ont dit que j’avais eu raison d’aller jusqu’au bout. Ils ont Ă©tĂ© rassurĂ©s quand ils ont vu que j’y allais seulement pour gagner en expĂ©rience.

133 LFC MAGAZINE #7



Lou Lou cartonne avec plus de 50 000 exemplaires vendus de son disque. Elle interprĂšte avec Lenni-Kim "Miraculous" (25 millions de vues pour le clip) et Ă©galement le gĂ©nĂ©rique de la sĂ©rie TV de TF1 "Demain nous appartient" dans laquelle elle joue. Elle propose aujourd'hui un nouveau single "À mon Ăąge". Lou vous donne rendez-vous aussi le 25 mars Ă  l'Olympia aux cĂŽtĂ©s d'Evan et Marco. Rencontre dans les locaux de TF1 avec la jeune artiste pĂ©tillante.

LFC MAGAZINE #7 135


LFC MAGAZINE #7 136

LFC : Bonjour Lou, on parle beaucoup de vous en ce moment, car votre album s’est dĂ©jĂ 

LFC : Pouvez-vous nous

vendu Ă  50 000 exemplaires. Pensiez-vous recevoir un tel accueil si enthousiaste de la

raconter vos débuts ?

part du public ?

L : Ma maman me

Lou : Non pas du tout. Surtout en trois mois, c’est Ă©norme. Je remercie du fond du cƓur

chantait des chansons

les fans. Sans eux, je ne serais pas ici. C’est grñce à eux que je suis disque d’or et que

lorsque j’étais petite et

j’arrive Ă  rĂ©aliser mes projets musicaux.

cela m’a beaucoup

influencé. La premiÚre

LFC : Avec l’annonce d’une tournĂ©e notamment.

chanson que j’ai chantĂ©e

Ă©tait Ma philosophie

L : Nous allons faire une grande tournĂ©e qui dĂ©butera le 24 mars Ă  LiĂšge oĂč je serai seul

d’Amel Bent. Le soir, nous

sur scùne et le 25 mars à Paris à l’Olympia avec Evan et Marco. Ce sera une scùne

faisions de petits

partagĂ©e. J’ai vraiment hĂąte d’y ĂȘtre.

spectacles avec ma sƓur

Pour en savoir plus sur les dates des concerts, lire p.139.


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS CAROLE MATHIEU CASTELLI MAKAM FILMS

Je n’aurais jamais imaginĂ© que tout cela se passe de cette façon. Je suis trĂšs heureuse du chemin parcouru jusqu’ici. oĂč nous chantions et dansions. Puis un soir, ma

L : TrĂšs nerveuse. Le soir des auditions Ă 

mĂšre a eu un dĂ©clic. J’étais en train de chanter la

l’aveugle, un silence de plomb rĂ©gnait sur le

chanson Someone like you d’Adùle et elle m’a

plateau. Je n’entendais que le bruit de mes pas.

conseillĂ© de prendre des cours de chant. J’avais

Personne ne disait rien. Lorsque la musique a

huit ans. J’ai commencĂ© Ă  participer Ă  des petits

démarré, je me suis lancée. Je me souviens que

concours. Je publiais mes vidéos sur une chaßne

c’était la chanson Carmen de Stromae. MĂȘme

YouTube, et un jour, une personne de The Voice

quand les coachs se sont retournĂ©s, je n’ai pas

Kids m’a contactĂ©. Elle nous a proposĂ© de

rĂ©agi tout de suite. Ce n’est qu’à la fin de ma

participer Ă  la deuxiĂšme saison de l’émission.

performance que j’ai rĂ©alisĂ©e ce qui se passait.

J’étais terrifiĂ©e, car la premiĂšre saison n’avait pas

encore Ă©tĂ© diffusĂ©e. J’ai donc renoncĂ© et j’ai

LFC : Vous nous racontez votre aventure vue de

attendu la troisiĂšme saison pour me lancer.

l’intĂ©rieur, mais il y a eu un Ă©norme Ă©cho ensuite avec sa diffusion Ă  la tĂ©lĂ©vision. L’émission The

LFC: Regardiez-vous l’émission The Voice ?

Voice Kids a-t-elle changé votre vie ?

L : Oui. J’ai regardĂ© toutes les saisons et je

L : Je n’ai pas changĂ©, c’est certain, mais je crois

continue de suivre cela de trùs prùs aujourd’hui.

que c’est grĂące Ă  cela que tout a dĂ©marrĂ©. Je n’aurais jamais imaginĂ© que tout cela se passe de

LFC : Que retenez-vous de l’aventure The Voice

cette façon. Je suis trÚs heureuse du chemin

Kids ?

parcouru jusqu’ici.

L : C’était Ă©norme. J’ai fait de superbes

LFC : Pouvez-vous nous parler de votre duo avec

rencontres notamment avec les coachs. J’ai vĂ©cu

Lenni-Kim ?

une magnifique aventure avec les candidats.

Nous sommes d’ailleurs tous restĂ©s en contact.

L : Avec Lenni-Kim, nous nous sommes

J’ai Ă©galement dĂ©couvert l’envers du dĂ©cor de la

rencontrĂ©s sur le tournage du clip oĂč nous avons

tĂ©lĂ©vision. C’est un lieu qui me plaĂźt beaucoup.

passĂ© toute la journĂ©e ensemble. Je n’avais

Bref, je n’en garde que de bons souvenirs.

jamais eu l’occasion de dĂ©couvrir Paris, car Ă  chaque fois que je viens, c’est pour rencontrer les

LFC : Dans quel Ă©tat d’esprit Ă©tiez-vous le soir de

journalistes. Nous avons passé une agréable

votre premiĂšre performance ?

journée. Lenni-Kim est une belle personne.

137 LFC MAGAZINE #7



L’amitiĂ©, l’amour ou les doutes sont des thĂšmes que nous avons en commun lorsque nous sommes adolescents. LFC : Votre nouveau single À mon Ăąge est disponible partout et il est notamment diffusĂ© sur YouTube. Pour quelles raisons les rĂ©seaux sociaux sont-ils si importants pour vous aujourd’hui ? L : Tous les mĂ©dias sociaux servent Ă  communiquer sur mon actualitĂ© et Ă  diffuser mes clips. C’est important pour moi de partager ces informations avec les fans et de communiquer avec eux. Je reçois beaucoup de messages de soutien. Je suis toujours surprise que tous ces gens prennent autant de temps pour moi. Cela me touche beaucoup. LFC : Quel message avez-vous souhaitĂ© partager avec ce morceau ? L : Je voulais que cette chanson touche les personnes de mon Ăąge. L’amitiĂ©, l’amour ou les doutes sont des thĂšmes que nous avons en commun lorsque nous sommes adolescents. C’est un instant musical mĂ©lancolique, mais avec un texte trĂšs profond.

LFC : Vous jouez Ă©galement dans la sĂ©rie Demain nous appartient. Que prĂ©fĂ©rez-vous entre jouer et chanter ? L : C’est difficile de choisir. Ce sont deux choses qui procurent des Ă©motions diffĂ©rentes. Je pense qu’elles sont complĂ©mentaires. Si je pouvais, je ferais les deux. J’adorerai jouer dans un film plus tard. LFC : Le 25 mars, vous ĂȘtes sur scĂšne Ă  l’Olympia, un lieu mythique avec Evan et Marco. Vos impressions ? L : Je n’arrive pas Ă  m’en rendre compte. Je pense que je rĂ©aliserais vraiment le jour J quand je serai sur scĂšne. LFC : RĂȘvez-vous d’un duo avec un artiste ? Qui ? L : Oui, bien sĂ»r. J’adorerais faire un duo avec The Weeknd, Sia ou Ariana Grande. Et en chanteur francophone, j’aimerais faire un duo avec Stromae, Vianney ou AngĂšle.


Schérazade

Sublime artiste qui a eu l'honneur de travailler avec Stromae. Nous sommes trÚs heureux de partager avec vous cet entretien qui a eu lieu dans les locaux de Wagram. Schérazade nous parle de son Ep, de ses clips, de sa démarche artistique et de ses projets. Entretien avec une artiste qui ira loin. TrÚs loin.

LFC MAGAZINE #7 140



INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS ÉLISA BAUDOIN

J’ai Ă©tĂ© beaucoup influencĂ© par le film de John Waters. J’ai dĂ©couvert l’univers des annĂ©es soixante-dix quand j’étais plus jeune et cela m’a vraiment marquĂ©. LFC : Bonjour SchĂ©razade, on se rencontre

LFC : On va parler de votre premier titre Pink

aujourd’hui pour parler de votre EP sorti en

Flamingo. C’est en Ă©coutant ce titre que nous

novembre dernier. Trois titres figurent dans ce

avons pensé à cette artiste. Il y a beaucoup de

premier EP, c’est bien cela ?

références dans votre clip. On aime beaucoup !

S : Oui, c’est cela. Nous avons sorti le premier

S : Oui, j’ai Ă©tĂ© beaucoup influencĂ© par le film de

titre Pink Flamingo en premier. Nous venons tout

John Waters. J’ai dĂ©couvert l’univers des

juste de terminer le clip de MĂ©mento qui sortira

annĂ©es soixante-dix quand j’étais plus jeune et

probablement au mois de mars. Et nous

cela m’a vraiment marquĂ©. J’ai trouvĂ© le film

tournerons par la suite le clip du morceau Le

Pink Flamingo trÚs bien, trash, mais poétique. Je

monde.

voulais absolument faire un titre oĂč je ne me fixais pas de limites.

LFC : En plus de cet EP, il y a eu une reprise d’Ann Sorel. Comment est nĂ©e l’envie de reprendre ce

LFC : Vos références datent des années

titre ?

soixante-dix. Aujourd’hui, nous sommes en 2018. Le passĂ© vous inspire-t-il plus ?

S : C’est ma maison de disque qui Ă  l’époque m’a proposĂ© de reprendre un titre en français. J’ai eu

S : Cette Ă©poque-lĂ  m’a beaucoup inspirĂ©, en

un gros blocage et grĂące Ă  cette chanson tout

effet, que ce soit les films hollywoodiens ou

s’est ouvert. J’ai dĂ©couvert ce titre grĂące Ă  un ami

ceux de la Nouvelle Vague. Tout ce qui s’est

et ce qui est intĂ©ressant, c’est qu’à l’époque, ce

créé à cette époque était vraiment somptueux.

titre n’avait pas du tout marchĂ©. DĂšs la premiĂšre

Les sonoritĂ©s que j’utilise sont actuelles, mais

seconde oĂč j’ai entendu la voix d’Ann Sorel, j’ai su

j’essaye aussi d’ĂȘtre une femme de 2018. J’ai

que c’était ce titre que je voulais reprendre.

essayĂ© d’équilibrer entre les annĂ©es soixantedix et aujourd’hui. Je veux vivre dans l’air du

LFC : Nous avons tout de suite été fascinés par

temps, mĂȘme s’il y a beaucoup d’influence de

votre voix trÚs atypique, qui nous a rappelé celle

l’époque dans ma musique.

de Mademoiselle K. LFC : En prĂ©parant cette interview, nous avons S : C’est une artiste que j’adore. Merci pour ce

lu que vous aviez collaboré avec Stromae sur le

compliment.

titre Ave Cesaria.

142 LFC MAGAZINE #7



Stromae, c’est quelqu’un avec qui j’aimerais travailler de nouveau Ă  l’avenir. SCHÉRAZADE S : Oui effectivement, je l’ai aidĂ© sur la

S : De nombreux artistes. Je pourrais en

mélodie et on entend ma voix sur les refrains.

citer mille, mais je crois qu’il y en a qui

Il m’a d’ailleurs invitĂ© Ă  tourner le clip en

m’ont touchĂ© plus que d’autres. La

Belgique. C’était une expĂ©rience gĂ©niale. Nous

premiĂšre fois que j’ai Ă©coutĂ© Billie Holiday,

nous sommes rencontrés car nous avions le

j’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement touchĂ©e surtout

mĂȘme producteur et j’ai tout de suite

lorsque l’on connaüt sa vie.

accrochĂ©. C’est un gĂ©nie. Et en plus de cela, il

Émotionnellement et vocalement, je trouve

est trĂšs modeste. Ce qui le rend trĂšs

cela trĂšs fort. Il y a des influences

attachant.

orientales également, le cinéma égyptien par exemple, que je regardais étant jeune

LFC : Ce genre de rencontre vous donne-t-il

avec ma maman. J’ai ensuite dĂ©couvert le

envie de continuer le métier ?

rock au collĂšge avec les Doors, The Animals. Ma musique est une sorte de melting-pot,

S : Oui complùtement. C’est quelqu’un avec

j’essaye de me crĂ©er mon propre univers

qui j’aimerais travailler de nouveau à l’avenir.

avec toutes ces références.

LFC : Quelles sont vos inspirations ? Qu’est-

LFC : Pouvez-vous justement décrire votre

ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?

univers Ă  nos lecteurs ?


C’est difficile de dĂ©finir son projet, mais je dirais que c’est quelque chose de trĂšs cinĂ©matique. Un film, c’est une histoire, et je trouve qu’une chanson, c’est Ă©galement une histoire. Il y a des thĂšmes diffĂ©rents. C’est trĂšs pop et trĂšs ambivalent. Entre le jour et la nuit. S : C’est difficile de dĂ©finir son projet, mais

LFC : Vous ĂȘtes compositeur, auteur et interprĂšte sur

je dirais que c’est quelque chose de trùs

ce disque. Collaborez-vous Ă©galement avec d’autres

cinĂ©matique. Un film, c’est une histoire, et

artistes ?

je trouve qu’une chanson, c’est Ă©galement une histoire. Il y a des thĂšmes diffĂ©rents.

S : Oui j’ai collaborĂ© rĂ©cemment avec Thomas Azier,

C’est trùs pop et trùs ambivalent. Entre le

Joris Delacroix et Synapson. J’aime sortir de mon

jour et la nuit.

univers de temps en temps. Cela m’ouvre l’esprit.

LFC : À travers vos clips et votre EP,

LFC : Quel est votre avis sur les réseaux sociaux ?

l’auditeur peut noter une dĂ©marche artistique aboutie et exigeante. Cela vous

S : Ils jouent un rĂŽle majeur pour les artistes de nos

permet-il d’exprimer des pans de votre

jours. C’est une nouvelle Ă©poque et nous devons vivre

personnalité qui ne sont pas forcément

avec. Je me suis un peu forcĂ© Ă  m’y mettre car je suis

Ă©vidents Ă  exprimer dans la vie de tous les

quelqu’un de naturellement pudique. Il y a un cotĂ©

jours ?

positif. Par exemple j’ai rencontrĂ© ma rĂ©alisatrice qui a tournĂ© le clip de Pink Flamingo, c’est gĂ©nial. Le cotĂ©

S : Tout à fait. Je m’amuse beaucoup.

nĂ©gatif, c’est que l’on perd un peu notre rĂ©alitĂ©. Il y a

C’est une sorte de jeu de rîle. C’est comme

deux aspects. Il faut savoir trouver le bon Ă©quilibre.

si à chaque fois, je racontais quelque chose. Je peux tout me permettre, c’est

LFC : On vous laisse le mot de la fin


l’avantage de l’art. C’est une façon de me livrer. Dans chacun de mes projets, il y a

S : Un grand merci de m’avoir reçu, j’ai passĂ© un

une part de moi.

moment trÚs agréable.

145 LFC MAGAZINE #7


Pauline Croze L ' I N T E R V I E W LFC MAGAZINE #7 ‱ MARS 2018


Pauline Croze

Pauline Croze publie mi-fĂ©vrier un nouveau disque d'une grande qualitĂ© musicale avec des textes forts. "Ne rien faire" a Ă©tĂ© travaillĂ© avec la collaboration prĂ©cieuse de Ours et celle de Romain Preuss. Des chansons qui vous toucheront au cƓur. Rencontre avec Pauline Croze entre une sĂ©ance de rĂ©pĂ©tition et la pause dĂ©jeuner. Entretien. LFC MAGAZINE #7 147


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS JULIE TRANNOY

Oui, j’ai tout Ă©crit. Il m’arrive parfois d’avoir quelques blocages, c’est pour cela que j’aime solliciter des auteurs. MĂȘme si ça ne va pas au bout, j’aime le fait d’avoir essayĂ© quelque chose. LFC : Bonjour Pauline Croze, nous nous

PC : Tout a commencé avec un musicien qui

rencontrons pour la sortie de votre album : Ne

s’appelle Quito dont j’ai fait la premiùre partie

rien faire. C’est tout un programme !

pendant des annĂ©es. Il connaissait bien Anne Claverie qui Ă©tait manager d’Etienne Daho Ă 

PC : C’était le titre le plus pertinent par rapport

l’époque. Nous lui avons envoyĂ© ma maquette

aux titres que j’avais choisi sur cet album. Au

et elle a réagi tout de suite. Elle a décidé de se

dĂ©part, j’hĂ©sitais entre FiĂšvre ou Tu es partout. Ce

tourner vers la production et l’édition, il y a eu

dernier Ă©tait peut-ĂȘtre un peu trop intime

une vraie connexion. Elle m’a permis de rentrer

et FiĂšvre un peu trop basique. Lorsque nous

dans le monde officiel de la musique, chose que

Ă©tions en studio avec Ours, Romain Preuss et M,

je n’avais pas forcĂ©ment faite avec Quito oĂč

c’est Matthieu Chedid qui a suggĂ©rĂ© que l’album

j’étais dans un milieu plus underground. Le

s’appelle ainsi. Je trouve que cela sonne plutît

milieu de la musique est passionnant, c’est un

bien.

combat de tous les jours pour pouvoir vivre de sa passion.

LFC : Sur la pochette du single, vous apparaissez de maniĂšre floue. Pourquoi avoir

LFC : Vous Ă©crivez habituellement vos

fait ce choix esthétique ?

chansons. Est-ce le cas aussi sur cet album ?

PC : Nous voulions induire une notion de

PC : Oui, j’ai tout Ă©crit. Il m’arrive parfois d’avoir

mouvement. De plus, c’est une sorte de pied de

quelques blocages, c’est pour cela que j’aime

nez au fait de ne rien faire. Dans mon album, le

solliciter des auteurs. MĂȘme si ça ne va pas au

thÚme des relations est trÚs présent. Que ce soit

bout, j’aime le fait d’avoir essayĂ© quelque

les relations entre les gens, les relations

chose. Finalement, j’ai persĂ©vĂ©rĂ© et j’ai enfin

amoureuses, la relation Ă  soi. Beaucoup de

réussi.

mouvements nous traversent mĂȘme si parfois on souhaiterait rester stable.

LFC : Vous proposez dix titres dans ce nouvel album


LFC : Comme c’est la premiùre fois que nous nous rencontrons, nous aimerions en savoir plus

PC : Je pense que c’est le dosage parfait. J’ai

sur vos débuts dans la musique.

essayĂ© de me positionner en tant qu’auditeur

148 LFC MAGAZINE #7



Le fait de me dire que ma maman existe quelque part, c’est comme une berceuse qu’on se fait Ă  soi-mĂȘme. PAULINE CROZE lambda et je trouve qu’il y avait un bon

LFC : Dans cet album, vous abordez des thĂšmes trĂšs

Ă©quilibre, le timing est bon et c’est surtout

personnels notamment le deuil de votre maman.

digeste. Dix morceaux, c’était le nombre

Pourquoi avez-vous souhaité en parler ?

parfait. PC : Simplement pour essayer de transformer cette peine LFC : Nous avons écouté votre album

en quelque chose d’apaisant. Et peut-ĂȘtre aussi pour me

plusieurs fois. La premiĂšre Ă©coute que nous

rassurer. Le fait de me dire qu’elle existe quelque part,

avons eue Ă©tait une Ă©coute non attentive. Et

c’est comme une berceuse qu’on se fait Ă  soi-mĂȘme. Ce

mĂȘme avec cette Ă©coute, vous rĂ©ussissez Ă 

n’est pas une chanson qui m’a permis de faire mon deuil.

nous emporter dans une atmosphĂšre vraiment

Seulement, j’avais besoin de l’écrire. Je voulais que ce

agrĂ©able. Qu’en pensez-vous ?

soit quelque chose de lumineux, que ce soit Ă  l’image de ce qu’elle m’avait laissĂ©. C’est une sorte d’hommage oĂč je

PC : C’est apprĂ©ciable, merci. Si l’on sent que

lui montre que je m’en sors.

mĂȘme avec une Ă©coute assez lointaine il y a une cohĂ©rence, une fluiditĂ©, c’est plutĂŽt bon

LFC : Tu es partie, tu es partout est un morceau universel.

signe. J’aime beaucoup cette sensation et je

Êtes-vous d’accord ?

crois que cela donne envie de se concentrer et de l’écouter un peu plus attentivement.

PC : J’ai besoin de ressentir les choses pour les


Sur scĂšne, je serai accompagnĂ©e d’un bassiste et d’un batteur. exprimer. J’ai besoin que cela passe par moi, par mon corps, par mon esprit. J’avais dĂ©jĂ  essayĂ© d’écrire des choses oĂč je prenais un point, une situation ou un personnage extĂ©rieur, mais ce n’était pas probant. Je n’arrivais pas Ă  trouver l’émotion. Je ne savais pas comment faire. Maintenant, j’essaye de me baser vraiment sur ce que je ressens, pour ensuite le partager avec les autres. LFC : D’autres chansons sont dans cet album, d’autres couleurs
 Pouvez-vous nous les prĂ©senter ? PC : FiĂšvre est un titre plutĂŽt pop/reggae, c’est une sorte de chaloupe qui s’est transformĂ©e et qui est devenue un morceau trĂšs colorĂ©. Tu m’ballades ou L’élan sont des titres plus pop/rock. Tellement bien est une ballade douce Ă  la guitare, trĂšs Ă©vanescente. Bref, il y a des climats diffĂ©rents avec une cohĂ©rence entre tous. LFC : Comment s’est passĂ©e votre rencontre avec Ours et vos autres collaborateurs ? PC : Tout est parti d’un concert que j’ai vu en 2013. J’aimais beaucoup sa façon de vivre

151 LFC MAGAZINE #7

les morceaux, son Ă©nergie, le cĂŽtĂ© black music. Tout cela me plaisait beaucoup. Je lui ai demandĂ© s’il voulait bien rĂ©aliser mon album. Il a acceptĂ©, Ă  la condition de ne pas le faire seul. Il a donc demandĂ© de l’aide Ă  Romain Preuss que j’avais rencontrĂ© dix ans auparavant. On a dĂ©marrĂ© le travail Ă  trois et ensuite Marlon B est arrivĂ© lors de l’étape finale pour peaufiner le tout, pour traduire des sons en les modernisant. L’enregistrement de cet album a vraiment Ă©tĂ© agrĂ©able. Nous nous sommes beaucoup amusĂ©s. Je trouve que nous avions une superbe Ă©quipe mĂȘme si c’était parfois compliquĂ© au niveau des agendas (rires). LFC : On imagine qu’il y aura de la scĂšne par la suite, avez-vous hĂąte ? PC : Oui beaucoup. Je suis actuellement en studio avec mes musiciens oĂč nous essayons d’adapter les chansons pour la scĂšne. Nous serons trois sur scĂšne. Il faudra donc renoncer de temps en temps Ă  certaines sonoritĂ©s. Mais ce sera compensĂ© par le fait que les morceaux sont jouĂ©s en live. Ce qui Ă©tait important pour cet album, ce sont les cƓurs. Il me fallait des musiciens qui chantent. Sur scĂšne, je serai accompagnĂ©e d’un bassiste et d’un batteur. LFC : On entend assez souvent que la musique urbaine est plus Ă©coutĂ©e que la variĂ©tĂ© française. Pouvez-vous nous donner votre avis sur la question ? PC : Je crois que la musique urbaine se vend plus car c’est un mouvement qui sait plus se servir d’internet et des rĂ©seaux sociaux. Ce sont des outils avec lesquels grandissent les jeunes donc forcĂ©ment les artistes hiphop arrivent Ă  les cibler tout de suite. Il y a plus la notion de dĂ©fi dans le hip-hop. C’est une musique qui parle aux jeunes. Ce sont Ă©galement des artistes trĂšs productifs et crĂ©atifs. C’est pour cela qu’ils sortent plus de projets que les artistes de variĂ©tĂ©s.


LFC MAGAZINE #7 ‱ MARS 2018

Laurent Lamarca L ' I N T E R V I E W


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS © FRANCK BELONCLE LEEXTRA

Laurent Lamarca nous a donné rendez-vous à Paris, Le Pigalle pour une séance de photos et un entretien dans lequel on évoque son nouvel album. Rencontre. LFC : Bonjour Laurent Lamarca, on se rencontre

LFC : La structure de cet album est trÚs bien pensée.

pour la premiĂšre fois pour parler de votre album Comme un aimant qui sera dans les bacs le 23 mars

LL : J’ai grandi en Ă©coutant des albums des annĂ©es

2018. Le bĂ©bĂ© est prĂȘt ?

soixante et soixante-dix avec mon pĂšre. Nous

Ă©coutions beaucoup les Pink Floyd, les Rolling Stones

LL : Oui, cela fait un petit moment qu’il est prĂȘt. Il n’a

et les Beatles. Je ne pense pas que le public ait

plus qu’à sortir du ventre de sa maman. Rires.

absolument besoin de concepts, mais pour l’artiste, c’est trĂšs motivant pour la crĂ©ation. Cela fait sortir des

LFC : Combien de temps avez-vous consacré à ce

choses de l’imaginaire et j’aime beaucoup cela.

disque ?

LFC : Vous proposez sur ce disque une chanson trĂšs

LL : Cela fait un moment que j’ai l’idĂ©e et le concept

touchante sur la perte de votre oncle.

de cet album en tĂȘte. Les morceaux sont venus au

compte-gouttes au cours des deux derniĂšres

LL : J’écris des chansons, car j’en ai besoin. MĂȘme si je

années.

n’étais pas chanteur, j’en Ă©crirais quand mĂȘme. C’est

une sorte de psychothérapie. Je voulais aborder un

LFC : Votre concept repose sur les quatre saisons

grand sujet dans cet album. C'Ă©tait la joie. C’est une

de l’annĂ©e


émotion que je trouve parfois négligée. Le décÚs de

mon oncle, qui Ă©tait mon deuxiĂšme papa, Ă©tait un

LL : Exactement. L’album s’ouvre avec trois

Ă©vĂ©nement malheureux dont j’avais vraiment envie de

morceaux qui reprĂ©sentent l’étĂ©. Ils sont trĂšs joyeux

parler. Je crois que c’était Ă©galement un sujet

au sens juvénile. Ensuite, il y a trois morceaux qui

intĂ©ressant pour les gens. D’un point de dĂ©part

sont plus automnaux, oĂč la vie est un peu plus dure,

personnel, je touche l’universel.

mais oĂč tout est possible. Les morceaux suivants sont beaucoup plus introspectifs et reprĂ©sentent

LFC : Vous avez finalement transformé cela en un acte

l’hiver. L’album se termine par le printemps avec

créatif et positif


trois morceaux trÚs joyeux et beaucoup de sagesse. Le tout dernier morceau de cette période est le titre

LL : C’est un peu ma dĂ©finition de la vie. On prend

Comme un aimant.

quelque chose et on essaye d’en faire du positif.

153 LFC MAGAZINE #7


On prend quelque chose et on essaye d’en faire du positif. J’essaye toujours de voir le bon cĂŽtĂ© des choses, le bon cĂŽtĂ© des gens. J’essaye toujours de voir le bon cĂŽtĂ© des choses, le bon cĂŽtĂ© des gens. Il faut s’éclater dans ce monde qui est quand mĂȘme merveilleux. LFC : Vous parliez tout Ă  l’heure d’un cĂŽtĂ© juvĂ©nile pour la pĂ©riode de l’étĂ©. Cela vous at-il fait du bien de replonger dans cette pĂ©riode ? LL : Pour dire vrai, je ne l’ai jamais vraiment quittĂ©. Je suis quelqu’un de naĂŻf. J’ai d’ailleurs dĂ©veloppĂ© des complexes Ă  un moment donnĂ©. Mais en dĂ©finitif, je trouve que c’est trĂšs bien de l’ĂȘtre. On peut trĂšs bien avancer dans la vie avec sagesse tout en Ă©tant naĂŻf. Je crois que de cette façon, on est plus heureux. LFC : L’album sortira le 23 mars et nous pouvons dĂšs Ă  prĂ©sent Ă©couter le titre Le vol des cygnes. Pouvez-vous nous en parler ? LL : C’est une chanson que j’ai Ă©crite il y a un petit moment avec HĂ©lĂšne Pince. L’histoire est assez drĂŽle. Quand j’écris des chansons avec HĂ©lĂšne, j’imprime ce qu’elle m’envoie. Ce sont des longs textes sur lesquels j’entoure, je barre, je rajoute
 Un jour,

154 LFC MAGAZINE #7

HĂ©lĂšne en a eu marre. Elle pensait que je saccageais son travail. Elle m’a envoyĂ© un long mail pour me dire tout cela. TrĂšs bien rĂ©digĂ©. J’ai imprimĂ© ce mail. Je l’ai modifiĂ© et je lui ai renvoyĂ©. Étrangement, cela a Ă©tĂ© le dĂ©but d’une chanson qui est devenue Le vol des cygnes. Bien sĂ»r, nous travaillons toujours ensemble. LFC : Sur votre nouvel album figure un duo avec un des membres du groupe FrĂ©ro Delavega. Comment s’est passĂ©e la rencontre ? LL : Cela fait un moment que je les connais, car j’ai eu l’honneur de chanter lors la premiĂšre partie de leur concert. Je chantais la chanson Le pouvoir des gens et ils en Ă©taient trĂšs fans. Cette chanson s’adresse Ă  un nouveau-nĂ©. RĂ©cemment, JĂ©rĂ©my a eu un enfant. Je me suis dit que cela pouvait ĂȘtre sympa de la partager avec lui. LFC : Adressez-vous cet album a un public particulier ? LL : Je l’adresse Ă  tout le monde. C’est vraiment l’idĂ©e de la variĂ©tĂ©. Je propose quelque chose de simple. Je n’aime pas l’idĂ©e des codes. Il faut que cet album soit digĂ©rĂ© par tous. LFC : Pour prĂ©senter ce disque, c’est le journaliste Didier Varrod qui a Ă©crit la biographie de deux pages proposĂ©es aux journalistes
 LL : C’est le premier journaliste que j’ai rencontrĂ©, le premier qui a cru en moi. C’est quelqu’un qui a compris tout de suite ce que je voulais faire. Il comprenait peut-ĂȘtre mĂȘme mieux que moi lĂ  oĂč je voulais en venir. Il a un cĂŽtĂ© papa, Didier Varrod. C’est quelqu’un de trĂšs ouvert que j’estime beaucoup.


LFC MAGAZINE #7 ‱ MARS 2018

L ' I N T E R V I E W


L’album Comme un aimant, c’est vraiment ce que je pense. C’est la musique que j’aime. LAURENT LAMARCA

LL : Oui, chez Columbia. C’est un album que j’ai coarrangĂ© avec un ami d’enfance. Il regroupe toutes mes influences. Ensuite, j’ai sorti un EP oĂč je me suis vraiment inspirĂ© de la musique qu’aimait mon pĂšre. L’album Comme un aimant, c’est vraiment ce que je pense. C’est la musique que j’aime. LFC : Pouvez-vous nous parler de la tournĂ©e qui va bientĂŽt avoir lieu ? LL : Absolument. Je serai au CafĂ© de la danse en avril prochain. LFC : Vous avez eu d’autres expĂ©riences musicales avant ce disque. Pouvez-vous nous en parler ? LL : J’ai grandi dans la musique, car mes parents sont musiciens. Ils ont touchĂ© un peu Ă  tous les instruments. J’ai fondĂ© mon

C’est une tournĂ©e assez spĂ©ciale qui va avoir lieu ensuite, il y aura juste ma guitare et moi. Ce sera des salles assez petites, quatrevingts places environ. J’avais vraiment envie de retrouver l’ambiance de mon salon. J’ai dĂ©cidĂ© de raconter pourquoi et comment j’écris toutes mes chansons. Les gens viendront tirer des chansons au hasard. Il y aura une camĂ©ra, le public sera parfois Ă  la place de l’artiste. Bref, ce sera trĂšs participatif. Un chanteur doit amener une Ă©nergie, porter les gens ailleurs, c’est pour cela que j’adore la scĂšne.

premier groupe Ă  douze ans avec mes cousines. J’ai fait quelques projets plus Ă©lectro puis punk. (Rires) Tout cela s’est passĂ© Ă  Lyon, et ensuite, je suis montĂ© Ă  Paris oĂč j’ai dĂ©cidĂ© d’ĂȘtre musicien et auteur pour les autres. Puis, j’ai attrapĂ© le virus du chanteur. On m’a beaucoup poussĂ© Ă  le faire en m’encourageant et je me suis lancĂ©. LFC : Il y a eu Ă©galement un premier album qui est sorti en 2013 ?

156 LFC MAGAZINE #7


Sofi Tukker

Sofi Tukker, c'est le hit Best Friend pour la derniÚre campagne Apple et l'iPhone X. Le duo new-yorkais s'est fait remarqué au Tonight Show de Jimmy Fallon sur NBC. Dans le cadre de leur tournée européenne, de passage à Paris à la maroquinerie, ils ont fait une pause avec nous pour un entretien exclusif. Rencontre.

LFC MAGAZINE #7 157


La seule diffĂ©rence entre les animaux et les humains, c’est que les humains ont la facultĂ© d’analyser les choses SOFI TUKKER LFC : Bonjour Sophie et Tukker, c’est un vrai

LFC : Nous sommes trĂšs heureux de vous

plaisir de vous rencontrer pendant votre

rencontrer. Nous vous suivons depuis votre

tournée européenne qui vous a notamment

EP Soft Animals qui est sorti en 2016. D’oĂč

fait passer à La Maroquinerie de Paris début

vous vient cette passion pour les animaux ?

février 2018. Comment allez-vous ?

Vous avez jouĂ© la carte de l’esthĂ©tisme sur ce disque. Est-ce une maniĂšre de vous identifier

Sophie : Nous sommes trĂšs contents d’ĂȘtre

?

ici. Paris a une signification particuliĂšre pour nous. Nous sommes venus il y a quelques

S : Je pense qu’il y a une signification

mois pour des meetings professionnels et

littéraire et une signification métaphorique.

nous sommes Ă©galement venus l’annĂ©e

La mĂ©taphore c’est que nous sommes tous

derniùre pour un show, qui reste l’un de nos

des animaux, y compris nous, surtout lorsque

favoris. C’est toujours un plaisir de revenir ici.

nous sommes plongés dans nos projets musicaux (rires). La seule différence entre les

Tukker : Nous attendons avec impatience le

animaux et les humains, c’est que les

show à la Maroquinerie et nous espérons que

humains ont la facultĂ© d’analyser les choses.

nos fans français aussi.


INTERVIEW QUENTIN HAESSIG

PHOTOS LUIS MORA SHERVIN LAINEZ ULTRA MUSIC

C’est vrai que notre vie a changĂ© et nous en sommes trĂšs heureux. Tucker : L’image de l’animal est quelque chose qui

représentés le mieux possible pour partager

nous ressemble plutĂŽt bien. Nous nous sommes

notre passion.

beaucoup amusĂ©s sur cet EP car chaque chanson correspond Ă  un animal. Il y avait une sorte d’état

LFC : Qui fait quoi au sein du groupe ?

d’esprit dans chaque titre qui correspond au thĂšme des animaux. Chaque animal reprĂ©sente une

S : Nous aimons l’esprit de collaboration.

humeur différente, une vibe différente qui nous

Généralement, nous travaillons tous les deux ou

ressemble. Les animaux sont une maniĂšre vraiment

Ă  plusieurs dans une mĂȘme piĂšce. Tukker

fun d’exprimer les couleurs, les sons


travaille parfois davantage sur la partie instrumentale et moi plus sur les paroles. Nous

LFC : Lorsqu’on voit votre look, vos pochettes, on a

nous consultons sur chaque choix artistique.

l’impression que vous entretenez un rapport avec l’art. L’art vous influence-t-il ?

T : Nous essayons de communiquer au maximum dans tout ce que nous faisons. Et

T : Je crois que nous sommes surtout influencés

mĂȘme si nous ne faisons pas tout seul, par

par tout ce qui nous entoure. Notre entourage,

exemple pour les artworks, il est important pour

l’architecture, la nature, les animaux, la façon dont

nous d’avoir une visibilitĂ© dessus, de donner

nous nous habillons. C’est une sorte de cercle

notre avis. Nous donnons les idées et nous les

crĂ©atif qui ne s’arrĂȘte jamais.

partageons.

LFC : Votre démarche esthétique permet de vous

LFC : L’EP Soft Animals est sorti en 2016. Nous

distinguer et d’ĂȘtre plus facilement identifiĂ©e dans

sommes en 2018 et votre vie a un peu changé

cette jungle musicale


depuis quelques mois grĂące Ă  votre collaboration avec Apple. Parlez-nous de ce changement.

S : Oui, c’était trĂšs important. Tous les choix que nous faisons en tant que groupe, nous le faisons

T : Nous sommes plus Ă©coutĂ©s qu’avant, c’est

avec beaucoup de sĂ©rieux. C’est pour cela que nous

certain. Les gens connaissent nos chansons. Ils

Ă©tions en train d’envoyer des mails avant de

s’intĂ©ressent plus Ă  nous et Ă  notre musique.

commencer l’interview. La musique est un moyen

C’est vrai que notre vie a changĂ© et nous en

d’expression trĂšs fort, et nous nous devons d’ĂȘtre

sommes trĂšs heureux.

159 LFC MAGAZINE #7



Nous avons découvert que notre musique avait été utilisée quand nous avons vu les premiÚres publicités. S : En revanche, je ne dirais pas forcément

besoin de le décrire. Est-ce que cela correspond à votre

que cette collaboration a fait venir plus de

relation artistique ?

gens à nos concerts, car nous sommes en tournée tout le temps. Cela nous a juste

T : C’est une bonne question. Cela signifie beaucoup. D’une

amené un autre public et nous a permis de

certaine façon oui, c’est vrai. Nous n’avons pas Ă©crit cette

nous faire connaĂźtre. Toute cette aventure a

phrase en pensant Ă  cela, mais nous devrions peut-ĂȘtre le dire

vraiment été trÚs cool.

lors des interviews (rires). Au fur et à mesure de notre travail, de nos différents concerts, des différents projets que nous

LFC : Comment s’est passĂ©e la rencontre

avons faits, c’est un peu ce qui s’est passĂ©.

avec Apple ? S : Cette chanson parle de mon meilleur ami que j’avais au S : C’est eux qui nous ont dĂ©couvert avec la

collùge. Nous avions un langage bien commun. C’est un peu

chanson Drinkee qui faisait partie de l’EP

l’origine de la chanson.

Soft animals. Ensuite, elle est devenue la musique de la publicitĂ© pour l’Apple Watch

LFC : Nous avons regardé votre performance au Tonight Show

en 2016. Nous avons gardé contact avec le

de Jimmy Fallon. Cela a dĂ» ĂȘtre un moment spĂ©cial pour vous

directeur musical d’Apple. Nous lui avons

Ă©tant New-Yorkais.

envoyĂ© de nombreuses chansons que nous avions faites afin qu’il voit si d’autres

T : Oui, c’était un moment particulier. Nous Ă©tions trĂšs

morceaux pouvaient lui plaire. Ils sont

nerveux. C’est la premiùre fois que nous faisions une

revenus vers nous en nous disant qu’il

performance comme celle-ci à la télévision.

voulait que l’on construise une relation dans la durĂ©e. Tout est assez secret avec Apple.

S : Le fait d’ĂȘtre aux cĂŽtĂ©s de Jimmy Fallon ou mĂȘme de The

Nous ne savions pas qu’il y avait un

Roots, mon groupe prĂ©fĂ©rĂ©, c’était une expĂ©rience magique.

nouveau téléphone qui allait sortir. Nous avons découvert que notre musique avait

LFC : Nous attendons avec impatience votre album. Qu’en est-

été utilisée quand nous avons vu les

il ?

premiÚres publicités. S : On ne peut pas trop en parler pour le moment, mais nous LFC : La chanson Best friends tourne à peu

allons l’annoncer trùs prochainement. Je comprends que le

prùs partout dans le monde aujourd’hui et il

public soit impatient. Nous vous promettons qu’il va y avoir

y a une phrase dans la chanson qui dit : On

bien plus qu’un album. Nous aimerions tout proposer en

se crée notre propre langage, on n'a pas

mĂȘme temps, mais nous ne pouvons pas
 Soyez patients !

161 LFC MAGAZINE #7


DANS LE PROCHAIN NUMÉRO

À NE PAS MANQUER

OK CORAL / SÉBASTIEN MEIER / ROMANE SERDA NICOLAS REY / JANINE BOISSARD / POMME ET DES SURPRISES...

AVRIL 2018 | #8 | BIENTÔT


Spectacle MARS 2018 ‱ LFC #7

LES

5

PIÈCES

DU

MOIS

À

VOIR


Diva sur divan

PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU Assez ! CĂ©line Bognini en a eu assez ! Elle ne voulait

En pleine séance de musicothérapie, la patiente

plus se contenter d’ĂȘtre la femme de, la fille de ou

raconte son mal-ĂȘtre, tiraillĂ©e entre son envie de

mĂȘme la mĂšre de. Avant de gagner le titre vĂ©nĂ©rable de

monter sur les planches et sa vie de femme au foyer

grand-mÚre de, elle se devait de réagir ! Le spectacle

aux petits soins pour son mari qui ne se préoccupe

qu’elle Ă©crira, Diva sur Divan, sera sa voie du bonheur

que de son propre talent. Elle s’apostrophe de

retrouvĂ© et l’AktĂ©on le thĂ©Ăątre de sa rĂ©bellion. LĂ , sous

“chianteuse” Ă  force de se dĂ©battre dans une vie

les yeux Ă©bahis d’un public tour Ă  tour Ă©mu et heureux,

dépouillée de ce qui la fait vibrer. Elle confie que son

se rejoue une séance de musicothérapie aussi originale

vide affectif est aussi abyssal que le trou de la

que bouleversante au cours de laquelle la diva en

sĂ©curitĂ© sociale. C’est dire ! Au fil de ses prises de

devenir s’étend sur le divan pour livrer ses nĂ©vroses,

conscience, la soliste en mal de reconnaissance se

ses aspirations enfouies, ses besoins niés. Le psy

donnera tous les moyens de s’affranchir de la

pianiste, interprété par Patrick Laviosa, va guider les

célébrité de sa moitié dans le but de se confronter au

rĂ©flexions de sa patiente sur ses envies en l’incitant Ă 

public et le conquĂ©rir. N’est-ce pas le prix pour gagner

chanter de grands airs, de Mozart Ă  Satie, de Michel

sa propre estime ? Alors, emportée par un air de

Legrand à Barbara. Peu à peu, sur le tempo d’une

Mozart, “Voy que sapete” (Les Noces de Figaro), la

comédie lyrique, le public assiste à la transfiguration

chianteuse ose projeter sa voix comme on se jette Ă 

musicale d’une diva intimidĂ©e par son art qui trouve sa

l’eau, dans un sursaut hĂ©roĂŻque, avec l’espoir arrimĂ©

clé du bonheur et nous la chante, toute à sa joie de

au fond de la gorge qu’une force insoupçonnĂ©e va la

renaĂźtre de ses rĂȘves intimidĂ©s.

rĂ©vĂ©ler Ă  elle-mĂȘme. Chaque confidence sur le divan

LFC MAGAZINE #7 164


sera ponctuĂ©e d’un air qui l’aidera Ă  avancer dans

bonheur (Rodgers). Sa voix Ă  la fois cristalline et

sa thĂ©rapie. En prenant l’assurance d’une diva

suave est l’instrument de ses Ă©motions qu’elle

rĂ©vĂ©lĂ©e, elle entraĂźnera mĂȘme dans son sillage les

libĂšre avec l’intensitĂ© d’une premiĂšre fois. En

épanchements filiaux de son musicothérapeute

piochant Ă  99,99 % dans sa vie personnelle, elle ne

pianiste.

pouvait que restituer justesse et authenticité. Mais elle ne se contente pas de chanter avec une gaßté

Diva sur Divan est une bouffĂ©e d’airs purs qui infuse

propre à contaminer tout cƓur chagrin, elle joue la

le plaisir. On le doit aux blessures intimes de CĂ©line

gradation d’une renaissance que la dextĂ©ritĂ© du

Bognini qu’elle transcende sur scùne à force de

pianiste comédien Patrick Laviosa magnifie. Les

talent, d’humilitĂ© et de courage. L’artiste lyrique, ici

deux artistes forment un duo harmonieux sur

attendrissante, lĂ  hilarante, fait tourbillonner les

scĂšne avec ce spectacle sincĂšre et trĂšs distrayant.

notes, Ă©voquant la sensualitĂ© de La Diva de l’Empire

Si pour CĂ©line Bognini le chant lyrique est une

(Satie), l’émotion d’Une Petite cantate (Barbara),

seconde naissance, pour le public, il offre l’éternitĂ©

l’énergie rafraĂźchissante de La mĂ©lodie du

d’un instant magique.

Diva sur Divan est une bouffĂ©e d’airs purs qui infuse le plaisir. Distribution Avec : CĂ©line Bognini et Patrick Laviosa. CrĂ©ateurs Auteur et interprĂšte : CĂ©line Bognini

A

Mise en scĂšne : Jean-Philippe BĂȘche

p

Piano : Patrick Laviosa Infos pratiques Le mercredi et le jeudi Ă  20 heures, jusqu’au 22 mars 2018. RelĂąche 7 mars. À l’AktĂ©on ThĂ©Ăątre, 11 rue GĂ©nĂ©ral Blaise, Paris 75011. DurĂ©e : 1h10. LFC MAGAZINE #7 165


MARS 2018 ‱ LFC #7

Moi, papa ? LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR


Moi, papa ?

PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU

S’il n’y a pas d’école pour apprendre Ă  ĂȘtre papa,

volcanique au grand cƓur fait de ce show

le one-man-show d’Arthur Jugnot est un bel

une rĂ©ussite que magnifie l’ingĂ©niositĂ© de la

avant-goût humoristique sur cette étape de la vie

mise en scĂšne de SĂ©bastien Azzopardi et de

de couple conjuguée à trois. « Moi, papa ? », au

la scénographie de Juliette Azzopardi.

thĂ©Ăątre du Splendid, raconte la transformation d’un jeune adulte libre et bien dans ses baskets

Devenir papa est un voyage au bout de

d’ado boboĂŻfiĂ© en un pĂšre responsable et accro Ă 

l’extrĂȘme, comme l’artiste le qualifie. C’est

son fils. Mais combien d’épreuves et d’actes

surtout un voyage autour de soi-mĂȘme, Ă 

d’amour faut-il pour y parvenir ? Arthur Jugnot

sonder ses capacitĂ©s d’amour et ses

porte l’enseigne du vĂ©cu, tous feux de dĂ©tresse

rĂ©sistances, pour mieux accueillir un ĂȘtre

allumĂ©s, derriĂšre chaque trait d’humour et

aussi inoffensif que destructeur. Mais c’est

mimique, qui n’est pas sans rappeler l’inspiration

une destruction d’un passĂ© rĂ©volu pour

du pùre. À la fin du spectacle, il remercie son fils

tricoter un présent au coin du feu, à chaque

de quatre ans et demi qui lui a permis d’ĂȘtre un

jour suffisant sa peine. Quand sa femme

pÚre et un artiste comblé. Pour son premier seul-

Ă©voque l’idĂ©e de devenir parent, Arthur

en-scùne, Arthur Jugnot est vraiment à l’aise. Il

panique, regimbe, contre-argumente.

rayonne, Ă©ructe et s’attendrit avec autant

L’artiste revisite les relations amoureuses

d’intensitĂ© et de charme. Sa personnalitĂ©

au seuil de franchir le pas fatidique,

LFC MAGAZINE #7 167


brocardant les manipulations des femmes et les

Moi, papa ? interroge cette belle aventure de

lùchetés des hommes. Pourtant, la nouvelle

devenir parent avec tellement de justesse

génération de pÚre est plus impliquée. La parité

qu’elle raisonne en chacun de nous.

est le mot d’ordre dans le couple pour fonder une

D’emblĂ©e, Arthur Jugnot instaure une

famille. Si la théorie fait consensus, la pratique

complicitĂ© avec le public par l’universalitĂ©

est moins Ă©vidente. Arthur Jugnot nous le

du sujet qui parle autant aux hommes

démontre.

qu’aux femmes. Souvent, les femmes artistes ont transcendĂ©, par la crĂ©ation, ce

Comment se prĂ©parer Ă  l’arrivĂ©e d’un enfant ? Les

passage dĂ©licat de l’idĂ©e d’avoir un enfant

futurs parents hésitent en tout, chaque décision

jusqu’à son arrivĂ©e dans la famille. Une

semble une nouvelle montagne Ă  gravir. Comment

nouvelle gĂ©nĂ©ration d’hommes s’y essaye,

gérer les pressions familiales et les lubies

transformant leur ignorance ou

gustatives de sa dulcinée ? Quel prénom choisir ?

méconnaissance en bonne volonté qui

Quelle poussette acheter ? Quel obstétricien

suscite admiration et tendresse. Le propos

préférer ? Accouchement péridural ou naturel ?

détonant de vérité et le jeu des émotions

Comment accompagner les souffrances de la

servi avec énergie participent de la réussite

parturiente sans se prendre un revers ? Comment

du spectacle, qui est renforcée par

change-t-on les couches sans ĂȘtre arrosĂ© ?

l’originalitĂ© d’une scĂ©nographie d’une

Comment gérer les biberons de nuit et le manque

grande poĂ©sie et d’une inventivitĂ© magique.

de sommeil ? Peu à peu, le couple s’installe en

Ces effets scĂ©niques font qu’Arthur, bien

jachĂšre charnelle, obnubilĂ© par le bien-ĂȘtre du

que seul en scÚne, vit et vibre entouré de

bébé. Fatalement, le mari et la femme se

sa femme virtuelle et de ses proches, mais

disputent, se chicanent, se murent dans le

surtout de cet enfant dont il porte encore

silence. La fin du couple s’amorcerait-elle ? Mais

les bĂ©nĂ©fiques stigmates de l’amour

de quelle fin parle-t-on au juste ?

paternel.

Avec : Arthur Jugnot. Créateurs Auteur : Bjarni Haukur Thorsson Adaptation : Dominique Deschamps Mise en scÚne : Sébastien Azzopardi

A

Scénographie : Juliette Azzopardi, avec Pauline Gallot

p

LumiĂšres : Thomas Rouxel Musiques : Romain Trouillet VidĂ©os : Mathias Delfau Teal productions et Compagnie SĂ©bastien Azzopardi Du mercredi au samedi Ă  21h et une reprĂ©sentation supplĂ©mentaire le samedi Ă  16h30, jusqu’au 31 mars 2018. Au thĂ©Ăątre du Splendid, 48 rue du Faubourg Saint-Martin, Paris 75010. DurĂ©e : 1h20. LFC MAGAZINE #7 168


MARS 2018 ‱ LFC #7

L'arnaQueuse LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR


L'arnaQueuse

PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : PRESTAPLUME L'humoriste Thom Trondel signe avec

atout serait un sens de l'humour décalé. Bref,

L'arnaqueuse sa troisiÚme comédie, au BO Saint-

un doux dingue marrant mais au revenu

Martin, Ă  Paris. Le sujet de l'arnaque Ă  la

confortable de 8 000 euros mensuels... ce qui

séduction est une corne d'abondance de

ne gĂąte rien !

situations cocasses. D'emblée la piÚce accroche toute l'attention par son écriture inspirée,

Clara et son amie complice Jessica, une

soignée et nerveuse. Les réparties résonnent

comédienne au chÎmage, ont monté une

joyeusement au cƓur entre Ă©clats de plaisir et

arnaque aux cƓurs errants dans le but de partir

franche hilarité. Les personnages dessinés avec

en vacances au soleil. Elles ont chacune un

l'outrance nécessaire au ton enlevé sont

rĂŽle bien distinct : Clara ferre le poisson et

cependant ourlés d'un rien de pudeur qui prépare

Jessica le fait mariner tout en le faisant

le lit du rire et de l'Ă©motion. Marina Gauthier,

casquer au maximum. Estimant la

dont on a découvert la palette de jeux dans

malhonnĂȘtetĂ© comme une compĂ©tence

"Mascarades", est pétillante et touchante dans le

indispensable à leur réussite, elles n'hésitent

rÎle de Clara, belle trentenaire séductrice qui

pas Ă  saler l'addition. Alors, lorsque Luc se

gĂšre son agence matrimoniale Ă  la tĂȘte du client.

présente, un peu trop gauche, un peu trop

L'auteur Thom Trondel campe un Luc en mal

hésitant, Clara sent la bonne affaire. Elle

d'amour, un cadre respectable aux accents naĂŻfs

propose Ă  ce chef de vente dans les

et aux goûts trÚs originaux, et dont le plus grand

portemanteaux personnalisés, champion de

LFC MAGAZINE #7 170


bilboquet, de le coacher pour sĂ©duire son premier rendez-vous. Ce sera Jessica. Mais le trop gentil garçon a des rĂ©actions surprenantes, comme entraĂźner sa partenaire dans un igloo-Ă©glise pour un enterrement traditionnel esquimau. Soudain, le rapport de force s'inverse, et la victime au grand cƓur affirme sa diffĂ©rence qui dĂ©contenance la jolie et intĂ©ressĂ©e Clara. La maĂźtresse du jeu se laisse alors dĂ©passer par celui qu'elle estimait ĂȘtre un pigeon en or et qui l'initie aux sentiments vrais. Cette comĂ©die romantique de Thom Trondel est d'une drĂŽlerie renversante, avec des moments d'anthologie comme la danse d'un ventre velu ou les contorsions d'un corps enfiĂ©vrĂ©. La mise en scĂšne audacieuse et dense de

s'enlacent, dansent lascivement puis s'entrechoquent, mais souvent sur des niveaux de comprĂ©hension diffĂ©rents, d'oĂč avalanche de quiproquos et de dĂ©calage de sentiments. Si le rire impose sa marque avec constance, de temps Ă  autre il se retire Ă  petits

Vanessa Fery est trÚs efficace. Les situations déjantées s'enchaßnent avec l'ivresse du rire renouvelé. Les dialogues

pas derriĂšre le cƓur Ă©mu. LĂ  devant un Luc comprenant la forfaiture de la gĂ©rante de l'agence matrimoniale. Ici devant une Clara rĂ©alisant son attachement, tardif et inconcevable, pour ce client Ă  l'originalitĂ© attendrissante. De rebondissement en rebondissement, de dĂ©lire en dĂ©lire, d'aveu en aveu, les comĂ©diens Ă©voluent avec aisance et en nuances dans ce cadre propice Ă  ce cƓur Ă  cƓur tendre et explosif.

Distribution Avec : Marina Gauthier ou Elsa Pontonnier, Thom Trondel

A

Créateurs

p

Auteur : Thom Trondel Mise en scĂšne : Vanessa Fery Production : CƓur de ScĂšne Le mardi Ă  20h15 jusqu'au 17 mars 2018. Au ThĂ©Ăątre BO Saint-Martin, 19 Boulevard Saint-Martin, Paris 75003. DurĂ©e : 1h05.

LFC MAGAZINE #7 171


MARS 2018 ‱ LFC #7

Une sombre histoire de girafe LES

5

PIÈCES

DU

MOIS

À

VOIR


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : PRESTAPLUME ET FRED THIBAULT

Prenez deux couples d’amis en vacances d’étĂ© et une

parfois ? Il ne faut jamais partir en vacances avec un

maison isolée dans les Cévennes. Le Paradis, ce me

couple avec un enfant quand on est soi-mĂȘme un

semble. Oui, mais non ! Une sombre histoire de girafe de

jeune couple de six mois qui n’aspire qu’à se

Magali Miniac, au Théùtre des Béliers parisiens, y plante

connaĂźtre mieux et profiter pleinement de la plage et

un huis clos étouffant, balançant entre confessionnal et

des coquillages. Forcément, la journée est suspendue

bagne en plein air, oĂč l’amitiĂ© de ces deux couples va

aux horaires d’un bĂ©bĂ© qui a besoin de couches et de

méchamment se craqueler sous le soleil implacable du

siestes, et qui est le centre de toutes les attentions et

Sud. S’il y avait une piscine encore, pour se rafraüchir

des inquiétudes. Il a une mÚre omniprésente et au

les névroses ou se délasser de son passé trop bien

bout du rouleau, qui a tout abandonnĂ© pour s’occuper

accroché aux basques des aigreurs ! Mais non, pas

de lui, jusqu’à son intĂ©rĂȘt pour son mari. Lui, c’est un

d’eau, pas d’ombre, juste des discussions qui tournent

balourd attendrissant, obtus aux Ă©tats d’ñme

au vinaigre et des vacances au fiasco. Et deux couples

fĂ©minins, qui n’a pas sa langue maladroite dans sa

qui implosent en plein vol de girafe, sous le regard

poche, ni ses yeux affamés de sexe. Et il y a de quoi,

abasourdi et ravi des spectateurs, devenus en l’espace

la petite amie de son pote — qui est psychologue —

d’une heure vingt, les plus attentifs et reconnaissants

lui apporte une bouffĂ©e d’inconnu fort dĂ©paysant et

des confidents !

distrayant, Ă  dĂ©faut d’une oreille professionnelle. Quant au copain, il est animĂ© par son envie

Quand on pense que l’argument dĂ©clencheur est un

obsessionnelle d’aller faire trempette dans la mer,

petit bout de chou de deux ans ! À quoi tient l’amitiĂ©,

assez vite contrariée par un bébé encombrant qui fait

LFC MAGAZINE #7 173


la sieste jusqu’à 17 heures
 Mais si ce

rancƓurs muettes, et lñchant son chariot

n’était que cela encore ! C’est que l’ami a la

fou de frustrations, de venin et de colĂšre.

jalousie féroce qui obstrue la voie de sa

Les quatre comédiens (Magali Miniac,

raison. De fil en aiguille, de paranoĂŻa en

Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clérice,

vérités blessantes, le séjour qui ne

SĂ©bastien Pierre) jouent leur partition

demandait qu’à se dĂ©rouler sous les

avec une grande justesse, tout en

auspices de la bonne humeur se met Ă 

nuances et en gradation. Par ce jeu

sombrer corps et biens, entraĂźnant Ă  sa

doublĂ© de vivacitĂ© et d’intensitĂ©, ils

suite la maison des CĂ©vennes et ses

rendent crĂ©dible l’inexorable issue. Cette

habitants, dans les eaux noires du

issue qui bannit toute frivolitĂ© est d’autant

rĂšglement de compte.

plus dĂ©tonante qu’elle survient sous un ciel limpide qui rivalise de gaitĂ© avec la

Cette délicieuse comédie sociale qui

pelouse vert tendre du décor. La mise en

ausculte avec une cruelle efficacité les

scĂšne soignĂ©e de Nicolas Martinez, oĂč la

relations de couple s’enchaĂźne Ă©perdument

sérénité attendue se heurte à la

au drame avec des réparties jubilatoires et

surenchĂšre des rĂ©vĂ©lations, l’une aspirant

des situations confondantes de réalisme.

la suivante dans son piĂšge, permet de

Le texte de Magali Miniac est si percutant

rehausser ce sentiment de grand gĂąchis.

qu’on se projette dans sa propre histoire.

Le drame frappe Ă  la porte, il est lĂ , on ne

On a tous en regrets quelques disputes

veut pas y croire
 et c’est la girafe au

mémorables intervenues comme un cheveu

gros postérieur qui signe la chute de cette

sur la soupe, réveillant les non-dits et les

sombre histoire Ă  mourir de rire.

Distribution Avec : Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clerice, Magali Miniac et Sébastien Pierre. Créateurs Auteur : Magali Miniac Mise en scÚne : Nicolas Martinez Assistante de mise en scÚne : louise Danel

A

Scénographie : Camille Duchemin

p

LumiÚres : Denis Koransky Musique : Raphaël Charpentier Costumes : BérangÚre Roland Du mardi au samedi à 21 heures et le dimanche à 15 heures, jusqu'au 29 avril 2018. Au théùtre des Béliers Parisiens, 14 bis rue Sainte-Isaure, Paris 75018. Durée : 1h20. LFC MAGAZINE #7 174


MARS 2018 ‱ LFC #7

Issue de secours LES

5

PIÈCES

DU

MOIS

À

VOIR


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME Crédits photos : Prestaplume

Issue de secours

Sur la scÚne du Théùtre du Marais, le spectacle "Issue

mis en scĂšne par Georges Beller, vous invitent Ă  un

de secours" est une aventure planante, fusante,

baptĂȘme de l'air de haute voltige sans haut-le-cƓur

explosive, qui donne dans l'hilarité la plus sidérale, et

garanti. Vive la tĂȘte Ă  l'envers du rationnel !

les gaz n'y sont pour rien ! Tout est prĂȘt pour le

Un commandant en fin de carriĂšre et son ami copilote

dernier vol du commandant... du moins, pour ce qui

sont bien trop Ă©mus et heureux de ce dernier voyage Ă 

est du principal : le whisky pour fĂȘter ce voyage qui va

deux pour se concentrer sur leur vol. Alors que les

clore dix ans de collaboration entre le pilote et le

rĂ©parties piquantes fendent l'air, la tĂȘte divaguant dans

copilote. Pour le reste, advienne que pourra, car la

les cumulus, ils s'aperçoivent que l'avion a décollé sans

rigueur a déserté le cockpit au profit de l'insouciance

passagers, ni kérosÚne. Si New York recule, les ennuis

d'une prochaine retraite ! Bien entendu, les

se rapprochent dangereusement en mĂȘme temps que le

catastrophes déferlent en escadrille, provoquant des

sol brûlant africain. Le crash est inévitable. Sains et

situations loufoques qui dilatent les cĂŽtes flottantes.

saufs, échauffés par l'alcool et les ressentiments qui

Avant de s'abĂźmer dans les dunes, l'avion de ligne

gravissent les degrés, les pilotes se montrent infidÚles

BH80-90 largue dans le désert africain son fardeau

à l'amitié et à la raison. Ils se séparent, errant dans le

humain, deux corps toniques en manque de gin ou de

désert à la recherche d'une oasis. Les mirages sont leur

mojitos. Benjamin Isel et Hadrien Berthaut, les

nouveau compagnon de voyage et jouent avec leurs

coauteurs des sketches tricotés à quatre mains, puis

fantasmes, révélant les petitesses ordinaires. Les

LFC MAGAZINE #7 176


hallucinations aux trousses, les deux rescapĂ©s, quand ils se croisent, vivent les sĂ©quences d'un Tintin revisitĂ©, d'un match du PSG avec un joueur Ă  papa Ă  la cervelle dans les chaussettes, des vƓux d'un gĂ©nie capricieux, d'une discothĂšque qui bat son plein de dĂ©hanchements enfiĂ©vrĂ©s sous les spots du dĂ©sert, etc. Et, pour corser la relation conflictuelle entre les pilotes en sursis, chacun a le pouvoir de statufier l'autre. Pour le pire et le meilleur, unis dans le burlesque. Sur la scĂšne, rien. Sinon deux chaises, une bouteille de whisky, enfin sa petite sƓur pour Ă©pargner les Ăąmes sensibles Ă  la biensĂ©ance, et deux prodigieux talents. Sous les feux de la rampe de lancement, le duo de comĂ©diens crĂšve l'Ă©cran de notre curiositĂ© bienveillante. Benjamin et Hadrien font dĂ©coller leur avion imaginaire Ă  destination d'une aventure rocambolesque et riche en soubresauts comiques. Peu Ă  peu, le duo dĂ©lirant franchit le mur du son et ouvre les vannes du rire fantasque et du grand n'importe quoi sous l'apparence furtive de blagues de potache. Car, bien entendu, c'est du camouflage.

entendu, c'est du camouflage. L'intelligence transparaĂźt, fait des saillies, Ă©clate comme des bulles de gomme Ă  mĂącher, au dĂ©tour de scĂšnes incisives, d'Ă -propos musicaux et d'une mise en scĂšne qui trace un plan de vol cohĂ©rent. Point de respiration, tout est prĂ©texte Ă  s'esclaffer. Les situations, les blagues, les Ă©changes, les chorĂ©graphies. Le public reste un peu plus d'une heure durant, en suspension, grisĂ© de rire et de douce nostalgie, les sketches des comĂ©diens le ramenant Ă  une jeunesse rĂ©volue oĂč il croyait tout ce qu'on lui disait et en Ă©tait heureux. C'est la magie de ce show dĂ©jantĂ©. On approuve, on partage, on applaudit Ă  rompre les entraves de la rĂ©alitĂ©. Et on salue jusqu'Ă  terre la performance physique ! Attention, prolongations jusqu'au 29 avril 2018 !

A

Co-Ă©crit et avec Benjamin Isel et Hadrien Berthaut.

p

Mise en scÚne : Georges Beller. Au théùtre du Marais, 37 rue Volta, 75003 Paris. Prolongations Les dimanches à 19 h. Durée : 1h05.

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LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE

PAR QUENTIN HAESSIG

VOTRE PLATEAU TV

OSC CITY

OCS MAX

COUNTERPART

ATLANTA

C ounterpart raconte l’histoire d’Howard Silk, modeste employĂ© dans une agence de l’ONU, qui dĂ©couvre que l’entreprise pour laquelle il travaille lui a

L 'aventure continue pour

cachĂ© l’existence d’un portail menant Ă  une dimension

Donald Glover et toute la bande

parallÚle. Une série à « double jeu » pleine de

d’Atlanta. La deuxiùme saison sera

rebondissements avec dans le premier rĂŽle un J.K.

diffusée dÚs le 1er mars 2018 sur

Simmons bluffant.

OCS City.

La saison 1 diffusée chaque dimanche sur OSC MAX.

AprĂšs une premiĂšre saison

LA SÉRIE ÉVÉNEMENT

récompensée par deux prix aux Emmys Awards, la série orchestrée par le génial Donald Glover (réalisateur, producteur, scénariste et acteur) est trÚs attendue. Au scénario, pas de grands changements, on retrouvera Donald Glover, Brian Tyree Henry, Zazie Beetz et Lakeith Stanfield. Paper Boi parviendra t-il enfin à se

grand retour il y a quelques semaines sur Canal+

faire une place dans le rap game d’Atlanta ? RĂ©ponse dans quelques jours.

La saison 2 disponible le 1er mars 2018 sur OCS City.

CANAL +

BARON NOIR

pour une deuxiÚme saison qui tient toutes ses promesses. Kad Merad est une nouvelle fois remarquable dans le rÎle du « baron noir » et nous épate à chaque épisode. Les autres

P hilippe Rickwaert (Kad Merad) et AmĂ©lie comĂ©diens ne sont pas en reste et remplissent Ă©galement leur mission de fort belle maniĂšre Dorendeu (Anna Mouglalis) reforment leur binĂŽme et sont prĂȘts Ă  tout pour accĂ©der au

(Hugo Becker, François Morel, Astrid Whettnall,

pouvoir et sauver la RĂ©publique prise en Ă©tau

Pascal Elbé ).

entre l'extrĂȘme-droite et le fanatisme religieux.

Huit Ă©pisodes d’une efficacitĂ© redoutable pour

Amélie Dorendeu, candidate à l'élection

une série plus vraie que nature sur les coulisses

présidentielle, suit la stratégie trÚs risquée de

de la politique. Les ressemblances avec la réalité

Philippe Rickwaert, tout juste sorti de prison et

sont parfois troublantes, que ce soit Emmanuel

contraint Ă  ĂȘtre un conseiller clandestin dans

Macron, Benoit Hamon ou Jean-Luc MĂ©lenchon,

l'attente de son procĂšs.

tous se reconnaitront probablement dans cette

La série créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste deuxiÚme saison. Bonne nouvelle pour les fans de la série, la fin du huitiÚme épisode laisse Delafon et réalisée par Ziad Doueiri faisait son LFC MAGAZINE | #7 | 178

La saison 2 de Baron Noir est disponible en intégralité sur MyCanal.

prĂ©sager le dĂ©but d’une troisiĂšme saison
 On vous laisse dĂ©couvrir !


LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE

DU MOIS DE MARS 2018 NETFLIX

FOX / CANAL +

CHRIS ROCK ela faisait dix ans que l’on attendait C son retour sur scĂšne. C’est chose faite, Chris Rock est de retour dans un nouveau spectacle intitulĂ© « Tamborine » disponible sur Netflix. AprĂšs le retour de son ami Dave Chapelle (qui aurait signĂ© un contrat de plus de soixante millions de dollars avec Netflix pour trois shows), Chris Rock a, Ă  son tour,

THE AMERICANS

S i vous avez vu les deux premiĂšres

ARTE

Netflix), vous vous souvenez

rĂ©pondu positivement aux sirĂšnes de la plateforme de Los Gatos. Pendant un peu plus d’une heure, le comĂ©dien connu notamment pour ses nombreuses apparitions dans le Saturday Night Live, parle sans filtres de la

JEAN-MICHEL BASQUIAT, LA RAGE CRÉATIVE

paternité, de son divorce, de la chanteuse

L ’oeuvre du peintre Jean-Michel

Rihanna et bien entendu du sujet le plus

Basquiat, mort d’une overdose en 1988 à

controversé en ce moment aux U.S.A. :

seulement vingt-sept ans, bat aujourd’hui

Donald Trump. Un spectacle Ă  ne pas

des records dans les salles de vente. Ce

manquer !

documentaire revient sur le parcours

Le spectacle Tamborine de Chris Rock est disponible sur Netflix.

saisons de Daredevil (disponibles sur certainement de The Punisher. Il a aujourd’hui droit Ă  sa sĂ©rie rĂ©alisĂ©e par Steve Lightfoot (rĂ©alisateur notamment d’Hannibal). AprĂšs Luke Cage et Iron Fist, deux sĂ©ries assez dĂ©cevantes, espĂ©rons que Marvel rĂ©ussisse son pari avec Frank Castle ! The Americans, la saison 6 diffusĂ©e aux USA sur la FOX puis en France sur CANAL+.

atypique d’un gosse de Brooklyn devenu superstar. C’est certainement l’un des artistes les plus douĂ©s de sa gĂ©nĂ©ration, Jean-Michel Basquiat, nĂ© Ă  Brooklyn en 1960, est parvenu en quelque annĂ©es Ă  devenir un artiste majeur de la pop culture. Artiste avant-gardiste, pionnier du mouvement underground et meilleur ami d’Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat a Ă©tĂ© l’un des artistes amĂ©ricains les plus influents du XXĂšme siĂšcle.

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Le documentaire, diffusĂ© sur ARTE il y a quelques jours, pose une question existentielle : Ă©tait-il un gĂ©nie torturĂ© et autodestructeur ou fut-il entraĂźnĂ© malgrĂ© lui dans la spirale mortifĂšre de la gloire et de ses excĂšs ? L’exposition "Basquiat. Boom for real" sera prĂ©sentĂ©e Ă  l’automne Ă  la Fondation Louis Vuitton.

Le documentaire Jean-Michel Basquiat, la rage crĂ©ative est disponible en replay sur ARTE jusqu’au 26 mars 2018.


LFC LE MAG :

RENDEZ-VOUS ENTRE LE 29 MARS AU 2 AVRIL 2018 POUR LFC #8 Cela semble impossible jusqu'Ã ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA


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